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Introduction

La présente recherche s’inscrit dans la thématique de la gestion de portefeuille par les sociétés de capital-risque (SCR). Plusieurs auteurs soulignent que les SCR qui assistent bien les entreprises de leur portefeuille peuvent s’attendre à une meilleure performance et, par conséquent, à un rendement substantiel sur l’investissement initial (Dimov et Shepherd, 2005). L’intervention des SCR ne se limiterait donc pas à une intervention purement financière. Certaines études montrent que les SCR améliorent les connaissances des gestionnaires (De Clercq et Sapienza, 2001), fournissent de l’information stratégique (Perry, 1988 ; MacMillan, Kulow et Khoylian, 1989 ; Sapienza, 1992), agissent en tant que confidents (MacMillan, Kulow et Khoylian, 1989 ; Sapienza, 1992 ; Fried et Hisrich, 1994), favorisent l’accès aux ressources externes (Busenitz, Fiet et Moesel, 2004 ; Chang, 2004), effectuent une surveillance de la direction (MacMillan, Kulow et Khoylian, 1989 ; Sapienza, 1992 ; Wang, Wang et Lu, 2002), favorisent la rencontre de l’entreprise auprès des clients et des fournisseurs (Busenitz, Fiet et Moesel, 2004) et offrent de l’expérience et des connaissances (Perry, 1988 ; De Clercq et Sapienza, 2001). Enfin, Large et Muegge (2008) ont fait une importante synthèse en regroupant les différentes contributions non financières (CNF) des SCR en huit catégories : deux ont une orientation externe (légitimation et sensibilisation) et les six autres ont une orientation interne (recrutement, élaboration de stratégies, mentorat, consultation et exploitation).

Cependant, certaines études[1] considèrent que cette forme d’intervention peut amener les dirigeants de PME à peu s’intéresser au capital-risque lorsqu’ils ont besoin de financement, étant donné leur crainte de perdre le contrôle sur leurs activités. Existe-t-il alors un problème en matière de compréhension de la forme ou de la nature de l’intervention non financière des SCR dans les entreprises partenaires ? Comme l’a noté St-Pierre (2004), certaines recherches montrent que les anges financiers réalisent des rendements plus élevés que les SCR en s’impliquant davantage à l’étape postinvestissement, ce qui pourrait constituer une preuve que la gestion du projet ou de l’étape postinvestissement possède une influence considérable. La différence entre ces deux types d’investisseurs se situe dans la nature et la forme de leur intervention postinvestissement. À ce sujet, Van Osnabrugge (2000) souligne que pendant que les SCR se concentrent sur l’étape de la décision d’investissement pour réduire le risque (par l’évaluation du projet, la vérification diligente, la rédaction d’une convention d’actionnaires, etc.) et espèrent que l’entreprise génère les rendements escomptés, les anges financiers sont, quant à eux, plus impliqués que les SCR à l’étape postinvestissement par leur implication stratégique et opérationnelle et leur relation de proximité avec l’entrepreneur (l’ange mise davantage sur la compatibilité avec les dirigeants, etc.). Le suivi des investissements[2] peut alors être considéré comme l’étape cruciale pour l’atteinte des objectifs fixés à l’entreprise et, par ricochet, pour l’atteinte des rendements par les SCR. Nous inscrivons justement notre recherche dans cette étape postinvestissement.

De même, en dépit du nombre important de travaux qui ont traité de la relation entre SCR et PME, peu nombreux sont ceux qui ont abordé la relation SCR et PME d’un point de vue de l’organisation du suivi postinvestissement. Récemment, une recherche menée par De Clercq et Fried (2005) a pu démontrer l’existence d’un lien entre la communication et l’implication ainsi que la quantité et la qualité des activités de valeur ajoutée par les SCR sur la performance des entreprises partenaires. Cette étude reste tout de même insuffisante et ne permet pas de se prononcer sur l’organisation du suivi postinvestissement et des facteurs qui l’influencent. D’ailleurs, De Clercq et Manigart (2007) ont qualifié la relation entre le professionnel de la SCR et l’entrepreneur à l’étape postinvestissement de « boîte noire » pour montrer qu’il reste encore beaucoup de choses à explorer et à découvrir dans le suivi des investissements.

Partant de ces constats, la présente recherche a pour finalité d’expliciter les processus et facteurs en jeu dans le suivi postinvestissement des SCR à partir de l’étude des activités des professionnels des SCR au-delà de la stricte gouvernance corporative[3]. Elle défend l’idée que le suivi, par la gouvernance stratégique[4] de la relation SCR et PME, influence en partie le succès de la valeur ajoutée par les SCR et soutient que la qualité du suivi des investissements influence la réussite de la relation entre SCR et PME. À cet effet, la question principale de cette recherche se pose en ces termes : comment les SCR organisent-elles le suivi des investissements ? Quels sont les processus en jeu et les facteurs qui affectent ce suivi ?

Cet article comporte trois parties. Nous abordons d’abord le cadre conceptuel de la recherche et passons succinctement en revue la littérature sur le capital-risque portant sur le thème du suivi des investissements. Puis nous mettons l’accent sur les théories qui encadrent la relation entre les SCR et les entrepreneurs. Ensuite, nous décrivons la démarche méthodologique retenue et, enfin, nous analysons et discutons des résultats de la recherche tout en esquissant un modèle du suivi des entreprises partenaires.

1. Le cadre conceptuel de la recherche

L’objectif de cette partie est double. Il s’agit, dans un premier temps, d’apporter quelques précisons sur le concept de suivi des investissements et, dans un second temps, de présenter les deux modèles théoriques mobilisés pour encadrer cette étude : la théorie de l’agence et le modèle de De Clercq et Fried, inspiré de la théorie de la justice procédurale.

1.1. Le suivi des investissements dans la littérature sur le capital-risque

Dans cette section, nous définissons le concept de suivi des investissements et mettons en évidence quelques résultats empiriques des différents travaux qui portent sur le suivi, particulièrement sur l’implication des SCR dans les entreprises en portefeuille. Ainsi, selon Stéphany (2003), le suivi ou le partenariat mis en place par la SCR permet de contrôler la réalisation du projet de développement, d’évaluer la performance générée et d’accompagner le dirigeant dans le pilotage de son entreprise. Le suivi des investissements ou des entreprises partenaires signifie l’accompagnement de l’entreprise dans le temps, relativement aux milestones ou jalons de performance.

Bien que les résultats empiriques ne soient pas unanimes sur l’effet ou l’importance de l’implication sur les entreprises partenaires, certains chercheurs, dont Gabrielsson et Huse (2002), prétendent que l’implication directe des SCR constitue un avantage compétitif par rapport aux autres investisseurs à la suite de la mise en place de différentes actions. Fried, Bruton et Hisrich (1998) relèvent la nécessité de l’implication des SCR dans les entreprises partenaires parce que les SCR sont sélectionnées par des investisseurs qui leur octroient des capitaux à gérer et qui exigent en contrepartie une certaine rentabilité. Leur rémunération dépend alors essentiellement du succès de ces entreprises (Sahlman, 1990). Par exemple, les SCR en Angleterre considèrent leur implication comme nécessaire pour améliorer les affaires de leurs entreprises (Sweeting, 1991). Le rôle des SCR comme partenaires d’affaires et non comme partenaires financiers est particulièrement important dans le contexte des pays émergents. Le succès de la relation entre les dirigeants et les SCR peut dépendre du niveau d’implication exigé ou demandé par les entrepreneurs aux SCR et des capacités des SCR. À mesure qu’une entreprise en portefeuille réussit, c’est-à-dire passe des premiers stades aux derniers stades de développement, la contribution non financière que la SCR lui accordait peut devenir de moins en moins utile (Black et Gilson, 1998). Rosentein (1988) a constaté que l’implication des SCR était plus utile dans les premiers stades de développement de l’entreprise que dans les stades avancés. Gorman et Sahlman (1989), Sapienza (1992) et Sapienza et Gupta (1994) remarquent également que l’implication par l’intermédiaire du suivi et du contrôle est plus exigeante dans les entreprises à leurs premiers stades de développement. En revanche, tout comme MacMillan, Kulow et Khoylian (1989), Sapienza (1992) ne découvre pas de lien positif entre le stade de développement, la stratégie de différenciation de l’entreprise par rapport à la concurrence, l’incertitude perçue et la valeur de l’implication de la SCR. Enfin, Elango etal. (1995) ne perçoivent aucune relation entre le stade de développement et l’implication de la SCR.

