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Les Franco-Américains de Manchester, New Hampshire : réalités en 2011

Chaque fois que ma famille et moi arrivons à la frontière entre la Nouvelle-Angleterre et le Québec, les douaniers canadiens s’étonnent d’entendre des Américains — surtout notre fils unique, Charles, âgé dans la vingtaine — parler français comme si c’était leur langue maternelle. Sans doute, pense-t-on, il s’agit d’une famille d’émigrés québécois, maintenant citoyens américains naturalisés, qui revient pour rendre visite à la parenté. Nous leur disons, pourtant, que nous sommes habitants de Manchester au New Hampshire, qui est aussi notre ville natale. Il n’y a pas trop longtemps, Manchester était en compétition avec Lewiston au Maine, Lowell au Massachusetts, et Woonsocket au Rhode Island pour le titre officieux de « la capitale de la Franco-Américanie » ou « la ville la plus francophone de la Nouvelle-Angleterre ». Pour la plupart des douaniers, c’est une révélation. D’ailleurs, il me semble que chez bon nombre de Québécois, sauf les plus âgés et les spécialistes, on ignore presque complètement l’existence d’environ trois millions de descendants des Québécois qui se dirigèrent vers les villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre entre 1840 et 1930. Il en est ainsi pour la grande majorité des Franco-Américains : peu aujourd’hui sont conscients de l’évolution socio-économique et politique du Québec, surtout depuis la Révolution tranquille. « Malheur à qui contredit l’image d’un Québec rural, conservateur et religieux! », écrivaient deux journalistes québécois en 1983, après une tournée de quinze jours dans le Nord-Est des États-Unis. (Blouin et Myette, 33).

Cette méconnaissance mutuelle n’est pas surprenante, car les liens qui rattachent nos deux peuples appartiennent plutôt à l’histoire lointaine. Au début, frère quittait frère, enfants quittaient parents ou voisins quittaient voisins pour s’établir dans un de six États de la Nouvelle-Angleterre ou dans l’est de l’État de New York. Les liens étant jadis assez étroits, les va-et-vient entre nos deux régions se faisaient beaucoup plus fréquemment que de nos jours, surtout que nous sommes maintenant rendus à la troisième, la quatrième ou même la cinquième génération ou plus sur le sol des États-Unis.

Malgré cette séparation, comme guide historique de Manchester depuis 1977, je reçois de temps à autre des autocars bondés de Québécois — surtout des membres de sociétés généalogiques ou historiques — qui viennent chez nous soit pour faire de la recherche, soit pour voir ce qui reste des quartiers résidentiels et des institutions qu’ont créés nos devanciers. Tout d’abord, pour leur montrer à quel point la ville de Manchester se rattache à l’histoire du Québec, je leur révèle quelques faits qui, parfois, les étonnent. Je leur demande s’ils savent qu’en 1905, un des géants de la littérature québécoise, le poète Robert Choquette, est né à Manchester (Hamel, Hare et Wyczynski, 144). Deux ans plus tard, le sculpteur Alfred Laliberté y séjourna, car il y avait de la famille (Laliberté. 71). C’est aussi chez nous que se retrouve la plus grande collection de sculptures de Laliberté hors Québec, soit quarante-huit oeuvres (Robert, Gérald, Musée de l’ACA, 21-45). De plus, le photographe Armour Landry, ancien président de la Société historique de Montréal, que j’ai connu personnellement, passa sa jeunesse à Manchester.

Après avoir instruit les touristes de ces faits, je les accompagne à divers endroits pour leur apprendre de nouvelles surprises. Par exemple, c’est en 1906 que l’artiste peintre Ozias Leduc vint à Manchester pour entreprendre le décor intérieur de l’église Sainte-Marie (Verrette, 134). Dans cette même paroisse, en 1908, Mgr Pierre Hévey invita Alphonse Desjardins à prononcer un discours au sujet des avantages qu’offre une Caisse populaire (Desjardins, 4-5). Le résultat : la fondation de la Caisse populaire Sainte-Marie, l’aînée des Caisses populaires aux États-Unis (Verrette, 287-296; Poulin 271-273). Son premier bureau sert maintenant de musée historique national des Caisses populaires, America’s Credit Union Museum.

