Corps de l’article

Introduction

Le secteur de l’hôtellerie, restauration (HR) a ceci de particulier que les entrepreneurs sont exposés à de plus grands risques que les entrepreneurs d’autres industries (Koh et Hatten, 2002). Les chiffres des défaillances d’entreprises rapportées aux créations sont révélateurs. En 2018, l’Insee[1] a enregistré 34 007 créations d’entreprises d’hébergement et de restauration pour 7 285 défaillances, soit un taux de 21,4 %. C’est presque trois fois la moyenne nationale : l’Insee relève 691 223 créations d’entreprises tous secteurs confondus pour 54 215 défaillances, soit un taux de 7,8 %. À ce risque d’échec bien réel se rajoute la faible attractivité du secteur d’activité. La Fafih[2] (OPCA spécialisée) a mené une étude récente sur l’image et l’attractivité du secteur auprès de jeunes de 14 à 30 ans. Ses résultats indiquent que si le secteur engrange plus de 80 % de bonnes opinions, les perspectives offertes sont mal perçues, en termes de rémunération (avec des indicateurs inférieurs à ceux observés dans d’autres secteurs), de conditions de travail ou de conciliation vie privée/vie professionnelle. Au final, seul un tiers des jeunes juge le secteur attractif, fournissant de bonnes opportunités en cas de difficultés sur le marché de l’emploi, mais ne permettant pas de se projeter dans l’avenir. Seuls 13 % et 23 % des répondants (respectivement pour l’hôtellerie et la restauration) considèrent que l’on peut facilement y créer son entreprise.

Dans cette étude, nous cherchons à savoir si les représentations sociales d’un secteur en particulier, celui de l’HR en France, affectent la perception du risque à entreprendre. Notre objectif sous-jacent est d’identifier les facteurs susceptibles d’encourager ou de restreindre les vocations à entreprendre et de pouvoir améliorer les programmes destinés à développer l’esprit d’entreprendre dans le sens donné par Verzat (2012) : le développement de l’autonomie, de l’identité et de l’intention au travers d’un processus d’apprentissage expérientiel influencé par les émotions et les valeurs.

Notre question de recherche est la suivante : les représentations sociales d’un secteur d’activité sont-elles susceptibles d’influencer les perceptions à entreprendre de ceux qui oeuvrent en son sein ? Notre méthodologie quantitative nous a conduits à interroger 279 étudiants de bachelor d’une école supérieure spécialisée en gastronomie et en hôtellerie. Les résultats permettent de mettre en avant une échelle des représentations sociales du secteur hôtellerie-restauration composée de dix-neuf éléments et de montrer que certaines d’entre elles impactent les perceptions individuelles du risque à entreprendre : les conditions de travail du secteur tout d’abord, les notions de partage, de plaisir et d’hédonisme ensuite, de même que la qualité des prestations du secteur (avec un impact plus faible).

L’article comporte quatre parties. La première est dédiée à la revue de littérature explorant les fondements théoriques liés à notre problématique. L’approche liée aux représentations sociales ainsi que les éléments liés au risque entrepreneurial et notamment à la façon dont nous pouvons en mesurer l’intensité chez un individu seront présentés. La seconde partie expose l’approche méthodologique retenue. Nous présentons dans un premier temps la validation statistique des échelles de mesure liées à la représentation sociale du secteur HR tout d’abord et, dans un second temps, la perception du risque à entreprendre. Notre troisième partie est consacrée à la présentation des résultats. Une analyse statistique, destinée à mesurer l’impact des représentations sociales du secteur sur la perception individuelle du risque à entreprendre, sera présentée. Enfin, la dernière partie est dédiée à la discussion de nos résultats ainsi qu’à notre conclusion.

1. Revue de littérature

Notre revue de littérature s’attachera à explorer deux dimensions principales liées à notre problématique de recherche. La première est liée aux représentations sociales, à travers ses dimensions conceptuelles tout d’abord, puis à travers leurs liens avec la prise de décision et l’action. La seconde concerne la perception individuelle du risque à entreprendre et ses différentes dimensions que nous aborderons.

1.1. Les représentations sociales

La première partie de notre revue de littérature vise à cerner la notion de représentations sociales. Pour y parvenir, nous nous sommes appuyés sur des travaux qui en précisent ses dimensions conceptuelles et son rôle dans la prise de décision et l’action.

C’est le chercheur Serge Moscovici (1961) qui a largement contribué à définir et théoriser le champ des représentations sociales. Pour l’auteur, la fonction principale de la représentation sociale est de « rendre quelque chose d’inhabituel ou l’inconnu lui-même, familier » (p. 38). Selon Jodelet (1989, p. 36), c’est « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social ». Considérées comme une résultante de la communication entre les individus, les représentations sociales ont pour fonction, selon l’auteur, de rendre la compréhension du monde plus accessible à travers la mise en oeuvre de processus cognitifs communs et simplificateurs, une réalité partagée avec les autres (Abric, 1994). Les représentations sociales constituent des guides pour l’action (Moscovici, 1961) ; elles sont liées aux normes sociales, aux croyances sur les faits sociaux. De ce fait, les représentations sociales orientent les actions et leur donnent du sens, accepté et intégré ensuite par un cadre socioculturel plus global.

1.1.1. Les éléments constitutifs des représentations sociales

Les représentations sociales peuvent être repérées et comprises sur la base de deux principes et constituants majeurs. Selon Abric (1987, 1994), il existe deux vecteurs d’identification et d’organisation des représentations sociales : noyau central/éléments périphériques et composantes cognitives/composantes sociales.

Concernant le premier vecteur, le noyau central constitue un ensemble de cognitions, de croyances, de valeurs et de normes partagées par un groupe social, l’élément fondamental de la représentation, qui en génère le sens global et organise son contenu. Il est composé d’un ou plusieurs éléments qui donnent à la représentation sa principale signification. Autour de ce noyau central, on trouve des éléments périphériques qui permettent « l’adaptation de la représentation aux évolutions du contexte et aux caractéristiques propres de l’individu » (Abric et Guimelli, 1998, p. 25). Les éléments périphériques sont hiérarchisés, plus ou moins proches du noyau central, et illustrent, justifient ou explicitent la représentation ; ils peuvent être des jugements, des stéréotypes, des croyances (Abric, 1994). Leur détermination est plus individualisée et contextualisée par rapport à un système central beaucoup plus axé sur des conditions historiques, sociologiques et idéologiques. (Abric, 1994).

Concernant le second vecteur, les représentations sociales regroupent deux sortes de composantes : des composantes cognitives d’une part, qui constituent la représentation dans sa constitution psychologique, et des composantes sociales ensuite, qui constituent les conditions dans lesquelles s’élabore et se transmet la mise en oeuvre des processus cognitifs. Ainsi, les représentations sociales sont soumises à cette double logique, le cognitif d’une part et le contexte social d’autre part, aboutissant à ce qu’Abric nomme des « constructions sociocognitives » (1994, p. 20).

1.1.2. Comment identifier les représentations sociales ?

Pour identifier les représentations sociales, il est commun d’avoir recours à une analyse discursive. Ces productions permettent d’accéder aux représentations, mais il est également nécessaire d’analyser les conditions dans lesquelles ces productions sont délivrées. Le contexte social, idéologique, la place occupée par l’individu dans le système social sont également d’une importance capitale (Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi, 1992, p. 189 ; Abric, 1994, p. 15). Ainsi, le discours apporté par un individu ou un groupe doit être analysé non pas à partir de sa seule composante discursive, mais dans un champ plus vaste intégrant le contexte dans lequel celui-ci est délivré.

