Corps de l’article

Les anglophones du Québec ont un statut particulier : ils constituent une communauté linguistique majoritaire en Amérique du Nord, mais ils forment un groupe minoritaire au sein d’une province officiellement francophone. Depuis les années 1970, les anglophones du Québec ont vu leur sentiment d’appartenance à une majorité devenir un sentiment d’appartenance à une minorité. Une série d’événements politiques tels que l’élection du Parti québécois et l’adoption de la loi 101 ont poussé les anglophones à redéfinir leur identité en réaction à la proclamation de ce nouvel autrui « québécois » Après cette période d’effervescence sociale, quelle est la place de ce groupe démographiquement minoritaire dans un Québec prônant une approche interculturelle? Les frontières identitaires entre anglophones et francophones sont-elles en train de s’estomper?

Plusieurs chercheurs estiment, au début des années 1990, qu’il y a une absence d’identité collective anglophone au Québec. Pour Stevenson, c’est le caractère trop diversifié des individus composant le groupe de langue anglaise ainsi que son déclin numérique qui contribueraient à une disparition de l’identité anglophone. Pour Simard et Caldwell, c’est plutôt l’absence d’intelligentsia attitrée à la construction de son identité collective qui expliquerait que les anglophones du Québec n’aient toujours pas réussi à se tailler une place au Québec. Les anglophones du Québec ne forment plus, selon ces intellectuels, un groupe solidaire de ses élites-phares, attaché à des valeurs et symboles communs, disposant à sa guise de ses ressources. Dans les années 2000, d’autres thèses postulent que le bilinguisme élevé des jeunes générations anglophones mène à un brouillage des frontières entre anglophones et francophones (Oakes et Warren; Magnan). Ces théories laissent penser que l’individu de langue anglaise au Québec construit désormais son identité individuelle au gré de ses expériences et non à l’aide des identités collectives opposant les francophones aux anglophones.

Notre étude qualitative, menée auprès de 33 jeunes adultes issus de l’école de langue anglaise de Québec, permet d’envisager sous un autre angle la thèse de l’inexistence d’une identité collective anglophone. En effet, une analyse typologique des logiques identitaires expérimentées par les jeunes que nous avons interrogés montre que la dichotomie entre les identités collectives « anglophone canadienne » et « francophone québécoise » fait toujours partie des référents imaginaires à partir desquels les acteurs de langue anglaise se définissent – du moins dans le contexte local de la ville de Québec où règne une forte majorité francophone. C’est à partir d’une approche centrée sur l’acteur social et sur l’aspect construit et négocié de l’identité individuelle que nous présentons nos données.

Cadre d’analyse : la construction des identités individuelles

Nous proposons d’étudier la construction identitaire des anglophones du Québec sous un angle microsociologique à partir des identités individuelles négociées par les acteurs sociaux. Cette perspective part donc du point de vue des individus afin de mieux déceler comment ils prennent en compte les identités collectives dans la construction de leur identité individuelle. C’est notamment à travers une sociologie de l’expérience (Dubet), c’est-à-dire une sociologie centrée sur les façons dont l’individu compose avec des logiques sociales hétérogènes, que l’on peut réellement arriver à saisir l’évolution des dynamiques identitaires au sein des sociétés plurielles. Car en matière d’identité, les perceptions intersubjectives constituent des « faits » sociologiques à observer, à comprendre et à expliquer.

Selon notre approche constructiviste, l’identité individuelle se situe à travers des dimensions de l’expérience qui sont objectives et subjectives et qui s’influencent de façon réciproque et mutuelle. Conséquemment, nous considérons à la fois le rôle de la structure sociale et la créativité des acteurs sociaux dans la construction identitaire. La formation de l’identité individuelle est alors définie comme un processus complexe et dynamique qui s’exerce tout au long des interactions de l’existence et « qui lie étroitement la relation à soi et la relation à autrui » (Lipiansky 21). L’identité socialement construite est ainsi le produit d’une négociation constante entre des catégorisations identitaires provenant d’autrui et l’identification subjective de l’individu (Strauss; Dubar).

L’identité individuelle se construit et s’articule à l’aide d’appartenances collectives qui lui servent soit de contraintes, soit de ressources créatrices menant éventuellement vers des appartenances multiples (Kaufmann). Nous soutenons que les identités individuelles et collectives sont intimement liées, voire indissociables. Comprendre comment s’articulent les identités collective et individuelle dans notre corpus nous permettra de mieux cerner les logiques identitaires des jeunes que nous avons interrogés – de mieux les situer dans leur univers de sens : « L’individu moderne se construit en effet tout entier sur ce paradoxe : il définit sa spécificité personnelle au croisement d’appartenances collectives » (Kaufmann 122).

