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Soutenu à la fois par une tradition académique fonctionnaliste et des discours politiques normatifs, l’entrepreneuriat a longtemps été considéré sous le prisme exclusif de la création de richesse (Jennings et al., 2005; Amstrong, 2005; Jones et Spicer, 2009; Tedmanson et al. 2012). Les discours scientifiques et politiques ont notamment attribué un rôle sans doute excessif à l’innovation et cultivé la figure du leader héroïque (Janssen et Schmitt, 2011), masquant des formes d’entreprendre plus contrastées, des raisons d’entreprendre variées et mettant aussi de côté la performativité et l’idéologie de ces mêmes discours optimistes. Au-delà de cet « entrepreneurialisme », l’entrepreneur(e) peut également – peut-être avant tout – être envisagé comme un agent du changement social et politique, transformant par ses micro-pratiques des ordres établis (Steyaert et Hjorth, 2007).

Ce changement de perspective implique, d’une part, de déconstruire un ensemble de discours autour de l’entrepreneuriat considérés comme allant de soi, d’appréhender différemment les processus entrepreneuriaux et d’approfondir l’étude des « entreprendre autrement » d’autre part. Il en va ainsi par exemple de la création de valeur financière que les approches traditionnelles peinent à appréhender en phase de création d’entreprise et qui constitue, pour de nombreux entrepreneurs, plus une contrainte qu’un objectif (St-Pierre et Cadieux, 2011). Il en va ainsi également des formes solidaires, sociales et collectives de l’entrepreneuriat qui appellent à un renouvellement des approches là où on calque le plus souvent les instruments dominants de l’entrepreneuriat (plans d’affaires, etc.). Il en va ainsi enfin des référents culturels occidentaux qui soutiennent les manières de penser l’entrepreneuriat.

Ce dossier fait suite aux 5èmes journées Georges Doriot organisées en mai 2016 par le groupe HEC Paris, l’EM Normandie et l’ESG-UQAM et remarquablement accueillies par le CNRST de Rabat. 94 propositions avaient été soumises au Comité scientifique des Journées qui en avait accepté 46 au terme des évaluations. 37 communications ont finalement été présentées. 16 articles ont ensuite été proposés pour parution au sein de ce dossier thématique. Au terme d’un processus scientifique conduit selon les règles traditionnelles en double aveugle, nous vous proposons ici les quatre articles retenus qui ouvrent différentes perspectives autour de la relation entre entrepreneuriat et société.

Dans ce qui suit, le lecteur trouvera notamment un vocabulaire peu fréquent en entrepreneuriat qui fait sans doute écho à la nécessité de renouveler les perspectives théoriques. Loin de la figure héroïque de l’entrepreneur, le champ de l’entrepreneuriat s’est ainsi récemment peuplé de mots, tels que le doute et l’échec, qui soulignent à la fois les fragilités du processus entrepreneurial et la nécessité de réinventer ce que serait le « bon » entrepreneur et les discours qui l’accompagnent.

Entreprendre après un échec est une forme de l’ « entreprendre autrement » que nos sociétés devraient encourager. L’échec entrepreneurial offre une réelle opportunité d’apprentissage à l’entrepreneur et celui qui prend un nouveau départ réalise généralement de meilleures performances que les autres, mais peu de clients, de fournisseurs ou de créanciers lui accordent une seconde chance et l’échec est perçu négativement par la société au sens large. L’échec est souvent ressenti par l’entrepreneur lui-même comme un évènement émotionnellement traumatique. Il est donc difficile d’apprendre d’un échec compte tenu des différents coûts financiers, psychologiques et sociaux entraînés par ce dernier. A ce jour, peu de recherches ont investigué les ressources internes ou externes dont disposent les entrepreneurs pour rebondir suite à cette expérience d’échec. Au travers d’un modèle conceptuel, De Hoe et Janssen proposent un angle d’approche plus positif de l’échec entrepreneurial. Selon eux, un niveau de capital psychologique (défini comme étant un état psychologique positif de développement de l’individu caractérisé par de hauts degrés d’auto-efficacité, d’optimisme, d’espoir et de résilience) élevé joue un rôle modérateur dans la relation entre les conséquences négatives de l’échec et l’apprentissage à partir de l’échec. Cet apprentissage et ce capital psychologique élevé aideraient l’entrepreneur ayant échoué à poursuivre sa carrière entrepreneuriale. Ils clôturent leur article par les implications théoriques et pratiques de leur modèle.

