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De la débandade indescriptible de l’Armée rouge qui a suivi l’attaque allemande du 22 juin 1941, lors des premiers mois de la guerre, au déploiement du rouleau compresseur russe qui a entériné la victoire des Alliés en mai 1945, le front germano-soviétique a été le théâtre d’une histoire des plus marquantes pour le peuple sous le régime stalinien. Tout au long du conflit, la majorité des combattants soviétiques ont entretenu une correspondance avec leurs proches. Les lettres composant cette correspondance transpirent toute l’âpreté des dures conditions du front où se sont affrontées deux idéologies incompatibles, chacune visant l’annihilation complète de l’autre. Ces textes constituent une grande richesse puisqu’ils donnent un accès direct à l’univers mental de ces soldats.

En comparant les comportements des soldats sur les différents fronts durant la Seconde Guerre mondiale et en étudiant les facteurs influençant ces comportements, comme l’endoctrinement ou encore les conditions physiques des lieux de combats, les travaux de nombre d’historiens ont montré l’existence d’une violence particulière des contacts entre les combattants, la population locale et l’ennemi dans la guerre sur le front germano-soviétique. Notablement plus brutal que le conflit armé entre les forces de l’Axe et les Alliés qui s’est déroulé en Europe de l’Ouest, l’affrontement entre la Wehrmacht et l’Armée rouge a été d’une violence sans égale sur le continent[1]. Mon étude s’inspire ainsi des travaux d’Omer Bartov et de ses successeurs[2] sur le phénomène de la « barbarisation » des soldats allemands sur le front germano-soviétique, de différentes études abordant la réalité du soldat au front et la vie quotidienne au temps de Staline[3], ainsi que d’ouvrages[4] qui, en exploitant comme sources de base des correspondances ou des récits personnels, ont montré leur pertinence comme source historique.

Cette communication rapporte les résultats de travaux de recherche s’intéressant au quotidien des soldats soviétiques sur le front germano-soviétique entre 1941 et 1945 et qui consiste en une analyse de leurs correspondances personnelles. Dans cet article, j’entends analyser les facteurs qui ont mené à la « barbarisation » d’Ivan, le nom générique donné au soldat soviétique moyen, au cours de la Grande Guerre Patriotique. D’une part, je me pencherai sur les conditions physiques et psychologiques dans lesquelles Ivan a évolué. D’autre part, j’identifierai le rôle joué par l’idéologie du régime.

La théorie de la « barbarisation » des soldats d’Hitler (Bartov) dans le contexte soviétique

En mettant de l’avant une approche sociale de la guerre, aussi appelée l’analyse « par le bas », cette étude s’appuie sur le cadre d’analyse développé par Omer Bartov dans l’ouvrage The Eastern Front 1941-45: German Troops and the Barbarisation of Warfare[5]. En se concentrant sur l’étude de trois divisions de l’armée allemande, Bartov observe un phénomène de « barbarisation » des soldats allemands sur le front germano-soviétique qui résulte de trois différents facteurs[6] : les difficiles conditions du front, les antécédents sociaux et éducationnels et l’endoctrinement des troupes à l’idéologie[7]. Comme Bartov, je définis « barbarisation » comme l’ensemble du phénomène expliquant les comportements extrêmement violents adoptés par les troupes de deux camps qui s’affrontent jusqu’à l’annihilation complète d’un des belligérants. Ma définition du terme « brutalisation » se rapproche quant-à-elle du sens que lui donne George L. Mosse dans De La Grande Guerre au totalitarisme[8]. Il désigne le résultat de l’exposition d’un ou des individus à la violence de la guerre et ayant pour conséquence de modifier son état psychologique. Un individu « brutalisé » a été en contact avec la brutalité, mais n’adopte pas nécessairement un comportement violent. Un bon exemple est la victime du « shell shock », maintenant appelé le syndrome de stress post-traumatique. Cette personne est « brutalisée » par la guerre, mais reste parfois passive face à sa violence. Sur le front germano-soviétique, la « brutalisation » du soldat moyen a entraîné le phénomène de la « barbarisation ».

Selon Bartov, trois facteurs ont contribué à la formation d’une armée de soldats qui dérogeaient de la discipline établie et étaient prêts à se battre jusqu’à la destruction totale de l’ennemi perçu comme racialement inférieur. D’abord, le choc du passage entre les conforts de vie civile et les conditions inhumaines de survie au front—les longues marches, les problèmes de ravitaillement, l’impossibilité de maintenir une hygiène de base, le froid et la maladie, etc.—ont « brutalisé » les soldats allemands. Puis, la promotion rapide de cette génération de combattants exposés dès le plus jeune âge aux idées nazies et une constante exposition à la propagande du régime pendant le conflit ont complété l’endoctrinement de ces hommes. Appliqué à mon corpus, ce modèle est utilisé pour déterminer si ces trois facteurs, qui ont joué un important rôle dans le cas des soldats d’Hitler, peuvent également expliquer la « brutalisation » des soldats de Staline pendant cette période. Plus précisément, l’analyse de mon corpus a pour objectif de répondre aux questions suivantes : Comment les nouvelles conditions imposées par la vie militaire ont changé l’univers physique et psychologique de ces hommes et femmes envoyés au front ? Quels étaient les sujets abordés par ces soldats dans les lettres qu’ils écrivaient à leurs proches ? Quelles étaient leurs motivations à combattre ? Comment percevaient-ils l’ennemi nazi ? Mon analyse cherche à identifier, dans le discours tenu par les soldats, les traces d’endoctrinement par la propagande et de « brutalisation » du soldat, conséquences du phénomène de « barbarisation » du front de l’Est.