Notre cadre théorique de l’identité individuelle englobe trois articulations objectivité/subjectivité possibles. La première articulation est celle où l’identité prend forme dans un processus constant de négociation entre les appartenances collectives disponibles dans la structure sociale et la marge de manoeuvre de l’acteur social (Dubet; Dubar). La deuxième articulation est celle où l’identité individuelle des acteurs sociaux est fortement déterminée par le social et par ce que Berger et Luckmann nomment le réservoir d’identités-types disponibles dans la structure sociale. Enfin, la troisième articulation est celle où l’identité individuelle détermine en quelque sorte le social. En d’autres termes, c’est la subjectivité qui concourt avant tout à la « fabrication moderne des identités » (Kaufmann 92), et les filtres identitaires caractérisent par la suite la construction du social. Nous verrons comment ces trois articulations prennent forme dans l’interprétation de nos résultats de recherche.

Méthodologie

Plutôt que de délimiter le groupe des anglophones en utilisant des variables statistiques comme la langue maternelle, la langue le plus souvent parlée à la maison ou la première langue officielle parlée, nous avons choisi d’étudier la « communauté » en l’abordant sous l’angle institutionnel, soit par la fréquentation de l’école de langue anglaise. Des entrevues semi-dirigées ont été menées auprès de jeunes universitaires scolarisés à l’école secondaire de langue anglaise de Québec. La recherche s’est déroulée entre avril 2008 et mars 2009. Au total, le corpus qualitatif comprend 33 entretiens individuels semi-dirigés. Environ les deux tiers des répondants proviennent d’un foyer bilingue où un parent parle l’anglais et l’autre, le français; six répondants proviennent d’un foyer où les deux parents parlent le français et cinq d’un foyer où les deux parents parlent l’anglais. Nous avons recueilli les témoignages d’individus correspondant à plusieurs critères : jeunes qui ont fait des études universitaires en français/études universitaires en anglais; immobilité/mobilité au sein du Québec et du Canada. Ainsi, au moment de mener l’entretien, un tiers des jeunes interrogés étudiait dans une université francophone du Québec, un tiers dans une université anglophone du Québec et un tiers dans une université anglophone ou bilingue située dans une autre province canadienne que le Québec.

La population à l’étude est celle des jeunes universitaires (de 20 à 29 ans) qui ont fait leurs études secondaires en anglais dans le contexte local de la ville de Québec. Plusieurs raisons justifient cette étude de cas. D’une part, la population estudiantine des écoles de langue anglaise de Québec évolue dans un contexte local où règne une forte majorité francophone et où les rapports d’altérité entre les deux groupes linguistiques (majoritaires et minoritaires) sont susceptibles de jouer un rôle crucial dans la construction des identités personnelles et collectives. D’autre part, la population fréquentant l’école de langue anglaise de Québec se caractérise par un niveau accru de biculturalisme[1]. En effet, en 2000-2001, les proportions de francophones et d’anglophones dans les écoles de langue anglaise de Québec se situent à 63 % et 37 % respectivement (Jedwab)[2]. Cette situation, où la traversée des frontières linguistiques se fait de façon quotidienne au sein même de l’école, est fascinante sur le plan identitaire, sur le plan des rapprochements intergroupes et sur le plan de la transformation possible des identités collectives dans l’interaction quotidienne. Comment les jeunes, à partir de cette réalité empirique scolaire, construisent-ils leur identité, voire leurs appartenances? Les frontières formelles érigées entre les systèmes d’éducation anglophone et francophone contribuent-elles à faire perdurer les frontières linguistiques malgré la diversité linguistique que l’on observe au sein même de l’école de langue anglaise? Nous pencher sur cette étude de cas nous permettra de vérifier si cette diversité linguistique vécue de façon quotidienne mène à constater l’inexistence d’une identité collective anglophone dont parlent Caldwell et Simard.

Afin d’analyser nos données, nous avons procédé à l’identification de plusieurs logiques identitaires présentes dans le discours des jeunes que nous avons interrogés. Nous entendons par « logique » une dynamique identitaire vécue par les répondants à un moment ou à un autre de leurs parcours – la logique ne prenant forme que dans l’interaction avec Autrui. Dans la mise en récit d’un seul répondant, il est possible de repérer plusieurs logiques identitaires vécues à différents moments et dans différents contextes d’interactions (Gofmann Les cadres de l’expérience). Afin d’identifier les logiques identitaires fondant les discours de nos répondants, nous avons choisi d’orienter notre méthode d’analyse vers la démarche typologique. Cette méthode d’analyse représente une démarche appropriée en regard de notre objet théorique portant sur les logiques identitaires empruntées par les jeunes scolarisés en anglais à Québec. Schnapper définit la démarche typologique au sens où Weber l’entend, c’est-à-dire comme « un instrument de clarification du réel et d’intelligibilité des relations sociales, qui consiste à comparer les résultats des enquêtes à une idée abstraite construite par le chercheur en fonction de son point de vue » (5). Pour Schapper, la typologie n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen permettant d’accéder à la compréhension sociologique. La typologie doit démontrer l’interconnexion entre les structures et l’acteur social – comment les structures influencent les individus et comment les individus s’approprient les structures pour les interpréter à leur façon.