Le doute peut être considéré comme un moteur autant qu’un handicap au sein du parcours de tout(e) entrepreneur(e). Considérant l’entrepreneuriat comme un processus expérientiel ponctué d’ascenseurs émotionnels, Jacquemin et Lesage s’interrogent sur le doute et sur les moyens mobilisés par les entrepreneurs pour le surmonter. Cette notion encore indécise dans la littérature est au coeur du processus entrepreneurial. Représenté comme un pic d’émotions négatives, le doute apparaît lors du constat d’un décalage entre les aspirations et les réalisations. Il peut dès lors mener à l’échec si des mécanismes de résolution ou d’adaptation ne sont pas mis en place. C’est à ce niveau que les auteurs font appel à la théorie de l’effectuation qui considère que l’entrepreneur agit à partir des moyens notamment humains pouvant l’aider à co-construire son projet entrepreneurial avec l’univers qui l’entoure, en même temps qu’il raisonne en termes de pertes acceptables et veille à préserver une certaine flexibilité. A travers deux études de cas longitudinales sur deux équipes d’entrepreneurs novices, les auteurs constatent une dynamique dialectique mobilisant l’approche de causation et la logique d’effectuation. Cette dernière semble toutefois plus prégnante dans un contexte d’incertitude et notamment de prise de décisions « isotropes ». Au-delà de cette contribution à la théorie de l’effectuation et le dialogue installé avec la théorie du stress, les auteurs permettent de préciser la définition du doute entrepreneurial ce qui les amène à démystifier ce concept peu exploré.

Les approches en entrepreneuriat explorent aujourd’hui de plus en plus le processus entrepreneurial dans ses dimensions profondément indéterminées sans que celui-ci ne soit orienté par une dimension téléologique forte. Ce qu’on nomme aujourd’hui l’entrepreneur-ing conduit à s’interroger sur le « faire » entrepreneurial sans nécessairement y rechercher des motifs ou la marque d’une délibération qui précéderait toute forme d’action. Il s’agit alors bien plus d’aller au plus près du phénomène entrepreneurial en train de s’élaborer. Là encore, la perspective ainsi ouverte requiert un renouvellement important du vocabulaire mais aussi une conversation plus soutenue avec le reste des sciences humaines et sociales.

C’est dans cette perspective que s’inscrit la contribution de Duymedjian et Ferrante qui explorent le sillon notamment ouvert par Steyaert et Hjorth qui ont permis la circulation des idées stimulantes de Gilles Deleuze dans le champ de l’entrepreneuriat. Plus spécifiquement, les auteurs livrent un essai où ils envisagent les différentes potentialités de la notion de rhizome en entrepreneuriat, notion qui montre la manière singulière dont l’entrepreneur se meut dans un espace qu’il invente en même temps que lui-même s’invente entrepreneur. Après avoir fait l’état des lieux de différents emprunts à Deleuze en entrepreneuriat, les auteurs opèrent un rapprochement entre le rhizome deleuzien et la notion plus fréquente en entrepreneuriat de bricolage. Par la suite, l’article nous présente dans le détail la notion de rhizome telle qu’elle est forgée par Deleuze pour montrer en quoi l’entreprendre rhizomatique autorise à repenser de manière stimulante le processus entrepreneurial et notamment des pratiques souterraines. Les auteurs prennent par la suite appui sur un discours célèbre de Steve Jobs qu’ils interprètent à l’aune de leur proposition théorique. Le texte se conclut pas différents questionnements que soulèverait l’intrusion d’un vocabulaire deleuzien dans le champ de l’entrepreneuriat.

Revoir la relation entre la société et l’entrepreneuriat, c’est finalement questionner la pertinence même des frontières entre les disciplines et théories qui prétendent étudier cette relation. En ce sens, les pratiques en matière de financement des projets entrepreneuriaux paraissent continuellement se renouveler en produisant des innovations et dès lors lancer un certain nombre de défis aux théoriciens qui restent parfois un peu à la traîne. On pensera pêle-mêle au socio-financement, au micro-crédit, à la finance islamique, aux tontines, etc. qui conduisent à discréditer les grandes généralisations produites par la finance traditionnelle. Plus largement, le champ de la finance paraît avoir quelque peu négligé les particularités des PME et de l’entrepreneuriat.

