Recensions

Élisabeth Vasseur, Marcel Jousse, lecteur de Bergson. Enquête philosophique et historique. Paris, Beauchesne éditeur, 2023, 529 p.

  • Titus Jacquignon

…plus d’informations

  • Titus Jacquignon
    Université Bordeaux Montaigne, Pessac

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de Volume 80, numéro 1, 2024, p. 3-164, Laval théologique et philosophique

Cet ouvrage s’inscrit dans la longue liste des livres portant sur les célèbres « lecteurs de Bergson » : Lévinas, Camus, Deleuze… à laquelle s’ajoute désormais Marcel Jousse (1886-1961), le fondateur de l’anthropologie du geste et du rythme. Contrairement aux autres lecteurs de Bergson, Jousse tomba dans l’oubli juste après sa mort, à la même époque où l’oeuvre de Bergson connut une éclipse, avant d’être réactivée par Gilles Deleuze. Aujourd’hui même, c’est Marcel Jousse qui connaît un regain d’intérêt, discret mais profond. Cet ouvrage d’Élisabeth Vasseur est issu de sa thèse à l’Institut Catholique de Paris, destinée à contribuer à la fois aux études bergsoniennes et aux études joussiennes en croisant et en mettant en lumière leurs affinités électives, autant que leurs désaccords. Cela permet au lecteur d’Élisabeth Vasseur de découvrir Marcel Jousse, encore méconnu, et de redécouvrir Bergson à travers le prisme original d’une rencontre intellectuelle avec un non-philosophe, d’autant plus que Jousse et Bergson n’appartiennent pas à la même génération. Soulignons le mérite de l’auteure qui s’est retrouvée confrontée à une difficulté méthodologique de taille : étudier en profondeur deux oeuvres complètes. La source fondamentale et incontournable pour accéder à Marcel Jousse tient dans les 72 volumes de ses cours oraux, toujours inédits, saisis sur le vif par les sténotypistes des universités, et désormais accessibles en 2 CD, auprès de l’association de Marcel Jousse. Ces cours ne sont pas de style écrit, mais de style oral et gestuel, conformément aux enseignements du professeur Jousse. Ils sont donc intellectuellement et stylistiquement très différents de l’oeuvre littéraire de Bergson, membre de l’Académie française et prix Nobel de littérature. Il fallait qu’Élisabeth Vasseur se confronte aussi à la complexité propre à l’oeuvre bergsonienne : une oeuvre double à la fois littéraire et philosophique — Bergson insistait, lui, sur le caractère musical de son écriture. Il lui a fallu, enfin, étudier Bergson dans ses publications, Bergson en sa correspondance et enfin, celui des archives privées, ainsi que celles de Lydie Adolphe, fondamentales pour ce travail de recherche : autant de nuances complémentaires, indispensables pour comprendre Bergson et sa pensée dans son ensemble. Marcel Jousse commence à se faire connaître à la fin des années 1920 avec la publication de son Style oral, rythmique et mnémotechnique des Verbo-moteurs. À cette époque, Bergson, en pleine gloire, règne sur la philosophie française et connaît aussi un rayonnement international certain : il mourra en 1941, après avoir refusé de se convertir au catholicisme dont il était si proche, en signe de solidarité avec les Juifs, alors persécutés — Bergson était lui-même d’origine juive. Cette relation aux deux traditions religieuses est commune aux deux hommes et explique l’admiration de Jousse pour Bergson, car Marcel Jousse est prêtre, jésuite, et un des rares philosémites de l’Entre-deux-guerres ; il est un expert reconnu pour sa maîtrise de l’hébreu et surtout de l’araméen ancien. Une partie de son travail consistera à étudier les racines sémitiques de Iéshoua, rabbi judéo-araméen de Galilée qui enseignait en utilisant la science pédagogique traditionnelle des rabbis d’Israël. Et c’est justement ce que Jousse voit en Bergson, à tort ou à raison, en particulier dans le rapport de Bergson à la métaphore. Bergson s’est toujours tenu à distance de toute interprétation judaïsante de son oeuvre ; il se sentait intellectuellement plus proche du catholicisme. Mais Jousse, anthropologue du style, se sent moins attiré par les idées philosophiques de Bergson que par le Style Bergson. Marcel Jousse lit stylistiquement Bergson et il y perçoit le style d’un rythmo-mimeur. Il scrute le rythme et le geste bergsoniens dans la manière d’enseigner du Maître, autant …