Schnapper définit l’idéaltype auquel arrive le sociologue comme « un système de pensée de relations abstraites, un “tableau-pensé” » (15). L’idéaltype n’est pas une explication, mais plutôt un résultat de la réflexion et de la pratique du sociologue. Il ne décrit pas la réalité empirique proprement dite, mais élabore des logiques abstraites permettant de conférer une « nouvelle intelligibilité aux interactions sociales » (Schnapper 113). La typologie ne doit donc pas être une « typologie de personnes », mais plutôt une typologie de situations ou de relations.

Analyse des résultats : identification de logiques identitaires

L’analyse des données révèle que le travail de construction identitaire des jeunes que nous avons interrogés s’effectue principalement en référence à deux identités collectives qui semblent s’opposer sur le plan des identités-types : celles de « francophone québécois » et d’« anglophone canadien ». L’analyse que nous présentons témoigne de logiques identitaires s’inscrivant à la fois au sein de ces identités-types objectives (Berger et Luckman) et dans la marge de manoeuvre de l’acteur en dialogue avec ces identités-types existantes (Dubet). Or, il appert que même les logiques identitaires se situant dans la marge de manoeuvre de l’acteur se bricolent en opposition aux réservoirs d’identités-types « francophone québécoise » et « anglophone canadienne » (Berger et Luckmann). Ainsi, nous démontrons dans l’analyse de nos données que l’acteur dispose bel et bien d’une certaine marge de liberté, mais que celle-ci se nourrit généralement des identités collectives disponibles à même la structure sociale (Dubet).

Nous avons repéré deux rapports aux identités collectives au sein de notre corpus : une vision dichotomique et une vision plurielle des identités « anglophone canadienne » et « francophone québécoise ». Le premier rapport aux identités collectives identifié dans notre corpus réfère à une vision dichotomique et mutuellement exclusive des identités linguistiques et ethnonationales. Ainsi, selon la vision dichotomique, l’identité « francophone québécoise » s’oppose à celle « anglophone canadienne » comme s’il était impossible d’être les deux à la fois. L’identité de « Québécois » semble, dans la vision dichotomique, liée de près à la langue française : “If I say I am from Quebec, people [say] ‘oh you are Québécois, you’re French’. And I am like ‘no, I am not French, I am English’… I say… I am Anglophone. I don’t say I am Québécois… not that I don’t want to be associated with Quebec. But if I say ‘I am Québécois’, people assume that I am French. But I am not Francophone, I am Anglophone” (Karen[3]).

Selon la vision dichotomique, le monde semble ainsi se diviser en deux catégories mutuellement exclusives : d’un côté les « anglophones canadiens » et de l’autre, les « francophones québécois ». Dans cette vision des communautés imaginées, l’individu ressent le besoin de se considérer en tant que l’un ou l’autre et non les deux. Il accepte ou subit la polarisation des identités collectives engendrée par la réalité objective de la société sans les remettre en question (Berger et Luckmann). Ce faisant, puisque cette vision ne met pas en question les identités-types, elle réitère la réalité objective des structures sociales et contribue ainsi à la reproduire. La vision dichotomique correspond à ce que proposent les théories dans lesquelles les identités sont le produit de la structure sociale, la société apparaissant comme « un réservoir d’identités-types, qui construisent socialement la réalité et proposent aux individus les comportements adéquats, en fonction des circonstances typiques dans lesquelles ils se trouvent » (Fischer 166).

La vision dichotomique n’est pas la seule vision des identités collectives que l’on retrouve dans le corpus. En effet, selon la vision plurielle, les identités « francophone québécoise » et « anglophone canadienne » ne s’opposent pas, mais s’amalgament et se conjuguent. Elles ne constituent pas des entités mutuellement exclusives : « Les francophones représentent seulement 80 % du Québec. Alors, c’est possible d’être Québécois sans être francophone… même deux personnes sur dix vont l’être. Alors… le Québec, c’est pas une langue. Le Québec, c’est un peuple » (Thomas).

Ce deuxième rapport aux identités collectives réfère à une vision où l’on envisage les identités comme combinables ou cumulables et non comme mutuellement exclusives. On adopte une telle vision en bousculant la représentation des identités collectives dichotomiques prédominantes dans la société. L’acteur réflexif participe à la construction de cette vision plurielle des identités « francophone québécoise » et « anglophone canadienne ». Cette manière de transcender la réalité correspond à ce que proposent les théories qui reconnaissent à l’individu la capacité de produire, de manipuler ou de transformer le social (Kaufmann).