1.1.3. De l’utilité de l’étude des représentations sociales

Les représentations sociales permettent aux individus de prendre position dans les rapports sociaux. Il devient alors possible d’étudier et d’analyser la position et l’attitude des individus sur des sujets objets de représentation (Moliner, 1995). Ainsi, les représentations sociales orientent les actions des individus et leur donnent du sens, et ce sens est ensuite plus globalement accepté par le cadre socioculturel (Navarro-Carrascal, 2009). Des études attestent les relations de dépendance entre les représentations sociales et les pratiques sociales (Abric, 1994 ; Giumelli, 1998 ; Moliner, 2001). Selon Abric (1994), les représentations sociales répondent à quatre fonctions essentielles :

  • une fonction de savoir : elles permettent de mieux comprendre et d’expliquer la réalité ;

  • une fonction identitaire : elles définissent et sauvegardent l’identité des groupes étudiés ;

  • une fonction d’orientation : elles guident les comportements et les pratiques des individus ou des groupes ;

  • une fonction justificatrice ; elles permettent de justifier les comportements et prises de position, a posteriori.

Selon Moscovici (1961), puis Abric (1994), les représentations sociales constituent des guides pour l’action. Elles jouent également un rôle de prescription des pratiques. On peut donc penser que les représentations sociales sont susceptibles de générer un impact sur le déclenchement de certaines actions ; elles orientent ainsi les actions, leur donnent du sens (Navarro Carrascal, 2009). Ainsi, selon Abric (1994), toute réalité est représentée, c’est-à-dire appropriée par l’individu et le groupe. Les représentations sociales permettent à un « individu ou un groupe de donner un sens à ses conduites et de comprendre la réalité à travers son propre système de référence, donc de s’y adapter, de s’y définir une place » (Abric, 1994, p. 17). On peut également considérer, à l’instar des travaux de Wang, Hung et Huang (2019), que le concept de représentation sociale rejoint en quelque sorte celui de croyances cognitives. Sur la base d’une étude menée dans le secteur HR, les auteurs considèrent en effet que celles-ci sont capables d’influencer les motivations des individus à entreprendre.

Ainsi, l’étude des représentations sociales revient à analyser un sens commun, la façon dont un ensemble d’individus se représente une chose, un événement, une idée. Cette connaissance, selon l’auteur, est socialement élaborée et partagée et permet à tout sujet de construire une réalité qu’il partagera avec les autres. Les représentations sociales permettent la construction, l’organisation et la communication de la connaissance sociale, c’est-à-dire une adaptation au cadre socioculturel et l’usage de cette connaissance dans les échanges et les pratiques sociales. Elles sont ainsi, selon Navarro Carrascal (2009, p. 70), « à la base de la compréhension du monde et guident nos comportements et nos communications en fonction d’un objet social ».

1.2. La perception du risque entrepreneurial

La seconde partie de notre revue de littérature vise à préciser le concept de risque dans la littérature, puis à examiner les différentes dimensions du risque dans la prise de décision entrepreneuriale.

Depuis les premiers essais économiques préclassiques, l’entrepreneur est indissociable de la notion de risque, la prise de risque étant considérée comme une véritable fonction de l’entreprise (Mill, 1848) qui est liée intrinsèquement aux notions d’émergence, d’innovation et de changement. Créer, innover, c’est être disposé à prendre les risques de résultats incertains (Cantillon, 1755), c’est être motivé par la prise de risque et pouvoir justifier d’une aptitude à en assumer les conséquences, le niveau de profit futur dépendant en grande partie de capacités entrepreneuriales fondées sur des qualités hors du commun (Say, 1843).

1.2.1. Des concepts de risque dans la création d’entreprise

Le risque étant une notion protéiforme (Hentic-Gilliberto, 2016), plusieurs conceptions se côtoient dans la littérature. Certains auteurs envisagent le risque comme un concept unidimensionnel (Sitkin et Weingart, 1995), associé à l’ampleur des pertes potentielles (March et Shapira, 1987). Pour d’autres, le risque est un construit multidimensionnel dont les dimensions sont, d’une part, l’ampleur des conséquences d’une décision et, d’autre part, leur incertitude mesurée par leur probabilité d’occurrence (Arrow, 1965 ; Sitkin et Pablo, 1992 ; Baird et Thomas, 1985 ; Brockhaus, 1980 ; Simon, Houghton et Aquino, 2000 ; Mullins et Forlani, 2005). Une autre dimension s’est progressivement rajoutée au concept. Même si traditionnellement le risque est associé à sa dimension négative, la probabilité d’occurrence d’événements dommageables, de pertes (Brockhaus, 1980 ; Dickson et Giglierano, 1986 ; Yates et Stone, 1992 ; Simon, Houghton et Aquino, 2000 ; Mullins et Forlani, 2005), des travaux plus récents proposent d’envisager le risque non seulement sous son aspect négatif associé aux pertes, mais également sous son aspect positif associé aux résultats profitables des options décisionnelles (Barbosa, 2008 ; Fayolle, Barbosa et Kickul, 2008).

Dickson et Giglierano (1986) ajoutent une quatrième dimension au concept, la dimension temporelle. Leur double conceptualisation du risque entrepreneurial s’appuie sur une métaphore nautique. Ils identifient un premier type de risque, le risque d’échec à court terme de « couler le bateau » (sinking-the-boat-risk), un risque d’erreur statistique de type II qui consiste à accepter une hypothèse fausse (Barbosa, 2008). En matière de création d’entreprises, il s’agit du risque d’exploiter trop rapidement une opportunité sans potentiel. La seconde facette du risque entrepreneurial, c’est le risque à long terme de « manquer le bateau » (missing-the-boat-risk), de ne pas exploiter une opportunité viable et attractive, qui correspond au risque d’erreur statistique de type I de rejeter une proposition vraie. Largement mobilisée dans des travaux ultérieurs (Lopes, 1987 ; Das et Teng, 1997 ; Mullins et Forlani, 2005 ; Barbosa, 2008), cette double conceptualisation intègre les dimensions positives et négatives des résultats, à savoir les gains et les pertes potentielles. Barbosa (2008) en propose une évolution, à savoir le risque compris en tant que menace et le risque compris en tant qu’opportunité. Le risque en tant que menace renvoie à la vision traditionnelle du risque reflétant l’incapacité de l’homme à affronter les dangers (Maso, 2006), au risque d’échec de Dickson et Giglierano (1986) ainsi qu’à la probabilité et l’ampleur d’événements futurs dommageables (Yates et Stone, 1992 ; Mullins et Forlani, 2005). Le risque en tant qu’opportunité décrit les opportunités de gains, leur ampleur et leur incertitude, tout en intégrant la notion de pensée regrettante[3] (Markman, Balkin et Baron, 2002) un biais cognitif incitant à l’action. C’est cette dernière construction bidimensionnelle du risque entrepreneurial que nous avons choisi d’adopter dans notre étude.

1.2.2. La prise de risque dans la création d’entreprise

La prise de risque entrepreneuriale est une décision complexe, illustrée par une série de modèles qui comportent une multitude de variables (Baird et Thomas, 1985 ; Sitkin et Pablo, 1992 ; Barbosa, Kickul et Liao-Troth, 2007). Elle est constituée de deux composantes, 1) la propension au risque qui est liée aux préférences individuelles et à la personnalité (Sitkin et Pablo, 1992) et 2) la perception du risque qui dépend du cadrage des situations, du milieu social, des systèmes de contrôle et de l’environnement organisationnel. La propension au risque se définit comme une tendance à prendre ou à éviter les risques dans un contexte de décision donné (McCrimmon et Wehrung, 1990 ; Sitkin et Pablo, 1992) et la perception du risque comme une évaluation du risque dans une situation décisionnelle donnée (Sitkin et Pablo, 1992 ; Mullins et Forlani, 2005).