Depuis de nombreuses années, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) insiste ainsi sur les difficultés des PME à trouver des sources de financement qui répondent à leurs besoins de développement notamment. Un appel récurrent est lancé afin d’inciter les chercheurs à trouver des solutions, appel qui n’a peut-être pas trouvé l’écho requis, puisque les mêmes problèmes subsistent depuis plus de vingt ans. C’est dans ce contexte d’écart perçu entre les « problèmes » de financement des PME souvent dénoncés et l’absence de solutions satisfaisantes que St-Pierre et Fadil se sont demandées si les chercheurs étaient aptes à répondre à cet appel. Pour éclairer leur questionnement, elles ont mené une enquête internationale sur les pratiques académiques des enseignants-chercheurs en finance entrepreneuriale. Ce nouveau champ de recherche, à la croisée de deux disciplines, prend en compte les spécificités de la PME et de l’entrepreneur au coeur des problématiques financières et remet en question certains postulats de la finance classique peu adaptés à ces entreprises. L’enquête menée auprès de 1538 enseignants-chercheurs à laquelle 149 individus des cinq continents ont répondu, révèle globalement une certaine distance par rapport à son objet d’étude au vu des théories, des méthodes et des données mobilisées, qui reflètent plus l’idéologie de la finance classique. Ces résultats amènent les auteures à suggérer aux chercheurs en finance de se rapprocher du terrain et de collaborer peut-être davantage avec les chercheurs en entrepreneuriat de façon à mieux comprendre comment se fait la gestion financière dans les sociétés fermées et contribuer à des solutions plus adaptées à leurs besoins.


Supported by both a functionalist academic tradition and normative political discourse, entrepreneurship has long been studied exclusively through the prism of wealth creation (Jennings et al., 2005; Amstrong, 2005; Jones and Spicer, 2009; Tedmanson et al. 2012). Scientific and political rhetoric have undoubtedly credited innovation with an excessive role and encouraged the emergence of the heroic leader figure (Janssen et Schmitt, 2011), masking more contrasting forms of entrepreneurship and the diverse reasons for beginning a business, while also ignoring the performativity and ideology of this optimistic rhetoric. Going beyond this “entrepreneurialism”, the entrepreneur can also – perhaps should also – be viewed as an agent of political and social change, transforming established orders through his or her micro-practices (Steyaert and Hjorth, 2007).

This change in perspective implies the deconstruction of a whole set of arguments about entrepreneurship that were previously considered as self-evident, as well as thinking differently about entrepreneurial processes and exploring “different entrepreneurships” in more detail. This is the case for wealth creation, as traditional approaches have difficulty understanding it in the start-up phase and, moreover, for many entrepreneurs it represents more of a constraint than an objective (St-Pierre and Cadieux, 2011). It is also the case for social, collective and solidarity forms of entrepreneurship, which require fresh approaches instead of the dominant tools of entrepreneurship that are too often used (business plans, etc.). Finally, it is also true that western cultural benchmarks generally support the different ways of thinking about entrepreneurship.

This report follows the 5th edition of the Georges Doriot Conferences organized in May 2016 by HEC Paris, EM Normandie and ESG-UQAM, magnificently hosted by the CNRST in Rabat. Ninety-four proposals were submitted to the event’s Scientific Committee, which accepted 46 after assessment. Thirty-seven papers were eventually presented. Sixteen articles were then proposed for publication in this thematic report. At the end of a scientific process conducted according to traditional double-blind rules, we have selected and published four articles that open up various perspectives regarding the relationship between entrepreneurship and society.

In what follows, the reader will find a vocabulary rarely used in entrepreneurship, undoubtedly reflecting the need to renew theoretical perspectives. Far from a depiction of the heroic figure, entrepreneurship has recently adopted words such as “doubt” and “failure”, highlighting both the fragility of the entrepreneurial process and the need to reinvent what a “good” entrepreneur is, as well as the accompanying rhetoric.

The ability to be enterprising after a failure is a “different form of entrepreneurship” that our societies should encourage. Failure in entrepreneurship offers the entrepreneur a genuine learning opportunity, and those that engage in a fresh start generally achieve better results than others; however, few customers, suppliers, or lenders give them a second chance, and failure is often perceived negatively by society at large. The entrepreneur himself often experiences failure as an emotionally traumatic event. It is therefore difficult to learn from failure given the different financial, psychological, and social costs that it generates. To date, little research has been devoted to the internal and external resources that entrepreneurs possess to recover from the experience of failure. Using a conceptual model, De Hoe and Janssen propose a more positive approach to entrepreneurial failure. In their view, a high level of psychological capital (defined as the individual’s positive psychological state of development, characterized by high degrees of self-efficacy, optimism, hope, and resilience) plays a mitigating role in the relationship between the negative consequences of failure and learning from it. This learning process and a high psychological capital may help the failing entrepreneur to pursue their career as an entrepreneur. They conclude their article with the theoretical and practical implications of their model.