Nous distinguons également deux types de rapports aux catégorisations identitaires dans notre corpus : 1) « l’identité pour autrui acceptée ou subie » et 2) « l’identité pour autrui contestée » (Dubar). Le concept d’identité pour autrui fait référence à l’idée qu’un individu a de l’identité que les autres lui prêtent dans l’interaction. L’identité pour autrui acceptée ou subie concerne l’acceptation des identités que l’on croit qu’autrui nous prête, sans qu’il y ait de processus explicite de négociation ou de contestation mis en oeuvre dans le contexte d’interaction. Il est à noter que, dans notre corpus, les catégorisations identitaires associées aux jeunes adultes sont multiples; elles varient selon les contextes sociaux et les différents rapports d’altérité (Goffman Les cadres de l’expérience) : il y a notamment l’étiquette du francophone québécois, de l’anglophone canadien, de l’Ontarien, etc.

Consciente du processus de catégorisation identitaire à l’oeuvre, Julia explique comment l’identité « anglophone canadienne » que semble lui accoler l’Autre, « francophone québécois », a façonné son sentiment identitaire. Selon son récit, l’identité que l’autre lui reconnaît a contribué à forger l’idée qu’elle a d’elle-même et la manière dont elle se définit :

as soon as people figured out I am English or as soon as they like know… or find out… then, it’s always like a thing…[…] They’re always gonna be like “but you’re English”… so I am like “ok, I am English”. So yeah, I guess it’s because a bit of the way people treat me.

Toujours dans la catégorie « identité pour autrui acceptée ou subie », les individus qui peuvent parfois être perçus comme francophones, parfois comme anglophones acceptent les multiples catégories identitaires qui leur sont réservées dans différentes circonstances, sans négociation apparente : « les francophones vont m’identifier comme francophone quand je leur parle en français. Les anglophones vont m’identifier comme anglophone quand je vais parler en anglais. Les deux ont raison » (Doug).

La catégorisation identitaire imposée par autrui au cours de l’interaction sociale est ainsi acceptée alors que l’acteur social semble se sentir contraint de ne pas pouvoir utiliser sa marge de manoeuvre pour réinventer son identité. Lorsque l’identité prêtée par autrui est acceptée ou subie, les individus semblent tenir pour acquis que les autres les perçoivent selon une catégorie précise. Ils ne négocient pas explicitement avec Autrui la reconnaissance d’une autre identité.

Le deuxième rapport aux catégorisations identitaires repéré dans notre corpus, l’« identité pour autrui contestée », concerne la négociation qu’opère l’acteur social face aux identités qu’il croit qu’autrui lui reconnaît. L’exemple de Thomas démontre les négociations mises en oeuvre par l’acteur dans l’interaction sociale. Lorsqu’il se fait demander s’il est francophone ou anglophone, il répond qu’il est les deux, même si selon lui, cette réponse ne peut pas satisfaire l’Autre, « francophone québécois » :

À l’Université Laval, j’ai de la misère à faire comprendre aux gens que je ne suis pas l’un ou l’autre, que je suis les deux… c’est frustrant, mais je comprends d’où ça vient… on vit quand même dans une société où on est souvent demandés à se définir en tant que un ou l’autre. Alors, dire que je suis les deux, c’est comme « bien, tu as pas choisi dans le fond ». Tandis qu’au contraire, je l’ai fait de manière beaucoup plus indépendante [mon choix].

Dans ce deuxième rapport aux catégorisations identitaires, l’acteur peut − dans le cadre d’interactions sociales respectueuses − utiliser sa marge de manoeuvre, son espace de liberté et de créativité; il n’accepte pas toujours sans négocier les identités qu’autrui semble lui prêter. Au contraire, il met en oeuvre un processus de négociation lui permettant de se définir en réaction aux identités qu’on lui reconnaît et de les contester. Il choisit et bricole ainsi son identité à l’aide des différentes identités-types de la structure sociale; il travaille à sa construction identitaire (Dubet).

Nous avons donc dans un premier temps dégagé quelles étaient les représentations des identités collectives « francophone québécoise » et « anglophone canadienne » chez les jeunes que nous avons interrogés (vision dichotomique et vision plurielle), pour ensuite nous intéresser aux rapports qu’ils entretiennent avec les catégorisations identitaires (identité pour autrui acceptée ou subie et identité pour autrui contestée). C’est principalement sur la manière dont s’agencent ces quatre dimensions dans les discours des répondants que cet article se penchera. En effet, le croisement de ces quatre dimensions donne lieu à l’identification de sept logiques identitaires que nous définirons à l’aide d’exemples tirés de notre corpus (voir tableau 1). Il va sans dire que les différences entre les dimensions et les logiques ont ici été accentuées aux fins de l’analyse typologique. Le tableau 1 présente les sept logiques identitaires issues du croisement de ces dimensions.

Tableau 1

Idéaux-types de logiques identitaires

Idéaux-types de logiques identitaires

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Nous analyserons d’abord les trois logiques identitaires issues du croisement « vision dichotomique » et « identité pour autrui acceptée ou subie », c’est-à-dire les logiques d’exclusion, de camouflage et d’acceptation. Nous avons choisi de décrire ces différentes logiques selon un continuum allant de l’acceptation « forcée » des catégorisations identitaires (logique d’exclusion) vers une acceptation fortement consentante de celles-ci (logique d’acceptation).

