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Introduction

Les cinquante entreprises technologiques françaises les plus innovantes ont multiplié leur chiffre d’affaires par 30 sur les cinq dernières années (Deloitte, 2017) ! Ainsi, quand les jeunes entreprises technologiques innovantes (dorénavant intitulées JETI) passent le cap du démarrage, elles ont des perspectives de croissance considérables. Au-delà de la diversité terminologique dans les mondes académique et institutionnel, leur définition ne fait pas l’objet d’un consensus (Khiari, Khelil, Zouaoui et Smida, 2011 ; Khiari, Zouaoui et Smida, 2015). Néanmoins, l’état de l’art valide une combinaison de quatre critères pour qualifier une organisation de JETI. Nous définissons donc la JETI comme une jeune (J) (soit âgée de moins de huit ans [plus adolescente que nouvelle], initialement créée ex nihilo et à fort potentiel de croissance, généralement précoce) entreprise (E) (de taille réduite, une PMI/PME, voire TPE/TPI, indépendante même si les entrepreneurs ne sont pas forcément majoritaires, financée possiblement par des capitaux externes et des investisseurs spécialisés) technologique (T) (avec un niveau conséquent de R&D, une mobilisation de savoirs et de compétences de type expert, des liens étroits avec les milieux scientifiques) et innovante (I) radicalement ou incrémentalement (avec un degré élevé de risque, située sur un marché global, mais instable et émergent, créatrice de valeur importante, soutenue et renouvelée fréquemment en termes de produits, services et/ou procédés).

De par l’enjeu majeur de leur réussite à la fois en termes de croissance et d’emploi (Jacquin, 2003), praticiens et chercheurs focalisent sur l’étude de leur performance et des facteurs clés de succès (Khiari, Zouaoui et Smida, 2015 ; Song, Podoynitsyna, Van Der Bij et Halman, 2008 ; Li, Zhao, Tan et Liu, 2008) afin que ces gazelles deviennent des licornes, à l’instar des réussites spectaculaires américaines et chinoises. En France, cela se traduit par un fort soutien initial du réseau institutionnel pour 80 % (Barrot, Lelarge, Honkanen, Molesin et Alik-Lagrange, 2011) dans les cinq premières années de leur existence, mais aussi par des difficultés à se développer par elles-mêmes, une fois cette phase terminée (Kouamé, 2012). Avec ces perspectives extraordinaires de développement et des taux de mortalité plus faibles que d’autres organisations (Barrot et al., 2011), les JETI demeurent un groupe très peu étudié (Haddad, 2013 ; Singh, Corner et Pavlovich, 2007) quant à la spécificité de leur échec (Kouamé, 2012). En effet, un paradoxe demeure entre d’une part, leur fort accompagnement, de plus en plus performant notamment dans la structuration experte de leur modèle d’affaires, favorisant l’émergence de meilleurs projets (Baqué, Raso et Rippe-Lascout, 2015), et, d’autre part, un risque de défaillance toujours très élevé (plus de 70 %) après les cinq premières années (Lasch, Le Roy et Yami, 2005 ; Kouamé, 2012).

La plupart de ces activités hautement risquées finissent en faillite (OCDE, 2014), soit en échec total, défini par Khelil (2011) comme la mort de l’entreprise par liquidation, sans avoir générée de rente suffisante pour la continuité et sans concrétiser les aspirations de l’entrepreneur. En conséquence, il apparaît tout aussi pertinent d’étudier leur échec plutôt que leur succès parce que c’est un objet de recherche essentiel pour capitaliser des connaissances (Krauss, 2016 ; Khelil, 2011, 2016 ; Cope, 2011 ; Shepherd, 2003). Pour les chercheurs, le risque d’échec demeure à cause de multiples facteurs externes, comme l’imprévisibilité du marché et l’instabilité de l’environnement, mais également internes, liés au niveau considérable de ressources, de compétences et de savoirs mobilisés (Moreau, 2005). Or, si l’échec fait l’objet de recherches pertinentes et fructueuses quant à sa multifactorialité, sa multidimensionnalité et sa complexité (Khelil, 2016), il demeure des pans de connaissances à mobiliser pour contribuer plus spécifiquement à l’une de ses dimensions et ainsi, renforcer l’approche globale nécessaire.

Tandis que la littérature explique généralement l’échec et la faible performance des JETI par des difficultés de financement et d’accès aux ressources (Kouamé, 2012), des auteurs ont choisi une autre piste d’explication en s’intéressant à la possible inadéquation du marketing et de ses techniques sur des structures de très petite taille (Pacitto et Julien, 2006 ; Pacitto et Tordjman, 2000). En effet, le marketing est considéré comme l’un des problèmes les plus importants rencontrés par les PME (Huang et Brown, 1999), tout en étant l’une des activités cruciales pour leur survie et leur croissance (Franco, De Fatima Santos, Ramalho et Nunes, 2014). S’interroger sur ce lien entre la JETI et le marketing permet également de s’intéresser à la question de leurs relations avec l’environnement et le marché, soit aux facteurs externes identifiés par Moreau (2005).

Une réponse fondamentale est apportée par le marketing entrepreneurial (ME) qui s’adapte à la fois aux objectifs et aux contraintes internes et externes des PME en général, mais aussi à ceux des entrepreneurs dans une approche plus schumpetérienne (Hills, Hultman, Kraus et Schulte, 2010), donc parfaitement appropriée aux JETI. En effet, comme le mentionnent plusieurs auteurs (Collinson et Shaw, 2001 ; Morris, Schindehutte et Laforge, 2002 ; Hills, Hultman et Miles, 2008), le ME permet de poser un regard différent sur le marketing dans des structures atypiques et en particulier celles soumises à de fortes turbulences (Hills et Hultman, 2013). En revanche, son opérationnalité pratique nécessite de trouver le cadre d’analyse le plus pragmatique pour étudier la performance des JETI. C’est pourquoi nous choisissons d’appliquer ce concept, modélisé par Morris, Schindehutte et Laforge (2002), dont l’impact positif sur les performances des PME a été mis en évidence dans des études empiriques (Hacioglu, Eren, Eren et Celikkan, 2012 ; Hamali, 2015 ; Rashad, 2018 ; Sadiku-Dushi, Dana et Ramadani, 2019). Notre recherche souhaite donc combler le gap théorique demeurant quant au rôle du marketing entrepreneurial dans le cas de l’échec des JETI, pour comprendre comment il peut impacter négativement leur performance.

D’après Morris, Schindehutte et Laforge (2002), le ME, en tant qu’approche organisationnelle du marketing, est un antécédent aux résultats organisationnels de l’entreprise et un dérivé des interactions entre l’orientation entrepreneuriale (OE), l’orientation marché (OM) et le climat organisationnel (CO) de l’entreprise. Ces dernières constituent l’environnement interne que nous considérons et appelons « boîte noire » des comportements qui induit un ME à partir de l’influence des conditions environnementales externes. Il n’est pas la conséquence directe et unique de décisions managériales (voire d’un management entrepreneurial au sens de Stevenson et Jarillo, 1990), mais plus le résultat d’un processus entrepreneurial. Notre objectif est de comprendre comment ce processus entrepreneurial, qu’est le ME, participe à l’échec de la JETI. Cela nous amène à nous interroger sur comment les antécédents internes se manifestent au sein de la « boîte noire » du ME de la JETI ? Comment les antécédents internes interagissent au sein de la « boîte noire » du ME de la JETI ? Comment le ME influence la performance ?