Par ailleurs, il apparaît que d’autres facteurs de contingence expliquent l’implication forte ou faible des SCR dans les entreprises partenaires. Ainsi, le niveau d’expérience élevé de l’équipe de direction est un facteur qui atténue le niveau d’implication de la SCR dans le contrôle de l’entreprise en portefeuille. De même, si le montant total de l’investissement dans l’entreprise est très élevé, les mécanismes de gouvernance deviennent très importants (Barney etal., 1994). Donc, si le montant de l’investissement est faible, les SCR seront démotivées à investir dans des formes de gouvernance très élaborées puisque les coûts de gouvernance risqueraient alors de dépasser le rendement potentiel de l’investissement. En outre, le niveau d’implication le plus élevé des SCR dans les activités opérationnelles d’une entreprise a lieu quand la SCR prend le contrôle de la gestion de l’entreprise. Cette situation se présente rarement, car, comme le rapportent Fried et Hisrich (1995), lorsqu’une SCR se retrouve impliquée sur le plan opérationnel dans une entreprise, c’est le signe qu’elle a échoué dans son travail de capital-risque.

Après avoir précisé le concept du suivi des investissements, il ressort que certains facteurs tels que le niveau d’expérience de la direction, le pourcentage du capital détenu par la SCR, le stade de développement de l’entreprise partenaire et le montant qui y est investi ont un impact sur le degré et le type de suivi des investissements. Il convient maintenant de présenter les cadres théoriques qui vont contribuer à l’approfondissement de notre compréhension du suivi des investissements.

1.2. Les théories sur la relation SCR-PME

Nous situons la relation SCR-PME dans le cadre de la combinaison des deux théories suivantes : la théorie de l’agence et une conceptualisation de la contribution non financière des SCR à l’étape du suivi des investissements inspirée de l’apport de la théorie de la justice procédurale ainsi que de l’alignement des objectifs des principaux acteurs (entrepreneurs et professionnels des SCR).

1.2.1. La théorie de l’agence

Il revient à Jensen et Meckling (1976, cités dans Charreaux, 1997) dans leur article sur « la théorie de la firme » d’avoir proposé les premiers un cadre d’analyse principal des organisations. Ce cadre constitue un vaste projet de création d’une théorie du comportement des organisations reposant sur l’hypothèse de la rationalité des acteurs, notamment des dirigeants (Jensen et Meckling, 1976, p. 8, dans Charreaux, 1997). Encadrer la relation entre la SCR et l’entrepreneur-dirigeant par la théorie de l’agence revient à mettre en évidence la notion de contrat. En effet, la théorie des contrats se justifie par les imperfections et les insuffisances des marchés comme instruments de coordination. Brousseau (1995) définit le contrat comme « un accord par lequel des parties se créent des obligations mutuelles afin de se coordonner, c’est-à-dire rendre leurs actions compatibles et partager le surplus d’utilité ainsi créé ». Il relève deux notions centrales dans sa définition du contrat : les obligations sont le résultat intentionnel de la volonté de ceux qui adhèrent ; elles créent des contraintes acceptées par des « autonomies ». Cette définition représente assez bien le type de contrat établi entre la SCR et l’entrepreneur. La théorie de l’agence et la théorie des coûts de transactions se consacrent particulièrement à l’exploration de cette notion de contrat en analysant les dispositifs de coordination comme des systèmes d’obligations issus d’accords de volonté (Brousseau, 1995). La théorie de l’agence semble alors appropriée pour étudier et expliquer la relation investisseur-entrepreneur. Elle développe une analyse systématique des interactions stratégiques en situation d’asymétrie d’information (Brousseau, 1995). Elle nous permet aussi de positionner les mécanismes de sauvegarde des intérêts des investisseurs financiers (SCR) tels que les clauses contractuelles, les incitations financières et les mécanismes de surveillance et de contrôle.

La principale critique de cette théorie est qu’elle priorise les dispositions contractuelles parmi les mécanismes de coordination de la relation entre investisseur et entrepreneur. Le mandant (la SCR) met ainsi en place des mesures de contrôle et des incitatifs pour amener le mandataire (l’entrepreneur) à poursuivre les objectifs fixés. La théorie de l’agence « élargie » et, plus loin, celle de la coopération soulignée dans l’article de Cable et Shane (1997) permettent de mettre en relief que la relation SCR et PME ne se réduit pas uniquement au contrat. Le partenariat SCR et PME, faut-il le rappeler, renvoie à une volonté des deux parties de coopérer ensemble. Certes, il peut exister des opportunistes de part et d’autre, dont l’objectif peut être de faire défection. Mais force est de constater que l’entrepreneur se définit habituellement comme quelqu’un qui recherche de l’autonomie et qui a une vision à partager. De même, la SCR se présente généralement comme une structure dont l’objectif est de permettre aux entrepreneurs de réaliser leur vision. Donc, nous partons a priori d’une volonté manifeste de coopération à partir de laquelle les deux partenaires peuvent bâtir la confiance en s’engageant dans une communication fréquente et ouverte, en étant justes et équitables, et en alignant leurs objectifs (Sherpherd et Zacharis, 2001). Ces deux dimensions, « implication » et « communication », sont largement traitées dans la théorie de la justice procédurale et se retrouvent dans le modèle de De Clercq et Fried (2005) que nous présentons dans la section suivante.

1.2.2. Le modèle de De Clercq et Fried et la théorie de la justice procédurale

En complément à la théorie de l’agence, plusieurs études ont démontré que la théorie de la justice procédurale constituait aussi un cadre d’analyse pour la compréhension de l’impact des procédures de décisions sur les relations intrafirmes (Sapienza et Korsgaard, 1996). Ces études ont montré comment les procédures de décisions influencent les attitudes et les actions de ceux qui sont engagés dans le processus. La théorie de la justice procédurale suggère que les individus accordent de la valeur aux procédures perçues comme étant justes lorsque le contrôle direct n’est pas possible (Thibault et Walker, 1975, dans Sapienza et Korsgaard, 1996). Sapienza et Korsgaard (1996) soulignent alors que, même lorsqu’une décision particulière entraîne un résultat défavorable pour un individu, les procédures justes rassurent ce dernier qu’il recevra toujours ce qui lui est dû dans la relation d’échange. Ces procédures justes permettent donc aux individus de toujours croire que leurs intérêts sont et seront bien protégés. La théorie de la justice procédurale met l’accent sur les phénomènes d’interaction et de rétroaction (feedback) qui ont lieu tout au long du suivi des investissements. De Clercq et Fried (2005) se sont appuyés sur l’analyse de Cable et Shane (1997) et sur la volonté de coopération des acteurs ainsi que sur la théorie de la justice procédurale.