Logique de l’exclusion

La logique de l’exclusion est celle dans laquelle un individu, à un moment spécifique de son parcours biographique, accepte l’identité qui lui semble reconnue de facto par un individu qui a une vision dichotomique des identités collectives. Prenons l’exemple d’Anna. Elle raconte que c’est au secondaire qu’elle commence à se sentir étiquetée « anglophone » par les francophones : “I think it started to hit more when I got to high school, where people would you know call us names… ‘ah les anglophones’…”. Cette catégorisation – voire cette exclusion provenant de l’Autre, francophone – dont elle se sent être l’objet contribue selon elle à renforcer son sentiment d’appartenance au groupe anglophone : “Like I feel it just made me feel stronger about my roots and made me even more proud to be an Anglophone”.

Les répondants illustrant la logique de l’exclusion semblent faire correspondre l’identité reconnue par autrui à leur identité pour soi. Selon cette logique, l’identité qui exclut est acceptée, mais aussi réappropriée de manière positive. Selon les répondants, leurs interactions les poussent encore plus à adhérer à cette identité-type dont ils se disent fiers; à se définir par autrui qui leur reconnaît, selon eux, sans cesse la même identité.

Les répondants articulent un discours selon lequel ils se réapproprient une identité stigmatisante (Goffman Stigmate) en la transformant en une identité positive dont ils sont fiers. Les interactions sociales répétées avec autrui, leur reflétant constamment la même identité, ont contribué selon eux à renforcer leur appartenance linguistique déjà existante.

Logique de camouflage

La logique de camouflage est en soi une technique utilisée par l’individu visant à éviter certaines situations où ses interlocuteurs risquent à son avis de le réduire à une identité, voire de l’identifier comme un « individu discréditable » (Goffman Stigmate) parce qu’il parle une langue minoritaire (c’est-à-dire l’anglais). Prenons l’exemple de Marina. Avant d’entrer à l’Université Laval, elle se définit principalement comme anglophone. Au début de son programme universitaire, elle tente de réduire au minimum son recours au français afin de ne pas se faire étiqueter d’emblée comme « anglophone » – de ne pas porter un stigmate : “Especially at the beginning like… first semester, I was really shy to talk if we were a big gang of us, just cause a lot of people they didn’t know I was Anglophone.”

Karen, pour sa part, cherche à éviter de parler anglais dans les lieux publics, surtout lorsqu’elle sort au centre-ville de Québec. Selon elle, lorsqu’elle parle français, personne ne peut percevoir son identité anglophone. Elle tente donc de camoufler un attribut « discréditable » (Goffman Stigmate). Cette technique de camouflage lui permet, selon elle, d’éviter des conflits avec la majorité francophone québécoise : “And so, I try to keep my English in house. And my French, I use it outside when I am in public. Not like I don’t want to hide my culture and stuff and my language but I mean I pretty much have to because… or else I’ll get yelled at.”

Dans la logique de camouflage, l’acteur social connaît donc l’existence de l’identité-type qui lui est normalement reconnue; il l’accepte et l’intègre à son sentiment identitaire, mais il cherche parfois à se cacher pour éviter les situations de malaise ou de conflits que peut parfois générer cette « identité pour autrui ». Ainsi, l’acteur social n’accepte pas pleinement l’identité qu’on lui prête dans certaines interactions quotidiennes. Il tend à éviter de se faire démasquer. Par la technique du camouflage, il ne négocie cependant pas une nouvelle identité au cours de l’interaction; il accepte d’emblée la vision dichotomique des identités linguistiques. La logique de camouflage est temporaire puisqu’elle ne tend pas à subsister dans le parcours des jeunes interrogés. Dans notre corpus, nous avons trouvé peu d’occurrences (deux) de cette logique identitaire; elle survient principalement à l’adolescence ou au tout début de l’âge adulte. Ainsi pouvons-nous faire l’hypothèse que cette logique résulte de l’âge, l’adolescence étant une période où l’on se préoccupe peut-être plus fortement du regard des pairs sur soi.

Logique d’acceptation

La logique d’acceptation est différente des logiques précédentes puisqu’elle concerne des situations d’interaction où l’individu qui se fait accoler une nouvelle identité-type l’accepte et l’intériorise. L’individu prend d’abord connaissance de cette nouvelle identification pour ensuite l’accepter. Ainsi, les récits de certains répondants laissent croire qu’aucun processus de négociation ne prend place face aux catégorisations reçues par ce nouveau regard de l’Autre. Ils acceptent également la vision dichotomique des identités linguistiques.