Cet article comprend quatre parties. La première présente le cadre théorique mobilisé permettant de faire le lien entre l’échec entrepreneurial des JETI et le ME. La deuxième détaille la démarche exploratoire adoptée par le biais d’une méthode qualitative de type étude de cas approfondie sur un cas d’échec de JETI. La troisième partie expose les résultats de la lecture de ce cas d’échec de JETI selon la perspective du ME tandis que la dernière partie discute des enseignements.

1. Le lien entre l’échec entrepreneurial des JETI et le marketing entrepreneurial

1.1. L’échec entrepreneurial des JETI

L’échec entrepreneurial apparaît comme le résultat inattendu et non souhaité (Politis et Gabrielsson, 2009) d’un processus liant des éléments juridique, économique et social. D’un côté, il s’agit de l’inverse de la performance, représenté par la disparition de l’entreprise, donc d’une évaluation négative dans sa dimension économique. De l’autre, c’est l’échec d’un individu, seul ou en équipe, rapidement stigmatisé (Commission européenne, 2007), car perçu comme un héros déchu, déficient socialement et sociétalement (Philippart, 2017). Tandis que l’échec entrepreneurial est reconnu comme un objet d’étude pertinent (Bredart et Levratto, 2018 ; McGrath, 1999) et bien documenté (Pierre et Fernandez, 2018 ; Khelil, 2016 ; Sammut, 2001), celui des JETI nécessite une attention accrue. Il s’agit d’un groupe encore trop peu étudié (Haddad, 2013 ; Singh, Corner et Pavlovich, 2007) alors que fondamental pour l’économie en général et dans une période focalisée sur l’innovation technologique. À leur crédit, les JETI connaissent des taux d’échec inférieurs aux autres structures (Barrot et al., 2011), surtout parce que ce sont des entreprises très accompagnées par le réseau institutionnel de la création et de l’innovation en France (type réseau SATT – Sociétés d’accélération du transfert de technologies, banque publique d’investissement – Bpifrance, etc.) et par des apporteurs de fonds plus spécialisés (fonds de pension et de placement, sociétés de capital-risque, « business angels », etc.). Cet environnement permet de limiter les erreurs entrepreneuriales les plus génériques liées au contexte, aux ressources et à la motivation (Smida et Khelil, 2010). Pourtant, s’il est aujourd’hui facile de créer des JETI, il persiste une difficulté majeure à les faire grandir et l’échec se manifeste plus tard, avec un taux de plus de 70 % (Kouamé, 2012). En effet, ce sont des structures centrées sur des activités de R&D, nécessairement onéreuses et risquées, dont l’aboutissement des différentes phases de transformation (de la technologie en applications techniques, puis une déclinaison en prototypes, enfin une applicabilité en produits commercialisables sur un marché) est conditionné par de nombreux facteurs (Krauss, 2016).

Cela peut être lié à un mode de gouvernance particulier avec des intérêts divergents pour les parties prenantes. Ainsi, Depret et Hamdouch (2004) estiment qu’une vision sur trois plans est nécessaire pour comprendre les écueils classiques au niveau des JETI : la particularité du type d’agent, le caractère structurellement incertain des processus d’innovation et des problèmes de gouvernance multilatéraux. Cela peut également venir de difficultés de financement dues à une faible capacité financière au démarrage, à des besoins élevés de ressources, à un défaut d’accès au crédit pour l’innovation ou à une mauvaise anticipation de la stabilisation de l’offre pour atteindre les prévisions financières et le point mort (Bernasconi, 2008 ; Haddad, 2013). Toutes ces raisons conduisent à un dépassement du budget initial et à « une crise de liquidité » (Sammut, 2001), dans une période où les ressources sont limitées (Moreau, 2005). De même, un manque global de temps des dirigeants peut conduire à des insuffisances d’exploration des idées, à un risque de fragilisation en cas d’échec des projets, à un manque de personnel qualifié, voire à une combinaison des facteurs précédemment évoqués (Albert, 2000 ; Haddad, 2013). Il s’agit d’éléments de défaillance déjà identifiés en entrepreneuriat classique (Sammut, 2001), liés notamment à l’entrepreneur (manque d’expérience et de compétences) et à l’organisation (manque d’esprit d’équipe ou d’efficacité). Les dirigeants restent centrés sur l’opérationnel, le planifié et le court terme au détriment de l’improvisation, de la vision ou de la conscience stratégique (Sammut, 2003). Cette multifactorialité est exacerbée dans le cadre des JETI qui doivent en plus gérer un processus non linéaire, en créant à la fois leur stratégie et leurs marchés (Haddad, 2013).

Finalement, l’échec peut être la conséquence d’une inutilisation, incompréhension, non-mobilisation ou ignorance des techniques marketing. S’il semble cohérent d’éviter l’étude de marché dans le cadre de PME/TPE pour son manque de pertinence et son coût (Pacitto et Tordjman, 2000 ; Carson, Cromie, McGowan et Hill, 1995), la spécificité des JETI fait que les dirigeants estiment connaître le marché puisqu’ils connaissent la technologie (Shane, 2000). Or, la réalité du terrain fait que leur cible, si elle est suffisamment restreinte pour éviter une étude lourde, ne réduit pas pour autant la difficulté de l’analyse et de la pénétration de ce marché. La littérature est assez précise sur ce point. Pour Bernasconi (2008, p. 123), ces entreprises « ont des difficultés à identifier et capter les premiers marchés ». Elles sont caractérisées par des situations entrepreneuriales très risquées et très onéreuses puisqu’il faut trouver « une éventuelle clientèle suffisante », livrer des « produits de qualité requise », malgré un « cap du test de faisabilité […] extrêmement faible […] en moyenne moins de 20 % des idées » (Haddad, 2013, p. 24). La dimension marché est alors fondamentale pour développer un produit hautement innovant, orienté vers une exploration de l’industrie, en prenant l’initiative par rapport au client, initialement contacté et convaincu de collaborer, ce qui fait véritablement écho avec le ME.

1.2. Une proposition d’approche par le ME

Le concept de ME est né de la confrontation de l’entrepreneuriat et du marketing (Hills et Laforge, 1992 ; Miles et Arnold, 1991). Toutefois, ce n’est qu’avec le développement de l’OE (Covin et Slevin, 1989 ; Miller, 1983) et de l’OM (Kohli et Jaworski, 1990 ; Narver et Slater, 1990) que la recherche a marqué un regain d’intérêt, notamment avec l’article de Morris, Schindehutte et Laforge (2002). Ces auteurs considèrent le ME comme une approche intégrée de l’interface entrepreneuriat/marketing et l’opérationnalisent grâce aux concepts d’OE (Miller et Friesen, 1983 ; Covin et Slevin, 1994 ; Morris et Sexton, 1996 ; Zahra et Garvis, 2000) et d’OM (Jaworski et Kohli, 1993 ; Slater et Narver, 1995 ; Han, Kim et Srivastava, 1998). Cette opérationnalisation est reprise dans la littérature soit partiellement (Hills, Hultman et Miles, 2008 ; Kilenthong, Hultman et Hills, 2016) soit totalement (Jones et Rowley, 2011 ; Yang et Gabrielsson, 2017) en l’adaptant au contexte étudié.