Les études cherchant à discriminer les entrepreneurs des non-entrepreneurs sur la base de leur propension au risque ont produit des résultats contradictoires, certaines validant cette hypothèse (Begley et Boyd, 1987 ; Sexton et Bowman, 1986), d’autres l’invalidant (Brockhaus, 1980 ; Sexton et Bowman, 1983 ; Norton et Moore, 2006). Parmi les explications possibles, il y a le fait qu’il semble exister autant de différences chez les entrepreneurs qu’entre entrepreneurs et non-entrepreneurs (Gartner, 1985), ou que la question des variables psychologiques censées prédire les comportements risqués n’est peut-être pas une bonne manière d’aborder la recherche (Woo, Cooper et Dunkelberg, 1991). Une autre explication concerne la manière dont l’attitude face au risque (propension ou aversion) est envisagée. Il ne s’agit peut-être pas d’un trait de personnalité stable et inné, mais d’une variable psychologique dépendante du contexte décisionnel (Hanoch et Wilke, 2006). Toutefois, il semble que la recherche sur la propension au risque des entrepreneurs n’ait pas encore été en mesure de produire une position théorique définitive, basée sur des résultats empiriques constants (Stewart et Roth, 2001). Des études récentes menées dans le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme illustrent ce paradoxe, en révélant tour à tour l’existence d’un lien fort entre propension au risque et intention d’entreprendre (Gurel, Altinay, Daniele et Lashley, 2010), puis celle d’une relation finalement peu significative (Altinay, Madanoglu, Daniel, Lashley, 2012).

Parallèlement à des développements en psychologie du jugement et dans le domaine de la prise de décision (Kahneman et Tversky, 1979 ; Simon, Houghton et Aquino, 2000), la recherche en entrepreneuriat a pour un temps délaissé les variables psychologiques et s’est intéressée aux variables cognitives afin de tenter de mieux comprendre la prise de risque entrepreneuriale (Busenitz et Barney, 1997 ; Palich et Bagby, 1995 ; Carsrud et Brännback, 2011). Les chercheurs se sont intéressés à la perception du risque (Shaver et Scott, 1991 ; Palich et Bagby, 1995 ; Keh, Foo et Lim, 2002) et aux stratégies mentales appelées biais ou heuristiques cognitifs (Busenitz et Barney, 1997 ; Palich et Bagby, 1995 ; Simon, Houghton et Aquino, 2000 ; Keh, Foo et Lim, 2002). Palich et Bagby (1995) montrent notamment que les entrepreneurs perçoivent les situations risquées de manière plus optimistes que les non-entrepreneurs en se basant sur une théorie en cognition sociale, la théorie des catégories (Rosch, 1978). Simon, Houghton et Aquino (2000) révèlent que certaines des heuristiques cognitives, l’illusion de contrôle et la croyance dans la loi des petits nombres, influencent négativement la perception du risque, alors que la flexibilité, l’optimisme et la propension au risque impactent la tolérance au risque des décideurs. La perception du risque est négativement associée avec les décisions risquées (Barbosa, 2008). Elle joue un rôle de médiateur entre les heuristiques cognitives et l’évaluation de l’opportunité (Keh, Foo et Lim, 2002), et entre la propension du risque et la prise de risque (Sitkin et Weingart, 1995).

Au cours de notre revue de littérature, nous avons pu montrer les éléments liés au processus de construction des représentations sociales et amener l’idée selon laquelle elles mènent à l’action. Nous avons également pu nous appuyer, pour répondre à notre question de recherche, sur d’importants travaux antérieurs portant sur la perception du risque à entreprendre. Notre prochaine partie comportera deux sous-parties. La première sera dédiée à la présentation d’une échelle des représentations sociales du secteur hôtellerie-restauration et d’une échelle des perceptions individuelles du risque à entreprendre relatives à l’échantillon interrogé. La seconde sera consacrée à la présentation des résultats statistiques liés à notre problématique : existe-t-il un lien entre la représentation sociale du secteur d’activité de l’hôtellerie-restauration et la perception individuelle du risque à entreprendre ?

2. Méthodologie

La méthodologie choisie pour cette recherche nous a amenés à combiner des méthodes de passation qualitatives et quantitatives, en deux phases spécifiques. Il s’agissait en effet de soumettre à un échantillon d’étudiants deux échelles spécifiques, l’une dédiée aux représentations sociales du secteur HR et l’autre dédiée à la perception individuelle du risque à entreprendre. Pour ce faire, une étape de construction de la première échelle a été nécessaire, aucune échelle de ce type n’existant dans la littérature. Pour la seconde échelle, nous avons retenu et utilisé en tant que telle l’échelle de perception individuelle du risque de Barbosa (2008).

2.1. Première phase : construction et validation de l’échelle des représentations sociales du secteur HR

Dans le domaine des représentations sociales, il est coutumier de recueillir les perceptions individuelles de manière qualitative, en procédant par entretien individuel ou même par le biais d’un questionnaire en utilisant la question ouverte (Abric, 1994). Pour construire notre échelle des représentations sociales du secteur HR, nous avons mixé les méthodes et procédé en deux temps. Nous précisons ici qu’au départ de notre démarche, aucun outil de ce type concernant ce secteur n’existait. Il nous a donc fallu passer par plusieurs étapes pour construire cette échelle : en nous appuyant sur un corpus documentaire tout d’abord, puis en la complétant auprès d’un court échantillon ensuite, pour la valider enfin auprès d’un plus large échantillon d’étudiants.

Nous avons donc tout d’abord effectué un travail de lecture et de synthèse, nous permettant d’identifier dix-sept caractéristiques clés du secteur, en examinant les rapports sectoriels édités par les sociétés Xerfi et Marketline[4]. Nous avons procédé par synthèse et identification de mots-clés caractérisant au mieux les particularités et spécificités liées au secteur d’activité, qu’elles soient positives, avantageuses ou plus négatives. Les mots-clés repérés sont donc à la fois positifs, par exemple « un secteur dynamique », « porteur d’innovations et de créativité », « générateur de revenus », ou bien plutôt négatifs et anxiogènes, par exemple « un secteur subissant une forte pression fiscale » ou « subissant les aléas de la sécurité intérieure ». Au total, nous avons retenu dix-sept affirmations, correspondant aux caractéristiques identifiées. Ces dix-sept éléments ont été interrogés à l’aide d’une échelle de Likert à sept points. Le niveau 1 correspondait à « je ne suis pas du tout d’accord avec cette affirmation » et le niveau 7 correspondait à « je suis tout à fait d’accord avec cette affirmation ».

Le questionnaire produit étant uniquement, à ce stade, destiné à construire l’échelle des représentations sociales du secteur HR, nous avons fait le choix de le diffuser à une partie des étudiants de bachelor via Google Form (environ deux groupes par promotion). Ainsi, nous avons ajouté aux questions fermées, composées des dix-sept affirmations, cinq questions ouvertes supplémentaires afin de pouvoir compléter l’échelle sur la base des déclarations de nos répondants. L’instruction qui était donnée aux étudiants était de renseigner cinq mots-clés qui selon eux étaient caractéristiques et décrivaient bien le secteur d’activité hôtellerie-restauration. La question posée était « pour moi, le secteur d’activité de l’hôtellerie-restauration c’est… ». Le questionnaire ainsi construit a été envoyé aux étudiants durant le mois de décembre 2017 et nous avons obtenu 169 réponses. Sur cette phase de notre enquête, le taux de réponse obtenu a été de 100 % au vu de la méthode employée : les groupes ont été convoqués dans une salle informatique et les questionnaires ont été renseignés en ligne.