Le corpus de sources analysé dans le cadre de la recherche ayant mené à cet article est constitué de 175 lettres écrites par les combattants soviétiques au front. De cet ensemble, 125 lettres proviennent de vingt différents recueils de correspondances publiés. Le principal critère considéré pour la sélection de ces recueils fut la date de parution, puisque les lettres publiées après la fin des années 1980 présentent un diapason idéologique plus hétérogène (seuls les documents publiés après 1989 ont été retenus). La région de publication joue aussi un rôle-clé dans ce processus. Les recueils retenus ont été édités dans différentes villes (Petrozavodsk, Ul’ânovsk, Arhangel’sk, Râzan›, etc.), un choix conscient visant à obtenir des lettres provenant diverses régions et pour éviter l’excès d’importance accordée à Moscou. Les cinquante autres lettres, qui n’ont jamais été publiées, ont été puisées dans les Archives militaires de l’État de Russie (RGVA) et d’autres sont conservées dans différents fonds privés des Archives centrales de la ville de Moscou (CAGM). Dans le cas des lettres non publiées, le caractère aléatoire de l’échantillonnage a été préservé.

Les 175 lettres couvrent l’ensemble de la période dans une proportion relative, bien que l’année 1941 soit surreprésentée (24,6 %) et l’année 1945 sous-représentée (8 %)[9]. Il est à noter que la longueur de ces lettres est assez variable, mais la plupart sont assez courtes (la longueur moyenne est de 231 mots). En sélectionnant un maximum de trois lettres par militaire, l’ensemble du corpus comprend 123 auteurs (115 hommes et huit femmes) qui proviennent de plus de trente différentes régions de l’URSS (la provenance de l’auteur est inconnue dans 31,7 % des cas) et 46,3 % des auteurs (dont l’âge est mentionné) sont nés entre 1917 et 1924, ce qui signifie que ceux-ci étaient âgés entre 17 et 24 ans au début de la guerre et entre 21 et 28 ans à la fin. Mon échantillon semble plutôt représentatif si on le compare aux données de l’historienne Catherine Merridale : « There were also wide variations in the soldier’s ages. The majority of the conscripts were born between 1919 and 1925, but older men, including tens of thousands in their forties, were also called up »[10]. Bien que l’information sur le poste occupé ne soit pas disponible pour tous les militaires du corpus, il est possible d’observer qu’ils sont bien répartis dans les différentes armées et divisions: l’armée de l’air (8,9 %), la marine (4,9 %) et l’armée de terre (9,8 % dans l’infanterie, 8,1 % dans les divisions blindées, 18,7 % dans l’artillerie et moins d’un pourcent dans la cavalerie). Certains auteurs sont même membres de la résistance (4,1 %), de brigades médicales (3,2 %, dont une majorité de femmes) ou qui occupent le poste de commissaire politique (5,7 %).

Les conditions physiques d’Ivan

Ivan parlait beaucoup, dans ses correspondances, des conditions physiques dans lesquelles il évoluait. 63,4 % des lettres de mon corpus abordent l’alimentation des soldats, leur hygiène, leurs conditions de travail et la logistique au front, ce qui montre bien que c’était un sujet prioritaire. Tout au long de la période soviétique, et plus particulièrement lors du régime stalinien, l’alimentation était une préoccupation centrale, au coeur des conversations quotidiennes du ménage moyen. Le système de rationnement imposé à l’ensemble de l’URSS à la suite de la collectivisation a causé maintes disettes et famines et a inévitablement marqué le peuple soviétique, qui a dû lutter pour sa survie durant cette période. Puis, la guerre a bien évidemment entraîné une dégradation des conditions alimentaires, comme le souligne Catherine Merridale :

This was a time when almost everyone—not only soldiers, but collectivized peasants and even some communities of workers—was going hungry. […] Food was a standing grievance everywhere. This is true for all armies, as budget catering and hungry men are on a fixed collision course, but the Soviet case belongs in a special case. However cold it was outside, the barracks kitchen would be rank and fogged with grease. Lunch—a soup containing sinister lumps of meat, due to be served with black bread, sugar and tea—steamed on wood stoves in giant metal pots[11].