Doubt can be considered as much a driving force as a handicap in the career of any entrepreneur. Taking entrepreneurship to be an experiential process punctuated by emotional ups and downs, Jacquemin and Lesage investigate doubt and the means that entrepreneurs use to overcome it. This notion, still somewhat undecided in the literature, is at the heart of the entrepreneurial process. Represented as a peak of negative emotions, doubt emerges when there is a discrepancy between aspirations and achievements. At this point, it can lead to failure if the proper resolution or adaptation mechanisms are not in place. On this subject the authors evoke the theory of effectuation, whereby the entrepreneur uses mainly human means to help him co-construct his entrepreneurial project, as well as reasoning in terms of acceptable losses and ensuring that he preserves a certain flexibility. Through two longitudinal case studies on two teams of novice entrepreneurs, the authors find a dialectic dynamic driven by a causation approach and the logic of effectuation. However, the latter reasoning seems more relevant in a context of uncertainty and notably “isotropic” decision making. As well as their contribution to effectuation theory and the dialog they create with stress theory, the authors clarify the definition of entrepreneurial doubt, thereby demystifying this little-explored concept.

Today, entrepreneurship approaches are increasingly exploring the entrepreneurial process in its profoundly indeterminate dimensions, without this process being guided by a strong teleological dimension. What we now call “entrepreneuring” raises questions about the “doing” part of entrepreneurship without necessarily looking for motives or evidence of a deliberation preceding any form of action. It gets as close as possible to the entrepreneurial phenomenon that is actually developing. Here again, the perspective that this opens up requires a significant change in vocabulary, but also a more in-depth dialog with the rest of the social and human sciences.

It is in this perspective that Duymedjian and Ferrante make their contribution, exploring the path opened up by Steyaert and Hjorth, among others, which has enabled the circulation of the inspiring ideas of Gilles Deleuze in the field of entrepreneurship. More specifically, the authors consider the different potentials of the idea of the rhizome in entrepreneurship, which shows the singular way in which the entrepreneur moves in a space that he creates at the same time as he becomes an entrepreneur. After taking stock of the different ideas entrepreneurship has borrowed from Deleuze, the authors find a link between the Deleuzian rhizome and the idea of “tinkering”, more often found in entrepreneurship. Next, the article gives a detailed account of the notion of the rhizome as defined by Deleuze to show how rhizomatic entrepreneurship can lead to a stimulating rethink of the entrepreneurial process, and particularly underground practices. The authors then support their argument with a famous speech by Steve Jobs which they interpret in light of their theoretical proposal. The paper concludes with various questions that would be raised by the introduction of a Deleuzian vocabulary into the field of entrepreneurship.

Ultimately, reviewing the relationship between society and entrepreneurship is to question the very relevance of the frontiers between the disciplines and theories that claim to study this relationship. In this respect, entrepreneurial financing practices seem to evolve continually as they produce innovations, and thus present a number of challenges to theorists, who sometimes get a bit behind. A few examples are social financing, microcredit, Islamic finance, tontines, etc., all of which tend to discredit the overarching generalizations produced by traditional finance. More broadly, the financial field seems to have somewhat neglected the specific features of SMEs and entrepreneurship.

For many years, the Organization for Economic Cooperation and Development (OECD) has stressed the difficulties SMEs face in finding sources of financing that meet their development needs, among others. A regular appeal is made to encourage researchers to find solutions, a call that must not have been answered since the same problems have existed for over twenty years. Against this backdrop of a gap between the often-denounced “problems” of financing SMEs and the lack of satisfactory solutions, St-Pierre and Fadil ask whether researchers are actually capable of responding to this appeal. To further explore their questions, they conducted an international study into the academic practices of professor-researchers in entrepreneurial financing. This new field of research, at the intersection of two disciplines, takes into account the specific characteristics of SMEs and entrepreneurs that are at the heart of financial problems, and calls into question certain assumptions of traditional finance that are not appropriate to these businesses. The study was conducted on 1,538 professor-researchers, 149 of whom responded, from all five continents. The study reveals a certain distance from their object of study in light of their theories, methods and data, tending to reflect the ideology of traditional finance. These results lead the authors to suggest that financial researchers should get a bit closer to the field, and perhaps work more with researchers in entrepreneurship in order to better understand how financial management works in companies and thus help find solutions that are more appropriate to their needs.