Pour l’analyse, les dix-sept mots-clés interrogés à l’aide de l’échelle de Likert de 1 à 7 ont tout d’abord été hiérarchisés par le biais du calcul des moyennes. Puis une extraction issue de QSR NVivo 11 a fait émerger quinze autres mots-clés issus des réponses aux questions ouvertes produites par les répondants, par le biais de l’utilisation de la fonction de comptage des fréquences. Pour des questions de représentativité, seuls les éléments cités dix fois et plus ont été retenus. Au vu du nombre de répondants, cette limite nous est apparue cohérente, elle a notamment permis d’éviter toute dispersion et de resserrer l’échelle en y intégrant des éléments suffisamment partagés. Une synthèse a enfin été effectuée entre les différents éléments, sept doublons ont été supprimés et, au final, ce sont 25 variables qui ont été retenues pour formaliser notre questionnaire final. Nous les présentons dans le tableau 1.

Tableau 1

Variables retenues pour le questionnement des représentations sociales du secteur hôtellerie-restauration et tourisme

Variables retenues pour le questionnement des représentations sociales du secteur hôtellerie-restauration et tourisme

-> Voir la liste des tableaux

2.2. Seconde phase : adaptation de l’échelle de mesure de la perception individuelle du risque entrepreneurial

Nous avons choisi de mesurer le risque entrepreneurial en utilisant l’échelle de 23 éléments développée par Barbosa (2008) (Tableau 2). Cette échelle, testée en 2006 sur une population de 447 étudiants issus de 5 universités américaines qui suivaient au moins un cours en entrepreneuriat, permet de comprendre les perceptions individuelles de l’entrepreneur et les facteurs motivationnels qui peuvent restreindre ou encourager la création d’entreprise. Elle permet d’évaluer les intentions de création d’entreprise à la lumière de déterminants sociaux potentiels. Elle est multidimensionnelle et s’appuie sur la double conceptualisation du risque que l’auteur a développée à partir des travaux de Dickson et Giglierano (1986), soit le risque en tant que menace et le risque en tant qu’opportunité. Ces deux métadimensions sont des construits distincts et indépendants et englobent chacune quatre dimensions. La première, intitulée « risque global » vise à évaluer le risque perçu de créer une entreprise le long de ses deux dimensions, en tant que menace (cinq éléments) et en tant qu’opportunité (trois éléments). Les répondants sont invités à indiquer si la création représente soit une opportunité, une chose positive que l’on ne peut manquer, ou un risque, une menace, une perte potentielle qu’il convient d’éviter. La seconde, intitulée « risque financier », comporte trois éléments destinés à évaluer les menaces financières (risque de pertes, de faillite, de manquer d’autres opportunités financières) et deux éléments mesurant les opportunités financières potentielles (probabilité de gains élevés, de devenir millionnaire). La troisième dimension, celle du « risque personnel », évalue la perception des répondants de l’impact de la création sur leur carrière, leur confiance en soi et leur vie personnelle. Trois éléments mesurent les conséquences négatives pour leur carrière, leur vie professionnelle et leur estime de soi, et deux éléments les conséquences positives sur leur confiance en soi et leur vie personnelle. Enfin, la quatrième dimension intitulée « risque social » permet de mesurer la perception de l’impact social de la création d’entreprise. Trois éléments mesurent la probabilité de conséquences négatives, en termes de relations sociales, avec leurs proches dont ils risquent de perdre le respect. Enfin, deux éléments mesurent la possibilité que la création impacte positivement leur vie sociale et leur image vis-à-vis de leur famille et leurs amis.

L’échelle envisage les perceptions du risque en tant que menace et en tant qu’opportunité comme deux construits indépendants et distincts, ce qui renvoie aux travaux de Dickson et Giglierano (1986) ou à ceux de Krueger et Dickson (1994). L’analyse interne menée par Barbosa (2008) indique que les perceptions des risques financier, personnel et social sont très reliées.

Dans le cadre de notre passation, les intitulés des variables ont été extraits de la version française de l’échelle, publiée par Fayolle, Barbosa et Kickul en 2008. Ensuite, ces variables ont été mesurées à l’aide d’une échelle de Likert à sept points. Le niveau 1 de l’échelle signifie « je ne suis pas du tout d’accord » et le niveau 7 signifie « je suis tout à fait d’accord » avec cette affirmation.

Tableau 2

Échelle de perception individuelle du risque à entreprendre de Barbosa (2008), adaptée de la version française (Fayolle, Barbosa, et Kickul, 2008)

Échelle de perception individuelle du risque à entreprendre de Barbosa (2008), adaptée de la version française (Fayolle, Barbosa, et Kickul, 2008)

-> Voir la liste des tableaux

2.3. Troisième phase : passation finale du questionnaire

Le questionnaire final, comprenant les deux échelles de mesure, a été administré aux étudiants de bachelor de l’école (répartis entre les différents niveaux) du 8 au 31 janvier 2018. Il comportait les vingt-cinq variables liées aux représentations sociales du secteur d’activité et vingt-trois variables liées à la perception du risque à entreprendre. Toutes les variables du questionnaire (hormis les variables biographiques) ont été renseignées à l’aide d’échelles de Likert à sept points.

2.4. Composition de l’échantillon interrogé et modalités de réponse à l’enquête

L’échantillon interrogé est composé de 279 étudiants d’un programme supérieur (bachelor) d’une école spécialisée en gastronomie et en hôtellerie. Tous les étudiants ont, lors de la consultation, suivi un cursus en entrepreneuriat, allant d’un cours de sensibilisation à la gestion d’un projet. L’échantillon comprend 50,8 % de femmes et 49,2 % d’hommes : 47,5 % des répondants ont entre 18 et 20 ans ; 42,9 % entre 21 et 24 ans tandis que 9,6 % ont 25 ans et plus. Le niveau de formation suivi est en bachelor 1 pour 14,3 % d’entre eux ; bachelor 2 pour 40,3 % d’entre eux et 45,4 % sont en bachelor 3.

Pour assurer un bon taux de réponse à notre enquête, nous avons souhaité procéder par convocation : chaque groupe a été invité à répondre et la finalisation du questionnaire était obligatoire. Sur les 279 étudiants interrogés, nous avons ainsi obtenu un taux de réponse de 95,5 %, les 4,5 % restants, soit 13 questionnaires, correspondaient aux absents le jour de la passation et à un petit nombre de questionnaires non complétés. Nous précisions ici que pour cette phase de passation, les 169 étudiants ayant répondu au questionnaire précédent (première phase de construction de l’échelle des représentations sociales) ont été exclus de l’échantillon.

3. Présentation des résultats

3.1. Passation des échelles de mesure des représentations sociales et du risque à entreprendre

Les échelles de mesure ont fait l’objet d’un traitement séparé dans un premier temps. Une analyse en composantes principales a été réalisée sur chacun des deux construits analysés, la représentation sociale du secteur HR d’une part, la perception individuelle du risque à entreprendre d’autre part.

3.1.1. Représentations sociales du secteur de l’hôtellerie-restauration

En ce qui concerne les représentations sociales liées au secteur d’activité, les vingt-cinq variables ont fait l’objet d’un traitement statistique par le biais d’une analyse factorielle de type analyse en composantes principales. Au total, dix-neuf variables ont été validées statistiquement et quatre facteurs homogènes ont été identifiés, conduisant à expliquer 52,4 % de la variance totale exprimée et une signification de Bartlett significative (p. > 0,000). Nous précisons que seules les variables ayant un poids supérieur à 0,500 ont été intégrées au modèle. Nous soulignons enfin que six éléments ont disparu du modèle statistique : c’est un secteur porteur de croissance ; porteur de créativité et d’innovation ; tourné vers l’international, caractérisé par une forte croissance ; caractérisé par une clientèle au pouvoir d’achat variable, qui offre de bonnes perspectives de carrière.

Le premier facteur est nommé « conditions de travail et exigences comportementales ». Il représente 18,2 % de la variance totale exprimée et regroupe cinq éléments relatifs à la fois aux conditions de travail (difficiles), aux exigences de réactivité, de flexibilité et de rigueur. Un dernier élément souligne que c’est aussi un secteur qui recrute. On peut donc interpréter ce facteur comme étant à la fois l’expression de l’exigence liée au secteur, mais également la conscience que celui-ci est aussi pourvoyeur de nombreux emplois.

