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Une des étapes cruciales d’un système de gestion du rendement efficace est l’évaluation du rendement des employés. Gagné et Forest (2008) ont récemment souligné l’importance qu’il faut accorder à la mise en place d’un système d’évaluation du rendement qui permette la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux des employés et ainsi favorise la motivation autonome au travail[1]. Dans la foulée de cette proposition, ce texte s’attarde aux caractéristiques de l’évaluation de rendement et, plus spécifiquement, de la rencontre de rétroaction sur celle-ci, lors de laquelle le gestionnaire peut mettre en place des gestes clés afin de contribuer positivement à la satisfaction des besoins psychologiques des employés, à leur motivation autonome et ainsi, à leur performance (Deci, Koestner et Ryan, 1999; Rynes, Gerhart et Minette, 2004; Steers, Mowday et Shapiro, 2004).

De récents travaux proposent que la justesse perçue de l’évaluation de rendement, peut grandement affecter la relation entre le gestionnaire et l’employé, ainsi que, la performance, la satisfaction au travail et le bien-être des employés évalués (Blader et Tyler, 2005; Sparr et Sonnentag, 2008). Dans ce contexte hautement relationnel, la rencontre de rétroaction sur le rendement a des implications importantes tout en étant paradoxales. Vu les enjeux relationnels évidents que peut avoir cette rencontre, établissons d’abord, avant d’aborder l’impact de la rétroaction sur les besoins psychologiques fondamentaux des employés, quelques caractéristiques individuelles qui peuvent affecter la réceptivité des employés quant à l’évaluation portant sur leur rendement. Certains travaux proposent notamment que la recherche de rétroaction soit naturelle chez l’individu qui souhaite se développer de façon optimale au travail (Ashford et Cummings, 1983; Deci et Ryan, 1985). Par contre, d’autres écrits suggèrent que des attributs personnels de l’employé évalué peuvent influencer la volonté d’une personne à obtenir de la rétroaction, sa réceptivité à la rétroaction et l’interprétation qu’elle en fait, affectant ainsi l’issue de la rencontre d’évaluation sur le rendement (Ilgen, Fisher et Taylor, 1979). Avant d’entamer la réflexion sur le rôle qu’occupe la rétroaction sur le rendement dans la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux, attardons-nous un peu à certains attributs personnels dont les gestionnaires doivent tenir compte pour préparer la rencontre de rétroaction.

Parmi ces attributs, le style d’orientation d’un employé envers les buts qu’il poursuit au travail peut affecter à la fois la recherche de rétroaction et la réceptivité de l’employé à la rétroaction donnée (Dweck et Leggett, 1988). Cette théorie postule deux types d’orientation envers les buts soit, une orientation d’apprentissage et une orientation de performance. Ainsi, une personne orientée vers l’apprentissage tend à rechercher la rétroaction en vue de s’améliorer alors qu’une personne orientée vers la performance évite d’être confrontée à des situations de rétroaction pour empêcher de voir sa compétence remise en question. Des recherches de VandeWalle, Ganesan, Challagalla, Brown (2000) soutiennent cette idée. Les résultats de l’étude montrent que l’orientation d’apprentissage est positivement reliée à la valeur perçue de la rétroaction qui est elle-même positivement reliée à la recherche de rétroaction (VandeWall et coll., 2000). Par ailleurs, les travaux de ces auteurs montrent que la relation qui existe entre l’orientation d’apprentissage et la valeur perçue de la rétroaction est modérée par le style interpersonnel du supérieur immédiat. En effet, un supérieur immédiat qui démontre de la considération envers un employé ayant une faible orientation à l’apprentissage contribue à augmenter la valeur perçue de la rétroaction donnée. Il semble essentiel de comprendre la dynamique des employés évalués pour faciliter l’appropriation de l’information donnée par le supérieur immédiat lors de la rencontre d’évaluation.

Un autre attribut personnel à prendre en considération pour préparer la rencontre de rétroaction est le sentiment d’efficacité personnelle de l’employé. Le sentiment d’efficacité personnelle d’un employé peut influencer son désir d’obtenir ou de s’approprier la rétroaction sur son rendement (Bandura, 1997; Locke et Latham, 2002). Puisqu’il se sent moins menacé dans son efficacité, un employé pourvu d’un fort sentiment d’efficacité personnelle risque d’être plus à même de rechercher de la rétroaction sur son rendement qu’un employé avec un faible sentiment d’efficacité personnelle qui risque davantage de voir l’exercice comme une remise en cause de sa compétence (Bandura, 1997). Le gestionnaire doit donc considérer ces caractéristiques des employés pour préparer adéquatement la rencontre de rétroaction sur le rendement et en optimiser le résultat.

Bien qu’importante, la prise en compte de ces attributs n’est pas suffisante pour assurer une rétroaction efficace. Les tenants de la théorie de l’autodétermination s’entendent sur le fait que l’évaluation est, en soi, un acte contrôlant qui peut être perçu comme menaçant pour les employés (Baumeister, 1999; Deci, Koestner et Ryan, 1999). Dans ce contexte paradoxal et étant donné (a) le caractère incontournable de l’évaluation de rendement pour assurer l’optimisation du capital humain dans l’organisation (DeNisi et Pritchard, 2006), (b) les impacts importants de la rétroaction sur les besoins psychologiques fondamentaux des employés évalués (Gagné et Forest, 2008), (c) que le supérieur immédiat est l’agent qui, par la rencontre de rétroaction, montre que l’organisation soutient le travailleur (Rhoades et Eisenberger, 2002; Rhoades Shanock et Eisenberger, 2006) et enfin (d) que la rétroaction elle-même est un élément du processus sous le contrôle du gestionnaire, ce texte vise à répondre à la question suivante : « Comment la rétroaction sur le rendement et certaines pratiques de gestion qui y sont liées peuvent-elles contribuer positivement à la motivation et la performance des employés ? ».