Prenons l’exemple d’Annie. Avant son entrée à l’Université Laval, elle se considère comme « francophone québécoise » comparativement à ses compagnons de classe de l’école secondaire de langue anglaise. C’est lors de son entrée à l’Université Laval qu’elle commence à se percevoir comme anglophone puisque son nouvel entourage, constitué de francophones québécois n’ayant jamais fréquenté une institution scolaire de langue anglaise, la perçoit comme une anglophone : « Je pense que moi, j’ai commencé à me percevoir comme étant anglophone là à l’université. Juste parce que tout le monde me disait tout le temps “ah, mais toi tu es anglaise” ».

La logique d’acceptation renvoie ainsi aux situations dans lesquelles de nouvelles catégorisations identitaires – engendrées par de nouveaux rapports d’altérité – sont perçues et acceptées par l’individu qui ne se définissait pas auparavant selon ces catégories. Il ne négocie pas ce nouveau regard ni même la vision dichotomique des identités linguistiques et ethnonationales. Il n’utilise pas sa marge de manoeuvre en tant qu’acteur social; il se plie plutôt à ces nouvelles identifications dichotomiques qu’autrui semble à son avis lui prêter, et il les intériorise.

Alors que les logiques identitaires présentées jusqu’à maintenant s’inscrivent au sein d’une vision où les appartenances linguistiques sont considérées comme mutuellement exclusives, la logique de l’alternance identitaire que nous présenterons renvoie plutôt à une vision plurielle où les appartenances sont perçues comme cumulables et combinables. Cependant, les individus s’inscrivant dans cette logique se définissent toujours en conformité avec l’identité reconnue par autrui, une identité pouvant cependant varier selon les contextes et l’altérité avec laquelle ils interagissent.

Logique d’alternance identitaire

La logique de l’alternance identitaire renvoie à ce que fait l’individu qui, à un moment spécifique de son parcours de vie, accepte plusieurs catégorisations identitaires différentes selon les contextes interactionnels. Cependant, il ne choisit pas ou ne négocie pas une identité singulière, mais donne plutôt raison au regard de l’autre en acquiesçant aux différentes identités qu’on semble lui reconnaître dans différentes situations. Il ne remet pas non plus en question la vision dichotomique des identités « francophones québécoise » et « anglophone canadienne ».

Megane, par exemple, se sent soit francophone, soit anglophone, selon les situations : « c’est sûr que là-bas [à Toronto] j’étais considérée francophone. Puis ici, je suis considérée anglophone (rires)… c’était spécial. C’est sûr que des fois je ne peux pas me donner une identité particulière parce qu’ici je suis anglophone, puis quand je vais ailleurs je suis francophone… j’ai pas une identité spécifique. C’est comme si je partageais les deux bords. Puis euh, même moi des fois je me demande c’est où que je suis supposée de me placer ».

Selon la logique de l’alternance identitaire, il n’y a donc pas, du moins en apparence, de travail de l’acteur à l’oeuvre pour juxtaposer ou bricoler ces multiples catégorisations en une identité singulière. Il n’y a pas de négociation de la part de l’acteur. Dans l’interaction sociale, les diverses catégorisations et la vision dichotomique des identités-types semblent être acceptées sans discussion, selon les circonstances.

Jusqu’à présent, nous avons exposé les logiques identitaires s’inscrivant sous la dimension « identité pour autrui acceptée ou subie ». Dans les prochaines sections, nous présenterons plutôt des logiques s’inscrivant sous la catégorie « identité pour autrui contestée ». Nous traiterons d’abord de la logique d’affirmation mettant en jeu une conception dichotomique et mutuellement exclusive des appartenances linguistiques et ethnonationales, dans laquelle l’acteur social juge qu’il doit choisir l’une ou l’autre des identités qu’il ne peut, à son avis, combiner.

Logique d’affirmation

La logique d’affirmation implique que l’individu, à un moment spécifique de son parcours de vie, choisisse de son plein gré son identité parmi les identités-types dichotomiques provenant de la structure sociale afin d’éviter d’être associé à une identité stigmatisante ou à une altérité privilégiée qu’il perçoit de façon négative (Goffman Stigmate). Selon cette logique, l’individu souhaite se dissocier de l’identité qu’il croit ou qu’il craint que les autres lui prêteront. Ainsi, dans l’interaction, il annonce d’emblée son appartenance linguistique et ethnonationale; il refuse les attributs identitaires qui lui sont accolés et affirme plutôt son choix identitaire.

Par exemple, Melody craint qu’on l’identifie comme « francophone québécoise ». Elle provient d’un ménage linguistique mixte et parle très bien les deux langues. Elle a vécu jusqu’à l’âge de huit ans dans une autre province canadienne que le Québec. Lorsqu’elle arrive dans la ville de Québec, elle souhaite fortement se différencier des autres francophones en se présentant comme anglophone. Pour elle, l’identité anglophone revêt une valeur plus positive que l’identité francophone. Lorsqu’elle expérimente l’école secondaire de langue anglaise de Québec, elle se définit comme une anglophone : “when I got here, I was ‘no no, I am not Québécois, I am Canadian’”. En situation d’interaction avec les étudiants des polyvalentes francophones, elle affirme son identité anglophone dont elle se dit fière.