Le second facteur est nommé « qualité des prestations du secteur ». Il représente 13,1 % de la variance totale exprimée et regroupe sept éléments exprimant un certain nombre de caractéristiques qualitatives liées au secteur : luxe, savoir-faire, qualité, accueil, passion, expérience client, gastronomie.

Le troisième facteur est nommé « partage – plaisir – hédonisme » et représente 12,2 % de la variance totale exprimée. Il regroupe trois éléments : partage, plaisir et diversité des cultures et des métiers.

Le quatrième facteur est nommé « contraintes ». Il représente 8,9 % de la variance totale exprimée et regroupe quatre éléments illustrant les aspects contraignants et aléatoires du secteur : terrorisme, météo, fluctuation de l’activité en fonction des saisons et des années et pression fiscale. Nous présentons les détails de l’analyse en composantes principales dans le tableau 3.

Tableau 3

Analyse en composantes principales après rotation Varimax : les représentations sociales du secteur hôtellerie-restauration

Analyse en composantes principales après rotation Varimax : les représentations sociales du secteur hôtellerie-restauration

Les variables retenues dans le modèle de compétences sont celles dont le poids est supérieur à 0,500 ; les variables sont classées par ordre décroissant. KMO mesure : 0,908 ; test de sphéricité de Bartlett : chi-2 (ddl : 300) ; 2782,6 ; p. < 0,000.

-> Voir la liste des tableaux

3.1.2. Perception individuelle du risque à entreprendre

Les vingt-trois variables de l’échelle du risque entrepreneurial de Barbosa (2008) ont également fait l’objet d’une analyse factorielle de type analyse en composantes principales. Nous précisons que seules les variables ayant un poids supérieur à 0,500 ont été intégrées au modèle. À cette issue, vingt variables ont été validées statistiquement et cinq facteurs homogènes ont été identifiés, expliquant 58,27 % de la variance totale. Enfin, trois variables disparaissent du modèle, représentant respectivement le risque en termes de perte globale (créer une entreprise représente une perte potentielle), personnelle (perte de l’estime de soi) et sociale (perte du respect de sa famille et de ses amis).

Le premier facteur identifié est nommé « impact financier négatif ». Il représente 24,40 % de la variance totale exprimée et regroupe six éléments relatifs au sentiment de risque négatif, notamment en termes de perte financière : crainte que cela ne se passe mal, niveau important de risque lors de la création d’une nouvelle entreprise, risques de faillite et de performance incertaine. On perçoit dans ce premier facteur l’importance capitale de la perception du risque en tant que menace chez nos répondants.

Le second facteur fait ressortir la conception du risque en tant qu’opportunité ; il est nommé « impact personnel, professionnel et social positif ». Il représente 15,70 % de la variance totale exprimée et regroupe six éléments relatifs aux différents impacts possibles générés par la création d’une nouvelle entreprise, tant sur le plan personnel, de la confiance en soi, de la vie sociale et tout ce qui concerne les conséquences sociales positives de la démarche pour l’individu.

Le troisième facteur représente à nouveau le risque en tant que menace, plutôt dans sa dimension professionnelle ; il est nommé « impact professionnel et personnel négatif ». Il représente 7,71 % de la variance totale exprimée et regroupe des éléments relatifs à la peur des répercussions négatives pour la carrière, la vie professionnelle ou personnelle.

Le quatrième facteur est encore lié à la menace. Il est nommé « impact familial et social négatif ». Il représente 5,70 % de la variance totale exprimée et regroupe des éléments relatifs à la peur de l’impact négatif du fait de créer une nouvelle entreprise : peur pour la vie sociale et familiale, peur de manquer d’autres opportunités monétaires.

Le cinquième facteur est lié à l’opportunité monétaire ; il est nommé « impact financier positif ». Il représente 4,76 % de la variance totale exprimée et regroupe deux éléments relatifs à la richesse : gagner de l’argent, être riche.

Tableau 4

Analyse en composantes principales après rotation Varimax : perception individuelle du risque à entreprendre

Analyse en composantes principales après rotation Varimax : perception individuelle du risque à entreprendre

Les variables retenues dans le modèle de compétences sont celles dont le poids est supérieur à 0,500 ; les variables sont classées par ordre décroissant. KMO mesure : 0,857 ; test de sphéricité de Bartlett : chi-2 (ddl : 253) ; 2301,02 ; p. < 0,000.

-> Voir la liste des tableaux

On constate ici l’impact prégnant des perceptions individuelles du risque en tant que menace (premier facteur, 24,40 de variance exprimée sur une variance totale exprimée de 58,27 %), que celle-ci soit représentée dans ses composantes sociales, personnelles ou financières. Les deux facteurs représentant la perception positive du risque à entreprendre sont quant à eux liés à l’opportunité de voir son statut social, personnel et professionnel amélioré et surtout à la perspective de gains financiers.

De la même manière, nos résultats statistiques bousculent quelque peu l’ordre des différentes métadimensions et sous-dimensions de l’échelle initiale de Barbosa. Dans notre analyse, nous obtenons en effet un regroupement identique des variables identifiées initialement au sein des deux métadimensions (menace d’une part et opportunité d’autre part), mais nous observons, dans la plupart des facteurs, un mélange des différentes sous-dimensions au sein de ces deux métadimensions (global, personnel, social et financier).

Nous avons présenté les résultats liés aux deux échelles de mesures liées à la représentation sociale du secteur d’activité hôtellerie-restauration et à la perception individuelle du risque à entreprendre. Nous proposons ensuite la dernière étape de notre analyse, à savoir l’impact des représentations sociales sur la perception individuelle du risque à entreprendre.

3.2. Impact des représentations sociales du secteur d’activité sur la perception individuelle du risque à entreprendre

Pour mesurer l’impact des représentations sociales du secteur d’activité sur la perception individuelle du risque à entreprendre, nous avons choisi de procéder à une régression linéaire multiple, en privilégiant la méthode « pas à pas ». La régression multiple permet de calculer quelle quantité de variance d’une variable dépendante est expliquée par une variable indépendante (Pallant, 2011). La méthode « pas à pas » (ou step by step) permet d’affiner le modèle statistique en intégrant l’ensemble des variables indépendantes susceptibles d’améliorer le modèle. On peut ainsi retrouver un ensemble de variables indépendantes expliquant une autre variable dépendante. Cette méthode constitue un avantage, car elle permet d’élargir la simple analyse binaire pour entrevoir des effets combinés de plusieurs variables sur une autre.

Ainsi, pour ce qui concerne notre étude, les variables indépendantes sont celles liées à la représentation sociale du secteur d’activité (Tableau 1 en annexe ; Tableau 3), à savoir quatre variables représentées par les facteurs identifiés dans notre analyse factorielle : (1) conditions de travail, comportement et exigences ; (2) qualité des prestations du secteur ; (3) partage, plaisir et hédonisme et (4) contraintes. Les variables dépendantes sont celles liées à la perception individuelle du risque à entreprendre, également issues de l’analyse factorielle (Tableau 2 en annexe ; Tableau 4) : (1) impact financier négatif ; (2) impact personnel, professionnel et social positif ; (3) impact professionnel et personnel négatif ; (4) impact familial et social négatif et (5) impact financier positif.

Nous avons débuté notre analyse par un tableau des corrélations de Pearson entre les différentes variables « représentations sociales » et « perceptions individuelles du risque à entreprendre ». Cette étape nous a permis de constater que les coefficients de corrélations entre nos variables n’étaient pas trop élevés, très majoritairement inférieurs à 0,300. Les corrélations entre nos variables indépendantes sont également inférieures à 0,700, ce qui montre l’absence de corrélations bivariées trop importantes. Enfin, l’absence de multicolinéarité des variables a été vérifiée, permettant à nos valeurs de respecter toutes les conditions pour l’analyse. Nous présentons ces résultats dans le tableau 5.