Plus précisément, l’objectif du présent texte consiste, en se basant sur la théorie de l’autodétermination, à expliquer de manière concrète et sous forme de propositions de recherche testables, en quoi, via certaines gestes simples et concrets, les gestionnaires sont susceptibles de faire en sorte que la rétroaction sur le rendement favorise la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux des employés. Ainsi, ce texte offre des outils concrets aux gestionnaires pour optimiser l’impact de leur rétroaction sur le rendement de leurs employés. D’un point de vue théorique, il s’agit d’une des premières tentatives qui expliquent, à l’aide d’une théorie des besoins humains largement validée, dans quelle mesure la rétroaction répond à certains besoins des employés influence leur motivation et leur performance au travail. Avant d’aborder comme telles les propositions de recherche, un survol des principales notions théoriques issues de la théorie de l’autodétermination est nécessaire.

La théorie de l’autodétermination

Lorsqu’appliquée au monde du travail, la théorie de l’autodétermination positionne l’employé en interaction constante avec son environnement socioprofessionnel. Cette interaction avec l’environnement influence la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux des employés (Deci et Ryan, 2000). La théorie postule que certains besoins psychologiques sont des nutriments essentiels au développement optimal et au bien-être d’une personne. La satisfaction de ces besoins permettrait notamment de faciliter l’intériorisation des valeurs et de la culture de l’organisation (Deci et Ryan, 2000). Contrairement à beaucoup d’autres théories portant sur les besoins et la motivation humaine, les besoins psychologiques fondamentaux proposés par la théorie de l’autodétermination sont universels, en nombre restreint et profitent d’un large soutien empirique (Deci et Ryan, 2000, 2008). Des recherches montrent notamment que la satisfaction de ces besoins, soit l’autonomie, la compétence et l’affiliation sociale, est liée à une performance supérieure, un bien-être psychologique plus grand et une satisfaction élevée au travail (Baard, Deci et Ryan, 2004; Deci et Ryan, 2000; Gagné et Deci, 2005).

Le besoin de compétence réfère au sentiment qu’un employé éprouve lorsqu’il interagit de façon efficace avec son environnement et qu’il vit du succès en relevant des défis (Taylor et Ntoumanis, 2007). Des travaux ont d’ailleurs montré l’influence de la satisfaction du besoin de compétence sur la performance de l’employé (Baard, Deci et Ryan, 2004). Telle que définie, la satisfaction du besoin de compétence permet à l’employé de sentir qu’il est efficace dans son environnement. Lorsque le gestionnaire communique sa confiance envers l’employé lors de l’évaluation de rendement, il agit directement sur la confiance de l’employé face aux tâches à exécuter et l’amène ainsi à s’attaquer à des défis ayant un niveau de difficulté un peu plus élevé. Cette confiance accrue contribuera, en retour, à accroître sa performance au travail (Button, Mathieu, & Aikin, 1996). Ashford et Cummings (1983) postulent que la rétroaction donnée aux employés par un gestionnaire contribue à développer la compétence des travailleurs évalués. Dans le contexte de l’évaluation du rendement, la rétroaction est une opportunité intéressante de proposer des défis aux employés afin de satisfaire au besoin de compétence. Les travaux sur la fixation des buts ont largement démontré l’impact positif de fixer des objectifs représentant des défis pour améliorer la performance des employés (Locke et Latham, 1990). Aussi, d’autres travaux sur le soutien organisationnel perçu par l’employé montrent que la rétroaction donnée par le gestionnaire en contexte d’évaluation du rendement peut servir à confirmer à l’employé qu’il est compétent dans ses tâches (Rhoades et Eisenberger, 2002; Rhoades Shanock et Eisenberger, 2006). Les travaux de Rhoades et Eisenberger (2002; 2006) soutiennent que la rétroaction sur le rendement permet à l’employé de comprendre en quoi les efforts qu’il fait sont associés à sa performance au travail. Une telle compréhension sera à même de montrer à la personne qu’elle est capable de bien faire le travail. L’employé évalué aura ainsi plus de chance de reproduire les comportements et efforts ayant mené à une bonne évaluation du rendement contribuant à consolider et améliorer sa performance future (Ilgen, Fisher et Taylor, 1979).