Ainsi, la logique d’affirmation implique que les individus choisissent eux-mêmes de se définir selon l’une ou l’autre des identités collectives afin de se distinguer, de se définir à l’encontre d’Autrui. Par cette logique, ils souhaitent ainsi éviter de se faire prêter une identité qu’ils rejettent et qu’ils perçoivent de façon négative.

Dans la prochaine et dernière partie, nous allons nous pencher sur les logiques dans lesquelles les appartenances sont pensées comme combinables et où l’acteur conteste la vision dichotomique de même que l’identité qui lui est reconnue par les autres. Il s’agit du dernier croisement du tableau typologique (vision plurielle et identité pour autrui contestée), comprenant deux logiques identitaires : la logique de juxtaposition et la logique de singularisation.

Logique de juxtaposition

Dans la logique de juxtaposition, l’individu utilise sa marge de manoeuvre pour se créer une identité qui lui est propre. En tant qu’acteur social, il s’invente ainsi une identité plurielle dans laquelle il juxtapose plusieurs identités-types disponibles à même la structure sociale. Cette logique permet de rendre compte de ceux qui se définissent à la fois comme francophone et anglophone; ils se disent incapables de choisir l’une ou l’autre de ces identités linguistiques. Annie explique que son identité est comme « un gros mélange » : « mais je ne sais pas comment je m’identifie… comme un gros mélange. Je m’identifie comme Québécoise francophone, mais je suis très fière de mon côté anglais… c’est vraiment pas comme un ou l’autre. C’est super gris, tu sais. Il y a pas de zones là. C’est pas ni noir ni blanc. »

L’enquête de terrain nous a également permis de rencontrer des individus qui considèrent leur identité comme une combinaison dynamique de trois appartenances. Maude, par exemple, se définit à la fois comme anglophone, irlandaise et francophone : “it’s like three different kinds of cultural identities in one. […] so well, I am part Irish, part French, part English. I think I embrace it all”.

Dans la logique de juxtaposition, on retrouve ainsi des individus qui se définissent selon une vision où les appartenances sont cumulables; en juxtaposant plusieurs « identités-types », ils contestent une identité pour autrui où ils seraient contraints de se définir en appartenant à l’une ou l’autre des identités « anglophone canadienne » et « francophone québécoise ».

Logique de singularisation

Dans la logique de singularisation, l’individu prend plutôt une distance face aux identités-types véhiculées par la structure sociale; en dialogue avec la vision dichotomique des identités-types linguistiques et ethnonationales, il s’en libère pour se définir en marge des catégorisations identitaires disponibles au coeur des représentations sociales, en adoptant une position identitaire qu’il considère unique (Touraine). Prenons l’exemple de Thomas qui refuse de s’identifier à un groupe de référence en particulier :

Je ne sais pas si c’est parce que justement j’ai vu les deux, mais j’ai beaucoup de misère à m’identifier encore une fois linguistiquement. Je trouve que c’est une manière très limitée de penser de soi-même. […] Alors, c’est ça : j’ai pas ce besoin d’appartenance-là à dire « moi je suis un membre de telle communauté, un membre de telle communauté et je veux rien à voir avec les autres ».

Suivant cette logique de singularisation, les individus prennent une distance face aux identités-types dichotomiques issues de la structure sociale. Ils contestent les identités pour autrui et adoptent une vision singulière de la construction identitaire. Ils se distancient des catégorisations identitaires; ils se reconnaissent d’abord comme des individus et ils rejettent l’ensemble des identités collectives linguistiques et ethnonationales. Ils développent toutefois cette singularisation en dialogue avec les – et en opposition aux – identités-types existant dans la structure sociale.

Interprétation des résultats

Le principal apport théorique de la mise en forme de ces logiques identitaires est de démontrer à quel point l’acteur – même s’il fait un effort réflexif dans lequel plusieurs logiques peuvent se cumuler au sein du processus de construction identitaire − reste tout de même fortement déterminé par le réservoir d’identité-types opposant les « anglophones canadiens » aux « francophones québécois » (Berger et Luckmann). C’est ainsi que même la logique de singularisation se développe en opposition aux identités-types déjà existantes dans la structure objective.

Nos données permettent de souligner les limites des approches subjectivistes de l’identité individuelle (Touraine; Kaufmann), alors que nos résultats démontrent que les logiques identitaires multiples qu’utilisent les acteurs sociaux pour construire leur identité individuelle émanent principalement de la structure sociale. Certains pourront nous reprocher de ne pas tenir compte de l’identité pour soi, de l’intériorité ou de l’authenticité du sujet (Taylor), mais il n’en demeure pas moins que l’identité se développe toujours dans l’interaction, sous le regard de l’Autre que l’on généralise après l’avoir intériorisé (Mead).