D’une manière générale, la littérature traitant des effets combinés de l’OE et de l’OM en a montré l’impact positif sur la performance des entreprises, notamment des PME. Des études empiriques ont révélé que leur mise en oeuvre simultanée améliore la performance de l’entreprise (Baker et Sinkula, 2009 ; Li et al., 2008) et également celle du développement de nouveaux produits (Atuahene-Gima et Ko, 2001). Plus particulièrement, cette mise en oeuvre simultanée est fondamentale dans le concept du ME. Bien qu’il soit adapté à toutes sortes d’organisations (Kraus, Harms et Fink, 2010), le besoin d’explorer les pratiques marketing adoptées en ressources contraintes dans les firmes entrepreneuriales et les PME dynamise la recherche (Bjerke et Hultman, 2002 ; Hills, Hultman et Miles, 2008). En effet, dans ce contexte, le marketing est plutôt considéré comme peu sophistiqué et rudimentaire parce que les actions sont contrôlées par le dirigeant et partagées avec les autres activités de gestion (Hills et Hultman, 2013). Or, la littérature suggère au contraire que le marketing peut y être très avancé, centré sur le client, interactif et efficace, fondé sur les ressources du moment, générant une connaissance supérieure des clients, marchés et technologies capable de créer un avantage concurrentiel (Hills, Hultman et Miles, 2008 ; Hills et Hultman, 2013 ; Jones et Rowley, 2011).

Par ailleurs, les chercheurs s’accordent à penser que le ME peut être performant dans une dynamique entrepreneuriale de croissance forte, avec des environnements très compétitifs (Collinson et Shaw, 2001 ; Morris, Schindehutte et Laforge, 2002 ; Hills, Hultman et Miles, 2008) et peut répondre au besoin de compréhension des pratiques dans le champ de l’entrepreneuriat et de la PME (Bocconcelli et al., 2016 ; Gross, Carson et Jones, 2014 ; Lam et Harker, 2015). Si les caractéristiques de jeunesse (Gruber, 2004), de taille (Kilenthong, Hultman et Hills, 2016) ou encore d’internationalisation rapide (Hallbäck et Gabrielsson, 2013 ; Mort, Weerawardena et Liesch, 2012) ont été prises en compte dans les études empiriques pour comprendre le lien entre les stratégies de ME et la performance des PME, les JETI ont fait l’objet de peu d’observations exclusives. Pour Jones, Suoranta et Rowley (2013), l’orientation marketing des entrepreneurs peut conduire à une croissance durable pour les petites entreprises technologiques de logiciels sur des marchés difficiles, notamment grâce à la recherche de ressources additionnelles à travers leurs réseaux. De leur côté, Yang et Gabrielsson (2017) construisent un modèle dynamique du processus de décision marketing (effectual/causal) pour optimiser un ME dans les nouvelles entreprises technologiques internationales. Ils démontrent que le processus de décision conduit à différentes formes de marketing plus ou moins entrepreneurial.

Or, dans le cas des JETI, c’est bien la forme prise par le ME qui reste la question centrale. La littérature sur le marketing a montré que, dans ce type d’entreprises, le dirigeant, souvent scientifique, ingénieur ou technicien, assume seul la responsabilité du marketing. Le point de départ de sa réflexion est la collaboration avec des clients qui sont ses contacts personnels et qui fournissent les connaissances disponibles conduisant à des avantages concurrentiels dans le développement de nouveaux produits, de distinctions technologiques ou de coûts de ventes efficaces (Smith et Fleck, 1987 ; Millier, 2011 ; Yli-Renko, Autio et Sapienza, 2001 ; Miles, Gilmore et Harrigan, 2015). En effet, confronté à l’incertitude sur les besoins et préférences des clients – qui ne peuvent savoir à quoi s’attendre, et à l’incertitude technologique – qui accroît l’impression de grande opacité concernant les marchés, le dirigeant manque de repères (Moriarty et Kosnik, 1989 ; Xuereb, 1993 ; Mohr et Shooshtari, 2003 ; Mohr et Sarin, 2009). Par ailleurs, l’application des principes marketing reste sommaire par manque de connaissance de la discipline. La mise en oeuvre de stratégies de commercialisation se heurte à l’excès de confiance dans la capacité des développements technologiques à s’imposer seuls auprès d’éventuels clients (Roberts, 1990 ; Jones-Evans, 1997). Cela conduit certains à penser encore aujourd’hui que le marketing reste embryonnaire au sein de ces jeunes entreprises (Oakey, 2012). Pourtant, il est pertinent de « donner du sens au ME au service de l’innovation technologique » (Marion, 2006, p. 29).

Pour accroître les connaissances et contribuer aux expériences sur lesquelles capitaliser (McGrath, 1999 ; Shepherd, 2003 ; Singh, Khelil, Bredart et Levratto, 2018), nous nous intéressons à l’échec des JETI au travers du prisme du ME. Considérant l’échec comme le déclin de la performance (Pierre et Fernandez, 2018) et donc un résultat organisationnel parmi d’autres, nous avons été amenés à retenir le modèle de Morris, Schindehutte et Laforge (2002). En effet, ce modèle conceptuel mobilisé dans la littérature sur la performance des PME (Sadiku-Dushi, Dana et Ramadani, 2019) intègre les facteurs clés du ME, délimite les liens entre eux ainsi que le résultat de ces interactions. Il présente par ailleurs l’avantage de définir clairement de possibles antécédents à l’échec et même de les décomposer (Toghraee, Rezvani, Mobaraki et Farsi, 2017). Chaque variable est précisément définie en dimensions observables dans une petite structure telle que la JETI (Figure 1).

Figure 1

Le modèle de Morris, Schindehunte et Laforge (2002)

Le modèle de Morris, Schindehunte et Laforge (2002)

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Il démarre par les antécédents externes et internes qui influencent l’approche organisationnelle du ME et déterminent en fin de processus le résultat. Les conditions externes affectent directement chacun des trois aspects en interaction de l’environnement interne (OE, OM et CO), eux-mêmes caractérisés par plusieurs variables. L’OE se décline en cinq éléments (opportunité, innovation, proactivité, risque et allocation des ressources), l’OM en deux (intensité client et création de valeur) et le CO en trois (structure, culture et stratégie). Ces trois aspects constituent ce que nous appelons la « boîte noire » du ME, élément central dans cette recherche. Ils agissent entre eux, mais également sur la manière d’appréhender et d’élaborer le ME au sein de l’organisation. Enfin, ces comportements impactent le résultat, entre performance et échec.

Notre objectif est de comprendre comment ce processus entrepreneurial qu’est le ME participe à l’échec de la JETI. Dans le cadre de cette recherche particulière, deux éléments sont prédéfinis et connus. D’une part, le résultat organisationnel est un échec. D’autre part, les JETI sont caractérisées par de fortes incertitudes à la fois sur la technologie et les marchés (donc un environnement externe avec des taux de changement rapides, relativement hostile et de plus en plus complexe). Cela nous amène à nous interroger sur comment les antécédents internes se manifestent au sein de la « boîte noire » du ME de la JETI ? Comment les antécédents internes interagissent au sein de la « boîte noire » du ME de la JETI ? Comment le ME influence la performance ?