Certaines recherches affirment qu’une rétroaction juste sur la performance contribue positivement au sentiment d’autonomie des employés (Sparr et Sonnentag, 2008). Le besoin d’autonomie, postulé par la théorie de l’autodétermination, fait référence au désir d’un individu de décider volontairement de s’engager dans des activités qui sont cohérentes avec ses propres ressources et valeurs ainsi que d’être à l’origine de l’initiation et de la régulation de ses comportements (Deci et Ryan, 2000). Récemment, Baard et ses collègues (2004) à l’instar de Slocum (1971), ont montré que l’autonomie est positivement reliée à la performance des employés au travail. Des recherches sur la théorie de l’autodétermination ont montré qu’une plus grande autonomie est à la fois liée à l’atteinte des buts (Sheldon et Elliot, 1998) et à l’utilisation élargie des habiletés des employés (Van den Broeck, Vansteenkiste, De Witte, Soenens, et Lens, 2010). Une personne qui sent que les actions qu’elle pose sont cohérentes avec ce qu’elle est, tendra à faire des efforts plus soutenus dans le temps pour atteindre ses objectifs ce qui, ultimement, mène à un bien-être et une performance accrus au travail (Sheldon et Elliot, 1998; Sheldon, 2002). Il est donc important pour le gestionnaire de donner une rétroaction sur le rendement juste, qui permette à l’employé évalué d’apprécier que les actions qu’il choisit de poser mènent aux résultats attendus. La justesse perçue de l’évaluation contribue à augmenter la valeur perçue du processus et à faciliter l’appropriation de la rétroaction donnée (Ilgen, Fisher et Taylor, 1979). Parallèlement, certaines recherches suggèrent qu’une plus grande autonomie au travail permet à l’employé de faire le choix d’intérioriser davantage d’éléments associés à l’emploi, afin d’élargir les rôles qu’il occupe au travail (Morgeson, Delaney-Klinger et Hemingway, 2005). Cette étude montre que l’enrichissement du répertoire comportemental associé aux nouveaux rôles et aux tâches endossés par un individu entraîne une augmentation de la performance telle qu’évaluée par le supérieur immédiat. Ces conclusions appuient les résultats obtenus récemment par Van den Broeck et ses collègues (2010). En effet, ces auteurs montrent une relation entre une plus grande autonomie et l’utilisation d’un plus grand répertoire d’habiletés et de rôles au travail. À court terme, l’utilisation accrue d’habiletés associées aux différentes tâches à exécuter aura un impact positif sur la performance de l’employé. À moyen terme, l’élargissement des rôles et responsabilités de l’employé risque de rehausser sa performance dans d’autres sphères d’activité qu’il maîtrisera au fil du temps. Puisqu’il aura choisi d’élargir les rôles qu’il occupe, l’employé évalué se sentira responsable d’atteindre les objectifs associés à ces nouveaux rôles, il fera alors plus d’efforts au travail pour performer selon le niveau attendu (Kuvaas, 2006). L’élargissement du répertoire comportemental, les efforts plus soutenus dans le temps et un degré de contrôle perçu plus élevé sur ce qu’il a à faire sont autant de mécanismes qui sont susceptibles d’accroître la performance de l’employé évalué.

Enfin, le besoin d’affiliation sociale réfère à la nécessité de se sentir connecté à des personnes importantes pour soi (Ryan et Deci, 2000). De récents travaux montrent la relation qui existe entre le besoin d’affiliation et la performance au travail (Arnolds et Boshoff, 2002; Baard, 2002; Baard, Deci et Ryan, 2004). Supportant l’importance de la relation qui existe entre un gestionnaire et ses employés, Rhoades et Eisenberger (2002) affirment que le gestionnaire immédiat est l’agent principal associé au soutien perçu de l’organisation. Selon ces auteurs, le gestionnaire fait notamment preuve de soutien en donnant de la rétroaction à ses employés. Ilgen et ses collègues (1979) expliquent que la crédibilité de la source est également importante pour favoriser une perception positive de la rétroaction donnée par l’évaluateur et son acceptation subséquente. La confiance qu’une personne entretient envers son supérieur immédiat a un impact positif sur la crédibilité qu’accorde l’employé évalué à l’évaluateur. Une bonne crédibilité perçue aide l’employé évalué à s’approprier l’information obtenue durant la rencontre de rétroaction (Ilgen, Fisher et Taylor, 1979). Une meilleure appropriation de l’information est ensuite reliée aux comportements menant à la performance attendue suite à la rencontre de rétroaction. Nous croyons donc que la satisfaction du besoin d’affiliation a le potentiel d’influencer positivement la performance des employés en renforçant la confiance que l’employé a envers son supérieur immédiat, augmentant ainsi la crédibilité et la perception de soutien de la part du supérieur aux yeux de l’employé évalué, ce qui favorise l’appropriation des informations communiquées lors de la rencontre de rétroaction. Ainsi, le lien entre la satisfaction du besoin d’affiliation et la performance de l’employé évalué, quoiqu’importante, est plus distale par rapport aux deux autres besoins.

Autodétermination et pratiques de gestion

Le modèle proposé par Gagné et Forest (2008) aborde, entre autres, l’impact du leadership sur la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux. Selon ces derniers, la personne en position d’autorité et qui fait l’évaluation de rendement, (p.ex. : le gestionnaire) serait un des éléments de l’environnement social pouvant avoir le plus d’influence sur la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux et la motivation des employés (Taylor et Ntoumanis, 2007). La théorie de l’autodétermination postule qu’un style de gestion favorisant le soutien aux besoins psychologiques fondamentaux est plus efficace qu’un style de gestion contrôlant pour stimuler la motivation, la performance et le développement optimal des individus (Gagné et Deci, 2005; Gagné et Forest, 2008).

Un gestionnaire qui soutient les besoins fondamentaux de ses employés considère leurs sentiments et perspectives, fournit des informations significatives et utiles au sujet des règles et des attentes, offre des opportunités de faire des choix et de prendre des initiatives, en plus de leur donner de la rétroaction positive et constructive (Black et Deci, 2000; Mageau et Vallerand, 2003). À l’opposé, un gestionnaire qui serait contrôlant « exercerait des pressions sur l’autre afin qu’il agisse d’une façon donnée, soit par le biais de techniques coercitives ou manipulatrices qui impliquent généralement des formes explicites ou implicites de récompenses ou de punitions » (Black et Deci, 2000, p. 742, traduction libre).