Il est intéressant de comparer ces résultats de recherche à ceux obtenus auprès des jeunes francophones minoritaires canadiens fréquentant une école secondaire de langue française. En effet, les études portant sur la jeunesse francophone vivant dans les autres provinces canadiennes que le Québec font la constatation suivante : les jeunes se caractérisent majoritairement par des identités bilingues, voire hybrides, ambivalentes; des identités se situant entre les pôles à prédominance francophone et anglophone. Des études qualitatives (Dallaire et Denis; Gérin-Lajoie; Pilote, etc.) et quantitatives (Duquette; Landry, Deveau et Allard; Boissonneault, etc.) démontrent cette prépondérance de l’identification bilingue chez les jeunes francophones canadiens. Selon Dalley, cette inclusion du bilinguisme dans la conception de soi distingue les jeunes générations de celles qui les ont précédées. Nous pouvons faire l’hypothèse que la catégorie « bilingue » a été véhiculée dans les dernières décennies, notamment dans les discours des chercheurs, des organismes communautaires et des acteurs sociaux de la francophonie canadienne – que ceux-ci adhèrent ou non à ce construit qu’est l’« identité bilingue »[4]. Il reste que la catégorie du « bilingue », qui constitue maintenant un choix de réponse reconnu dans les questionnaires quantitatifs, a été réappropriée socialement par la francophonie canadienne hors Québec.

Or, cette identification bilingue semble peu disponible sur le plan des identités des jeunes adultes ayant évolué dans le contexte local de la ville de Québec. Les logiques de juxtaposition repérées ici révèlent au contraire le plus souvent un collage ou une superposition de différentes identités-types existant à même la structure sociale et non un mélange où le résultat serait l’« identité bilingue ». Les jeunes de notre corpus semblent se définir en prenant pour références les identités-types disponibles dans les représentations sociales, cela même dans les logiques de juxtaposition et de singularisation. Le travail du jeune acteur social consisterait ici à se forger une identité plurielle à l’aide du réservoir d’identités-types (Dubet).

Conclusion

L’étude de cas que nous avons menée nous permet d’affirmer que, dans le contexte de la ville de Québec où règne une majorité francophone, les identités collectives opposant les « francophones québécois » aux « anglophones canadiens » existent dans le discours des acteurs sociaux. Même si les jeunes que nous avons interrogés proviennent majoritairement de foyers bilingues, il reste qu’ils sont amenés à construire leur identité à partir d’identités linguistiques et ethnonationales dichotomiques. D’autres identités, dites « anglo-québécoises » ou « bilingues », ne sont pas présentes dans les discours de nos répondants. Il semble dès lors que nos résultats de recherche apportent un nouvel éclairage à l’hypothèse du brouillage des frontières entre anglophones et francophones.

Replacées dans l’histoire de l’identité québécoise, nos conclusions permettent de douter de la disparition d’une conception ethnique de la nation québécoise. La conception civique et inclusive mise de l’avant par les autorités québécoises dès les années 1970, à mi-chemin entre l’assimilationisme et le multiculturalisme (Maclure), ne semble pas ici colorer les logiques identitaires que nous avons analysées dans le contexte local de la ville de Québec. La territorialisation de l’identité québécoise dans les années 1960 ne semble pas avoir totalement contribué à la « désethnicisation » de la nation québécoise, du moins sur le plan microsociologique. Il semble que les Québécois ne se sont pas tous empressés d’adopter le projet civique interculturel mis de l’avant par le ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration. En ce sens, cette retombée sociale de notre étude corrobore d’autres recherches menées auprès d’immigrants qui « ont confirmé l’existence d’un gouffre entre les attitudes populaires et la rhétorique civique officielle » (Oakes et Warren 36). L’étude de Labelle et Salée sur les immigrants souligne notamment cette « fracture discursive » (Oakes et Warren 177) entre le discours de l’État sur l’intégration et le discours des immigrants sur leur incorporation à la société canadienne et québécoise.

Cette retombée sociale pourrait ouvrir la voie à des recherches appliquées visant une certaine action sociale. Quelques études ont d’ailleurs amorcé une réflexion en se penchant sur les contacts établis en dehors du milieu scolaire entre les élèves francophones et anglophones (Côté et Mettewie) ainsi qu’au sein même du milieu scolaire (Côté). Les conclusions de ces études corroborent la théorie des contacts intergroupes qui « stipule grosso modo que sous certaines conditions favorables, plus il y aura de contacts entre les membres de groupes différents, plus ils vont apprendre à se connaître et moins il y aura de discrimination entre eux » (Côté et Mettewie 14). C’est peut-être dans l’organisation d’activités et de partages intergroupes que se dégage une piste d’action interculturelle – une piste d’action qui pourrait avoir une incidence sur la déconstruction d’une vision dichotomique des identités linguistiques et ethnonationales au Québec, du moins sur le plan microsociologique.