La troisième étape de notre analyse a consisté en une régression linéaire multiple. Nous avons choisi la méthode « pas à pas », permettant de tester l’impact potentiel de plusieurs variables indépendantes sur une variable dépendante. Ainsi, quatre analyses successives ont été menées, destinées à mesurer l’impact de chacune des quatre variables indépendantes « représentation sociale » sur les cinq variables dépendantes « perception individuelle du risque à entreprendre ». Nous présentons ces résultats dans le tableau 6.

Tableau 5

Statistiques descriptives des corrélations de Pearson

Statistiques descriptives des corrélations de Pearson

RS = représentations sociales.

Risque = perception du risque à entreprendre.

N = 280. Les corrélations sont significatives au niveau : * 0,005 ; ** 0,001.

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 6

Régression linéaire multiple (méthode « pas à pas ») : impact des représentations sociales du secteur HR sur la perception individuelle du risque à entreprendre

Régression linéaire multiple (méthode « pas à pas ») : impact des représentations sociales du secteur HR sur la perception individuelle du risque à entreprendre

N = 280 ; * p. < = 0,10 ; ** p. < = 0,05 ; *** p. < = 0,001.

-> Voir la liste des tableaux

Dans ce tableau, on constate tout d’abord, de manière générale, l’impact des représentations sociales sur certains facteurs liés à la perception du risque à entreprendre. On note ainsi que ce sont plus spécifiquement les conditions de travail et les exigences liées au secteur d’activité qui impactent le plus les variables liées à la perception du risque. Suivent le partage, le plaisir et l’hédonisme et enfin la qualité des prestations. Les contraintes liées aux aléas n’ont aucun impact sur la perception du risque à entreprendre. De même, la variable liée à la perception du risque à entreprendre « impact professionnel et personnel négatif » n’est impactée par aucune dimension des représentations sociales.

Plus encore, les représentations sociales liées aux conditions de travail et exigences comportementales impactent à 13 % la perception individuelle du risque à entreprendre liée aux impacts financiers négatifs (R2 = 0,130). Cela signifie que les exigences comportementales du secteur viennent renforcer la peur de perdre de l’argent en créant ou en reprenant une entreprise, même si on considère le secteur comme pourvoyeur d’emplois et dynamique.

Nous observons que les conditions strictes de travail et les exigences comportementales tout d’abord, puis la perception de partage, de plaisir et d’hédonisme au sein du secteur expliquent 24 % de la variance de la perception individuelle liée au risque à entreprendre concernant l’impact positif au niveau professionnel personnel et social (R2 = 0,240). Il s’agit ici de la perception de la nécessaire droiture, la discipline, également inhérentes aux conditions de travail, qui vont influencer positivement l’impression d’acquisition d’un statut professionnel et social reconnu.

Notons également que les représentations liées aux conditions de travail et exigences comportementales ont un impact faible sur l’impact familial et social négatif (R2 = 0,016, soit 1,6 % de la variance expliquée). Ces deux variables sont tout de même liées et l’on peut en déduire que la discipline, les exigences et les conditions de travail difficiles du secteur peuvent influencer négativement l’acte d’entreprendre au niveau social.

Enfin, les représentations sociales liées au partage, au plaisir et à l’hédonisme, aux conditions de travail et exigences comportementales ainsi qu’à la qualité des prestations forment un ensemble expliquant 6,7 % de la perception individuelle du risque à entreprendre concernant l’impact financier positif (R2 = 0,067). En d’autres termes, les conditions de travail (incluant le dynamisme du secteur et l’existence d’emplois nombreux), les valeurs de plaisir, de partage et d’hédonisme et la qualité des prestations renforcent la perspective de devenir riche et de gagner beaucoup d’argent.

4. Analyse et discussion des résultats

4.1. Sur la spécificité de nos résultats tout d’abord

Quelles sont les représentations sociales du secteur HR qui influencent le plus la perception individuelle du risque à entreprendre ? Autrement dit, quel est l’impact de nos représentations d’un secteur d’activité sur notre perception du risque à y entreprendre ?

La réponse à cette question peut être globale tout d’abord, car on peut, sur la base de nos résultats, remarquer l’influence générale supérieure des variables liées aux conditions de travail, celles du partage, du plaisir et de l’hédonisme et, dans une moindre mesure, la qualité des prestations proposées par le secteur, sur la perception individuelle du risque à entreprendre.

Nous pouvons également souligner, en nous référant aux travaux liés aux représentations sociales, l’importance prégnante de la représentation sociale des conditions de travail qui est la seule variable à impacter toutes les dimensions du risque à entreprendre présentes dans le modèle. Cela nous amène à considérer cette représentation sociale comme le noyau central, que l’on peut considérer selon Abric (1994) comme l’élément principal de la représentation, qui en génère le sens général et organise son contenu. La qualité des prestations offertes et le partage plaisir et hédonisme constituent, quant à eux, les éléments périphériques de ces représentations.

Cette réponse peut ensuite être plus ciblée, en nous focalisant notamment sur les spécificités de certains de nos résultats, susceptibles d’éclairer une situation donnée ou de fournir des indications sur d’éventuelles actions correctives à mener.

Tout d’abord, il va de soi que les conditions de travail offertes au sein du secteur d’activité HR n’ont pas bonne presse. Nous l’avons souligné à travers la présentation de certains éléments liés à l’étude menée par la Fafih en octobre 2018[5], qui mettent en avant les représentations négatives du secteur hôtellerie-restauration qu’ont les jeunes de 18 à 30 ans. Les jeunes sont particulièrement sensibles à ces points, notamment les générations Y et Z qui sont très attentives aux perspectives de carrière et à l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle (également cité comme élément particulièrement dissonant par les répondants à cette enquête). Ces jeunes souhaitent également un épanouissement professionnel plus que les autres générations, n’hésitant pas à passer d’un employeur à l’autre avec la perspective de l’atteindre. De ce fait, les représentations sociales du secteur HR semblent très influencées par cette problématique, nos résultats l’attestent et vont dans le même sens que l’enquête précédemment citée : les conditions de travail du secteur représentent un axe très représentatif au sein de notre analyse factorielle puisqu’il représente 18,2 % de la variance exprimée sur un total de 54,2 %. Notons que la représentation de ces conditions de travail n’est pas exclusivement négative, même si elles sont généralement jugées difficiles et nécessitant beaucoup d’efforts. On pointe d’ailleurs également le dynamisme du secteur et ses nombreuses offres d’emplois. Il y a donc une représentation ambivalente des jeunes interrogés, qui soulignent à la fois les exigences et la difficulté du travail dans ce secteur, mais également son dynamisme et ses nombreux emplois.

Ensuite, les représentations liées au plaisir, au partage et à l’hédonisme impactent également particulièrement les perceptions individuelles du risque à entreprendre. Il s’agit ici d’un élément important, puisque l’on perçoit ce secteur d’activité comme pourvoyeur de plaisir, de partage et que l’on y voit une diversité des cultures, des métiers elle-même pourvoyeuse de bien-être et d’épanouissement. Dans nos sociétés modernes, le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme est en effet lié aux vacances, à la détente, au bien-être et il est donc considéré comme favorisant le repos ou la récupération physique et mentale. Les jeunes y voient ainsi la perspective de travailler dans un secteur pourvoyeur de plaisir, de bien-être, de mixité culturelle et sociale et que cela générera un impact professionnel, personnel, social ainsi qu’une perspective de gains financiers positifs.