À ce titre, la rétroaction en contexte d’évaluation de rendement est un moment privilégié pour le gestionnaire, lui permettant de mettre en pratique (et par la suite de maintenir) un style de gestion qui soutient les besoins psychologiques des employés (Deci, Connell et Ryan, 1989). Différents travaux dans le domaine de l’éducation montrent qu’un contexte soutenant ces besoins psychologiques et la fixation d’objectifs intrinsèques tels que le développement du potentiel de la personne ont un impact sur la performance des élèves (Vansteenkiste, Simons, Lens, Sheldon et Deci, 2004). C’est notamment en permettant un traitement plus en profondeur des informations et en stimulant une plus grande persistance des comportements que la performance des étudiants s’améliore. Nous croyons que le phénomène est similaire en situation d’emploi. Ainsi, une attention plus élevée permettra à l’employé de mieux discriminer et d’intérioriser plus facilement les informations pertinentes reliées aux comportements qui sont reconnus comme lui permettant d’être performant en emploi. Par ailleurs, le soutien des besoins psychologiques fondamentaux a également un impact sur la perception du contexte dans lequel évolue une personne ce qui influence sa motivation et, par la suite, affecte positivement sa performance (Gillet, Vallerand, Amoura et Baldes, 2010).

La prochaine section du texte positionne les propositions de recherche et leurs assises théoriques.

Propositions de recherche et assises théoriques

Gagné et Forest (2008) affirment que lorsqu’elle est utilisée pour favoriser le développement, qui est en soi un objectif plus intrinsèque, l’évaluation du rendement est susceptible d’engendrer de la motivation autonome chez l’employé. En effet, la théorie de l’autodétermination postule une tendance naturelle des employés à vouloir se développer (Deci et Ryan, 2000). Ainsi, une évaluation de rendement qui s’inscrit dans une stratégie de développement professionnel permet de conforter l’employé sur sa compétence perçue tout en démontrant que le gestionnaire croit qu’il peut s’améliorer. Comme les objectifs intrinsèques permettent entre autres un meilleur traitement de l’information et par conséquent, une discrimination plus importante des comportements associés à la performance en emploi, la poursuite de cette forme d’objectifs engendre une motivation plus autonome au travail qui, à son tour, mène à une performance accrue (Vansteenkiste et coll., 2004).

Proposition 1 : Une stratégie organisationnelle d’évaluation du rendement visant le développement des employés répond davantage aux besoins psychologiques fondamentaux des employés qu’une stratégie d’évaluation à des fins de prise de décision (p.ex. promotion ou attribution d’un bonus).

En ce qui a trait au processus d’évaluation en lui-même, la participation conjointe des gestionnaires et des employés à l’activité de rétroaction sur la performance est critique pour assurer la réussite de l’activité (de Waal, 2003). En fait, des travaux montrent que la qualité de l’échange qui a lieu entre le supérieur et l’employé en contexte de processus de gestion de la performance affecte la discussion et l’appropriation de la rétroaction donnée (Elicker, Levy et Hall, 2006; Levy et Williams, 2004). En effet, il semble qu’un échange de qualité entre le supérieur immédiat et l’employé, où cet employé peut faire part de son opinion et avoir le sentiment d’être entendu, entraîne une plus grande perception d’équité qui augmente la satisfaction envers le processus d’évaluation (Elicker, Levy et Hall, 2006). Une plus grande perception d’équité est à son tour liée à un sentiment de confiance supérieur envers le gestionnaire favorisant une plus grande appropriation de la rétroaction par l’employé (Blader et Tyler, 2005). En fait, une rétroaction favorisant la concertation entre le gestionnaire et l’employé permet de diminuer la menace associée à l’exercice. En effet, un gestionnaire qui favorise une modalité participative doublée d’une communication bidirectionnelle valorise l’employé évalué et exprime par le fait même qu’il se soucie de lui et a à coeur son développement. En contexte d’évaluation du rendement, une telle démonstration de valorisation amène l’employé à percevoir positivement sa relation avec le gestionnaire, contribuant à satisfaire au besoin d’affiliation sociale.

Proposition 2 : Le gestionnaire qui met en place des conditions qui favorisent la concertation au cours de la période de rétroaction influence positivement le besoin d’affiliation sociale de l’employé.

Baard (2002) affirme que, pour satisfaire aux trois besoins psychologiques fondamentaux, le gestionnaire peut souligner des points à améliorer en favorisant un échange et une culture axés sur le développement de l’employé; échange durant lequel le gestionnaire vérifie la pertinence de ses commentaires et suggère des pistes d’amélioration. Étant donné que l’employé possède des connaissances explicites de ce qui doit être fait, mais également des connaissances implicites qu’il est souvent le seul à posséder pour bien accomplir son travail, il est pertinent de l’impliquer dans la prise de décision concernant ses objectifs de développement. Cette participation permet notamment d’élargir l’éventail des rôles qu’un employé choisit d’occuper dans une organisation, le rendant ainsi plus polyvalent et plus performant au travail (Morgeson, Delaney-Klinger et Hemingway, 2005). Par ailleurs, offrir de tels choix amène l’employé à se sentir responsable de l’atteinte de ses propres objectifs et lui fait déployer davantage d’efforts au travail (Langfred et Moye, 2004; Sheldon, 2002). En somme, durant l’exercice de rétroaction, cette participation est à même de répondre au besoin d’autonomie de l’employé qui est impliqué dans la décision qui concerne le développement de ses compétences. En effet, une rétroaction offrant différentes opportunités de développement permet à l’employé évalué de choisir celle qui est la plus cohérente avec ce qu’il souhaite développer d’un point de vue professionnel. Cette opportunité permet alors une intériorisation et un endossement plus personnel de l’objectif de développement (Sheldon et Elliot, 1998).