2. Une étude exploratoire qualitative de l’échec du cas JETIX

Les travaux les plus récents sur les échecs des JETI s’étonnent du fait que la littérature focalise sur les succès, mobilisant un arsenal quantitatif pour identifier leurs déterminants et partant, négligent les leçons qui pourraient être tirées des histoires d’entreprises ayant échouées (Cantamessa, Gatteschi, Perboli et Rosano, 2018 ; Walsh et Cunningham, 2017 ; Ozmel, Robinson et Stuart, 2013). C’est pourquoi la stratégie de cette recherche repose sur une étude de cas idiographique (de La Ville, 2000) permettant d’expérimenter la pertinence du ME comme cadre d’analyse et d’appréhension de l’échec d’une JETI. Ainsi, nous contribuons doublement à combler des écarts ; d’une part, nous proposons une méthodologie qualitative. D’autre part, nous consolidons la littérature sur l’échec des JETI (Chen et Williams, 1999 ; Roure et Maidique, 1986), en appliquant l’attirail conceptuel du ME en contexte entrepreneurial turbulent. Cette recherche vise la compréhension d’un phénomène contemporain complexe et multidimensionnel, inséré dans le cadre naturel qui l’a fait émerger (Yin, 1981, 2003). L’étude qualitative exploratoire favorise la possibilité de reconstitution du « tout dynamique » que sont la (ou les) personne/entrepreneur(s), le projet/entreprise et le contexte afin de créer de nouvelles articulations théoriques entre des concepts, mais également des connaissances théoriques et empiriques. Il s’agit, à partir d’un phénomène encore non suffisamment exploré, de comprendre les causes l’ayant généré, de raisonner sur les effets induits par ses causes potentielles, de tenter d’en réaliser une abstraction et de former des hypothèses explicatives de la conception de l’échec entrepreneurial.

Pour explorer de multiples causalités ou implications théoriques, nous avons usé des degrés de liberté conseillés par Campbell (1975). Le cas est alors interprété avec des allers-retours (Roudaut, 2017 ; Dumez, 2012 ; de La Ville, 2000) entre littérature et données empiriques (Eisenhardt et Graebner, 2007). C’est également la position de Giordano (2003) qui évoque un « bricolage » complexe, un design construit et itératif, un « canevas très émergent […] qui oblige le chercheur à activer ses lectures, mais aussi ses capacités à inventer un cheminement rigoureux et capable d’intéresser les acteurs de terrain. La démarche retenue est volontiers celle de l’induction ou de l’abduction […] » (Giordano, 2003, p. 13). Cela répond aux préconisations de rapprocher les deux mondes (Albert, 2017) en proposant des formes plus collaboratives entre chercheurs et praticiens. Les chercheurs ont suivi un mouvement continuel entre les mondes empirique et théorique, avec des réorientations régulières des enjeux de la recherche et de ses cadres d’analyse lors de leur confrontation à l’évolution du cas étudié (Dubois et Gadde, 2002). « Le chercheur consciencieux qui ne trouve pas d’explication réellement satisfaisante pour la situation étudiée en vient à tester différentes théories existantes et à imaginer les multiples implications de chacune d’entre elles » (de La Ville, 2000, p. 81). À partir de ce travail d’interprétation du matériau recueilli et des variables pertinentes, une modélisation du ME est finalement apparue plus robuste que les précédentes, en particulier celle de l’OM seule ; elle a donc été retenue et appliquée au cas.

Le cas choisi entre dans la catégorie des JETI, et plus particulièrement dans celle de l’échec entrepreneurial (Khelil, 2016) de ces structures dont le risque de défaillance est très élevé de par leur degré d’innovation. Le choix de JETIX a été réalisé en fonction de son caractère révélateur et holistique (Yin, 2003). Créée à partir d’une opportunité issue de résultats scientifiques d’un laboratoire de recherche universitaire, elle commercialise les premières applications acceptables par le marché d’un procédé technologique nouveau. Dirigée par un ingénieur associé à un scientifique, elle a bénéficié de l’encadrement d’un incubateur et du support de réseau de la création d’entreprise innovante. Elle a atteint l’âge de 5 ans sans assurer sa croissance ni développer son effectif. Le choix d’un échec permet enfin de redéfinir le concept de ME en clarifiant son domaine de validité et ses contextes d’application (Dumez, 2011).

L’objet unique à étudier (Stake, 1994) présente le double avantage de la proximité et de l’accessibilité. Sélectionné et examiné précisément, l’accès au terrain a eu lieu de façon discontinue, entre 2009 et 2014, afin de collecter des matériaux hétérogènes et d’assurer une triangulation des données recueillies. La démarche de la recherche a associé deux étapes concomitantes (Annexe 1). La première, dite d’exploration, a consisté à conduire des entretiens non directifs (2) avec le dirigeant pour appréhender le fonctionnement et l’environnement de l’entreprise. En parallèle, une analyse réalisée par ou pour JETIX sur diverses sources documentaires écrites privées (site Internet, revue de presse, documents administratifs, plan d’affaires, étude de marché, etc.) nous a permis d’enrichir les informations issues des entretiens (Grawitz, 1996). Une seconde phase, dite phase d’investigation, a été menée en complément pour comprendre l’évolution de l’entreprise. Elle se compose de cinq nouveaux entretiens semi-directifs, essentiellement avec le dirigeant (4), dont un selon la technique des incidents critiques (Flanagan, 1954 ; Cope et Watts, 2000) et un avec l’associé scientifique (1) à l’origine des prototypes. Enfin, une observation participante (Wacheux, 1996) a été menée en prenant part à une activité exceptionnelle et ponctuelle de l’entreprise, à savoir la nécessité d’accroître la pénétration de son premier marché. Dans ces deux phases, la principale source de données est l’entretien individuel, décliné en plusieurs techniques (récit de vie, semi-directif et incident critique), d’une durée moyenne de 1 h 30, enregistré et retranscrit intégralement. Afin d’asseoir la triangulation (Jick, 1979 ; Miles et Huberman, 2003), notre collecte combine assez classiquement données primaires (entretiens semi-directifs, méthode des incidents critiques, journal de terrain, notes et comptes rendus d’observations) et secondaires (des documents internes et des publications externes type presse ou Internet, site Web de l’incubateur). Notre investigation s’est déroulée au plus près de la réalité des acteurs, avec leur collaboration, en assurant anonymat et confidentialité.

