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Les sociologues, les anthropologues, les philosophes ont grandement démontré l’importance du vêtement comme langage. Depuis quelques décennies, les théologiens s’intéressent à la signification du vêtement dans la Bible. Le présent ouvrage s’inscrit dans cette foulée et prolonge l’ouvrage d’Edgar Haulotte publié dans les années 1960.

Le vêtement est le propre de l’homme. Il est à la fois ornement, symbole, et il exprime, confère à celui qui le porte, un certain statut social. L’A. ouvre sa réflexion sur le vêtement des Hébreux dans l’Ancien Testament. Il présente les éléments du vêtement en général, parle du vêtement des femmes et des hommes, du vêtement des prêtres, de la matière, de la couleur du vêtement et de l’usage du vêtement.

Dans la Bible, selon l’A., le vêtement a trois fonctions : couvrir la nudité par pudeur, servir de couverture au pauvre pour la nuit, et enfin, protéger du climat. Le vêtement est, au-delà d’une nécessité pour la personne, la première manifestation de son identité, et la condition minimale d’indépendance et de dignité. Le vêtement est tellement chargé de symbolisme qu’il exprime, si on le perd, la perte de liberté, et parfois la négation de sa propre identité.

Dans l’Ancien Testament, la métaphore du vêtement et de la nudité est employée par les prophètes pour évoquer l’évolution de la relation d’Israël à Yahvé. L’état du vêtement symbolise la situation spirituelle des hommes, la rupture de l’homme avec Dieu, attendant « le vêtement du salut » dont l’homme doit être revêtu, symbole de la grâce retrouvée, espérance de gloire.

Après avoir présenté le symbolisme du vêtement dans l’histoire de Joseph (Gn 37-50), l’A. s’attarde aux origines du vêtement dans la Genèse 2-3. Avant la faute, la nudité physique ne faisait pas honte à nos premiers parents et le vêtement n’existait pas dans le projet initial de Dieu. Le premier couple était habillé de la lumière primitive ou d’un « vêtement de lumière ». Il était revêtu de la gloire d’en haut. Alors, d’où vient donc le premier vêtement ? Le vêtement est la conséquence de la faute.

Le vêtement, dès l’origine, a un double rôle : il cache et il manifeste. Il voile et dévoile. L’être humain avait été créé parfait ; sa nudité n’était pas un manque, mais l’expression de sa ressemblance avec Dieu. Après la faute, l’homme a perdu quelque chose qu’il tente maladroitement de combler. C’est ainsi qu’il accepte l’aide de Dieu qui lui demande de se couvrir. La honte de la nudité apparaît donc comme une conséquence du péché. C’est le début d’une ère nouvelle où l’homme, séparé de Dieu, est aussi séparé de ses semblables et divisé en lui-même.

Le symbolisme du vêtement dans le Nouveau Testament est tout aussi éloquent. L’A. présente le vêtement ordinaire de Jésus qui, selon son époque, épouse les vêtements quotidiens de tout le monde : une tunique sans couture et probablement un voile sur la tête. La Transfiguration, prélude à sa résurrection, présente Jésus vêtu de blanc, blanc comme la lumière. Le blanc, faut-il insister, étant la marque des êtres associés à la gloire de Dieu.

La Passion de Jésus fait beaucoup référence aux vêtements dans le cadre du drame qui se joue : le grand prêtre déchire ses vêtements ; Jésus est dévêtu et revêtu d’une chlamyde écarlate ; Hérode revêt Jésus d’un manteau magnifique et l’envoie à Pilate ; au pied de la Croix, les vêtements de Jésus sont partagés ; sur la croix, Jésus est nu, sans vêtement. Il est la honte et la risée de tous.

Le Nouveau Testament présente également les mêmes gestes symboliques du vêtement recueillis dans l’Ancien Testament. L’enfant prodigue se voit délivrer des habits sales (symbole du péché) et revêtu de la robe de fête. L’habit de noces, le vêtement de circonstance, n’est rien d’autre que l’expression d’un état intérieur. Après la mort, les élus revêtiront la robe nuptiale, l’habit de la vie céleste, le vêtement de gloire. L’apôtre Paul renouvelle la métaphore biblique du vêtement pour exprimer le rapport étroit qui unit le baptisé au Christ. Ce qu’il y a de plus extérieur, le vêtement, paradoxalement, devient ce qu’il y a de plus intérieur. À la suite du baptême, le chrétien est donc revêtu du Christ. Fort de ce vêtement, il doit le protéger et s’en montrer digne.

Selon le livre d’Isaïe, les justes recevront du Messie les vêtements du salut. Selon l’Apocalypse, les élus, qui auront traversé la grande épreuve, seront revêtus de blanc. Le blanc est la couleur qui rassemble toutes les couleurs. Les baptisés de l’Église primitive portent le blanc ; les morts sont inhumés dans des vêtements blancs ; la jeune fille, à son mariage, est revêtue d’une robe blanche. Le vêtement blanc se rapporte à la gloire qu’Adam a connue avant la chute. C’est donc dans le contexte de la gloire céleste que s’épanouit, dans le Nouveau Testament, le symbolisme du vêtement : des tuniques de peau de la déchéance originelle, en passant par la transformation symbolisée par le vêtement blanc du baptême, chacun peut parvenir au vêtement éblouissant de lumière qui fera la gloire des élus.

Le vêtement, dans la Bible, n’a donc pas pour but de protéger du climat ou de sauvegarder la dignité de la personne en voilant son intimité. Le vêtement « est le corps du corps » selon Érasme. On peut donc dire, sans se tromper, que lorsque le corps se voile, c’est l’âme qui se dévoile, en attendant d’être revêtu, éternellement, du voile de lumière et de gloire.