Proposition 3 : Le gestionnaire qui favorise la participation et donne le choix des objectifs de rendement ou de développement à l’employé lors de la rétroaction sur son rendement influence positivement besoin d’autonomie de l’employé.

Pour l’employé, la rétroaction lie l’évaluation passée du rendement à sa mesure future avec, entre ces deux événements, ce qu’on espère être un rendement qui satisfait ou dépasse les attentes. La rétroaction est importante aussi pour le gestionnaire puisqu’elle constitue un élément du processus de gestion du rendement qui est sous son contrôle, ce qui n’est pas toujours le cas des processus (p. ex. : la fréquence des évaluations) ou des aspects techniques spécifiques à la mesure (p. ex. : la qualité des instruments). Or, l’efficacité de la rétroaction dépend d’un certain nombre de facteurs déjà balisés. Kluger et DeNisi (1996) précisent notamment que la rétroaction spécifique, fondée sur les tâches, peut être très efficace dans le contexte de l’évaluation de rendement. À l’instar de ces travaux, Gagné, Sénécal et Koestner (1997) montrent qu’une rétroaction sur le rendement qui traite à la fois des progrès accomplis dans la tâche et des progrès réalisés par la personne, donc de son développement, est corrélée positivement à la motivation autonome au travail. Nous croyons que c’est en agissant sur les besoins psychologiques fondamentaux des employés qu’un tel impact est possible.

La suite des propositions se situent au croisement de la satisfaction des trois besoins psychologiques fondamentaux et de quatre caractéristiques spécifiques au processus de rétroaction et dont l’importance fait consensus (Algera, Kleingeld et van Tuijl, 2002; Drewes et Runde, 2002; Rao, 2004) (voir Tableau 1).

Tableau 1

Propositions de recherche concernant les composantes de la rétroaction à la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux issus de la théorie de l’autodétermination

Propositions de recherche concernant les composantes de la rétroaction à la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux issus de la théorie de l’autodétermination

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La première caractéristique d’une séance de rétroaction efficace consiste à adopter une approche de résolution de problème (Algera, Kleingeld et van Tuijl, 2002). En adoptant une telle approche, le gestionnaire montre une ouverture réelle à la perspective de l’employé, évite les pièges d’une rétroaction persuasive unidirectionnelle et oriente le discours sur l’avenir de manière proactive. Une bonne résolution de problèmes nécessite de l’empathie de la part du gestionnaire. Comme il a déjà été mentionné, un gestionnaire qui soutient les besoins psychologiques fondamentaux de ses employés adopte justement une attitude empathique (Mageau et Vallerand, 2003). L’empathie est une forme riche de contact humain et, en ce sens, protège l’employé de la menace associée à l’exercice d’évaluation de rendement répondant ainsi au besoin d’affiliation de l’employé en lui démontrant que la relation est importante pour le gestionnaire (Baumeister, 1999; Mageau et Vallerand, 2003).

Proposition 4 : Le gestionnaire qui démontre de l’empathie lors de la séance de rétroaction montre que la relation est importante et influence positivement le besoin d’affiliation sociale de l’employé.

À l’opposé, une rétroaction effectuée sur un ton de blâme et de contrôle, où l’obtention d’une récompense est contingente au rendement de l’individu, peut avoir un effet délétère sur la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux de l’employé. La réceptivité et la perception de l’employé face à la rétroaction donnée par le gestionnaire sont influencées par les émotions vécues par la personne évaluée (Ilies et Judge, 2005). Plus précisément, Ilies, Judge et Wagner (2010) ont montré qu’une rétroactioin qui engendre des émotions négatives diminue le sentiment de compétence et amène la personne évaluée à se fixer des buts moins exigeants ce qui peut nuire à la performance ultérieure de l’employé. Conséquemment, une rétroaction faite sur un ton de blâme est perçue comme menaçante par l’employé et entraîne des émotions négatives chez la personne évaluée. En contrepartie, le travailleur ne retient que les aspects négatifs révélés lors de l’exercice (Baumeister, 1999) plutôt que de capter les aspects positifs et les enjeux de développement. Cela se répercute sur sa confiance en soi et risque de menacer son sentiment de compétence (Ashford, 1986), engendrant une baisse de motivation autonome au travail (Kuvaas, 2006; Mohrman et Lawler, 1983).

Proposition 5 : Le gestionnaire qui adopte un ton de blâme lors de la séance de rétroaction influence négativement le besoin de compétence de l’employé.