Enfin, nous visitons le Centre franco-américain de Manchester, dont l’édifice servait autrefois de siège social, de musée et de bibliothèque à l’Association canado-américaine (ACA), société fraternelle d’assurance-vie en affaires aux États-Unis et au Québec. Et là, sur place, je révèle aux touristes qu’un ancien membre du conseil d’administration ACA, représentant la région de Shawinigan, assistait souvent aux réunions accompagné de son jeune fils. Le représentant s’appelait Willie Chrétien, et son fils, Jean, allait un jour devenir premier ministre du Canada.

Les débuts de l’histoire des Franco-Américains de Manchester demeurent assez vagues. On prétend qu’ils remontent à l’année 1830 alors qu’une dame, Marie Jutras, tenait une maison de pension dans le quartier appelé Amoskeag Village — un mot amérindien voulant dire « endroit où l’on pêche beaucoup de poissons » — sur la rive ouest de la rivière Merrimack. Dans les registres municipaux, le premier mariage entre Franco-Américains, celui de Louis Marchand et Sarah Robert, paraît le 19 août 1839, tandis que la première naissance et le premier décès ont lieu en 1851 et en 1853 respectivement (Verrette, 96-97).

Tout cela coïncide avec la fondation et le développement graduel de l’Amoskeag Manufacturing Company (1831-1936). Avec une trentaine de filatures renfermant une main d’oeuvre s’élevant, à son apogée après la Première Guerre mondiale, jusqu’à 17 000 ouvriers, elle devint la plus grande manufacture de textile au monde. L’Amoskeag est donc la raison d’être de Manchester, qui attire des milliers de Québécois à venir y gagner leur pain. Environ 40 % de ses employés sont franco-américains (Hareven, 229).

Comme ailleurs en Nouvelle-Angleterre, les émigrés québécois de Manchester voulurent conserver leur foi catholique, leur langue française et leur héritage québécois tout en s’adaptant à la vie américaine. Dès que la population franco-américaine commença à prendre son essor après la guerre de Sécession américaine (1861-65), on vit la naissance de plusieurs institutions vouées à ces buts. En 1869, cette population se chiffrait à 1 500 lorsque Ferdinand Gagnon, le père de la presse franco-américaine, fonda La Voix du Peuple, le premier journal de langue française de Manchester (Benoit, Ferdinand Gagnon, 14). Malgré sa durée éphémère — sept mois seulement —, ce journal, ainsi que son fondateur, inspireront plus tard la fondation d’environ 350 journaux en Nouvelle-Angleterre au cours des XIXe et XXe siècles, dont une vingtaine à Manchester. Le plus important sera le quotidien, L’Avenir National (1894-1949).

En 1871, la population franco-américaine de la ville s’élevait déjà à 2 500 âmes. L’abbé Joseph-Augustin Chevalier arriva du Québec pour y fonder la paroisse Saint-Augustin, la première parmi les huit paroisses de langue française de Manchester qui verront le jour entre 1871 et 1934 (Paradis, 76-77). À part les églises, il y aura les écoles paroissiales bilingues, les couvents, les salles de concert, les orphelinats, les maisons de retraite, un hôpital et, bien sûr, la Caisse populaire et la Société d’assurance-vie. Autour des huit paroisses, dont quatre sur chacune des rives est et ouest, des quartiers résidentiels émergèrent au cours des décennies.

Plus petite, mais beaucoup plus concentrée, la rive ouest deviendra le Petit Canada par excellence, un quartier appelé Notre-Dame. C’est là, jusqu’à la démolition de sa partie la plus pauvre dans les années 1960 pour un projet de rénovation urbaine, que l’on retrouvait un centre-ville à part et tout à fait francophone, avec ses propres épiceries, boutiques, bureaux, restaurants, tavernes et ainsi de suite, tous au rez-de-chaussée, et ses appartements appelés tenements aux étages supérieurs. Justement, mon épouse, Claudette Ouellette, y vécut ses douze premières années dans un tenement au quatrième étage, au-dessus du magasin de chaussures LeBlanc, « en bas d’la côte » de la partie un peu plus à l’aise autour de l’église Sainte-Marie. On pouvait donc y naître, y vivre et y mourir presque entièrement en français. De fait, le recensement fédéral de 1970, le dernier à avoir posé une question touchant la langue maternelle, révéla que sur une population totale de 88 282 habitants de Manchester, 27 777 répondirent que le français était la leur.

