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En attendant le numéro spécial de décembre sur la traductologie de corpus, piloté par Nathalie Kubler de l’Université Paris-Diderot, voici un autre « gros » numéro de 12 articles et 8 comptes rendus.

La numérisation annoncée des 10 premières années de Meta se poursuit et nous espérons toujours faire la mise en ligne avant la fin de l’année. Les entrevues de traductologues se construisent lentement, mais les premières verront le jour en 2019.

Les auteurs de ce numéro sont originaires d’Australie, de Belgique, du Brésil, du Canada, du Chili, de Costa Rica, d’Espagne, de France, du Portugal, du Royaume-Uni et de la République chèque. L’Espagne continue de dominer parmi nos auteurs et nous remarquons cette fois l’absence d’auteurs asiatiques, si ce n’est une espagnole qui travaille à Hong Kong. Qu’à cela ne tienne, ils sont nombreux à avoir soumis des articles en traitement. Quant aux sujets abordés, ils vont de la variation dénominative, à la traduction des genres, la littérature, la théorie, l’audio-visuel et le marché professionnel.

Le premier texte, qui nous vient de Belgique, est un texte théorique qui examine, à la lumière de la perspective sociocritique d’Annie Brisset dans ses travaux sur la traduction d’« Altazor », les prises de liberté narratives et poétiques, conformément aux principes transformationnistes qui visent au détournement de la poéticité du texte original, soit un extrait du roman Larva de Julián Ríos traduit par Gérard de Cortanze.

Le second passe en revue un corpus de 84 traductions de littérature chinoise contemporaine en espagnol et en catalan. Après analyses des traductions et du paratexte, il en ressort une préférence pour la valeur documentaire, l’insistance sur la différence et l’accent sur le politique et le trauma (la censure, la dissidence et la Révolution culturelle).

Ensuite, toujours en littérature, notre auteure se penche sur la traduction portugaise de Lolita, roman empreint d’hétérolinguisme et de l’ambiguïté entre lecteur, auteur et autres interlocuteurs. La non-traduction sélective est choisie comme méthode de traduction pour contrer l’hybridité linguistique. On y entend des voix différentielles, on n’y trouve pas une étrangéisation à tout prix, mais une disponibilité pour « l’altérité du langage ».

L’étude suivante relève de l’examen de seize anthologies de récits du Costa Rica publiées aux États-Unis. L’un des objectifs est de révéler les mécanismes qui motivent la traduction des littératures périphériques et leur apparition dans des environnements hégémoniques. Il en ressort que la traduction des littératures périphériques est une activité secondaire et instrumentale au service d’autres activités et systèmes (primaires) qui la contrôlent.

Deux collègues britanniques nous proposent une étude de réception de la non-traduction de L3 (une langue autre que l’originale) dans les dialogues de la série télévisée multilingue Breaking Bad. Par des sondages, les auteurs illustrent la perception des spectateurs de la non-traduction ainsi que leur réponse. Les conclusions sont d’ordre théorique, à savoir la pertinence du modèle de Corrius et Zabalbeascoa (2011), et d’ordre appliqué, à savoir l’information aux agents de l’industrie télévisuelle à propos des préférences du public.

De la télévision aux albums jeunesse, notre auteure canadienne s’intéresse à la censure de ce type d’ouvrages, en l’occurrence les albums jeunesse francophones représentant des couples homosexuels, traduits aux États-Unis. L’étude explore les différentes formes de censure, qu’il s’agisse de l’accueil réservé à ces ouvrages ou les illustrations qui les accompagnent. En outre, l’article aborde tant la circulation que la réception de ces traductions. On en conclut que la censure sévit en France comme aux États-Unis.

Les études de genre sont au coeur de l’article suivant d’une collègue espagnole qui examine la traduction féministe de A Doll’s House (1879) dès 1917. Cette étude de cas a le mérite de méthode de se pencher sur les diverses stratégies de traduction pour renforcer l’interprétation féministe du texte, renforcer le débat féministe émergent dans l’Espagne du début du 20e siècle et promouvoir une interprétation spécifique de la pièce. C’est là un exemple précoce éloquent de nombreuses interventions (textuelles, contextuelles et paratextuelles) de la part de la traductrice.

Les deux articles suivants portent sur la variation dénominative, tous deux dans la fonction cognitive de celle-ci. Le premier, dans le domaine de la muséologie et à partir d’un corpus espagnol dont les unités sont extraites au moyen de TermoStat (Drouin 2003), démontre la pertinence de la typologie de Fernández-Silva (2013) et caractérise les tendances sur le plan de la variation dans les musées. Le second, de l’Université de Valparaíso au Chili, explore l’utilité cognitive de la variation terminologique dans son rôle au sein de la construction et de la transmission des connaissances spécialisées. Le corpus est constitué de 300 textes de lexicographie brésilienne. Les auteures analysent d’abord les modèles de spécification conceptuelle reflétés dans les variantes et ensuite la distance sémantique entre le terme de référence et les variantes dénominatives. Les résultats montrent que, dans 85 % des cas analysés, la variation dénominative fournit des informations supplémentaires sur les concepts, concrètement sur les caractéristiques internes et les relations avec d’autres concepts du domaine.

De la République chèque nous vient l’article suivant sur la traduction vers la langue étrangère. Phénomène décrié un peu partout, ce type de traduction est néanmoins très largement répandu dans de nombreuses cultures. Il s’agit ici d’une enquête de terrain avec 40 traducteurs et 160 traductions publicitaires et juridiques. L’évaluation de la qualité des performances confirme la primauté de la traduction vers la langue maternelle mais révèle que la traduction non-native se prête assez bien aux textes spécialisés.

Comme le précédent et le suivant, cet article se situe en lien direct avec la pratique professionnelle et le marché de la traduction. Il provient d’Espagne et jette son dévolu sur les annonces d’offres d’emploi, en particulier celles adressées aux gestionnaires de projet. Au moyen d’une analyse de contenu, une centaine d’offres d’emploi sont examinées afin de comparer les besoins annoncés et les compétences des gestionnaires de projet telles que mentionnées dans la bibliographie.

Pour terminer, c’est du marché de la traduction en Australie dont il est question. Plus particulièrement des stages de formation professionnelle effectués par des étudiants de 2e cycle. Ceux sont, comme partout dans le monde, essentiels à l’insertion des diplômés dans le marché du travail, et, comme partout, posent des problèmes de collaboration entre les universités, les employeurs et les stagiaires. L’article rend compte de l’expérience de cinq étudiants australiens.

Bonne lecture !