La seconde caractéristique d’une séance de rétroaction efficace est qu’elle permet de surmonter les résistances (Algera, Kleingeld et van Tuijl, 2002). Une telle approche permet entre autres d’exposer avec doigté la question de l’attribution des récompenses (Drewes et Runde, 2002) engendrant ainsi un plus grand sentiment d’équité et une motivation plus autonome (Blader et Tyler, 2005). Comme le soulignent Gagné et Forest (2008), la perception positive du contexte d’évaluation est notamment associée à l’objectivité du processus et à la perception que le processus est juste et équitable. D’autres études récentes montrent que la perception de justice organisationnelle est liée positivement avec le développement de la motivation autonome au travail (Gagné, Donia et Bérubé, 2007). De plus, Grenier, Gilbert et Savoie (2010) ont montré que c’est notamment en permettant de satisfaire aux besoins psychologiques fondamentaux que la justice procédurale a le potentiel de favoriser l’émergence de la motivation intrinsèque[2] au travail.

Dans son contenu, une rétroaction juste positionne clairement et justement les comportements et les efforts fournis par l’employé, la performance de celui-ci ainsi que les résultats qu’il a atteints (Sparr et Sonnentag, 2008). Sur le plan du processus, c’est en expliquant sincèrement les fondements de l’évaluation et de la prise de décision et en montrant de l’ouverture que le gestionnaire répond au besoin d’affiliation sociale de l’employé. En effet, il montre ainsi que le processus est sans biais et qu’il ne tente pas de nuire à l’employé soumis à l’évaluation, préservant ainsi la relation qui existe entre les deux. De plus, une évaluation basée sur les comportements réels de l’employé permettra sans doute à la personne évaluée d’accorder une plus grande crédibilité au processus d’évaluation et à l’évaluateur (Ilgen, Fisher et Taylor, 1979). D’autres recherches montrent également que l’équité perçue lors du processus d’évaluation de rendement influence positivement trois éléments que sont la satisfaction par rapport à l’évaluation, la motivation de l’employé à s’améliorer et l’utilité perçue du processus d’évaluation (Cawley, Keeping et Levy, 1998; Elicker, Levy et Hall, 2006). En accord avec les théories relationnelles de la justice (Tyler et Lind, 1992), Cawley et ses collègues (1998) affirment que la perception d’une évaluation juste contribue au sentiment d’appartenance des employés évalués.

Proposition 6 : Le gestionnaire qui est transparent au sujet du processus et des critères de décision lors de la rétroaction influence positivement le besoin d’affiliation sociale de l’employé en favorisant une perception positive du processus d’évaluation.

Par ailleurs, une rétroaction qui procure de bonnes explications du processus et des critères décisionnels clairs permet ultérieurement à l’employé évalué de comprendre les tenants et les aboutissants du processus, et où il se situe (Sparr et Sonnentag, 2008). De telles informations lui permettent de choisir les actions à poser en toute connaissance de cause pour qu’elles soient cohérentes avec ses objectifs de rendement et de développement entraînant l’employé à mieux répondre aux critères d’évaluation. En effet, DeNisi et Pritchard (2006) rapportent que les systèmes d’évaluation du rendement qui permettent aux employés de faire des choix sont importants pour favoriser une amélioration de la performance des employés. Un gestionnaire qui donne des explications sur le processus et les objectifs à atteindre, tout en concertant son employé lui permet de choisir, en toute connaissance de cause, les pistes de développement pertinentes à l’atteinte des objectifs fixés. Nous suggérons qu’une telle opportunité de choisir contribue à satisfaire au besoin d’autonomie de l’employé qui a alors toute la latitude décisionnelle pour choisir les comportements permettant de s’améliorer au travail.

Proposition 7 : Le gestionnaire qui donne des explications sur le processus d’évaluation et les critères de décision reliées au processus d’évaluation du rendement lors de l’exercice de rétroaction influence positivement le besoin d’autonomie de l’employé.

La troisième caractéristique d’une séance de rétroaction efficace est la qualité du processus d’établissement des objectifs (Algera, Kleingeld et van Tuijl, 2002). De nombreux écrits et courants de gestion accordent une place importante à l’établissement des objectifs de rendement (DeNisi et Pritchard, 2006). Dans le contexte de la théorie de l’autodétermination, c’est l’établissement des objectifs de développement, donc par ailleurs plus intrinsèques, de manière concertée entre le gestionnaire et son employé qui favorise davantage la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux (Baard, 2002). Ainsi, la période d’évaluation du rendement doit devenir un espace privilégié où le gestionnaire fait preuve de soutien aux besoins psychologiques fondamentaux et encourage l’employé à se fixer des objectifs de développement professionnel plus intrinsèques, afin de favoriser sa performance au travail (Gillet et coll., 2010; Vansteenkiste et coll, 2004).

Enfin, qu’il s’agisse d’objectifs de rendement ou de perfectionnement, deux points additionnels méritent d’être soulignés. D’une part, pour répondre au besoin de compétence, les objectifs se doivent d’être exigeants tout en étant atteignables (Locke et Latham, 1990; 2002). De cette façon, l’employé pourra évaluer s’il a les habiletés et connaissances requises ainsi que le niveau d’énergie nécessaire pour atteindre ces objectifs (DeNisi et Pritchard, 2006). Une évaluation adéquate permettra au travailleur d’atteindre les objectifs fixés et de sentir qu’il est capable d’être efficace dans son environnement de travail en relevant de tels défis (Deci et Ryan, 2000; Gagné et Deci, 2005). En effet un objectif trop facile ne mettra pas en jeu les compétences de l’employé et un objectif impossible à atteindre pourrait amener l’employé à faussement attribuer à un manque de compétences l’échec de l’atteinte de l’objectif. Par conséquent, il est important qu’un gestionnaire tienne compte des habiletés et connaissances de la personne pour aider l’employé à se fixer des objectifs réalistes qui représentent toutefois un défi raisonnable dans les tâches à réaliser.