Avec les années, grâce à l’éducation, aux divers développements technologiques et à l’évolution socio-économique, la population franco-américaine commença à occuper les rangs des classes moyenne et professionnelle. Émigré du Québec et installé dans le diocèse de Manchester, l’abbé Henri Beaudé — connu sous le nom Henri d’Arles en littérature — est l’auteur de plusieurs écrits religieux, littéraires et historiques, dont l’ouvrage en trois volumes Acadie (1916-1921) qui lui valut la médaille Richelieu de l’Académie française (Robert, Adolphe, Henri d’Arles 2; Dion-Lévesque, 213-217). Adélard Lambert, colporteur de thé et de café dans les quartiers franco-américains, mais aussi bibliophile, amateur d’art traditionnel et ami collaborateur de Marius Barbeau, créa une collection de Canadiana qui allait devenir le fonds de la bibliothèque de l’ACA, un des centres de ressources les plus recherchés en Franco-Américanie (Robert, Adolphe, Un lettré illettré 1-11; Dion-Lévesque, 476-480). Lambert est aussi l’auteur d’un roman intitulé L’Innocente victime. Publié d’abord comme feuilleton dans Le Droit d’Ottawa en septembre 1936, ensuite sous forme livresque en 1980, puis en traduction anglaise, The Innocent Victim en 2008, son intrigue tourne autour d’un meurtre à Manchester qui se rattache à la participation de milliers d’hommes québécois à la guerre de Sécession américaine.

Dans le domaine des beaux-arts, le sculpteur Lucien Gosselin, neveu du sculpteur Louis-Philippe Hébert, orna les parcs et places publiques, les édifices, les cimetières, les résidences de Manchester et d’autres lieux de ses oeuvres (Dion-Lévesque, 382-385). Moins connu en dehors de Manchester de son vivant, mais profitant d’une réputation posthume grandissante depuis que je fis personnellement la découverte en 1977 de sa collection d’images qui reposait chez sa fille Antoinette, Ulric Bourgeois nous légua une documentation photographique à la fois historique et artistique des plus précieuses. À partir de scènes de la vie rurale québécoise chez ses parents à Fulford et chez ses beaux-parents à Valcourt, jusqu’à celles de la vie urbaine à Manchester, nous voyons le contraste entre ces deux expériences à travers les yeux et la lentille de celui qui les a vécues, tout comme ses contemporains immigrants (Anctil, Perreault et Samson, 4-13, 34, 36; Perreault, « Ulric Bourgeois », 28-31).

Mon grand-père maternel, Adolphe Robert, mutualiste, journaliste et écrivain, passa sa vie au sein de l’ACA, d’abord comme directeur de sa publication, Le Canado-Américain, ainsi que comme secrétaire général et enfin comme président général de cette société, dont il écrivit l’histoire du premier demi-siècle, 1896-1946 (Dion-Lévesque, 768-771). Son fils, mon oncle Gérald Robert, suivit les pas de son père tout en s’adonnant à une deuxième carrière. Parfois organiste ou chanteur dans la chorale de son église, il fonda la Société d’Opérettes, l’Ensemble à Cordes de Manchester et anima une émission de musique classique intitulée Radio franco (Dion-Lévesque, 775-778). Toujours dans le domaine radiophonique, Joseph Maltais anima plusieurs émissions de musique populaire canadienne-française et française au cours d’une cinquantaine d’années.

Pendant environ trois quarts de siècle à partir de 1918, les citoyens de Manchester élurent presque toujours un Franco-Américain à la mairie de la ville, dont le premier fut l’épicier Moïse Verrette, qui siégea aussi au conseil du gouverneur (Dion-Lévesque, 887-892). Le journaliste Josaphat Benoit, qui décrocha un doctorat de l’Université de Montréal et un deuxième de la Sorbonne, occupa la mairie pendant plus longtemps que tous ses prédécesseurs et ses successeurs, soit pour neuf mandats de 1944 à 1962. De plus, il anima sa propre émission radiophonique française et fonda l’hebdomadaire L’Action (1950-71) pour remplacer le quotidien L’Avenir National, qui disparut en 1949 (Dion-Lévesque .71-75). Son contemporain, Mgr Adrien Verrette, fils du maire Verrette, eut une carrière prolifique comme historien. Auteur de plusieurs monographies paroissiales, il fut aussi directeur de l’annuaire La Vie franco-américaine de 1939 à 1952 et du Bulletin de la Société historique franco-américaine de 1955 à 1973, où il endossa également le rôle de président (Dion-Lévesque, 881-887).