À l’intérieur de ce cas unique, nous nous sommes intéressés aux projets en tant qu’unités de sens et d’analyse pour mener la stratégie de narration (Langley, 1999) en fonction de notre questionnement théorique. Les données, primaires comme secondaires, ont été classées et organisées chronologiquement en fonction de l’histoire de l’entreprise, pour produire des cartes de synthèse contextualisées des événements par projet (Figure 2). Nous avons schématisé les situations de gestion (Girin, 1990), voire les situations entrepreneuriales (Fayolle, 2004) vécues par le dirigeant de JETIX sur une période de six ans. Nous pouvions alors examiner directement un échantillon d’expériences issu d’un seul événement (March, Sproull et Tamuz, 1991) – l’échec, découpé dans la réalité, situé contextuellement et temporellement (Hamel, 1997), afin de mieux comprendre comment et pourquoi il se déroule dans le temps (Mintzberg, 1973 ; Van de Ven, 1992). Nous avons ainsi représenté un « construit social finalisé et situé » (Schmitt, 2009) permettant d’explorer l’échec des différents projets développés par JETIX. L’ensemble a été examiné séparément et à des périodes différentes par les chercheurs afin de tendre vers une meilleure fiabilité de l’analyse tout en nous assurant de la pertinence et de la cohérence interne des résultats générés par l’étude (Gohier, 2004). Nous avons opté ici pour une analyse de contenu (Bardin, 1998) à partir d’un codage itératif, interactif et interprétatif (Miles et Huberman, 2003) sur la base des dimensions du modèle des antécédents internes et externes du ME (Annexe 2), telles que définies par Morris, Schindehutte et Laforge (2002).

3. Lecture d’un cas d’échec de JETI selon la perspective du ME

3.1. Présentation du cas JETIX

Incubée en janvier et immatriculée en août 2008 sous la forme juridique SARL, JETIX développe un procédé nouveau de détection du taux d’humidité dans les matériaux. Le projet a été initié suite à la mise en relation d’une équipe de chercheurs de l’Université pour répondre aux besoins de l’industrie agroalimentaire représentée par le Bureau international du pruneau (BIP). L’ingénieur consultant à l’origine de la mise en relation et le scientifique, responsable de l’équipe de recherche dédiée au développement s’associent. Leur premier prototype (PROTO 1) est au croisement d’une opportunité technologique (l’utilisation du principe micro-onde) et d’un besoin de marché (détection du taux d’humidité dans les pruneaux pour le BIP). Les premiers appareils mis sur le marché sont conçus pour les professionnels des fruits séchés. Au bout de deux ans, l’entreprise quitte l’incubateur grâce à un premier portefeuille client et de très bonnes perspectives de développement sur d’autres techniques possibles, mais la crise et la baisse des subventions européennes impactent les producteurs de pruneaux. Il faut se tourner vers d’autres débouchés.

Le secteur pharmaceutique est alors approché avec un prototype de laboratoire (PROTO 2). Ensuite, le secteur de la biomasse est identifié. Le dirigeant met en place un plan de prospection des fournisseurs du secteur tandis que des industriels et des intégrateurs se manifestent spontanément. Des relations d’affaires sont sérieusement engagées avec l’un d’entre eux via la rédaction d’un contrat de partenariat industriel (PROTO 4). De la même façon, dans le secteur pétrolier, un acteur majeur finance la faisabilité de l’application de la technologie dans son domaine avec d’énormes perspectives d’équipement de ses structures (PROTO 3). Toutefois, dans les trois cas, l’instabilité technologique des procédés développés n’a pas permis de concrétiser les intentions d’achat. Les problèmes techniques et le manque de moyens financiers pour exploiter la technologie ont eu raison de l’enthousiasme des fondateurs. Malgré leurs efforts financiers et leur engagement personnel, la société est liquidée en décembre 2013 et radiée en janvier 2015.

Figure 2

La cartographie visuelle synthétique des dates, des projets et des événements

La cartographie visuelle synthétique des dates, des projets et des événements

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3.2. Une approche par le ME de l’échec de JETIX

Dans l’application empirique du modèle théorique développé par Morris, Schindehutte et Laforge (2002), le résultat du processus et le contexte environnemental externe de la période étudiée sont connus. Il s’agit de l’échec de JETIX, entreprise créée et liquidée dans des conditions environnementales particulières puisque les années d’incubation (2008/2009) et de postincubation (2010/2012) se situent pendant la grande récession. L’environnement, antécédent externe du ME, peut alors être qualifié d’hostile et de complexe avec des taux de changement rapides, générant de fortes incertitudes sur les technologies et les marchés. Ces deux éléments étant posés, nous analysons ensuite les antécédents et les composantes du ME de JETIX pour mieux comprendre comment JETIX a mobilisé ses variables internes (CO, OE et OM) et quelle approche organisationnelle du ME elle a développé.

3.2.1. Analyse des antécédents internes CO, OE et OM

A) Le climat organisationnel (CO) de JETIX

Dans la boîte noire des antécédents internes du ME (Morris, Schindehutte et Laforge, 2002), le CO est défini comme la façon dont l’organisation adapte son environnement interne aux réalités de l’environnement externe. C’est une interprétation partagée par les membres d’une organisation, notion perceptuelle et subjective, centrée ici sur l’innovation (Ahmed, 1998). Dans les JETI, le CO est assimilable aux relations interpersonnelles entre un très faible nombre de personnes et centré sur l’équipe dirigeante (Haddad, 2013), de préférence complémentaire (Chabaud et Condor, 2009). Pour JETIX, tandis que les deux cofondateurs ont démarré l’entreprise ensemble, ils n’ont jamais eu les moyens d’embaucher d’éventuels employés pour les assister durant ses cinq années d’existence. Le CO repose donc sur la perception et la représentation des deux associés quant à leur environnement interne, scindé en trois dimensions (STRUC, CULT et STRAT). Néanmoins, au bout de cinq années d’existence, JETIX montre que ces dernières sont marquées par la stabilité du binôme originel de dirigeant (Haddad, 2013) et donc, par la relative permanence (Lorrain et Brunet, 1984) de ces trois caractéristiques de l’environnement interne (Tableau 1). Rien n’a véritablement évolué, comme si les dirigeants s’étaient enfermés dans une forme de « routine paradigmatique » (Laroche et Nioche, 2006, p. 94) ; cela rejoint les constatations de Savoie et Brunet (2000) pour lesquels un changement de climat est une procédure organisationnelle à long terme, requérant d’autant plus de temps que les processus sont bien ancrés chez les acteurs, mais également une volonté au sein de la direction de faire des efforts pour modifier le CO.

Tableau 1

Le CO : dimensions, critères, analyse et comptes rendus

Le CO : dimensions, critères, analyse et comptes rendus

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Pour ces raisons, nous focaliserons notre étude uniquement sur l’OE et l’OM.

B) L’orientation entrepreneuriale (OE) de JETIX

L’OE est une construction formative où un certain niveau des cinq composantes est nécessaire pour qu’une organisation soit considérée comme entrepreneuriale (Morris, Schindehutte et Laforge, 2002). Pour ces chercheurs, ces cinq dimensions (Tableau 2) doivent être mobilisées simultanément afin de générer une meilleure performance. Dans le cadre des JETI, il s’agirait alors de prendre des risques et d’engager des ressources afin d’utiliser plus efficacement leurs capacités innovantes et proactives dans l’exploitation des opportunités.