Proposition 8 : Le gestionnaire qui tient compte des habiletés et connaissances de l’employé en mettant l’accent sur des objectifs raisonnablement difficiles à atteindre, mais réalistes, lors de la rétroaction sur le rendement, influence positivement le besoin de compétence de l’employé.

D’autre part, dans des environnements de travail très structurés où le travail peut facilement être décomposé, il est préférable de fixer des objectifs en plusieurs paliers (Zigon, 2002). Par exemple, il importe de clarifier quels comportements ou résultats parmi ceux évalués satisfont aux exigences et ensuite, quels sont ceux qui les dépassent. Une telle communication des attentes permet de connaître quelles sont les différentes séquences comportementales à adopter pour être efficace dans l’atteinte des objectifs de rendements (DeNisi et Pritchard, 2006). Comme le proposent DeNisi et Pritchard (2006), une plus grande précision des critères de performance permet d’avoir une meilleure idée des comportements reconnus comme étant efficaces. Ainsi, des objectifs précis et en paliers offrent plus de perspectives de réussites et, en ce sens, permettent de satisfaire au besoin de compétence. Des travaux d’Alvero et ses collègues (2001) suggèrent que plusieurs études ont montré l’efficacité d’une rétroaction qui associe la fixation des buts avec leurs conséquences comportementales. Ainsi, le gestionnaire doit être en mesure d’exposer en quoi les différents paliers permettront d’avoir du succès et de performer correctement au prochain palier. La fixation d’objectifs en paliers permet alors à l’employé d’observer les séquences de comportements associées à des résultats positifs et à une plus grande performance. Cette séquence, qui devient en soi une opportunité de rétroaction pour l’employé, permet alors de constater quels sont les comportements efficaces à chacune des étapes de travail réalisées. De cette façon, la personne évaluée sera intégrée dans une boucle de rétroaction où elle constatera la valeur ajoutée de la rétroaction pour évaluer sa propre performance au travail. Conséquemment, elle cherchera à obtenir plus de rétroaction pour atteindre ses objectifs et performer au travail (Ashford, 1986).

Proposition 9 : Le gestionnaire qui fixe des objectifs en paliers avec l’employé au cours de la rétroaction sur le rendement influence positivement le besoin de compétence de l’employé évalué.

La quatrième caractéristique traite d’un aspect important du processus de gestion du rendement qui est sous le contrôle du gestionnaire : la fréquence de la rétroaction (Rao, 2004). La fréquence avec laquelle un gestionnaire peut fournir de la rétroaction est en quelque sorte limitée par le cycle de mesure et d’évaluation ayant cours dans son organisation. Toutefois, il est possible de poursuivre le travail amorcé dans la rétroaction qui suit l’évaluation formelle du rendement (souvent un événement annuel), par une attitude qui place au premier plan la rétroaction informelle continue. La rétroaction informelle continue consiste en la livraison régulière d’information permettant à l’employé de se situer par rapport à ses objectifs de rendement (Rao, 2004). De récents travaux sur le sujet montrent que la rétroaction mensuelle semble avoir un impact important sur l’efficacité de la rétroaction (Alvero, Bucklin et Austin, 2001). Ainsi, dans le contexte organisationnel, cette rétroaction continue peut notamment se faire grâce à la mise en place d’un système d’autoévaluation mensuelle ou trimestrielle des employés qui serait ensuite validé régulièrement avec eux par le supérieur immédiat (Alvero, Bucklin et Austin, 2001).

Comme le suggèrent Sparr et Sonnentag (2008), un gestionnaire qui encourage l’employé à demander de la rétroaction satisfait à son besoin d’autonomie. Les travaux sur la recherche de rétroaction montrent que les employés qui valorisent la rétroaction sont plus susceptibles d’essayer d’en obtenir directement (Ashford, 1986). Toutefois, si un gestionnaire met l’emphase sur l’importance d’obtenir de la rétroaction pour maintenir ou améliorer la performance au travail, et ce, sans être trop pressurisant et contrôlant, l’employé sera sans doute plus susceptible d’en faire directement la demande à son gestionnaire. D’une part, l’employé aura le sentiment qu’il a le contrôle sur le moment propice pour obtenir de la rétroaction étant donné ses tâches, ce qui répond au besoin d’autonomie (Sparr et Sonnentag, 2008). D’autre part, une telle attitude laisse l’opportunité à l’employé de choisir d’être informé des comportements qui sont adéquats et ceux qui sont à modifier ou à changer afin d’être plus efficace au travail. DeNisi et Pritchard (2006) tout comme Langfred et Moye (2004) montrent que ces types de choix responsabilisent l’employé et l’amènent à déployer davantage d’efforts pour atteindre les résultats escomptés.

Proposition 10 : Le gestionnaire qui encourage l’employé à demander de la rétroaction informelle régulière influence positivement le besoin d’autonomie de l’employé évalué.