Afin d’élaborer leur modèle, De Clercq et Fried (2005) se sont posé la question suivante : comment la communication et l’implication des SCR peuvent-elles améliorer la performance des entreprises partenaires ? Leur étude a été réalisée à partir d’une enquête faite auprès de 300 SCR indépendantes et des entrevues dirigées avec quelques professionnels de SCR. Comme le décrit la figure 1, ces deux auteurs postulent que « la communication entre la SCR et la PME partenaire, la communication au sein de la SCR et l’implication de la SCR dans la PME jouent un rôle majeur dans la valeur ajoutée par la SCR aux entreprises partenaires et, par conséquent, ont un impact sur la performance de la PME partenaire » (De Clercq et Fried, 2005, p. 293). Ils définissent l’implication des SCR comme la propension des professionnels des SCR à mettre dans un investissement des efforts supérieurs à ce qui est contractuellement prévu ou attendu par les PME.

Figure 1

Le modèle de De Clercq et Fried (2005)

Le modèle de De Clercq et Fried (2005)
Source : De Clercq et Fried (2005).

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Selon De Clercq et Fried (2005), la communication est importante et cruciale dans le processus de création de valeur par la SCR parce qu’elle améliore la qualité des activités de valeur ajoutée. En effet, la communication encourage l’apprentissage réciproque entre la SCR et la PME. De même, la communication au sein de la SCR profite à la PME, car cette communication interne permet d’améliorer la qualité des conseils de professionnels des SCR. Ces auteurs démontrent ainsi que l’apprentissage générateur de valeur ajoutée pour les PME se renforce non seulement par l’effort d’apprentissage personnel du professionnel de la SCR, mais aussi par le fruit de l’interaction des professionnels au sein de la SCR. Autrement dit, les auteurs soulignent que l’apprentissage des professionnels de la SCR ne dépend pas seulement de leurs habiletés individuelles à apprendre, mais aussi de l’intégration des connaissances et des aptitudes procurées par les autres collègues au sein de la SCR. Ensuite, ces deux auteurs expliquent l’intégration de la connaissance et sa mise à profit au sein de la SCR en examinant le double effet de la communication (entre la SCR et la PME, et à l’intérieur de la SCR) sur les résultats d’un investissement.

Par ailleurs, De Clercq et Fried (2005) étudient le rôle de l’implication des SCR dans la création de valeur ajoutée et dans la performance de la PME. Selon eux, les mécanismes qui sous-tendent l’implication dans les résultats d’un investissement sont légèrement différents de ceux de la communication. Ils observent que « la nature de la communication accroît la qualité des activités de valeur ajoutée, tandis que l’implication renvoie à la quantité des activités de la valeur ajoutée et favorise la réceptivité ou l’ouverture des PME aux conseils des SCR » (p. 287). Ils soutiennent également que l’implication de la SCR dans la PME signifie que la SCR veut contribuer à apporter de la valeur à la PME et terminent en affirmant que « plus l’implication de la SCR dans la PME est grande, plus il est probable que le management de la PME accepte le rôle de création de valeur de la SCR » (p. 287).

Pour résumer et conclure sur l’analyse théorique, nous notons que le suivi des investissements s’articule autour des activités de surveillance et d’implication. Ces activités sont dépendantes de la qualité de l’interaction entre les différents partenaires. À partir de cette analyse, nous esquissons un modèle initial de recherche (figure 2) qui nous guide pour la suite de la recherche. Ce modèle initial de recherche comprend plusieurs variables d’intérêts ou construits qu’il importe à présent d’appliquer à un échantillon de convenance de cinq SCR ayant financé cinq entreprises dans la province de Québec. Il s’agit d’explorer le contenu de ces variables, de relever les processus en jeu et de voir s’il y a de nouveaux facteurs qui affectent le suivi des investissements.

Figure 2

Le modèle initial de recherche

Le modèle initial de recherche

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2. Les choix méthodologiques

La démarche s’inscrit dans une recherche exploratoire dont l’objectif est d’améliorer notre compréhension du suivi des investissements. Pour cela, nous avons procédé à une stratégie de recherche inductive qualitative par études de cas. Nous avons opté pour l’échantillonnage théorique qui est défini par Hlady-Rispal (2000) comme « le processus de collecte des données pour produire une théorie ». Elle ajoute que pour inclure un cas dans l’échantillon théorique, celui-ci doit posséder suffisamment de traits communs avec les autres cas. Elle précise que cette règle constitue une tentative de rendre constants des faits stratégiques et propose d’exclure des cas lorsque les faits ne peuvent être maintenus constants, ou sont susceptibles d’introduire davantage de différences indésirables (Hlady-Rispal, 2000). Cela ne signifie pas, selon elle, qu’il faille chercher des cas « identiques ».

2.1. La sélection des cas

Étant intéressé par la question du suivi des investissements, nous avons choisi cinq cas de SCR au Québec ayant investi dans cinq entreprises québécoises. Le choix final des SCR s’est fait sur la base de leur richesse par rapport aux objectifs visés par l’étude. Notre sélection a également été influencée par les contacts préalables que nous avons eus avec un responsable de la SCR1[5]. Plus précisément, deux critères fondent ce choix. Premièrement, les cinq SCR retenues offrent plus de la moitié du capital-risque au Québec. Elles présentent suffisamment de caractéristiques communes et quelques traits divergents, qui vont nous permettre d’élaborer une infrastructure conceptuelle et de faire émerger des propositions théoriques et pratiques. Ainsi, trois SCR retenues au niveau de la structure organisationnelle sont des SCR institutionnelles de grande taille (SCR1, SCR2, SCR3) en termes de structure organisationnelle, de volume d’investissement et de portefeuille d’entreprises. Elles investissaient dans tous les secteurs d’activité et dans tous les stades de développement d’une entreprise. Les deux autres sont des SCR privées ou indépendantes (SCR4, SCR5) de petite taille ; l’une investissait uniquement dans le secteur manufacturier et l’autre, dans tous les secteurs.

Le deuxième critère sélectif des SCR est relié à l’organisation du suivi des investissements. Toutes ces SCR disposent d’équipes pour accompagner et surveiller les entreprises partenaires. Par ailleurs, elles connaissent des situations diverses qui vont nous permettre d’accroître notre compréhension du suivi et de sa complexité. Ainsi, elles présentent quelques différences en matière d’objectifs, de forme juridique et de structure organisationnelle. Par exemple, la SCR3 a des objectifs qui vont au-delà de l’unique réalisation des rendements financiers. Ces objectifs sont également la création et le maintien d’emplois ainsi que le développement économique local ou régional.

S’agissant du choix des entreprises, notre objectif initial était d’opérer un choix qui nous permettrait de préserver la cohérence dans notre démarche de recherche et de contrôler la variance. Nous avions également plusieurs critères. Le premier était de retenir, pour toutes les SCR choisies, des entreprises de leur portefeuille qui avaient une certaine similarité, c’est-à-dire des entreprises appartenant au même secteur d’investissement, rendues au même stade de développement et, dans une certaine mesure, pour lesquelles les montants investis étaient quasiment semblables. L’autre critère de choix était l’excellence et la médiocrité du dossier. Ainsi, un dossier était excellent lorsqu’une entreprise avait donné un rendement supérieur à celui escompté par la ou les SCR. Un dossier était coté moyen quand une entreprise avait un rendement plus ou moins égal à celui escompté par la ou les SCR. Enfin, un dossier était évalué médiocre dans le cas où une entreprise avait obtenu un rendement inférieur à celui attendu par la ou les SCR.