Tableau 2

L’OE : dimensions, critères, analyse et comptes rendus

L’OE : dimensions, critères, analyse et comptes rendus

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Très entourée par le réseau de la création d’entreprise et de l’innovation, JETIX bénéficie d’un environnement favorable à la mise en relation et à la détection d’opportunités (OPP). Dans ce contexte, le dirigeant ne veut louper aucune opportunité et répond à toutes les sollicitations (PRO) bien que leur exploitation ne se concrétise pas toujours en vente. Fortement imprégnée d’un état d’esprit technologique (INN), JETIX est focalisée sur l’innovation, malgré des difficultés à la transposer en nouvelles applications acceptables par le marché. Pourtant, porté par les perspectives encourageantes des prototypes développés, le dirigeant reste proactif (PRO). En revanche, le management des risques (RIS) est critiquable : les risques de marché tels que le contexte économique de crise ou les changements de comportements des acteurs ne sont pas réellement anticipés. Les risques technologiques tentent d’être minimisés grâce aux possibilités de codéveloppement avec des clients potentiels. En conséquence, l’allocation des ressources (ALL) est essentiellement dédiée à la recherche d’adéquation entre la technologie et les marchés. Cette dernière nécessite une phase de R&D et de confrontation au marché incompressible. Finalement, JETIX apparaît essentiellement orientée opportunité (OPP), innovation (INN) et proactivité (PRO), au détriment parfois de l’allocation des ressources (ALL) et avec une prise de risques (RIS) peut-être trop élevée ou mal maîtrisée, empêchant le développement de JETIX. Nous retrouvons ici la complexité du lien entre le fort taux de croissance potentielle des JETI (Bernasconi et Moreau, 2003), le rôle entrepreneurial du dirigeant ingénieur (Fayolle, 1994) et le degré d’incertitude élevé (Moreau, 2005).

C) L’orientation marché (OM) de JETIX

L’orientation marché désigne la génération de connaissances sur le marché, la diffusion et la réactivité par rapport à ces informations (Jaworski et Kohli, 1993). Il s’agit bien de recueillir auprès des clients des éléments pour les diffuser en interne et les intégrer dans la réalisation des activités de l’organisation (Chen et Hsu, 2013). L’intensité client (IC) traduit la nécessité de la JETI d’être proche de ses clients compte tenu non seulement de sa jeunesse et de son manque de moyens, mais aussi de la proposition innovante qu’elle adresse aux marchés et qui constitue sa création de valeur (CV). L’intensité client (IC) se révèle une force et une faiblesse pour JETIX (Tableau 3).

Tableau 3

L’OM : dimensions, critères, analyse et comptes rendus

L’OM : dimensions, critères, analyse et comptes rendus

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D’un côté, cette quasi-intimité avec le client apparaît être le seul moyen de mettre en adéquation la technologie et les besoins des marchés potentiels. D’un autre côté, le souci d’être proche des clients et donc de satisfaire leur moindre désir induit des développements tous azimuts. La création de valeur (CV) est inhérente au statut de JETI de JETIX dans la mesure où la dimension technologiquement innovante de ses activités lui permet de proposer une offre présentant des avantages concurrentiels par rapport aux offres existantes sur les marchés. C’est en accord avec les recherches antérieures sur les JETI qui mettent en avant l’importance du marché qualifié de global, instable et émergent (Albert, 2000) et du rythme élevé de renouvellement des produits lié à la rapidité des évolutions technologiques (Jacquin, 2003).

3.2.2. Interactions entre les antécédents internes CO, OE et OM

Après avoir décrit et justifié chaque variable séparément, nous nous intéressons aux interactions entre les trois dimensions OE, OM et CO. Tout d’abord, le CO de JETIX, soit le contexte de l’environnement interne dans lequel se déploient l’OE et l’OM, est caractérisé par sa relative permanence, que nous posons ici comme une invariabilité sur notre période d’observation. Nous pouvons alors analyser uniquement les interactions entre OE et OM, relation étudiée dans le champ entrepreneurial (Miles et Arnold, 1991 ; Atuahene-Gima et Ko, 2001) et dans le cadre des JETI (Qureshi et Kratzer, 2011). Pour JETIX, le croisement des dimensions d’OE et d’OM deux à deux (Tableau 4) montre des interrelations positives (+) entre (OPP, INN, PRO) et (IC, CV) ainsi que des interrelations négatives (-) entre (RIS, ALL) et (IC, CV).

Tableau 4

Le croisement des dimensions OE et OM

Le croisement des dimensions OE et OM

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JETIX est orientée opportunité, innovation et proactivité non seulement au niveau de l’intensité client, mais aussi de la création de valeur. En effet, toutes les opportunités sont identifiées et saisies à la fois au niveau des clients, mais aussi au niveau de la technologie qui permet, dans notre cas, l’essentiel de la création de valeur, et ce, dans tous les PROJETS (Figure 2). Un apprentissage et une adaptation caractérisent à la fois l’exploration des besoins des clients et la recherche de valeur pour eux grâce au codéveloppement qui a pu avoir lieu avec le PRODUIT 1 et a pu être amorcé au niveau des PROTO 3 et 4. Enfin, l’environnement est conçu comme une opportunité à la fois de développer de nouvelles relations avec des clients afin de créer de nouveaux marchés et des combinaisons uniques de ressources pour générer de la valeur dans l’ensemble des PROJETS. Il y a bien un recueil proactif des besoins des clients pour fournir des produits de qualité et créer une valeur ajoutée supérieure pour ces mêmes clients (Slater et Narver, 1995). Ces interrelations positives caractérisent le marketing des JETI et pourraient expliquer que, dans des contextes turbulents, le marketing peut apparaître très avancé (Hills, Hultman et Miles, 2008 ; Hills et Hultman, 2013 ; Jones et Rowley, 2011).

En revanche, les dimensions risque et allocation des ressources apparaissent en interrelation plus négatives, toujours avec l’intensité client et la création de valeur. Tandis que l’ingénieur a une très bonne connaissance des marchés grâce à sa proximité avec les clients, il a peu de prise de recul et d’analyse pour aller au-delà du ou des premiers clients. Sa stratégie de commercialisation évolue au gré des expériences, sans segmentation ou ciblage, avec une vision du marché sous son seul angle technologique. Les risques sont en plus liés à des incertitudes technologiques (rôle de l’associé scientifique) et des marchés (notamment pour PROTO 2 et PROTO 3 à cause des désidérata des clients initiaux et de leur refus d’être pilotes ou financeurs). Cela conduit également à des difficultés d’allocation des ressources puisque les clients veulent tester rapidement des prototypes avancés sans forcément les financer. D’un autre côté, l’associé-scientifique a du mal à valoriser l’offre de l’entreprise auprès des clients. Finalement, dès qu’une difficulté est rencontrée (PROJET#1, PROTO 1 et PRODUIT 1), les entrepreneurs se précipitent vers d’autres client/prototype/projet. L’abandon rapide des projets (PROJET#2 et PROTO 2/PROTO 2 bis ; PROJET#3 et PROTO 3) est encouragé par les multiples applications offertes par la technologie (PROJETt#4 et PROTO 2 bis). Enfin, l’ingénieur cherche à saisir toutes les opportunités malgré des ressources fluctuantes. Tandis que celles obtenues lors de la création laissent l’illusion de pouvoir saisir toutes les opportunités en finançant les développements, trois ans après, la sollicitation des partenaires (clients/financeurs) est urgente, fondamentale et croissante. C’est à ce moment crucial que le support institutionnel et les ressources externes préalables s’amenuisent, limitant les fonds nécessaires pour ajuster la technologie aux besoins réels des clients. Ces interrelations négatives caractérisent aussi le marketing des JETI et pourraient expliquer les difficultés rencontrées dans les contextes particulièrement turbulents. Les turbulences du marché et de la technologie sont si fortes que la compétence technologique seule ne suffit pas pour réussir (Baker et Sinkula, 2009) ; il est nécessaire de combiner également toutes les dimensions de l’OM et de l’OE (Keh, Nguyen et Ng, 2007) pour éviter de limiter la performance ou de l’annihiler. Le modèle de Morris, Schindehutte et Laforge (2002) montre ici que l’échec des JETI peut être caractérisé à la fois par des interrelations négatives entre certaines dimensions de l’OE et de l’OM, mais également par leur influence sur l’approche organisationnelle du ME.