Il n’est donc pas étonnant qu’un grand nombre d’auteurs abordent le sujet de leur alimentation dans les lettres à leurs proches. Les propos des soldats dans leurs lettres démontrent que les repas servis étaient souvent de piètre qualité, que la nourriture était en quantité insuffisante, et que les portions variaient en fonction du grade. Par exemple, le poste occupé influençait grandement les rations attribuées, comme l’explique une lettre datant de novembre 1944 : « En tant qu’éclaireurs, ils nous donnent davantage de matières grasses, de sucre que la norme et 900 grammes de pain »[12] (traduction libre[13]). L’état de la situation militaire et la localisation par rapport au front jouait également un rôle. Les soldats encore en formation étaient mieux nourris, vu les installations permanentes disponibles, et avaient un horaire de repas plus stable, comme le démontre cet extrait d’une lettre de Viktor Fedorovich Skorniakov datant d’avril 1943 : « Bien, nous sommes nourris trois fois par jour, de la bonne soupe et 200 grammes de pain, pour le lunch du midi, ils nous donnent de la soupe, parfois du shchi ou du kasha et 200 grammes de pain et pour le souper, de la soupe avec 200 grammes de pain »[14]. Alors que dans le train vers le front, un soldat précise qu’on leur donnait « des denrées à chaque 3 jours et non à chaque 2 jours »[15]. Sur un total de vingt-six lettres qui abordent l’accès aux aliments pour les combattants, une minorité critique les repas servis. Le soldat Ûrij Emel’ianovič Kocukov se plaint du manque de pain dans deux lettres adressées à sa mère, dont l’une date de mai 1942 (l’autre est sans date)[16]. Quant à Nikolaj Petrovič Majorov, il décrit l’alimentation comme étant « (très) mauvaise »[17]. D’autres soulignent qu’ils ne connaissent pas vraiment de privations, mais expliquent qu’ils n’arrivent quand même pas à bien se nourrir, qu’ils n’ont tout simplement pas le temps de manger à cause de leur surcharge de travail[18].

Dans le corpus, peu d’auteurs parlent de leur consommation d’alcool et de tabac au front. Le marin Viktor Mihajlovič Barsov est un cas d’exception. Il raconte ainsi ses célébrations du Jour de l’An à ses parents :

J’ai agréablement souligné le Nouvel An. Le soir, j’ai bu 250 grammes de vodka et les bouchées n’étaient pas mauvaises. Le matin, pour la gueule de bois, j’ai tiré encore 200 grammes. Cependant, ne pensez pas que votre poussin a commencé à boire. Je refuse souvent plus de 100 grammes des portions règlementaires[19].

Cet extrait montre bien qu’il y avait une certaine réticence à élaborer sur ce sujet sensible vu le risque que les propos puissent être mal interprétés par le destinataire. Aussi, l’omission de ce sujet dans plusieurs des lettres peut aussi être expliqué par un état d’abondance : l’Armée rouge fournissait à ses soldats une ration quotidienne. Quant à la consommation de tabac, très peu d’auteurs en parlent dans leurs écrits. Quelques auteurs écrivent à leurs proches au sujet du fait qu’ils manquent de tabac[20]. Le fait que ce thème se retrouve rarement dans les sources peut signifier que les soldats avaient normalement sous la main une quantité suffisante de tabac pour leur consommation personnelle et ne considéraient donc pas que cela était digne de mention dans les lettres à leurs proches.

Lorsqu’on se penche sur les dures conditions d’alimentation des soldats soviétiques sur le front, il est tentant de convenir qu’elles ont contribué, de la même manière que celles des Allemands, à « brutaliser » les troupes et ce, dès 1941. L’historienne Lizzie Collingham résume d’ailleurs la dramatique situation du début de la guerre :

By the end of 1941 [...] the country faced a food crisis of immense proportions. The centralized food distribution system focused all its energies on feeding the 12-13 million men in the armed forces. Red Army soldiers were allocated a frugal 2,954 calories a day on active duty. In normal circumstances this would support a moderately active man. In combat, the rations were supposed to increase to 3,450 calories a day, a good 700 calories short of what a soldier needs to eat when fighting in cold conditions[21].

Collingham précise que la ration « relativement modeste » de l’armée britannique prévoyait 5300 calories pour ses hommes qui se battaient dans les climats froids, ce qui confirme que les soldats de l’Armée rouge étaient indubitablement sous-alimentés durant le conflit[22]. D’un autre côté, l’analyse de mon corpus m’amène à conclure que les auteurs s’accommodaient pas trop mal des portions fournies, état qu’on peut expliquer par leur passé soviétique. Le rationnement avait été le quotidien de la population de l’URSS depuis la Révolution, contrairement aux Allemands qui ont passé d’un niveau de vie européen acceptable pendant l’avant-guerre à l’enfer du front. L’impression générale du contenu des sources au sujet de l’alimentation permet donc d’argumenter que le facteur des conditions physiques du front dans le processus de « barbarisation » sur le front de l’Est a eu un impact beaucoup moins important sur les troupes soviétiques que sur les soldats d’Hitler.