À la suite de notre rencontre avec le vice-président investissement de SCR1, il a été convenu de retenir cinq entreprises[6] (ABC, DEF, UVP, XYZ, JKL) qui étaient en phase d’expansion ou en très forte croissance. Toutes ces entreprises provenaient du secteur manufacturier. Ces cinq entreprises ont été financées par une ou plusieurs SCR parmi les cinq retenues. Le choix porté sur les entreprises du secteur manufacturier en voie d’expansion ou en très forte croissance s’explique aussi par l’expérience cumulée dans ce secteur par les SCR retenues sur les plans de l’investissement et du désinvestissement. En effet, le vice-président investissement de la SCR1 nous a expliqué que c’était le secteur où la SCR1 avait l’échantillonnage le plus important.

De même, le choix des entreprises en processus d’expansion ou ayant acquis une maturité trouve également sa justification dans la structure de l’industrie du capital-risque. Le vice-président investissement de la SCR1 l’explique en ces termes : « Il y a à peu près 75 % à 80 % des montants investis dans l’industrie du capital-risque québécoise destinés beaucoup plus aufinancement de la croissance qu’au financement de démarrage. »

2.2. La collecte et le traitement des données

Pour mieux saisir cette étape postinvestissement, il importe d’interroger les principaux acteurs (Gartner, Bird et Starr, 1992). Les données ont été recueillies par entrevues semi-dirigées auprès de professionnels chevronnés des SCR et d’entrepreneurs ayant bénéficié du financement par capital-risque. Ces acteurs ont été interrogés sur le processus de suivi des entreprises en portefeuille. Par ailleurs, afin de contrôler la variance, nous avons choisi de nous entretenir avec le même professionnel ou la même équipe de professionnels qui a vécu le processus de suivi ou qui était en charge du suivi des entreprises retenues pour le compte de la ou des SCR. Au total, comme l’indiquent les tableaux 1 et 2, nous avons rencontré 17 personnes dont 14 professionnels des SCR et 3 entrepreneurs, dont ceux de ABC, de JKL et de UVP.

Tableau 1

Vue synoptique des SCR et des personnes interviewées

Vue synoptique des SCR et des personnes interviewées

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Tableau 2

Vue synoptique des entreprises et des personnes interviewées

Vue synoptique des entreprises et des personnes interviewées

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Auprès de toutes les personnes-ressources, nous avons procédé avec plusieurs méthodes de collecte de données : les entrevues semi-dirigées, les mémos, la grille heuristique, les observations non participantes (c’est-à-dire que nous avons assisté à des réunions de travail regroupant les professionnels de la SCR en charge du suivi des dossiers d’entreprises) et l’analyse documentaire. Pour cette dernière méthode, nous avons pu collecter les documents nécessaires à notre étude (les correspondances entre les capitaux-risqueurs et les dirigeants des entreprises, les rapports de suivi des professionnels des SCR, le modèle ou rapport de suivi utilisé, les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration, les rapports annuels, les états financiers, les rapports d’évaluation, etc.). De même, nous avons élaboré, à partir de la littérature et de la problématique managériale, un protocole d’entrevue précis et standardisé en guise de collecte de données pour chacune des SCR et des entreprises partenaires rencontrées.

L’entrevue individuelle avec les professionnels des SCR a servi à recueillir toute une série d’informations relatives au phénomène étudié. Les informations ont plus précisément porté sur les éléments suivants en tenant compte de leur évolution dans le temps :

  • La première série de questions concernait le profil de la société de capital-risque et sa politique de suivi des investissements ;

  • La deuxième série de questions approfondissait la compréhension du suivi des investissements. Elle consistait en une mise en contexte dans laquelle nous demandions au répondant de se prononcer sur chaque entreprise partenaire. Elle a permis alors d’identifier et de comprendre les éléments suivants :

    • l’évolution et les faits marquants de chaque dossier ;

    • la nature et l’effet des interventions des professionnels des SCR ;

    • leurs relations de travail avec les différents entrepreneurs ;

    • les activités de surveillance des professionnels des SCR.

L’entrevue individuelle avec les entrepreneurs a servi, pour sa part, à recueillir toute une série d’informations en posant des questions ouvertes relatives au phénomène étudié. Les informations recueillies portaient concrètement sur les perceptions et l’appréciation des entrepreneurs concernant :

  • la nature et l’effet des interventions des professionnels des SCR ;

  • leurs relations de travail avec les professionnels des SCR ;

  • l’apport des professionnels des SCR dans le processus de création de valeur ;

  • les pratiques de surveillance des professionnels des SCR.

Les entrevues ont été enregistrées et transcrites par la suite avant d’être analysées en fonction des méthodes interprétatives qualitatives. Par ailleurs, les notes prises, les documents collectés et les transcriptions d’entretiens ont été lus, annotés et interprétés par nos soins tout en nous appuyant sur les principaux outils reconnus, tels que la codification et la catégorisation (Miles et Huberman, 1994). L’utilisation du logiciel NVivo version 8 a facilité l’analyse du contenu.

Pour l’analyse du contenu, nous avons privilégié la démarche de Creswell (1998). Celle-ci a consisté à étudier le cas de la SCR1 comme cas « pilote ». Ce dernier a été analysé en profondeur. Les résultats découlant de ce premier cas ont été comparés à ceux tirés de la revue de la littérature et de la problématique. Ces résultats nous ont permis, d’une part, d’enrichir la littérature sur le suivi des investissements dans le contexte des relations entre SCR et entrepreneurs. D’autre part, nous avons poursuivi la collecte et l’analyse des autres cas considérés comme des cas de « réplication ». À chaque fois, il s’agissait de voir l’apport de chaque nouveau cas à nos précédents résultats, qui se sont d’ailleurs considérablement modifiés à la suite de l’analyse en profondeur intracas et intercas.

Pour accroître la validité des construits, nous avons adopté l’approche de Yin (2003), qui retient les trois tactiques complémentaires suivantes : i) faire appel à des sources d’informations multiples (documents archivés, commentaires des collègues ou subalternes, rapports d’évaluation) de manière à permettre une convergence de l’information ; ii) établir la chaîne de preuves ; iii) la relecture du cas. Après chaque entrevue, nous préparions les comptes rendus intégraux. Ces derniers étaient ensuite envoyés à chaque répondant afin qu’il confirme ou infirme ses propos que nous avions pris le soin de transcrire. En outre, l’analyse de chaque cas était également envoyée et présentée aux répondants afin de convenir de l’interprétation. Il est arrivé que certains répondants demandent à nous rencontrer de nouveau afin d’éclairer ou d’apporter des précisions, que ce soit au sujet des comptes rendus intégraux ou de l’analyse des cas.

3. Résultats et discussions

Cette troisième section consigne les résultats du suivi des investissements réalisés dans cinq entreprises partenaires par les cinq SCR. Elle décrit les différents processus en jeu dans le suivi des investissements et les facteurs qui l’influencent.

3.1. Le suivi des investissements : les processus en jeu en matière de surveillance et d’implication

Les résultats de la recherche montrent que le suivi, par l’intermédiaire de la gouvernance stratégique, s’articule autour de trois processus : le processus d’exécution, le processus de préparation et le processus de surveillance et d’analyse.