3.2.3. Approche organisationnelle du ME : une succession de déséquilibres entre OE et OM

La littérature a montré que la mise en oeuvre simultanée de l’OE et de l’OM améliore la performance de l’entreprise (Baker et Sinkula, 2009 ; Li et al., 2008) et également celle du développement de nouveaux produits (Atuahene-Gima et Ko, 2001). Or, JETIX manifeste plus des alternances successives de forte OE et de forte OM qu’une mise en oeuvre simultanée. Ces alternances successives s’expliquent par la possibilité d’exploiter plusieurs techniques possibles issues de la technologie initiale développée. En effet, quelle que soit la source d’une opportunité détectée, l’entreprise est capable d’amorcer une relation avec un client potentiel et de proposer une nouvelle application de sa technologie (Tableau 5).

Tableau 5

Applications de la technologie JETIX

Applications de la technologie JETIX

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Néanmoins, les sources d’opportunité présentent des avantages et des contraintes (Tableau 6) qui ne demandent pas forcément les mêmes niveaux d’investissement aux ressources existantes de l’entreprise. Certaines nécessitent un engagement de la part du dirigeant (compréhension des besoins du client potentiel, visites, démonstrations, etc.) et des actions marketing ; d’autres sollicitent plutôt son associé (R&D) et du financement. Dans ces conditions, si un projet est bloqué pour quelque raison que ce soit, un autre peut théoriquement rapidement prendre le relais. Ainsi, le passage rapide d’un projet à un autre est envisageable, pressant le dirigeant dans sa volonté de saisir toutes les opportunités et caractérisant une forte OE. Dans le contexte de mise en oeuvre des projets, la nécessaire cocréation avec les clients et un authentique souci de satisfaire toutes les demandes, générant une prépondérance de l’intensité client dans le but de créer de la valeur pour celui-ci, caractérisent une forte OM.

Tableau 6

Les sources d’opportunités : avantages et contraintes

Les sources d’opportunités : avantages et contraintes

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La littérature avait déjà attesté de la forte OE des JETI, tournée vers la technologie et ses possibles applications (Haddad, 2013) et de leur rapport particulier à la clientèle, qui conduit à confondre client et marché, ainsi qu’à focaliser sur la technique au détriment du marketing (Pacitto, 1998). Notre recherche montre en plus une forte OM et le fait que les passages successifs d’une forte OE à une forte OM, dans une sorte de balancier, crée un déséquilibre au niveau du ME. La mauvaise gestion de ce déséquilibre conduit à des situations entrepreneuriales extrêmes, expliquant l’échec de JETIX dans la mesure où les opportunités offertes par les applications technologiques possibles favorisent la dispersion des ressources, dans une période de rareté ou de limitation de celles-ci, potentiellement dues aux fortes incertitudes externes sur la technologie et le marché. L’application du modèle de Morris, Schindehutte et Laforge (2002) à JETIX permet de mettre en évidence un ME caractérisé par des déséquilibres susceptibles d’amener à l’échec de la JETI. Nous présentons l’adaptation finale à JETIX du modèle dans la figure 3.

Figure 3

Le modèle de Morris, Schindehutte et Laforge (2002) adapté au cas de l’échec de JETIX

Le modèle de Morris, Schindehutte et Laforge (2002) adapté au cas de l’échec de JETIX

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4. Les enseignements du cas d’échec de la JETI lu par le ME

Les résultats de notre recherche démontrent l’importance de l’étude du ME pour les organisations de type JETI et apportent de nouveaux éléments de compréhension à l’explication de leur échec. Dans la lignée de Khelil, Smida et Zouaoui (2018), notre contribution s’inscrit dans une proposition d’approche holistique de l’échec entrepreneurial tenant compte de l’entrepreneur (de son comportement, mais pas de sa personnalité), de l’entreprise et de son environnement avec pour objectif d’en rechercher les causes. Notre approche, centrée sur le ME, a pour ambition de contribuer à la connaissance de l’échec des JETI en lisant le phénomène à travers le prisme du concept, mais ne prétend pas expliquer la totalité du phénomène qui est, par nature, multifactoriel.

Au-delà des difficultés financières dues à des besoins élevés de ressources (Bernasconi, 2008 ; Haddad, 2013) ou du manque d’expérience, voire de compétences en gestion de l’équipe entrepreneuriale (Fayolle, 1994 ; Sammut, 2001 ; Chabaud et Condor, 2009) déjà très présents dans la littérature (Kouamé, 2012), nos résultats montrent le rôle du ME dans l’échec des JETI, car l’enchaînement « conditions environnementales, environnement interne ou boîte noire, et ME » donne des éléments d’explication pertinents.

Les conditions environnementales particulièrement turbulentes et caractérisées par des incertitudes aussi bien au niveau des marchés que de la technologie entraînent un environnement interne de la JETI avec des interrelations négatives entre l’OM et l’OE au niveau des dimensions risque et allocation des ressources. L’étude de l’impact des dimensions de l’EM sur la performance globale des PME de Sadiku-Dushi, Dana et Ramadani (2019) montre l’influence positive de l’opportunité, de l’allocation des ressources et de la création de valeur. Nos résultats renforcent donc ceux issus de la littérature sur les PME avec l’idée que des difficultés, en particulier sur les dimensions allocation des ressources et création de valeur, limitent la performance. Ils les précisent pour les JETI en mettant en évidence les dysfonctionnements possibles au niveau non seulement de deux dimensions supplémentaires, celles de l’intensité client et du risque, mais aussi sur leurs interrelations.

Proposition 1a : les interrelations négatives entre l’intensité client et le risque limitent la performance des JETI.

Proposition 1b : les interrelations négatives entre l’intensité client et l’allocation des ressources limitent la performance des JETI.

Proposition 1c : les interrelations négatives entre la création de valeur et le risque limitent la performance des JETI.

Proposition 1d : les interrelations négatives entre la création de valeur et l’allocation des ressources limitent la performance des JETI.

À la lumière de notre cas exploratoire, ces interrelations négatives apparaissent comme des antécédents à un déséquilibre du ME qui pourrait en conséquence expliquer l’échec entrepreneurial des JETI. Si nos résultats retrouvent les difficultés de ces entreprises à capter les premiers marchés (Bernasconi, 2008), ils montrent que cela semble dû à une alternance de forte OE et de forte OM.

Proposition 2 : le déséquilibre du ME dans les JETI se caractérise par une alternance de forte OE et de forte OM.