Le gestionnaire sensible à l’évaluation continue du rendement est en mesure de remarquer davantage les fluctuations de résultats et de comportements de l’employé. Ainsi, il pourra poser des gestes de reconnaissance lorsque le moment est opportun. En parallèle, la rétroaction continue montre à l’employé que son gestionnaire porte attention à sa performance, que son rendement et son développement compte pour lui. Aussi, une rétroaction informelle fréquente peut être perçue comme une marque de reconnaissance de la part du gestionnaire à l’endroit de l’employé (St-Onge, 1994). De telles marques de reconnaissance représentent une forme importante de soutien du supérieur tel que perçu par l’employé (Rhoades et Eisenberger, 2002). Si elle est associée à des commentaires négatifs ou à des éléments à améliorer, la rétroaction sur le rendement se devra d’être amenée de façon constructive ce qui aura pour effet de souligner l’importance de la relation entre le gestionnaire et l’employé (Deci et Ryan, 2000). Cette sensibilité à l’autre est un signe contribuant à répondre au besoin d’affiliation sociale.

Proposition 11 : Le gestionnaire qui offre de la rétroaction informelle continue à son employé influence positivement le besoin d’affiliation sociale de ce dernier.

Enfin, la rétroaction informelle fréquente permet de soutenir de manière concrète le besoin de compétence. La rétroaction offre l’opportunité au gestionnaire de satisfaire le besoin de compétence de ses employés puisqu’il peut travailler à clarifier et développer les compétences en jeu dans l’atteinte des objectifs (Baard, 2002; DeNisi et Pritchard, 2006). Le fait, pour le gestionnaire, d’adopter un discours clair concernant l’importance de l’épanouissement de la compétence et de l’amélioration continue plutôt que d’imposer une marche à suivre pour bonifier les résultats de la mesure du rendement, laisse à l’employé la responsabilité de prendre la relève et d’agir de manière autonome à l’atteinte des objectifs (Langfred et Moye, 2004). Par ailleurs, si elle est communiquée adéquatement et bien comprise des employés, l’emphase qui est mise sur l’amélioration continue des employés de l’organisation peut contribuer à diminuer la menace associée à la recherche de rétroaction et ainsi entraîner les employés à en demander plus fréquemment (Ashford, Blatt et VandeWalle, 2003).

Proposition 12 : Le gestionnaire qui met l’accent sur l’importance de l’amélioration continue lors de la rétroaction informelle sur le rendement influence positivement le besoin de compétence de l’employé.

Conclusion

Selon la théorie de l’autodétermination, la satisfaction de trois besoins psychologiques fondamentaux est nécessaire pour assurer le fonctionnement optimal des employés au travail (Gagné et Deci, 2005). De récentes recherches ont notamment montré une relation entre la satisfaction de ces besoins et des conséquences positives telles que l’autonomie dans l’exécution des tâches, le soutien social perçu, la satisfaction en emploi, la vigueur et la performance au travail (Van den Broeck, Vansteenkiste, De Witte, Soenens et Lens, 2010). Dans un contexte où, à la fois, le rendement de l’organisation et le bien-être des employés représentent des enjeux organisationnels importants (Judge et Kammeyer-Mueller, 2011), nous avons postulé tout au long de ce texte que les gestionnaires sont en mesure de satisfaire aux besoins d’autonomie, de compétence et d’affiliation sociale au travail des employés par le truchement du processus de rétroaction. Nous encourageons les chercheurs à en faire la vérification empirique des 12 propositions qui résument à la fois notre synthèse théorique et les incidences pratiques pour les gestionnaires.

Quelles sont les retombées pratiques que cette réflexion suscite ? Nous estimons qu’elles sont au nombre de trois. En premier lieu, une discussion sur le soutien aux besoins psychologiques fondamentaux amène naturellement les gestionnaires à se demander si, ou dans quelle mesure, ils ont les compétences pour le faire. Dans un premier temps, nous suggérons tant aux gestionnaires, praticiens et chercheurs, d’évaluer le niveau de maîtrise des gestionnaires à l’égard des comportements de soutien aux besoins psychologiques. Nous espérons que ce texte constitue un point de départ stimulant à cet égard. Dans un deuxième temps, il importe de s’attarder aux meilleures pratiques (p. ex. : formation, coaching) pour développer les compétences des gestionnaires afin qu’ils soutiennent les besoins psychologiques de leurs employés.

En second lieu, en plus des compétences associées au style de gestion et bien que le soutien aux besoins psychologiques fondamentaux relève d’attitudes et de gestes assez simples comme ceux associés à la rétroaction continue, il n’en demeure pas moins que des ressources additionnelles humaines ou matérielles puissent s’avérer nécessaires. Ainsi, l’adoption par les gestionnaires d’un style de gestion soutenant les besoins des employés doit elle-même être une initiative en lien avec la stratégie organisationnelle et donc, appuyée concrètement. Pensons, par exemple, aux cas où la satisfaction du besoin de compétence passe par des formations formelles spécifiques au domaine d’expertise des employés visés. Le gestionnaire ne pourra pas satisfaire le besoin de compétence de ses employés si l’organisation n’aménage pas le temps de travail et ne fournit pas le budget pour de telles formations.

En troisième lieu, nous estimons avoir exposé avec rigueur la théorie de l’autodétermination dans le contexte précis de la rétroaction ce qui, en soi, constitue une avancée importante dans le domaine de la motivation. C’est parce que la rétroaction faite par le gestionnaire est sous son contrôle que nous considérons cette réflexion importante. Cependant, la rétroaction n’est qu’un élément de la gestion du rendement et les organisations trouveraient sans doute avantage à procéder à un alignement plus global de la théorie de l’autodétermination avec tous les processus de la gestion du rendement et du système de rémunération soit la mesure, l’évaluation et la rétroaction. De cette manière, les mesures et les jugements qui en résultent seraient assurément congruents avec les besoins des gestionnaires au moment de la rétroaction.