Le processus d’exécution a été observé dans les SCR1 et SCR3. Il consiste à affecter un entrepreneur d’expérience à une entreprise partenaire afin de conseiller son propriétaire dans l’exécution de son plan d’affaires. C’est, en quelque sorte, une aide à la mise en oeuvre des différentes étapes du plan d’affaires, qui peut durer entre 12 et 18 mois. Cette forme d’implication reste encore une expérience pilote dans la SCR3. Dans la SCR2, c’est le professionnel qui va effectuer un suivi très serré des 12 premiers mois de son investissement. Cela revient aussi à s’assurer que les étapes du plan d’affaires sont correctement mises en oeuvre par l’entreprise.

Le processus de préparation, quant à lui, a été plus observé dans la SCR4 que dans les autres SCR. Les professionnels de cette SCR s’impliquent dans la préparation du budget ou des projets d’acquisition des entreprises partenaires. Ils rencontrent l’entrepreneur pour revoir et valider toutes les hypothèses de son budget.

Le processus de surveillance et d’analyse est celui que nous avons observé dans toutes les SCR de l’échantillon. Toutes ont en effet adopté une politique de suivi actif. Ainsi, pour tirer le maximum d’un investissement et en réduire les risques, les entreprises partenaires ont fait l’objet d’une surveillance constante. Préalablement, les professionnels des SCR approuvent le budget de l’entreprise. Ils vérifient a priori si le budget est cohérent avec les missions et les objectifs de l’entreprise. Ensuite, ils procèdent par un suivi a posteriori qui vise à vérifier si les résultats sont conformes aux objectifs fixés. Concrètement, ils comparent périodiquement les résultats de l’entreprise au budget. Dans ce sens, si les professionnels des SCR détectent des écarts défavorables temporaires, accidentels ou récurrents, ils s’entretiennent avec les dirigeants de l’entreprise pour en comprendre les raisons et s’assurer qu’un plan d’action ou de correction est mis en oeuvre pour corriger la situation. Ils peuvent aussi envisager avec l’entrepreneur diverses solutions, par exemple revoir le plan d’affaires ou le budget afin d’améliorer la performance de l’entreprise, demander à l’entrepreneur de diminuer ses dépenses, revoir les besoins financiers de l’entreprise, modifier le niveau de participation au capital de l’entreprise ou refuser le refinancement à l’entreprise. Les écarts visés peuvent souvent s’expliquer par une évolution du champ concurrentiel défavorable au développement de l’entreprise ou par l’incapacité des dirigeants à gérer l’entreprise. En général, ce processus est documenté, formalisé dans un rapport de suivi ou tableau de bord. Les professionnels des SCR ont aussi recours à des outils d’analyse tels que l’analyse financière ou l’affectation des scores, pour analyser l’information recueillie. Disons que cette démarche est essentiellement rationnelle.

Par ailleurs, ce processus de surveillance et d’analyse est dynamique et prospectif. Ainsi, les professionnels des SCR complètent le suivi financier par le suivi des hypothèses et des prévisions sur l’évolution de l’environnement. Ces hypothèses ont été établies à l’étape de l’analyse du plan d’affaires au cours de laquelle les professionnels des SCR demandent aux entrepreneurs d’indiquer les variables critiques de succès de l’entreprise et de l’industrie ou de l’environnement général. Ces variables sont ensuite traduites en indicateurs mesurables. Les professionnels des SCR1, SCR2 et SCR5 demandent aux entrepreneurs de leur fournir aussi un reporting régulier sur l’évolution de ces variables. Autrement dit, les professionnels des SCR surveillent périodiquement ou lors de circonstances exceptionnelles si, d’une part, les hypothèses relatives à ces variables critiques de succès de l’entreprise tels que le taux de change, le cours des matières premières ou des ressources, la concurrence ou le taux de croissance doivent être modifiées et si, d’autre part, les prévisions faites au sujet de l’environnement général (inflation, situation sociale, etc.) doivent être revues. L’intérêt de cette démarche est de vérifier l’effet des changements sur l’entreprise et d’anticiper les modifications sur le plan stratégique. Parmi les entreprises étudiées dans cette recherche, seules ABC et de JKL produisent des rapports détaillés comprenant une analyse de l’évolution des éléments opérationnels, financiers et stratégiques. Ces rapports sont transmis aux professionnels des SCR. Ces derniers apprécient beaucoup ces rapports, car, comme ils le soulignent, cela leur permet de mieux suivre l’entreprise et de questionner les entrepreneurs de ABC et de JKL. Signalons cependant que ces deux entreprises sont déjà bien établies et disposent d’une bonne structure organisationnelle au niveau de la taille et des compétences. Les autres entreprises, DEF, UVP et XYZ, fournissent également des rapports dont le contenu n’est pas aussi détaillé ; elles sont moins grandes et ne disposent pas d’un personnel aussi compétent que celui des entreprises ABC et JKL. D’ailleurs, dans le cas de XYZ, les professionnels de SCR1 se sont impliqués dans la mise en place d’un véritable comité de gestion pour pallier les faiblesses managériales de cette entreprise.

Dans le même ordre d’idées, le processus de surveillance et d’analyse permet aux professionnels des SCR d’anticiper la sortie de l’investissement. Il les conduit à réviser constamment la valeur de l’investissement au vu des informations et des données reçues lors des étapes précédentes. Ces dernières influencent énormément les stratégies de sortie élaborées au moment de l’investissement.

3.2. Les facteurs déterminants du suivi des investissements

L’analyse des résultats de la recherche montre également que le suivi des investissements varie selon les facteurs suivants :

  • le profil biographique et stratégique de l’entrepreneur ;

  • le profil de l’entreprise (le stade de développement, la qualité de l’équipe de direction) ;

  • la qualité de la dynamique relationnelle ;

  • le type de la SCR et le profil de ses professionnels ;

  • le type de véhicule de financement ;

  • la nature et le niveau des écarts.

3.2.1. Le profil biographique et stratégique de l’entrepreneur

Précisons tout d’abord que le profil biographique renvoie généralement aux caractéristiques personnelles de l’entrepreneur (âge, formation, expérience dans l’entreprise, expérience dans le secteur d’activité de l’entreprise). Le profil stratégique, quant à lui, décrit l’aspiration stratégique de l’entrepreneur ou de l’organisation en matière de développement de l’entreprise. Nos résultats indiquent que, selon les aspirations de l’entrepreneur à devenir un consolidé ou un consolidateur[7], le professionnel de la SCR va ajuster la nature de son implication. Par exemple, si l’entrepreneur veut être un consolidé, c’est-à-dire qu’il vise à se faire racheter par une autre entreprise, le professionnel de la SCR va probablement amener l’entrepreneur à développer des avantages distinctifs dans son secteur, à être concentré sur l’innovation et à rendre plus attrayante son entreprise. C’est le cas de l’entreprise DEF, qui a été vendue à une grande entreprise multinationale étrangère. Les entrepreneurs de DEF ont été accompagnés par les professionnels des SCR1 et SCR4 dans l’identification et dans les négociations avec cet acquéreur. En revanche, si l’entrepreneur veut être un consolidateur, c’est-à-dire qu’il recherche des perspectives d’acquisition, le professionnel de la SCR va essayer de l’aider à les trouver en le faisant bénéficier de son réseau de personnes-ressources, en l’aidant dans la structuration financière de ce type de projet ou, encore, en invitant d’autres SCR à s’associer au financement de cette entreprise. L’introduction de nouvelles SCR qui disposent de capitaux importants peut aussi aider l’entreprise à mieux concevoir ses projets d’acquisition. C’est l’exemple du cas de l’entreprise ABC, qui a été soutenue techniquement et accompagnée financièrement par les professionnels des SCR1, SCR2 et SCR3. Cette situation indique que l’implication du professionnel de la SCR est modulée selon deux aspirations stratégiques[8] de l’entrepreneur : la croissance ou la non-croissance. Le professionnel doit alors bien évaluer le profil biographique et stratégique de l’entrepreneur au moment de l’investissement afin d’aligner les objectifs des deux parties à l’étape postinvestissement.