Les conditions d’hygiène de ces combattants étaient encore plus difficiles que celles liées à leur alimentation. Les combattants avaient rarement l’occasion de se laver et de changer de vêtements. Au sein de mon corpus, les écrits qui abordent le sujet de l’hygiène corporelle semblent corroborer l’idée que les bains au front étaient peu fréquents et dignes de mention dans les lettres aux proches. Dans sept lettres datant majoritairement de l’automne 1941, six auteurs mentionnent les effets positifs des séances de banâ (le sauna russe). Élaborant plus largement au sujet ses conditions de logement, Tadeuš Aleksandrovič Kopinskij écrit en septembre 1941 : « Je vis dans une maison, ils ont lavé mes vêtements, je me suis lavé dans le banâ et, immédiatement, j’ai rajeuni »[23]. Quant au sous-lieutenant Igor’ Kirilovič Basin, il décrit qu’il a marché huit kilomètres pour se rendre au bain et que c’est avec grand plaisir qu’il s’est lavé[24]. Un seul auteur critique à proprement dit le manque d’hygiène au front. Dans sa lettre du 5 novembre 1941, Vladimir Ivanovič Šihev écrit : « Il y a peu de temps, nous sommes allés au bain et nous avons mis des vêtements propres et chauds, toutefois nous vivons tous dans un espace chauffé, mais bondé et nous nous grattons »[25]. Les rares occasions de mettre des vêtements propres étaient, selon Omer Bartov, un problème chronique pour les soldats allemands sur le front de l’Est, difficulté, évidemment, également rencontrée dans le camp soviétique : « [...] as the troops could not wash or change their clothes they were infested with lice and suffered from frequent skin infections »[26].

Ces hommes étaient constamment dans un état de fatigue chronique, leurs vêtements étaient infestés de poux, ils tombaient souvent malades et on leur administrait rarement les soins appropriés en cas de blessure. Plusieurs décrivent avec moult détails le cauchemar de dormir dehors, exposés aux intempéries, sans même enlever les bottes[27]. Durant l’année 1942, deux différents auteurs soutiennent qu’ils n’ont pas dormi depuis quatre jours[28] et un autre relate qu’il n’a pas pu dormir plus de douze heures en sept jours[29]. Durant la deuxième moitié de la guerre, les auteurs se plaignent surtout du fait qu’ils dorment par à-coups, qu’ils ne se reposent qu’une heure, une heure trente, avant de retourner au combat[30]. En plus de la fatigue, le manque d’hygiène infligé par la promiscuité des autres rendait la propagation des maladies inévitables sur le terrain. L’état de santé général des soldats dans les lettres du corpus est également un sujet souvent abordé, mais rarement en détail. Encore une fois dans le but de rassurer leurs proches, une majorité de militaires écrivent dans leurs lettres qu’ils vont bien, en employant généralement la célèbre formule « Â živ i zdorov » qui signifie littéralement « je suis vivant et en santé », expression dont le sens se rapproche plus de « je suis sain et sauf » en français. En fait, seulement quatre auteurs s’expriment plus exhaustivement à propos de leur expérience de la maladie au front ou abordent les soins de santé offerts sur place. Il est à noter que chaque fois qu’un combattant mentionne qu’il a été malade, il s’assure toujours de terminer sur une note positive en démontrant son état de santé amélioré[31].

Bien que ces hommes aient souffert du froid, ils étaient, selon leurs dires, assez bien vêtus pour lutter contre l’hiver russe : quinze lettres parlent plus spécifiquement des vêtements qu’ils portaient au front. Souvent, les auteurs ne font que la liste des vêtements reçus[32], bien que la plupart insistent sur le fait que ceux-ci sont chauds, adaptés au climat hivernal : « Il fait déjà froid. Mais nous sommes bien habillés, […] À nous, le froid ne fait pas peur... »[33]. Les conditions de travail étaient également très difficiles pour ces soldats. Leurs quarts de travail étaient très longs, les hommes n’avaient que peu de temps pour se reposer. Dans sa lettre datée de décembre 1943, le tankiste Mihail Konstantinovič Steženskij fait également le récit de son arrivée au front, qui illustre bien la portion du temps de travail par rapport au temps de repos : « Immédiatement à notre arrivée sur le front, nous sommes entrés dans le combat et nous en sommes sortis après plus d’une semaine entière. [...] Ensuite, il y a eu un répit d’une semaine, puis, nous avons combattus deux-trois jours, et maintenant, nous nous reposons »[34].

