Corps de l’article

L’oeuvre Navires et construction navale au Moyen Âge : archéologie nautique de la Baltique à la Méditerranée d’Éric Rieth, publié en 2016 aux Éditions Picard, fait la promotion de l’archéologie comme science essentielle aux recherches historiques. Le livre fait partie d’une série de publications, intitulée Espaces médiévaux, qui explore l’archéologie et la culture matérielle au Moyen Âge. À cet effet, le quotidien canadien La Presse annonce en octobre 2018 la trouvaille, grâce aux avancées de l’archéologie navale, de l’épave d’un bateau grec de 400 av. J.-C[1]. Soulignant qu’il s’agit du plus vieux navire découvert aussi bien conservé, le professeur Jon Adams insiste sur l’impact de cette fouille concernant « […] notre compréhension de la construction navale et de la navigation […]. »[2] C’est dans cette optique d’histoire d’architecture navale que s’inscrit l’oeuvre d’É. Rieth, sous l’influence de l’archéologue émérite François Beaudouin. L’auteur insiste donc sur la temporalité de l’archéologie navale, avec ses propres phases d’évolution et de rupture. Il met aussi de l’avant les navires et les épaves étudiées comme objets d’histoire, et non plus seulement comme des éléments de la culture matérielle médiévale.

L’ouvrage d’Éric Rieth est composé de neuf chapitres. Après une introduction qui décrit les « […] navires et embarcations conçus pour naviguer en mer »[3], il énonce les limites temporelles (VeXVe siècles) et géographiques (océan Atlantique, mer Baltique, mer Méditerranée) de l’ouvrage. Défi de taille, méthodologique autant que dans l’espace-temps étudié, le chapitre premier passe en revue les différentes écoles de pensée qui ont marqué la discipline. L’attention est partagée entre l’école française et l’école scandinave. Le second chapitre, dédié aux milieux nautiques qui ont fait évoluer la technologie maritime, permet de mieux situer le navire comme objet social. Éric Rieth fait également mention du rôle de François-Edmond Pâris, historien du XIXe siècle, qui est à l’origine du concept d’espace nautique[4]. Le troisième chapitre se penche sur les épaves, véritables sources d’étude de l’archéologie navale. Cette section vise à mettre en lumière la diversité de ces objets, qui font autant la richesse que la difficulté de cette discipline.

Les chapitres quatre à sept se concentrent sur la tradition architecturale du bateau à clin dans les régions de la mer Baltique et de l’Atlantique. Il s’agit ici d’une partie plutôt technique qui survole les connaissances actuelles sur le sujet, sans plus. Le dernier chapitre aborde la transition technologique du XVe siècle par les exemples de la « carvelle » et l’architecture à franc-bord dans le Ponant. Cette ultime partie rend compte de la « mémoire partagée » entre les différents acteurs qui ont participé à l’élaboration de ces deux innovations maritimes. É. Rieth souligne ainsi le partage des connaissances techniques entre les marins des différents pays survolés. Ce savoir-faire circule et se transmet plus aisément grâce aux innovations créées, contrairement à d’autres connaissances architecturales.

En conclusion, Éric Rieth revient sur l’objectif triple qu’il s’était donné dans la réalisation de cet ouvrage spécialisé et succinct. D’abord, sous l’influence de François Beaudouin, il approche le bateau comme objet de recherche pour mieux comprendre les sociétés médiévales. Ensuite, il démontre l’intérêt d’étudier les milieux maritimes à travers leurs moyens de transport. Enfin, l’historien démontre la complexité d’étudier la technologie maritime médiévale dont la principale difficulté relève de la multiplicité des sources utilisées. Le caractère spécialisé du livre, qui s’adresse à un public connaisseur, explique sa difficulté d’approche. En effet, le ton inutilement pompeux de l’auteur complique la tâche du lecteur, dont la compréhension de la matière du livre est heureusement facilitée par un support visuel pertinent et récurrent ; les photos de fouilles, les schémas et les cartes géographiques, entre autres, représentent largement la moitié du travail. De plus, un glossaire à la fin de l’ouvrage permet aussi au lecteur de se familiariser avec le vocabulaire recherché. Le produit final, brillamment réussi, résulte en un essai d’archéologie navale médiévale pertinent, qui remet au goût du jour ce domaine de recherche en tant que branche de la discipline historique.