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Affirmons le d’entrée de jeu, des nombreuses synthèses sur l’histoire de Montréal proposées par Paul-André Linteau, professeur d’histoire maintenant retraité de l’Université du Québec à Montréal, celle-ci est sans doute la plus adaptée à un public de néophytes ou, du moins, gravitant à l’extérieur des milieux académiques. Il serait cependant incorrect de tirer de cette remarque un jugement sur la valeur historique de cet ouvrage. Publié en 2017 à quelques jours de la date anniversaire de la fondation de Montréal et de l’aboutissement des festivités du 375e, ce livre se veut un regard personnel, mais rigoureux sur l’histoire de la ville après ce qu’il affirme être « le fruit d’un demi-siècle de fréquentation de cet objet passionnant. »[1]

Le lecteur assidu de l’oeuvre de Paul-André Linteau retrouvera dans cette synthèse certains passages retravaillés, lorsque nécessaire, de ses ouvrages précédents, principalement Histoire de Montréal depuis la Confédération et Une brève histoire de Montréal, mais se trouve tout de même face à une proposition originale qui ne se contente pas de ressasser les mêmes données que par le passé. Ce livre est ainsi composé de seize chapitres chronologiques et d’une brève conclusion générale. Faute d’espace, nous offrons ici un survol des principales idées originales de ces sections, puisqu’une présentation exhaustive de chacun des chapitres ne permettrait pas de leur rendre justice.

Soulignons d’abord que Linteau fait, dans cet ouvrage, une plus grande place à l’histoire de l’île de Montréal antérieure à l’établissement européen que dans ces propositions précédentes. Il remonte ainsi 13 000 ans en arrière afin de montrer l’évolution géologique de l’île afin d’en démontrer les caractéristiques essentielles qui permettront à ce lieu unique de se développer. Il présente également, dans son premier chapitre, les nations autochtones ayant utilisé et vécu sur l’île et propose des hypothèses expliquant leur absence lors des passages de Champlain plusieurs années plus tard.

Les chapitres deux à cinq couvrent la période allant de la fondation de Ville-Marie à la conquête britannique de la Nouvelle-France. Linteau y présente l’évolution de la ville en rappelant l’importance que prenait le fait religieux et comment ce projet missionnaire, pour reprendre ses termes, était fondamentalement une oeuvre collective. Il rappelle également que, dès les premières années d’existence de la ville, celle-ci se développe de façon distincte de la campagne environnante grâce à Maisonneuve, qui distribue des lots urbains à des colons afin qu’ils y érigent leur résidence. C’est cette ville qui tournera ensuite son regard vers le continent, comme le montre l’auteur dans son seul chapitre sans cadre chronologique précis, mais ancré dans les premières décennies de la colonie.

La conquête britannique bouleverse la vie des Montréalais de l’époque. Linteau montre, dans les chapitres six à huit, ces changements dans l’économie, la politique et la gestion de la ville. Il montre de quelle façon les changements administratifs influent sur la vie des Montréalais francophones catholiques et comment les nouveaux dirigeants participent à remodeler physiquement la ville. Il rappelle que l’arrivée massive d’immigrants des îles britanniques affectera durablement la composition ethnoreligieuse de la communauté. Il souligne au passage l’importance économique de Montréal et sa situation géographique avantageuse la plaçant au coeur de nombreux réseaux. Abordant tour à tour la religion, les transports, l’incorporation municipale et l’économie, le chapitre huit illustre parfaitement la réalité d’une ville « en transition entre un monde ancien, préindustriel, et un monde nouveau. »[2]

Pour leur part, les chapitres neuf à douze couvrent la période s’étendant de 1867 à 1945, qui peut être considérée comme un âge d’or de Montréal. Métropole canadienne, la ville est au centre de la jeune confédération et son développement est largement influencé par ce statut privilégié. Les industries prospèrent, la population augmente et les tensions ethnolinguistiques s’accentuent. Gardant son attention sur la population plutôt que sur les grands enjeux politiques et économiques, Linteau montre comment les deux guerres mondiales et la crise économique des années 1930 affectent les Montréalais et modifient leurs habitudes de vie.

La dernière partie du livre aborde les lendemains de la Seconde Guerre mondiale et s’étend jusqu’à aujourd’hui. On y aborde les enjeux touchant le rôle de Montréal comme métropole québécoise et les relations avec la communauté métropolitaine. Abordant l’aspect physique de la municipalité, l’auteur montre bien comment les changements dans les modes de transport influent sur son aménagement. Il illustre également le déclin économique de la ville causé par un rapprochement commercial canadien avec les États-Unis alors que Montréal était mieux située pour les échanges transatlantiques. La construction de la voie maritime du Saint-Laurent permet désormais aux navires marchands de passer outre l’île pour se diriger directement vers le bassin des Grands Lacs.

Le livre se termine sur un survol rapide des dernières années en étudiant l’étalement urbain et l’augmentation de la population en banlieue. Soulignant l’effervescence culturelle de Montréal et le rôle prépondérant de celle-ci dans l’économie québécoise, Linteau conclut sa synthèse avec un message d’espoir célébrant les nombreux succès montréalais.

Finalement, cet ouvrage, de par sa forme, oblige à passer rapidement sur certains enjeux. Le chercheur en histoire de Montréal sera sans doute mieux servi par les synthèses précédentes de Linteau qui comportaient des données plus précises, des explications plus nuancées et un portrait plus clair de l’histoire de la ville. Ce livre permet toutefois de rappeler l’histoire de Montréal et de la présenter dans une forme simple, efficace et qui met en son centre les communautés qui la composent plutôt que de s’attarder longuement à l’économie et la politique.