La mauvaise météo compliquait sensiblement la vie des soldats car ils devaient performer malgré la pluie et le froid et réaliser de longs déplacements en bravant la boue. Par exemple, en mai 1943, un tankiste explique l’enfer lié aux pluies abondantes: « Le temps est horrible: de la pluie, de la pluie, de la pluie sans fin. Donc, tu n’arrives presque jamais à faire quelque chose avec le tank »[35]. De plus, ces soldats évoluaient dans des conditions difficiles, vu qu’ils étaient souvent exposés à une canonnade soutenue : « Même si nous sommes à environ soixante à quatre-vingt kilomètres du front. Les avions volent. On peut entendre des bombes exploser. On peut entendre une forte canonnade, vu que l’ennemi a décroché une attaque de grande envergure »[36].

La logistique de l’Armée rouge, pendant la Deuxième Guerre mondiale, était assez primitive, ce qui a eu un impact notable sur les conditions de logement ainsi que sur l’accès à l’équipement et à certains biens de consommation pour les militaires au front. Les lettres étudiées laissent transparaître de terribles conditions de logement. Les espaces étaient surpeuplés, rarement chauffés, et souvent les combattants dormaient tout simplement dehors, exposés aux intempéries. Douze auteurs décrivent à leurs proches comment ils vivent dans treize différentes lettres. En septembre 1941, Mihail Vasil’evič Suhorukov écrit à sa femme et son fils qu’il vit dans les tranchées[37] alors que Mark Solomonovič Zorkij mentionne à une amie qu’il « habite dans la forêt, dans un abri »[38]. Par contre, plus tard dans la guerre, les troupes logeaient souvent chez l’habitant et, choyés par l’accueil de la population, certains auteurs ont écrit, en 1943 et en 1944, qu’ils vivaient chez l’habitant et se faisaient traiter comme des fils[39].

Quant à l’équipement militaire fourni, il était insuffisant, surtout au début de la guerre, selon plusieurs tankistes[40]. Le nombre peu élevé de correspondances abordant l’accès à l’équipement peut s’expliquer par le fait que l’Armée demandait aux soldats de taire les détails des opérations militaires et du matériel disponible dans un but de sécurité, afin d’éviter d’informer l’ennemi s’il advenait qu’il interceptait le courrier. Aussi, la mention du manque de munitions ou encore d’armes dans une lettre aurait pu être interprétée comme une critique et l’auteur, accusé de propagande antisocialiste. L’approvisionnement en biens de consommation était aussi problématique : rares étaient ceux qui pouvaient se procurer régulièrement des biens de consommation de base comme du savon, du papier, des crayons, des rasoirs, etc[41]...

À première vue, les conditions de vie d’Ivan rappelaient celles du soldat moyen de la Wehrmacht. Par contre, les perceptions et réactions des soldats de Staline face à cet environnement étaient bien différentes de celles des Allemands. Dans leurs lettres, les Soviétiques minimisaient la dureté des conditions du front, considérant qu’ils ne s’en sortaient pas trop mal. Cela peut s’expliquer, bien sûr, par le type de sources étudiées ici. Il apparait évident que les propos des auteurs visaient à rassurer leurs proches au sujet de leur bien-être physique au front, comme le démontre cet extrait d’une lettre écrite par Konstantin Aleksandrovič Paršikov à un proche (à sa soeur ou à sa mère) le 10 décembre 1942 : « Pour l’hiver, je suis bien préparé, chaudement habillé. Ne vous inquiétez pas, j’ai tout comme l’hiver passé. Je reste en santé et de cela, je suis bien heureux »[42]. D’un autre côté, vu les standards de vie dans lesquels il avait évolué depuis le début de l’instauration du régime socialiste dans son pays, le Soviétique moyen avait expérimenté de bien pires conditions. Les historiens Catherine Merridale et Roger R. Reese ont d’ailleurs argumenté que le recrutement d’Ivan dans l’Armée rouge lui a permis, dans la majorité des cas, d’être mieux alimenté que lorsqu’il était un civil ordinaire avant la guerre[43]. Un bon exemple est la lettre du tankiste Boris Nikolaevič Dimitrievskij qui détaille à sa mère le 28 mai 1943 :

Les conditions de vie sont excellentes ici. Nous vivons dans les bois. Les repas sont très bien: de la viande, du porc, de la nourriture en conserve, du riz et du sarrasin, etc. Ils donnent aux commandants du tabac blond ou des cigarettes, des biscuits et du beurre. Si tu me voyais maintenant, probablement que tu ne me reconnaîtrais pas immédiatement. J’ai bien récupéré. Mon visage est presque rond[44].