Chez les femmes, sous le pseudonyme de Rosine Coderre, la journaliste Victoria Langlois s’occupa pendant longtemps de la page féminine de L’Avenir National, tandis que Ninette Fortin fit de même dans L’Action. Après la disparition de ce dernier, Marcelle Savard-Martel rédigea une rubrique de langue française, « En Bref », dans le quotidien anglophone Manchester Union Leader. Plus récemment, la chanteuse et compositrice de musique populaire franco-américaine, Josée Vachon, passa une dizaine d’années à partir de 1987 comme animatrice de l’émission de télévision Bonjour!, produite à Manchester sous les auspices de l’ACA et qui rejoignit les téléspectateurs par câblodistribution à travers la Nouvelle-Angleterre et au-delà.

Sans doute, la Franco-Américaine de Manchester qui fit le plus grand bruit doit être Grace Metalious. Née Marie Grace DeRepentigny en 1924, elle créa une sensation internationale — certains diraient même un scandale — avec son roman à caractère sexuel un peu trop osé pour les années 1950, Peyton Place (1956), le plus grand « best-seller » jusqu’à son époque, qui inspira une suite, Return to Peyton Place (1959), ainsi que deux films à Hollywood portant ces mêmes titres. Malheureusement, son dernier roman, No Adam in Eden (1963), le plus autobiographique et donc le plus révélateur de son identité franco-américaine de tous ses romans, demeure presque inconnu.

En somme, voilà un échantillon de ce qu’ont réalisé pendant plus d’un siècle et demi les Franco-Américains de Manchester. Cependant, on pourrait se demander ce qui en reste de nos jours. Sur un plan local, nous, les Franco-Américains, ressemblons à nos ancêtres français, qui savaient comment fonder de bonnes oeuvres, mais qui avaient souvent peine à les maintenir. Je pense, sur un plan beaucoup plus vaste, à l’Amérique française, et comment nos ancêtres perdirent leurs territoires, d’abord l’Acadie, le Québec et le reste du Canada, qui tombèrent entre mains anglaises, et ensuite cette vaste possession appelée la Louisiane, que Napoléon Bonaparte vendit aux États-Unis.

Aujourd’hui à Manchester, il n’existe aucune publication de langue française. Quant à nos écoles paroissiales bilingues, elles ont disparu ou sont devenues des écoles anglophones, avec peu de cours de français ou pas du tout. D’autres institutions existent toujours, mais elles ne ressemblent guère à ce qu’elles étaient il y a cinquante ou cent ans. Je pense à l’Hôpital Notre-Dame de Lourdes, autrefois sous la direction des Soeurs Grises de Saint-Hyacinthe. Depuis 1974, c’est le Catholic Medical Center, avec une administration diocésaine plutôt laïque et anglophone. L’Orphelinat Saint-Pierre, toujours sous la direction des mêmes religieuses, s’appelle depuis longtemps Saint Peter’s Home. C’est une garderie sans identité ethnique, où la plupart des enfants franco-américains ne savent que deux mots de français : « mémère » et « pépère », qu’ils prononcent à l’anglaise, « memay » et « pepay » pour désigner leurs grands-parents. La Caisse populaire Sainte-Marie, qui tenait ses réunions annuelles en français jusqu’au début des années 1980, utilise plus souvent son autre titre, Saint Mary’s Bank, où la plupart des clients se font servir en anglais.

Quant aux huit églises franco-américaines d’autrefois, certaines sont fermées tandis que d’autres ont été fusionnées avec des paroisses voisines, où l’anglais domine. Par exemple, ma paroisse natale Saint-Georges située sur la rive est, troisième paroisse à être fondée (1890), ferma ses portes en 2002. À la même époque, sur la rive ouest, jadis considérée le quartier le plus francophone, l’évêque John McCormack fusionna deux paroisses : Saint-Edmond, nommée ainsi pour honorer son bienfaiteur principal, Edmond Pinard, fondateur du quartier appelé Pinardville, et Saint-Jean-Baptiste, qui rappelle l’attachement des Franco-Américains au patron de leur Mère patrie. Depuis, c’est devenu « Parish of the Transfiguration ». Fait ironique, aucune messe n’est offerte en français sur la rive ouest, tandis que la seule église à inclure une messe entièrement en français — car l’église Saint-Augustin, l’aînée des huit, a toujours une messe bilingue — est l’église Saint-Antoine de Padoue, sur la rive est.