De la même manière, la validation statistique des échelles des représentations sociales et de la perception individuelle du risque à entreprendre amènent à la disparition de certaines variables. Concernant les représentations sociales du secteur, les variables concernent plutôt le développement et la croissance (secteur porteur de croissance ; porteur de créativité et d’innovation ; tourné vers l’international, caractérisé par une forte croissance ; qui offre de bonnes perspectives de carrière) et l’aléa du pouvoir d’achat (caractérisé par une clientèle au pouvoir d’achat variable). Concernant la perception individuelle du risque à entreprendre, trois variables représentant le risque en termes de perte globale (perte potentielle), personnelle (perte de l’estime de soi) et sociale (perte du respect de sa famille et de ses amis) ont disparu. Ces résultats statistiques sont sans doute à mettre en perspective avec les spécificités du public interrogé (génération Z) qui, se trouvant dans un contexte de formation et restant peu expérimenté, tend peut-être à minimiser certains aspects relatifs au secteur.

Nous remarquons également que la variable « aléas » (météo, terrorisme, pression fiscale et variabilité de l’activité) des représentations sociales n’impacte pas les perceptions individuelles du risque à entreprendre de nos répondants. Il s’agit là d’un résultat à souligner, tant il peut paraître étonnant. Le secteur d’activité de l’hôtellerie-restauration est souvent présenté (par les médias notamment) comme susceptible d’être impacté par un certain nombre d’aléas climatiques, économiques et sécuritaires. Nos répondants ont en effet validé statistiquement, en premier lieu, ces composantes dans l’échelle des représentations sociales du secteur, attestant ainsi leur poids et leur importance, mais force est de constater que les résultats statistiques n’ont pas mis en avant un lien entre ces représentations et la perception individuelle du risque à entreprendre. Ceci est peut-être dû, ici encore, aux caractéristiques de notre échantillon, composé d’un public jeune dont les représentations sont parfois empreintes d’idéalisme.

Enfin, concernant la validation de l’échelle de perception du risque à entreprendre de Barbosa par nos répondants, nous pouvons remarquer plusieurs points. Tout d’abord, cette échelle est structurée en deux points essentiels : la perception du risque à entreprendre en tant que menace et en tant qu’opportunité, lesquels sont subdivisés en plusieurs éléments (global, financier, personnel et social). Les résultats fournis par notre analyse en composantes principales font apparaître une perception du risque à entreprendre en tant que menace globale forte (il s’agit du premier facteur de l’analyse en composantes principales, représentant plus de 24 % de la variance totale exprimée), exprimant les craintes de nos jeunes concernant les risques financiers et de survie de l’entreprise créée. Ceci rejoint par ailleurs les résultats de l’enquête de l’Insee[6] en 2018 (présentés plus haut), concernant les défaillances d’entreprises dans le secteur HR, plus nombreuses qu’ailleurs. Les résultats font également apparaître une perception positive de la création d’entreprise (15 % de la variance totale exprimée) à travers notamment les impacts personnels, sociaux et professionnels. Il y a donc, chez nos étudiants du supérieur une appréhension du risque à entreprendre qui va de pair avec la perception globale qu’ont les Français de la création d’entreprise d’une part, de même qu’une très bonne représentation des éléments positifs liés à l’accession au statut d’entrepreneur (confiance en soi, carrière, vie sociale…) d’autre part. Nos résultats sont d’un côté en adéquation avec la structure générale de l’échelle de Barbosa, en ce sens qu’ils mettent en avant deux perceptions antinomiques du risque à entreprendre, l’une en tant que menace et l’autre en tant qu’opportunité. D’un autre côté, ils diffèrent quelque peu de l’échelle d’origine de par leur structure interne, faisant apparaître un mélange des différentes sous-catégories (social, personnel, global et financier), tout en présentant des ensembles cohérents.

4.2. Comment modifier la perception/représentation des jeunes ? Que faire pour modifier l’impact potentiellement négatif de certaines représentations ?

Nous avons, sur la base de nos résultats, posé le postulat de l’impact significatif de certaines représentations sociales du secteur HR sur la perception individuelle du risque à entreprendre. Nous avons particulièrement montré l’impact plus net des représentations liées aux conditions de travail et au plaisir, au partage et à l’hédonisme sur certaines perceptions, ainsi que sur les craintes de pertes financières et les conséquences sociales négatives. Il s’agit d’un résultat important, car cette variable a un impact important sur d’autres, et notamment lorsqu’elle est considérée seule : craintes de pertes financières d’une part et conséquences sociales négatives d’autre part. Ceci signifie que les représentations des conditions de travail du secteur peuvent se révéler clivantes et rédhibitoires chez certains individus qui jugent que les efforts à fournir et la difficulté du travail sont impactant et potentiellement dangereux pour entreprendre dans le secteur et qu’ils peuvent contribuer à des pertes financières et des conséquences négatives relatives au statut social.

Par ailleurs, on remarque également que l’impact des représentations liées aux conditions de travail, lorsqu’elles sont couplées à d’autres représentations et notamment le plaisir, le partage et l’hédonisme, ont un effet plutôt positif sur le statut personnel, professionnel et social d’une part, ainsi que sur les perspectives de gains financiers d’autre part. Ceci signifie que le partage, le plaisir et l’hédonisme ainsi que la qualité des prestations du secteur ont une fonction qui semble permettre de tendre vers une meilleure acceptabilité de certaines composantes liées à la création d’entreprise dans le secteur.

Nous avons constaté les impacts de certaines représentations sociales sur certaines perceptions du risque à entreprendre. Il devient alors possible d’imaginer certaines actions à mener permettant de travailler sur certains de ces effets jugés trop négatifs ou d’en tenir compte tout simplement afin, in fine, de contribuer à développer l’envie d’entreprendre.

Tout d’abord, il convient de décrypter ce que recouvre exactement la variable « conditions de travail ». Nous y voyons la difficulté du travail tout d’abord, ce qui signifie que les jeunes ont conscience que travailler dans le secteur HR est éprouvant. Nous y voyons la nécessité d’une posture rigoureuse ensuite, allant de pair avec la difficulté perçue du travail. Il y a également les exigences de flexibilité et de réactivité, également caractéristiques au secteur, ainsi que la reconnaissance du dynamisme du secteur, qui fait que celui-ci est jugé porteur de nombreux emplois. C’est difficile, il faut faire des efforts, mais au final c’est dynamique et les emplois sont plus nombreux qu’ailleurs. Ici, nous pouvons encore une fois faire le lien entre ces éléments et les résultats de l’enquête de la Fafih de 2018 (présentés plus haut), qui vont également dans ce sens.

De toute évidence, modifier une telle perception des conditions du travail du secteur d’activité n’est évidemment pas chose simple. Nous pensons en revanche qu’une réflexion sur cette dimension est possible au niveau scolaire. Les étudiants interrogés dans le cadre de notre étude sont en cycle supérieur (bachelor), sont par ailleurs apprentis ou stagiaires et partagent leur temps entre l’école et l’entreprise, ce qui leur permet d’intégrer rapidement la dimension des efforts à fournir dans leur métier et rend leur représentation d’autant plus réelle et donc intéressante. Même s’il est difficile de modifier les conditions de travail d’un secteur d’un coup de baguette, on peut, par la diffusion de messages spécifiques, contribuer à rendre certaines de ses composantes moins abruptes. Si l’on relie par exemple l’effort, la posture, la flexibilité et réactivité aux perspectives de promotion sociale par la création d’entreprise, on peut espérer compenser certains effets négatifs liés à cette représentation sociale. Plus encore, porter et favoriser un discours ancré sur des concepts tels que le plaisir, le bien manger, l’hédonisme, le partage, les valeurs ou la créativité culinaire, serait susceptible de contribuer à rendre plus accessible tout ce qui représente l’effort et la difficulté des conditions de travail (bien connues) du secteur.