Dans l’ensemble, les conditions de vie des Soviétiques étaient difficiles au front, mais jamais dans une proportion semblable au choc expérimenté par les Allemands. Pour ne souligner que cet exemple spécifique, l’habillement des soldats d’Hitler ne trouva jamais d’équivalent aux chauds vêtements d’hiver des Russes. Le froid incommoda les combattants des deux camps, mais, selon ses dires, le Soviétique moyen géra relativement bien les désagréments de la saison hivernale, alors que l’ennemi allemand fut anéanti, physiquement et psychologiquement, par son exposition au froid. Selon Omer Bartov, c’est, entre autres le passage d’un bon standard de vie aux conditions difficiles du front qui a « brutalisé » les Allemands et les a amenés à adopter un comportement particulièrement violent sur le front germano-soviétique entre 1941 et 1945. Selon mes sources, cette situation ne s’applique pas vraiment aux Soviétiques, puisqu’ils avaient déjà, par le passé, expérimenté des conditions de vie similaires qui les avaient bien préparés à leur survie au front. Ainsi, mon analyse des conditions physiques d’Ivan à travers ses correspondances personnelles permet de conclure que le premier facteur du modèle de Bartov, celui selon lequel les conditions physiques particulières du front jouent un rôle-clé dans le développement du phénomène de la « barbarisation » des soldats allemands, ne peut pas expliquer de la même manière la « brutalisation » des Soviétiques. Mes résultats nuancent donc l’importance accordée aux conditions physiques du front pour expliquer ce processus dans le cas soviétique par rapport au cas allemand.

Les conditions psychologiques d’Ivan

Les propos du soldat soviétique moyen qui traitent du moral des troupes au front, de ses inquiétudes au sujet de ses proches restés à l’arrière et de son état général du point de vue émotif sont fréquents dans ses correspondances personnelles et apparaissent dans plus de la moitié des lettres du corpus. Malgré le fait que plusieurs auteurs ont souvent évité d’aborder la question des opérations militaires afin de se conformer aux exigences de la censure, certains auteurs du corpus en parlent en mettant à l’avant-plan le bon moral des troupes au front. Généralement, le ton restait optimiste et ce, pour l’ensemble de la période, ce qui est très surprenant vu l’état dramatique de la situation militaire en 1941[45]. Aux dires des auteurs, les succès de l’Armée rouge se succédaient et la victoire soviétique était proche (même en 1941-1942 !) comme le montre l’extrait d’une lettre de Viktor Konstantinovič Mitin, datée du 31 décembre 1942, qui calque les textes de la propagande soviétique : « Nous ne devons pas donner le temps à l’ennemi de récupérer et le conduire le plus loin possible. Cela, comme vous l’avez appris des journaux et des communications du Sovinformbûro à la radio, nous combattants, le faisons assez bien jusqu’à aujourd’hui »[46].

D’ailleurs, l’accès aux journaux et la possibilité d’écouter la radio étaient toujours une source de motivation très grande pour les soldats, comme le montre la lettre du soldat d’infanterie Valentin Ivanovič Aleksašin adressée à sa femme et à son fils datant de février 1942 :

J’écoute la radio moscovite ! Tu peux t’imaginer ce que cela signifie pour moi, ne pas voir pendant quatre mois aucun journal et ne pas entendre de propos en direct ? ! Je ne sais pas comment Moscou se porte, mais la radio moscovite vit comme avant, avec les mêmes lecteurs de nouvelles, les mêmes artistes et presque les mêmes chansons. Je sais que durant ces quatre mois, Moscou a survécu et elle et ses habitants ont souffert beaucoup plus que moi. Mais maintenant, écoutant la voix d’un locuteur natif de Moscou, j’aimerais faire des blagues, et peut-être pour la première fois, je souris dans mon coeur[47].

En plus de la radio, les soldats appréciaient particulièrement les distractions comme la lecture, le cinéma, les spectacles ainsi que les congés qui leur permettaient parfois de s’éloigner du front, même pour une courte période. Par exemple, Ûrij Valentinovič Maslenikov écrit à un ami, en mars 1942, ce qu’il fait pour passer le temps : « Je consacre mes temps libres à la lecture (effectuée en allemand) et aux lettres (j’envoie et j’attends—jusqu’à date sans résultat) »[48]. Alors qu’en mai de la même année, Ivan Il’ič Dûžev consacre une partie d’une lettre à sa femme pour lui parler de ses loisirs, du cinéma et des concerts qu’ils ont au front[49]. En janvier 1943, le sous-lieutenant Anatolij Andreevič Esenin mentionne dans une lettre à ses parents que « parfois, on présente un film, les samedis et les dimanches, il y a des danses »[50]. Plusieurs auteurs décrivent dans leurs lettres comment ils passent leurs temps libres, mais très peu parlent spécifiquement de la possibilité de réelles vacances, à l’exception de Ekaterina Ivanovna Anan’ina, qui explique à ses proches les délais dans son projet de venir les visiter à la maison : « S’ils me donnent mes vacances, je viendrai en mai ou en juin. Nous planifions y aller à deux avec une femme d’Arhangel’sk, mais ils ont reporté nos vacances à toutes les deux »[51].