Par conséquent, nous postulons qu’une meilleure identification du profil biographique et stratégique de l’entrepreneur et de son organisation facilitera le suivi postinvestissement. L’implication du professionnel de la SCR dans l’entreprise financée ou à financer doit être modulée selon le positionnement de l’entrepreneur sur l’échelle ou les types de classification des entrepreneurs de Miles et Snow (1978) et de Marchesnay (1993). Cette dernière distingue deux archétypes d’entrepreneurs : les PIC ou les CAP[9]. Miles et Snow (1978) distinguent trois types d’organisations : les Defenders, les Prospectors et les Analysers[10]. Ainsi, le professionnel de la SCR devra adapter ou ajuster son suivi selon que l’entrepreneur ou l’entreprise se rapproche de l’une ou de l’autre extrémité de la classification de Marchesnay (1993) ou encore de l’une des organisations de Miles et Snow (1978).

Par ailleurs, parmi les raisons qui expliquent la non-croissance ou le refus d’exploiter les perspectives de développement d’une entreprise, il y a le refus de partager le contrôle de l’entreprise, la crainte d’une trop grosse charge de travail ou de la réduction de la satisfaction du travail, la question de l’ambiance de travail particulière (Davidsson, 1989). Bref, d’autres raisons non économiques influencent l’attitude des dirigeants à l’égard de la croissance. L’implication dépend également de l’attitude de l’entrepreneur à l’égard du partage du contrôle de l’entreprise. On peut caricaturer en disant que la principale question posée par les professionnels à l’entrepreneur est de savoir s’il veut être « riche » ou « patron ». Alors, selon la réponse, le professionnel de la SCR peut adopter à son tour un mode d’implication conséquent. Par exemple dans l’entreprise UVP, l’entrepreneur ne voulait pas partager une partie de son capital avec d’autres personnes clés au sein de l’entreprise, comme le souhaitait le professionnel de la SCR. Cette situation a engendré des conflits qui ont amené la SCR à sortir de cet investissement. D’ailleurs, le professionnel de la SCR1 a reconnu que s’il avait su que l’entrepreneur serait fermé à toute idée de partage du capital, il n’aurait probablement pas pris la décision d’investir dans cette entreprise ou aurait tout simplement adapté son implication. Ainsi, dans le cas où l’entrepreneur serait demeuré fermé à toute suggestion de partage du capital et aurait souhaité demeurer une petite entreprise, le professionnel aurait pu uniquement s’intéresser à suivre la bonne gestion de l’entreprise et l’évolution des profits afin d’espérer dégager un rendement de son investissement.

3.2.2. La qualité de l’équipe de direction

L’implication est aussi ajustée selon la qualité de l’équipe de direction. Si celle-ci est relativement incomplète ou moins expérimentée, l’implication sera plus importante. Les professionnels des SCR vont chercher à compléter l’équipe de direction par des personnes plus expérimentées ou à s’impliquer en matière d’accompagnement stratégique. On a pu le constater dans l’entreprise XYZ, où les professionnels, en accord avec les entrepreneurs, ont mis en place un comité de gestion pour gérer au quotidien l’entreprise, qui faisait face à plusieurs difficultés d’ordre managérial. Ce résultat rejoint ceux de Gorman et Sahlman (1989), qui démontrent que le niveau de service s’intensifie avec un niveau de financement exigé important ou avec un niveau de compétence jugé insuffisant de l’équipe de direction. Sapienza et Gupta (1994) observent également que la fréquence d’interaction est en relation directe avec le niveau d’expérience des dirigeants dans la gestion de nouvelles et jeunes entreprises.

En revanche, lorsqu’une équipe de direction est plus aguerrie, les professionnels des SCR ont tendance à laisser beaucoup plus d’autonomie à ces dirigeants et à leur faire confiance dans les mauvaises périodes, comme nous l’avons vu dans le cas de JKL. D’ailleurs, Barney et al. (1996) ont constaté que les équipes de direction qui existent depuis un certain temps et possèdent de l’expérience sont moins portées à accepter des conseils des SCR au plan tant stratégique qu’opérationnel. Toutefois, cette attitude peut malheureusement créer des surprises désagréables, comme ce fut le cas avec l’entreprise JKL, où les professionnels des SCR, bien conscients de certains risques non couverts tels que le risque de change, ont décidé de faire confiance aux solutions proposées par les dirigeants. Ces derniers prétendaient que l’entreprise n’avait pas à couvrir sa position nette de change, car elle disposait d’une couverture naturelle. Ces solutions se sont révélées inexactes, inappropriées et ont valu à l’entreprise de grosses difficultés financières. Cette dernière s’est retrouvée à vendre des produits à des prix non ajustés et il a fallu procéder à des renégociations contractuelles avec les clients afin de leur refiler l’effet de la position nette de change négative (du dollar canadien par rapport au dollar américain).

Ainsi, l’excellente qualité de la direction ne doit pas enlever le caractère proactif du professionnel de la SCR et de son implication. Car, comme l’a mentionné le dirigeant de l’entreprise JKL, l’entreprise a elle-même résolu ses problèmes. D’ailleurs, deux professionnels des SCR qui ont investi dans ce dossier ont reconnu leur manque de proactivité devant les difficultés auxquelles s’est heurtée cette entreprise.

3.2.3. La qualité de la dynamique relationnelle entre les professionnels et les entrepreneurs

Plusieurs fois dans nos entrevues avec les deux entrepreneurs de ABC et de JKL, nous avons noté qu’ils considéraient que l’implication des professionnels des SCR les plaçait dans une position de sécurité et de confiance. Ils expliquaient cette perception positive de l’implication par la qualité des interventions de ces professionnels dans leur entreprise. En effet, les professionnels des SCR ont proposé à l’un des entrepreneurs (ABC) des possibilités d’acquisition et à l’autre (JKL), de nouvelles pistes pour réduire ses coûts d’approvisionnement. Cela démontre à quel point l’implication est encore plus appréciée des entrepreneurs lorsqu’elle se montre pertinente.

Par ailleurs, le fait que les professionnels des SCR soient proches de l’entrepreneur (en le félicitant, par exemple, quand la compagnie réalise de bonnes affaires, en l’écoutant exprimer ses difficultés, en lui proposant des solutions ou des pistes de solution) a facilité l’adhésion de l’entrepreneur à l’implication des professionnels des SCR et accru son ouverture à leurs messages. Comme le souligne l’entrepreneur de ABC, cette attitude amène l’entrepreneur à se sentir plus à l’aise à communiquer, au moment opportun, toutes les informations pertinentes et à partager ses réflexions avec les professionnels des SCR. Ces résultats rejoignent ceux de Sapienza (1992) selon lesquels la nature et le style d’interaction entre la SCR et l’entrepreneur dirigeant (relations plus ouvertes, franches) ont un impact significatif sur la valeur de l’implication de la SCR.