Une trop forte OE amène à un risque de création de produits innovants inutilisables, invendables ou inapplicables. Une trop forte OM conduit à focaliser sur les besoins d’un seul client, minimisant la taille du marché et des ventes potentielles en s’enfermant dans un secteur ou dans un type d’application. Cette alternance, visiblement néfaste à la survie de la JETI, provient du fait que les projets sont abandonnés rapidement, au premier écueil rencontré. Cette aisance à passer d’un projet à l’autre dérive d’une caractéristique majeure des JETI : la multiplicité des applications possibles issues de la technologie développée.

Proposition 3 : le déséquilibre du ME des JETI conduit à l’échec.

Dans ces conditions, peu de solutions alternatives sont tentées ou même envisagées alors qu’elles existaient ou qu’elles étaient accessibles (Tableau 7) pour rééquilibrer OE et OM. Ces solutions alternatives sont soit entrepreneuriales (approcher ou collaborer avec des concurrents, mise au point d’un standard) soit marketing (élaborer une segmentation, trouver des techniques moins chronophages). Une analyse rapide du cas aurait conduit à envisager l’échec uniquement via la technologie et les produits non maîtrisés alors qu’une exploration poussée de JETIX amène à rejoindre la littérature qui prône une mise en oeuvre simultanée de l’OE et de l’OM (Baker et Sinkula, 2009 ; Li et al., 2008).

Tableau 7

Les possibles solutions alternatives

Les possibles solutions alternatives

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Néanmoins, la littérature sur les PME montre que les relations entre l’OE et l’OM et leur lien avec la performance peuvent être plus subtiles. En effet, comme le montrent Keh, Nguyen et Ng (2007), l’OE influence l’acquisition et l’utilisation d’informations marketing (qui constituent une forme d’OM) qui apparaissent dans leur étude en partie variable médiatrice de la relation entre l’OE et la performance des PME.

Conclusion

L’objectif de cette étude était d’améliorer la compréhension du phénomène de l’échec des JETI à travers sa lecture par le ME. Le cas JETIX est exemplaire de cet objet d’étude.

Sur le plan théorique, bien qu’issus d’un cas exploratoire, nos résultats renforcent la légitimité du concept de ME en confirmant non seulement qu’il est adapté aux JETI, mais aussi sa pertinence en tant que grille de lecture pour étudier leur échec. Ils permettent de comprendre comment le ME d’une JETI type est mis en oeuvre concrètement et comment il peut possiblement participer à l’échec de la JETI. La lecture du cas par le ME jette alors de nouveaux éclairages sur l’échec des JETI à deux niveaux. Tout d’abord, l’étude de cas réalisée a permis une analyse des interactions entre l’OE, l’OM et le CO de l’entreprise JETIX de sa phase de précréation à son arrêt d’activité. Cette analyse a mis en évidence, d’une part, des interrelations positives et négatives au sein de la boîte noire de l’environnement interne (antécédents internes du ME) et d’autre part, l’existence d’un ME en fort déséquilibre permanent constitué d’une succession de forte OE puis de forte OM. Ensuite, l’étude de cas réalisée apparaît pouvoir expliquer, en partie, l’échec des JETI par ce déséquilibre issu des interrelations négatives mises en évidence dans JETIX. Les deux contributions théoriques majeures de cette recherche sont donc une meilleure compréhension du fonctionnement de la boîte noire du ME dans les JETI et une mise en évidence du lien possible entre le ME et l’échec des JETI.

Sur le plan méthodologique, le modèle conceptuel de Morris, Schindehutte et Laforge (2002) – tout comme ses évolutions (Hills et Hultman, 2013 ; Mort, Weerawardena et Liesch, 2012) – a fait l’objet de peu d’études empiriques dans le but de le rendre opérationnel et de le généraliser aux PME (Hansen et Eggers, 2010 ; Hills et Hultman, 2013). Or, s’il est nécessaire de développer des recherches théoriques, il l’est tout autant de s’intéresser à leur possible application notamment dans des domaines tournés vers la pratique comme les sciences de gestion. L’utilisation empirique d’un modèle conceptuel permet d’informer sur le développement de la pratique du ME dans les JETI et potentiellement dans les TPE et les PME.

Sur le plan managérial, cet article fournit aux dirigeants ainsi qu’aux acteurs de l’accompagnement dans les réseaux de l’entrepreneuriat et de l’innovation, des éléments d’explication concernant l’échec des JETI. Il serait pertinent que ces acteurs se focalisent sur les années cinq à huit pour continuer à accompagner les JETI dans leur ME. Notre recherche donne des pistes de réflexion concernant l’utilité du ME pour les JETI et le nécessaire équilibre à trouver entre l’OE et l’OM dans la phase de démarrage de ces entreprises prometteuses. En ce sens, elle donne des clés pour une meilleure adaptation de la gestion et de l’accompagnement de ce type de structure. Ainsi, sa contribution managériale majeure est, pour les dirigeants et les accompagnants, la possibilité de mieux appréhender les différentes dimensions du ME pour appliquer le concept de façon plus adapté à une situation de fortes incertitudes non seulement au niveau de la technologie, mais aussi au niveau des marchés.

Au-delà des contributions théorique, méthodologique et managériale de notre travail, plusieurs limites émergent. La recherche exploratoire n’offre aucun test, aucune validation ou infirmation d’hypothèses. Elle permet seulement de comprendre comment le ME d’une JETI type est mis en oeuvre concrètement et comment il peut possiblement participer à l’échec de la JETI. Au niveau méthodologique, une limite a trait à la validité externe des résultats inhérente à toute étude de cas. Toutefois, la volonté initiale de notre travail n’était pas de tendre vers une généralisation statistique, mais vers une généralisation analytique (Yin, 2003), dans le but d’enrichir notre compréhension de l’échec des JETI grâce au concept de ME. Enfin, une troisième limite peut être liée à la compréhension de l’échec uniquement par l’approche unidimensionnelle du ME. Notre travail se veut plus l’éclairage d’une dimension supplémentaire encore trop peu étudiée qu’une volonté de réductionnisme qui irait alors à l’encontre de la littérature actuelle prônant une étude multifactorielle, multidimensionnelle et multiforme de l’échec entrepreneurial (Khelil, Smida et Zouaoui, 2018).

Néanmoins, l’évocation des limites du présent travail nous amène à relever au moins trois pistes de recherches possibles. Une première voie consisterait à étendre la démarche suivie à de nouveaux terrains d’investigation afin d’en améliorer la validité externe. Une deuxième voie prolongerait ce travail sur l’explication de l’échec entrepreneurial via le ME en mesurant non seulement le phénomène, mais aussi l’articulation des dimensions contenues dans la boîte noire entre elles sur de grands échantillons représentatifs des JETI. Une dernière voie serait d’étudier les nouvelles approches créatives esquissées par le ME pour acquérir, retenir et développer les relations clients (Morris, Schindehutte et Laforge, 2002), en se plaçant dans une démarche interactive et inductive, de nature effectuale, dans une posture d’ouverture et de changement (Marion, 2015) ou en mobilisant d’autres concepts prometteurs comme les pratiques collaboratives de type coordination, intégration, différenciation, alignement, négociation et reconfiguration pour créer des jonctions facilitant des connexions, des échanges bidirectionnels et une résilience efficiente (Quick et Feldman, 2014). Ces approches prennent tout leur sens dans les secteurs innovants pour lesquels les marchés sont à construire et les relations à inventer.