Comme Ekaterina Ivanovna Anan’ina, plusieurs auteurs parlent également des gens qu’ils côtoient au front dans leurs lettres. Ils décrivent leurs collègues, élaborent au sujet de leurs échanges, de l’importance de leurs camarades d’armes dans leur quotidien[52]. Toutefois, selon les auteurs, rien n’équivalait la venue du courrier et avec lui, des nouvelles de leurs proches. Les soldats au front témoignent dans leurs écrits de leur incessante inquiétude pour leurs familles restées à l’arrière, thème qui constitue sans aucun doute le sujet le plus abordé dans les sources. Plus précisément, trente-neuf lettres non-publiées sur cinquante, et quatre-vingt-cinq lettres publiées sur un total de 125 abordent ce thème. Ivan voulait à tout prix connaître les dispositions de ses correspondants par rapport à l’alimentation, le logement, le travail, etc. Il cherchait à localiser ses proches et à savoir qui était vivant et qui n’avait pas survécu à la guerre[53]. Le soldat soviétique moyen se souciait de l’organisation de sa maisonnée et craignait de se voir oublier par sa bien-aimée ou par ses enfants pendant son absence[54]. Ainsi, le bien-être d’Ivan était souvent victime des fluctuations de la poste comme le soutient Vitalij Mihajlovič Arkhipov, en août 1944 :

Je ne peux pas vous exprimer quelle a été la joie dans mon coeur, quand ils m’ont présenté cette enveloppe. Ces lignes m’ont donné tant de force et de courage que je suis maintenant prêt à déplacer des montagnes. Une lettre au front, c’est le moyen plus utile, qui non seulement m’encourage, mais me sauve de la mort[55].

De plus, l’étude de l’état psychologique général d’Ivan, à travers ses lettres, démontre que son exposition à la dure réalité du front l’a amené à expérimenter une panoplie d’émotions particulières. Au front, Ivan écrivait au sujet de sa difficulté de parler de la guerre et de son incertitude quant à sa survie et à sa destinée. Dans ses lettres à ses proches, il parlait aussi de son ennui et de son impatience à aller au combat, en plus d’exprimer parfois sa peur lors des affrontements ou plus largement sa crainte de mourir. Par exemple, dans une lettre datée de novembre 1943, le lieutenant Sergej Stepanovič Lavrov écrit à sa femme et à ses enfants : « Lena, je ne sais pas si je vais pouvoir vous revoir ou non ? C’est difficile de savoir. Les balles et les projectiles, ils ne comprennent pas, ils n’épargnent pas. Pareils pour tous, tant pour les commandants que pour les combattants »[56]. Certains soldats faisaient aussi des plans pour l’avenir, particulièrement au moment où la victoire semblait de plus en plus accessible[57]. Finalement, les bienheureux qui eurent la chance de survivre jusqu’au jour de la victoire ont également décrit dans leurs correspondances la joie profonde de sortir vainqueurs de ce conflit contre les fascistes, mais surtout de finir la guerre indemnes.

Les extraits de lettres abordant le moral au front permettent de dégager une tendance claire à l’optimisme et, plus encore, au calque de la propagande. Les auteurs présentaient les faits sous leur meilleur jour dans leurs correspondances personnelles et reprenaient les informations, parfois fausses, des journaux et des bulletins de nouvelles radiophoniques. Les soldats soviétiques soulignaient le bon moral de leurs camarades d’armes, les succès de leurs unités et presque tous exprimaient leur confiance en une victoire prochaine de l’Armée rouge, même au moment où cela paraissait improbable. Bien sûr, la censure a certainement joué un rôle dans l’adoption de ce discours, tout comme la volonté des soldats d’annoncer de bonnes nouvelles à leurs proches pour les rassurer. D’un autre côté, l’ensemble pousse à croire à la sincérité des auteurs pour une grande part de ces propos. Il est important de rappeler que les Soviétiques avaient été soumis à une propagande constante depuis la Révolution, exposition qui avait entrainé une forte politisation de la vie quotidienne en URSS avant même le début du conflit. Cet endoctrinement d’avant-guerre a rendu Ivan beaucoup plus perméable à la propagande soviétique pendant le conflit, contribuant sensiblement, comme dans le cas allemand, à sa « brutalisation » lors de sa participation aux affrontements sur le front germano-soviétique.