En revanche, si la relation est plus éloignée et très prudente, les échanges entre les professionnels de la SCR risquent de se limiter aux reporting formels et aux séances du conseil d’administration. Cette situation peut alors engendrer une implication difficile du professionnel de la SCR dans l’entreprise. Les entrepreneurs qualifieront cette implication d’ingérence ou de contrôle excessif des professionnels des SCR. Dans ce genre de situation, un des professionnels de la SCR1 précise que le professionnel de la SCR court le risque d’être mal informé, d’avoir une connaissance limitée ou biaisée de l’entreprise et des intentions de ses dirigeants. D’ailleurs, si l’on se fie aux échanges de courriers entre l’entrepreneur et la SCR1 ainsi qu’aux propos du professionnel de la SCR1 qui était responsable du dossier UVP dans lequel la relation fut prudente et difficile, nous constatons que l’implication de ce dernier était considérée par l’entrepreneur comme une ingérence dans les affaires de la compagnie. L’entrepreneur de UVP ne voulait manifestement pas voir les professionnels de la SCR1 lui poser des questions et même lui faire des suggestions. Nous constatons qu’il y a eu dans ce dossier des problèmes qui étaient probablement liés au manque d’expérience du professionnel de la SCR ou à la mauvaise foi de l’entrepreneur ou aux deux.

D’ailleurs, selon les entrepreneurs de ABC et de JKL, les professionnels des SCR qui suivent leur entreprise ont une vaste expérience dans l’industrie du capital-risque. Ces entrepreneurs perçoivent leur attitude comme étant plus persuasive que dissuasive. D’après eux, les professionnels des SCR qu’ils rencontrent ont plus suggéré des idées et des gestes à poser pour stimuler la performance de l’entreprise ou, encore, pour résoudre les problèmes de leur entreprise. À l’inverse, ces entrepreneurs ont noté qu’un professionnel inexpérimenté ou insuffisamment expérimenté a souvent tendance à imposer des choses ou des façons de procéder, ce qui a souvent pour effet d’entraîner une interaction difficile entre les deux parties. Cette démonstration montre tout simplement qu’une bonne relation entre les deux parties a tendance à rendre plus facile et plus acceptable l’implication des professionnels des SCR dans l’entreprise partenaire. La compétence en communication devient donc un atout important pour les deux acteurs dans leur relation partenariale.

3.2.4. Le type de SCR et le profil de ses professionnels

L’analyse des données indique que le suivi est fonction des ressources détenues par les SCR. L’implication dans les entreprises partenaires varie selon le type de SCR. Ce résultat corrobore ceux de plusieurs auteurs. L’intensité de l’implication dans les entreprises est différente d’une SCR à l’autre (Tyebje et Bruno, 1984). MacMillan, Kulow et Khoylian (1989) ont relevé trois groupes de comportements des SCR dans leur étude : les SCR qualifiées de « passives » ; les SCR « modérées » ; et les SCR « très actives ». Selon leur comportement, l’implication peut être envisagée à travers un éventail d’activités allant de la planification stratégique aux questions opérationnelles (Sweeting, 1991). Ainsi, le degré d’implication des SCR dépend des caractéristiques personnelles des professionnels des SCR, de l’âge de la SCR et du type de la SCR (fonds privés, publics, gouvernementaux, etc.) et aussi des objectifs de la SCR (Manigart et al., 2002 ; Engel, 2004 ; Bottazzi, Da Rin et Hellmann, 2008). Les résultats de la recherche montrent que les trois SCR institutionnelles sont plus organisées et plus structurées en matière de compétences disponibles et de services offerts aux entrepreneurs ; elles disposent de réseaux de relations professionnelles plus étendus que les deux SCR privées indépendantes. Nous avons également observé que dans les projets d’acquisitions initiées par ABC et dans la recherche des acquéreurs pour l’entreprise DEF, les SCR institutionnelles étaient celles qui avaient offert aux entrepreneurs un soutien technique plus important au niveau de la structuration juridique et fiscale, d’ingénierie financière de l’acquisition, d’évaluation de la cible et des acquéreurs ainsi que de l’analyse du marché. Cette forme d’implication n’était pas offerte par la SCR4, qui était pourtant impliquée dans DEF.

Les professionnels des SCR doivent également consacrer un peu plus de moments privilégiés à gérer le portefeuille en accordant une attention particulière au suivi des investissements réalisés. De fait, très souvent, les professionnels des SCR sont évalués par leur capacité à développer les affaires et, conséquemment, à placer les sommes d’argent dont disposent les SCR, d’où l’intérêt de mettre sur pied des équipes ou des personnes chargées spécialement du suivi des investissements. À ce sujet, comme Zider (1998, p. 136-137) l’avait déjà partiellement souligné, nous avons observé que lorsque le nombre de dossiers ou d’entreprises affectées à chaque professionnel de la SCR augmentait, le temps et l’incidence des conseils offerts par ce dernier à l’entreprise tendait à diminuer.

Par ailleurs, les professionnels des SCR doivent démontrer aux entrepreneurs leur crédibilité et la pertinence de leurs interventions. Par exemple, la valeur ajoutée par les professionnels des SCR ne devrait pas se limiter à trouver une personne clé pour compléter l’équipe de direction. Encore faudrait-il prévenir avant, expliquer au fondateur ou à l’entrepreneur tout ce que cette décision comporte eu égard au partage du capital advenant que cette personne livre les résultats visés. Selon les entrepreneurs de UVP et de XYZ, les professionnels des SCR ne doivent pas imposer ou donner l’impression d’imposer à l’entrepreneur l’intégration de cette personne dans le capital de l’entreprise.

Enfin, les résultats suggèrent aux professionnels des SCR d’être proactifs en intervenant très tôt avant que les problèmes ne se manifestent par des indicateurs très faibles. Pour cela, la mise en place de tableaux de bord de suivi de performance est nécessaire. Ce tableau de bord de suivi est un système d’information permettant de recueillir et de conserver toute l’information pertinente sur l’évolution de la performance de l’entreprise et des objectifs de valeur ajoutée par les professionnels des SCR. Ce tableau doit aller au-delà des données financières, qui ont une faible valeur prédictive. Allumer des « lumières ou des feux rouges » avant que les écarts ne se creusent permet de maintenir les professionnels en alerte, les encourageant à faire une analyse approfondie des véritables causes des écarts, ce qui, par conséquent, favorise l’implication des professionnels dans la valeur ajoutée aux investissements. Un suivi proactif permet d’anticiper au lieu de réagir. Ainsi, comme le notent Sweeting et Wong (1997), une forte implication suppose la disponibilité de professionnels des SCR qualifiés, expérimentés non seulement dans le domaine financier et stratégique, mais surtout dans les domaines industriels ou d’activités des entreprises partenaires.

3.2.5. Le type de véhicule de financement

Les résultats de la recherche soulignent clairement que les professionnels des SCR s’impliquent différemment selon que la SCR accorde un financement sous la forme d’une participation au capital de l’entreprise ou sous la forme de la dette. L’implication et la surveillance sont allégées dans la situation de financement uniquement par les outils défensifs tels que les débentures ou la dette courante, ce qui est tout à fait normal, car, comme nous le savons, le financement par la dette entraîne nécessairement le paiement d’intérêts par l’entreprise à intervalles mensuels ou réguliers, permettant ainsi à la SCR de réduire en partie son risque et son rendement. Néanmoins, les SCR financent assez souvent les entreprises par une combinaison d’outils défensifs et d’actions. Cette dernière forme de financement exige par contre une implication réelle des SCR dans l’entreprise.