Le plus grand choc, cependant, eut lieu en 2009. Après 113 ans d’existence, le pilier de la culture franco-américaine, l’ACA, rencontra des difficultés financières et se fit avaler par une société fraternelle d’assurance-vie anglophone et franc-maçonne de Boston, Royal Arcanum.

Certes, toutes ces pertes sont souvent le résultat d’une évolution sociale tout à fait normale chez les groupes ethniques. Comme je dis parfois aux touristes québécois qui visitent Manchester : « Avec chaque nouvelle génération, nous mettons un peu plus d’eau anglo-américaine dans notre vin français ». Ces touristes remarquent aussi qu’à Manchester et ailleurs en Franco-Américanie, ils se sentent un peu comme s’ils faisaient un retour au Québec d’autrefois, d’avant la Révolution tranquille. Bien sûr, quoique bon nombre de Franco-Américains se soient anglicisés et ne connaissent à peu près rien du Québec moderne, plusieurs parmi ceux qui sont restés bilingues se sont modernisés quant à leur identité anglo-américaine. Cependant, tout comme nos ancêtres québécois avaient manqué la Révolution française — une révolution qui créa un énorme décalage philosophique entre le peuple français et le peuple canadien-français — nous, les Franco-Américains, avons manqué la Révolution tranquille. Par conséquent, à l’exception de quelques intellectuels et activistes qui connaissent assez bien le Québec d’aujourd’hui, la majorité franco-américaine, quant à son identité francophone, est restée figée dans le temps qui précéda la Révolution tranquille.

Tout n’est pas perdu, cependant, car nous avons quand même une minorité francophone et francophile assez forte et dévouée à la sauvegarde de notre langue et de notre culture. J’ai déjà mentionné le Centre franco-américain, fondé en 1990, qui offre des cours de français et organise des événements culturels destinés à promouvoir la langue française : films, discussions, fêtes. En avril 2011, le Centre quitta son édifice pour s’établir sur le campus de Saint Anselm College, où se retrouvent maintenant, au sein de la Geisel Library, l’ancienne bibliothèque Lambert de l’ACA ainsi que ses archives. Pour la première fois dans son histoire, sous une nouvelle appellation, soit la « ACA/Lambert/Franco-American Collection », le tout est en train d’être catalogué et mis sur Internet, le site étant accessible en tapant l’adresse www.anselm.edu.

Je signale également L’American Canadian Genealogical Society, fondée en 1973, un des meilleurs centres de recherche généalogique en Nouvelle-Angleterre, qui reçoit des milliers de chercheurs annuellement, de partout en Amérique du Nord. Il y a aussi le restaurant Chez Vachon, lieu de rencontre de tous ceux qui apprécient les mets traditionnels du Canada français. C’est un endroit — voire une sorte d’institution politique officieuse — qui attire les médias de langue française tous les quatre ans pour y retrouver des occasions d’interviews, lorsque le New Hampshire est le premier de tous les États à voter dans les élections primaires présidentielles.

Sur le plan individuel, personne ne travaille plus fort que Roger Lacerte, ancien professeur de français. Il est propriétaire de la Librairie Populaire, la seule entreprise en Nouvelle-Angleterre qui vend des livres et des disques de partout en Amérique française et de France. De plus, M. Lacerte anime une émission radiophonique de musique populaire de langue française intitulée « Chez Nous ». Quant à ma propre famille, nous maintenons la tradition de la langue française au foyer, jusqu’à la nouvelle génération : notre petite-fille, Victoria, née au printemps 2011. Du côté strictement paternel, celle-ci représente la sixième génération née aux États-Unis, son arrière-arrière-arrière grand-père Perreault ayant vu le jour à Webster au Massachusetts en 1849.

En conclusion, à la différence de ce qu’un certain auteur québécois suggère à propos des Franco-Américains, soit que nous serions des cadavres pas tout à fait refroidis, je vous assure que nous sommes toujours vivants, peut-être pas aussi nombreux que nos ancêtres francophones, mais toujours là pour vous recevoir chez nous à bras ouverts, en français bien sûr.