De même, les employeurs du secteur HR pourraient également jouer un rôle central en développant des discours managériaux ambitieux et des politiques RH attrayantes, comme on peut déjà le constater chez certains grands groupes. La marque employeur, credo incontournable de nos jours dans les entreprises en quête de fidélité, d’implication et de motivation au travail, serait une piste à explorer si l’on souhaite conférer une image plus positive au secteur et notamment contribuer à gommer les impacts négatifs attribués aux conditions de travail difficiles du secteur. Pour les plus petites entreprises qui disposent, il est vrai, de moyens plus restreints, des actions ciblées pourraient également être menées : accueil, intégration, fidélisation, gestion des compétences, etc. Enfin, une réflexion pourrait également être menée du côté des pratiques managériales du secteur, dont les caractéristiques et les effets sont bien connus : organisation très hiérarchisée, faible taux de satisfaction professionnelle, conduisant de ce fait à une rotation du personnel élevée (Bourdon, Guégnard et Michot, 2011 ; Forté et Monchatre, 2013 ; Oliveira da Silva, 2016).

Il serait également possible de s’appuyer sur l’impact plutôt positif de certaines représentations. Ainsi, l’hédonisme, le partage, les dimensions multiculturelles, favorisant les échanges, tout comme la qualité des prestations fournies (le luxe, l’accueil et l’expérience client, le bien-être et le plaisir) sont susceptibles de contribuer à renforcer l’attraction du secteur et peuvent donc jouer un rôle important.

Aussi, développer les discours sur l’entrepreneuriat dans le secteur HR nous paraît être un élément contributeur. Ancrer les discours sur les aides financières, mettre en avant les organismes financeurs et favoriser leur rencontre avec les étudiants potentiellement intéressés par la création d’entreprise peut également contribuer à développer positivement certaines représentations liées aux risques financiers.

Contribuer à modifier les représentations sociales et la perception du risque à entreprendre au sein du secteur hôtellerie-restauration peut également passer par le développement de programmes entrepreneuriaux spécifiques au sein des écoles, destinés à développer la créativité des jeunes, leur capacité d’analyse des différentes opportunités liées au secteur, leur ouverture d’esprit et leur capacité à détecter les opportunités d’affaires. En hôtellerie-restauration, l’entrepreneuriat doit être abordé de manière pratique, à savoir en privilégiant au maximum le savoir-faire, la conceptualisation et l’expérimentation.

Enfin, le secteur d’activité lui-même peut, à travers ses représentants (associations professionnelles, décideurs, employeurs), diffuser des discours positifs ancrés sur la réussite et l’épanouissement professionnel. La marque employeur peut également être développée par le biais de discours et d’engagements spécifiques concernant notamment les politiques RH ou les conditions de travail. Les valeurs entrepreneuriales peuvent également être mises en avant au sein de programmes de formation ou par le biais de politiques spécifiques d’aide à la création ou d’accompagnement.

Conclusion

Les apports de notre recherche se situent à plusieurs niveaux. Tout d’abord, par le biais de la première étape de notre consultation, nous avons pu valider statistiquement une échelle des représentations sociales du secteur de l’HR, auprès d’étudiants d’une école supérieure spécialisée en gastronomie et en hôtellerie. Ce premier point est important, car les futurs professionnels et peut-être entrepreneurs du secteur ont donné leur avis sur ce qui constitue selon eux, leur environnement professionnel. Ce type d’outil est susceptible d’être développé, amélioré, certes, mais permet aujourd’hui de fournir une vision claire des caractéristiques représentatives du secteur HR.

Dans un second temps, l’échelle des perceptions individuelles du risque à entreprendre a été validée auprès d’une population d’étudiants d’une école spécialisée en gastronomie et en hôtellerie. Il s’agit d’un apport remarquable puisque, même si cette échelle a été reprise intégralement (Barbosa, 2008), il n’en reste pas moins, qu’elle a été confrontée à un secteur d’activité spécifique par le biais de ses répondants. Sur 23 éléments questionnés, 20 ont été statistiquement validés et l’on perçoit l’ancrage particulier du risque entrepreneurial à travers la crainte des pertes financières, mais également l’importance de l’impact personnel, professionnel et social positif. Il s’agit par conséquent d’un apport considérable puisque jamais auparavant une telle échelle n’avait été employée dans le cadre d’un secteur d’activité spécifique.

Dans un dernier temps, cette échelle des représentations sociales du secteur HR a été confrontée à une échelle des perceptions individuelles du risque à entreprendre. La question que nous nous posions concernait l’impact de cette première sur les perceptions individuelles du risque à entreprendre. Les réponses que nous avons présentées mettent clairement en avant le rôle impactant des conditions de travail d’une part et des valeurs de plaisir, de partage et d’hédonisme d’autre part sur certaines perceptions liées au risque à entreprendre. De ce fait, les premiers éléments de réponse que nous avons apportés à cette question sont susceptibles de fournir des éléments d’action précieux aux décideurs, formateurs ou professionnels pour contribuer à améliorer certains points négativement impactants ou, au contraire, s’appuyer sur ce qui peut constituer des atouts et les valoriser.

La recherche présente néanmoins certaines limites qu’il convient d’énumérer. Tout d’abord, malgré certains éléments significatifs permettant de mettre en avant l’impact de certaines représentations sociales du secteur HR sur les perceptions individuelles du risque à entreprendre, il conviendrait sans doute d’étendre la consultation afin de compléter ces résultats. Nous avons choisi un public jeune, en formation dans le secteur, et disposant de peu d’expérience. Ceci présente le risque d’une possible naïveté dans certains propos ou le fait que certaines représentations ne soient pas empreintes de vécu. Il conviendrait alors de compléter cette consultation auprès d’un public plus averti, plus expérimenté qui pourrait contribuer à renforcer ou adoucir certains points de vue, ou encore de mener ce type d’étude de manière longitudinale afin de mieux pouvoir cerner l’évolution dans le temps de certaines représentations sociales.

De la même manière, notre échantillon a été mobilisé au sein d’une promotion d’étudiants de bachelor, ayant été exposés à une éducation entrepreneuriale et ayant fait le choix délibéré de s’engager professionnellement dans le secteur HR. Il s’agit donc d’une caractéristique non négligeable induisant possiblement un biais dans nos résultats. Encore une fois, la prolongation de notre étude auprès d’un échantillon plus large permettrait sans doute de préciser les résultats.

Ces résultats appellent également le traitement de questions complémentaires, par exemple la mesure des conséquences des différents impacts des représentations sociales du secteur sur les perceptions individuelles du risque à entreprendre en termes d’intention entrepreneuriale. Cette question nous permettrait de compléter notre point de vue et contribuerait à une meilleure perception, ce qui serait susceptible de développer l’intention entrepreneuriale d’une population donnée. La question qui se pose est celle du lien effectif entre la perception individuelle du risque à entreprendre et l’intention entrepreneuriale. Ainsi, la perception du risque, même quelque peu « atténuée » par des représentations sociales convenantes et favorables d’un secteur d’activité, est-elle susceptible de conduire à l’acte entrepreneurial ? Dans quelles proportions et selon quelles modalités ?

Enfin, la spécificité de l’échantillon interrogé peut également constituer une limite à notre travail, dans la mesure où une grande majorité des étudiants interrogés se situe au niveau bachelor. Il conviendrait donc de prolonger notre étude en direction d’étudiants de niveau master tout d’abord et de professionnels ensuite, permettant ainsi de compléter, confirmer, infirmer ou spécifier certains de nos résultats. Plus encore, l’ajout d’autres variables de contrôle pourrait également compléter les résultats présentés dans cette étude. Le sexe, le type d’activité (hôtellerie, fast-food, gastronomie, etc.) pourrait nous permettre d’affiner certains points. Toutes ces questions, objets potentiels de futures recherches, pourront fournir des éléments de réponse à la problématique que nous avons posée.