Ivan et l’idéologie soviétique

Mon étude des paramètres liant le combattant moyen de l’Armée rouge et l’idéologie soviétique a été réalisée à travers une analyse de la fréquence de mots ou d’expressions copiées de la propagande qu’on peut retrouver dans les lettres des soldats soviétiques. Je me suis donc intéressée à l’usage du « parler bolchévique »—le langage du Parti, dont la maîtrise démontrait l’allégeance politique de l’individu qui l’employait à l’époque stalinienne[58]—, aux différentes représentations de l’ennemi et aux propos des auteurs traitant de la violence de l’ennemi, de leur sentiment de haine ainsi que de leur volonté de vengeance. L’analyse des sources fait ressortir les nombreuses motivations qui poussait Ivan à combattre. Le soldat soviétique moyen se battait pour la défense de la Patrie, pour venger les crimes allemands, pour l’honneur, pour éliminer la menace fasciste, pour Staline et le Parti, mais surtout pour survivre. Par exemple, dans sa lettre datée d’août 1944, Anatolij Nikolaevič Obukhov écrit à sa soeur : « À quoi je pense le plus souvent ? Tu sais, Tasha, en toute honnêteté, je pense à comment je peux rester vivant. Revenir à la maison et revoir mes proches »[59]. Aussi, l’examen des différentes représentations de l’ennemi présentes dans les lettres personnelles de ces militaires a permis d’identifier une tendance au calque de la propagande, comme le montre les écrits de juillet 1941 du cadet Viktor Iakovlevič Shepalin : « Camarade Staline dit que nous avons des pertes temporaires dans certaines parties du front, mais nous avons gagné politiquement car nous avons révélé le vrai visage des brigands fascistes »[60]. De plus, une tendance à la déshumanisation de l’Autre est clairement observable dans les textes étudiés. En juillet 1942, Anatolij Matveevič Kuznetshov explique à son fils la cruauté de l’ennemi : « Ici, il y a des fascistes tout près, ils aiment tuer des gens. Tu te souviens, toi et moi avions tué un serpent et tu as dit : « Nous aimons les gens—nous tuons les serpents pour eux ». Et, les fascistes sont pires que les serpents. Ils n’aiment personne, ils aiment seulement tuer et torturer »[61]. Enfin, les nombreuses traces de « brutalisation » du combattant soviétique présentes dans les sources offrent la possibilité de noter qu’Ivan était rarement conscient d’être « brutalisé » et s’égayait souvent de son efficacité à éliminer l’ennemi : « Je me réjouis quand mes bombes détruisent (déchirent) en pièces les fortifications ennemies et, avec elles, les sales ordures »[62].

Aussi, les récits des crimes commis par les Nazis étaient très nombreux dans les lettres que les soldats de Staline envoyaient à leurs familles. La lettre de Nikolaj Vasil’evič Popov, datant de janvier 1943, qui raconte à sa soeur les horreurs des exécutions des Juifs, en est un exemple très probant :

Plusieurs villes et villages ont déjà été libérés par nos sections. Et partout des traces des atrocités. Tu ne croiras pas, ce que les gens ont vécu ici. Dans deux petites villes, les Allemands ont rassemblé tous les Juifs. Ils ont fusillé les hommes et les femmes, et les enfants ont été enfermés (mis dans des murs), ont été mis à nu et empoisonnés lentement ! Ils sentaient sur eux qu’on leur envoyait des substances. Voilà comment ils ont détruit tous les Juifs[63].

Ces histoires renforçaient d’ailleurs la haine de l’ennemi, incarnée parfois dans l’unique personne d’Hitler, mais plus souvent étendue aux soldats de la Wehrmacht et même aux civils allemands. Sergej Iakovlevich Zhirnov écrit d’ailleurs en janvier 1945 :

Maman, nous avons déjà rencontrés des civils. Mais seulement des Russes, nous ne les touchons pas parce qu’ils sont des nôtres. Mais, ce sera comment quand nous rencontrerons des civils allemands, nous nous vengerons pour tout ce qu’ils nous ont fait. Maman, nous n’allons pas pour conquérir la terre, mais pour nous venger et détruire toute l’Allemagne, afin qu’elle n’existe plus dans le monde.[64]

Le désir de vengeance d’Ivan était bien réel, et c’est cela qui explique principalement la présence d’une spirale de violence sur le front de l’Est entre 1941 et 1945. L’ensemble de l’analyse des calques de la propagande ainsi que des traces de « brutalisation » du soldat dans ses écrits permet de mettre en relief l’importance du facteur de l’endoctrinement idéologique. Du point de vue des combattants de l’URSS, la présence d’un cycle de violence qui se manifeste par l’adoption d’un langage « vengeur » contribue également à expliquer le processus de la « barbarisation » sur le front germano-soviétique.

Pour conclure, en explorant les conditions physiques, psychologiques et idéologiques dans lesquelles a évolué le soldat soviétique moyen durant le dernier conflit mondial, cet article a établi, en s’appuyant sur le cadre d’analyse de Bartov et en se limitant au corpus des sources disponibles, que la « brutalisation » des troupes soviétiques, contrairement à celle des troupes de la Wehrmacht, s’explique davantage par les facteurs de l’endoctrinement idéologique d’Ivan que par la particularité des conditions physiques du front. L’intérêt de cette recherche réside dans le fait qu’elle constitue un apport à un des débats fondamentaux du champ d’études et qu’elle utilise de manière critique des sources importantes qui avaient été négligées par le passé. Cette étude facilite la définition du profil idéologique d’un échantillon représentatif de millions de Soviétiques qui ont été appelés sous les drapeaux durant le second conflit mondial.