3.2.6. La nature et le niveau des écarts

L’analyse des résultats de la recherche indique que l’implication des professionnels des SCR se module selon la nature des écarts constatés. Elle corrobore celle menée par Mouis, Watling et Schindehutte (2000), dont les résultats montrent que la plus grande motivation à s’impliquer dans le suivi d’une entreprise résulte du niveau d’écart entre les réalisations et les objectifs fixés dans le plan d’affaires. En effet, les écarts temporaires ou accidentels seront parfois acceptés ou compris par les professionnels des SCR. Par contre, comme nous l’avons noté dans le dossier UVP, les écarts défavorables récurrents ont conduit les professionnels de la SCR1 à s’impliquer davantage dans la gouvernance stratégique. Ils ont demandé à l’entrepreneur de recruter une personne compétente en gestion pour assurer la direction opérationnelle de l’entreprise. Dans le cas de l’entreprise XYZ, où le secteur était en difficulté, les professionnels ont proposé la constitution d’un comité de gestion auquel ils participaient afin de mieux comprendre les difficultés de l’entreprise et d’apporter des solutions adaptées. Ce comité se réunissait pratiquement toutes les deux semaines afin d’évaluer les tendances du marché et d’examiner toutes les avenues possibles.

3.3. Le modèle modifié de recherche

Après cette première partie de la discussion, nous dégageons un modèle conceptuel modifié de suivi des investissements à valeur ajoutée, c’est-à-dire un suivi susceptible d’apporter de la valeur ajoutée aux entreprises partenaires. Ce modèle (figure 3) est le fruit de toute la réflexion menée à partir de la littérature et des données recueillies sur le terrain.

Le modèle de recherche modifié est un modèle de suivi qui regroupe les deux principales activités de suivi (surveillance et implication) et les différents facteurs qui influencent ces activités (1)[11] et (2) (profil de l’entreprise, profil de l’entrepreneur, profil de la SCR) et, par ricochet, la qualité du suivi des investissements par la SCR (4). Le modèle intègre les nouveaux facteurs déterminants qui ont émergé de l’étude : le profil biographique et stratégique de l’entrepreneur, le type de véhicule de financement, le profil de compétences des professionnels des SCR. Il propose que la dynamique relationnelle entre les acteurs (entrepreneurs et professionnels de SCR) soit considérée comme une variable modératrice ou régulatrice de la qualité du suivi (5). Ainsi, la bonne qualité de la dynamique relationnelle facilite la surveillance et l’implication des professionnels des SCR (5). Le modèle intègre également le lien entre la surveillance et l’implication (3). L’implication permet alors d’établir les éléments ou les paramètres de surveillance. Les informations tirées de la surveillance permettent d’adapter ou d’ajuster l’implication du professionnel de la SCR dans l’entreprise. Le succès de l’implication est tributaire de la mise en place d’un processus de surveillance et d’analyse.

Conclusion

L’objectif de cette recherche était d’améliorer notre compréhension de l’organisation du suivi des investissements par les SCR en mettant l’accent sur deux axes : les processus en jeu et les facteurs qui l’affectent. Pour ce faire, une étude qualitative a été menée auprès de cinq SCR au Québec ayant investi dans cinq entreprises.

Les résultats mettent en évidence trois processus dans lesquels sont impliqués les professionnels des SCR dans le suivi des investissements et particulièrement dans la gouvernance stratégique : le processus d’exécution, le processus de préparation et le processus de surveillance et d’analyse. Ces résultats établissent aussi l’intérêt de la modulation du suivi en fonction de nouveaux facteurs, tels que le profil biographique et stratégique de l’entrepreneur, le profil de l’entreprise, le type de SCR et le profil de compétence de ses professionnels, la qualité de la dynamique relationnelle entre les professionnels des SCR et les entrepreneurs, le type de véhicule de financement et la nature et le niveau d’écarts. Ils rejoignent ceux de Mouis, Watling et Schindehutte (2000) qui concluent sur la nécessité d’une approche contingente du suivi des entreprises partenaires par les SCR. Tous ces résultats sont schématisés dans le modèle de recherche modifié (figure 3) qui se dégage de notre étude. Ce modèle permet de mieux conceptualiser le suivi des investissements par les SCR. Le suivi des investissements peut alors se définir comme une étape de la relation SCR-PME qui aide les entrepreneurs à atteindre les objectifs établis dans le plan d’affaires par une approche systématique de maîtrise de la dynamique relationnelle, de maîtrise des activités de surveillance et d’implication.

Il convient aussi de souligner que le professionnel de la SCR et l’entrepreneur partenaire constituent les principaux agents qui bénéficieront des retombées pratiques tirées de cette recherche. Pour le professionnel de la SCR, elle fait émerger des processus et des facteurs déterminants de suivi des investissements qui peuvent servir de cadre de référence dans l’exercice de sa mission. Les professionnels des SCR auront à leur disposition un modèle de suivi des investissements tiré de l’analyse de cinq cas de SCR partenaires de cinq entreprises. Ainsi, ils pourront s’en inspirer afin d’élaborer une approche de suivi postinvestissement mieux adaptée aux entreprises en portefeuille et plus efficace pour optimiser leurs contributions non financières.

Figure 3

Le modèle de recherche modifié

Le modèle de recherche modifié

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L’étude soulève clairement l’importance d’une bonne communication entre les professionnels des SCR et les entrepreneurs. Cela implique que l’entrepreneur accorde une attention particulière à la qualité de la dynamique relationnelle lors du choix de la société de capital de risque. À ce sujet, l’étude corrobore la recommandation de De Clercq et Fried (2005) selon laquelle l’un des critères à utiliser par les entrepreneurs pour augmenter la probabilité d’une bonne cohésion avec les investisseurs en capital de risque est de s’assurer que la « chimie » entre les parties facilitera une bonne communication ; les deux parties s’alignent ou s’accordent sur les objectifs de l’entrepreneur ; les SCR sont ouvertes à la discussion avec l’équipe de direction ; les SCR souhaitent s’impliquer dans leur investissement.

Bien entendu, cette recherche comporte ses limites, la principale étant l’impossibilité d’interroger les entrepreneurs des cinq entreprises. De plus, notre collecte de données a été faite sur une courte période. Il aurait été intéressant de suivre tout le processus des cinq dossiers sur une plus longue période afin de vivre réellement le suivi. Ainsi, une approche plus longitudinale aurait été fort intéressante. Elle comporte également une autre limite méthodologique quant au manque de représentativité de l’étude de cas et de l’incapacité à généraliser au-delà du cas lui-même. Nous avons remédié en partie à ces limites en utilisant cinq cas au lieu d’un seul. Ainsi, la généralisation est de nature analytique et non statistique.

Cette recherche s’achève donc par l’ouverture d’une réflexion générale à entreprendre sur l’adaptation des modes de suivi du profil des entrepreneurs et des entreprises partenaires. Peut-être serait-il souhaitable et intéressant d’affiner cette recherche en procédant à la même étude dans d’autres pays, dans d’autres secteurs d’investissement des SCR tels que les biotechnologies, les technologies de l’information ou les sciences de la santé, et, surtout, à d’autres stades de développement des entreprises tels que les stades de démarrage. On disposerait ainsi de modèles de suivi adaptés aux entreprises en fonction de leur profil. Ces modèles pourront aussi être déclinés selon le type de SCR.