El emprendimiento, respaldado al mismo tiempo por una tradición académica funcionalista y discursos políticos normativos, siempre ha sido abordado desde el prisma exclusivo de la creación de riqueza (Jennings et al., 2005; Amstrong, 2005; Jones et Spicer, 2009; Tedmanson et al. 2012). Los discursos científicos y políticos han atribuido, en particular, un papel sin duda excesivo a la innovación y han cultivado la figura del líder heroico (Janssen et Schmitt, 2011), ocultando otras formas de emprender y otras razones por las que emprender, y dejando de lado la performatividad y la ideología de estos mismos discursos optimistas. Más allá de este « empresarialismo », el/la emprendedor/a puede ser visto, ante todo, como un agente de cambio social y político que, con sus microprácticas, opera transformaciones en los órdenes establecidos (Steyaert y Hjorth, 2007).

Este cambio de perspectiva implica, por un lado, deconstruir un conjunto de discursos en torno al emprendimiento considerados como evidentes y, por otro, abordar de manera diferente los procesos empresariales y profundizar en el estudio de formas diferentes de emprender. Un ejemplo sería la creación de valor financiero, difícil de aprehender en la fase de creación de la empresa por los enfoques tradicionales y que constituye, para muchos emprendedores, una limitación más que un objetivo (St-Pierre y Cadieux, 2011). Otro ejemplo serían las formas solidarias, sociales y colectivas de emprendimiento, que apelan a una renovación de los enfoques allí donde suelen calcarse los instrumentos dominantes de la creación de empresas (planes de negocios, etc.). O, como último ejemplo, los referentes culturales occidentales que respaldan las formas de enfocar el emprendimiento.

Este dosier ha sido creado a raíz de las V Jornadas Georges Doriot, organizadas en mayo de 2016 por el grupo HEC Paris, la EM Normandie y la ESG-UQAM, y muy bien acogidas por el CNRST de Rabat. Se sometieron 94 propuestas al comité científico de las jornadas, el cual aceptó 46. Finalmente se presentaron 37 comunicaciones. Y seguidamente se propusieron 36 artículos para su publicación en este dosier tematico. Tras un proceso científico realizado según las reglas habituales del doble ciego, les proponemos aquí los cuatro artículos seleccionados, que abren diferentes perspectivas en torno a la relación entre emprendimiento y sociedad.

En las siguientes páginas, el lector se encontrará con un vocabulario poco habitual en el campo del emprendimiento y que refleja, sin duda, la necesidad de renovar los enfoques teóricos. Lejos de la figura heroica del emprendedor, el campo del emprendimiento se ha plagado recientemente de palabras como la duda y el fracaso, que subrayan tanto las debilidades del proceso de creación de empresas, como la necesidad de reinventar lo que sería el « buen » emprendedor y los discursos que lo acompañan.

Emprender después de un fracaso es una de las formas diferentes de emprender que nuestras sociedades deberían alentar. El fracaso empresarial constituye una oportunidad real de aprendizaje para el empresario y aquel que vuelve a comenzar suele dar mejores resultados que los demás; sin embargo, pocos son los clientes, los proveedores o las entidades crediticias que estarán dispuestos a darle una segunda oportunidad… El fracaso es percibido negativamente por la sociedad en general y el propio empresario suele vivirlo como una experiencia emocionalmente traumática… Resulta muy difícil aprender de un fracaso habida cuenta de sus costes económicos, psicológicos y sociales. A día de hoy, pocas investigaciones han ahondado en los recursos internos o externos con los que cuentan los emprendedores para remontar tras una experiencia de fracaso. A través de un modelo conceptual, De Hoe y Janssen ofrecen un enfoque más positivo del fracaso empresarial. Según ellos, un capital psicológico elevado (definido como un estado psicológico positivo de desarrollo del individuo que se caracteriza por altos grados de autoeficacia, optimismo, esperanza y resiliencia) desempeña un papel regulador en la relación entre las consecuencias negativas del fracaso y el aprendizaje a partir de este. Dicho aprendizaje y dicho capital psicológico elevado ayudarían al emprendedor que ha fracasado a continuar con su carrera empresarial. Concluyen su artículo con las implicaciones teóricas y prácticas de su modelo.

La duda puede ser considerada tanto un motor como un hándicap en la trayectoria de todo/a emprendedor/a. Considerando el emprendimiento como un proceso vivencial salpicado de vaivenes emocionales, Jacquemin y Lesage reflexionan sobre la duda y los recursos movilizados por los empresarios para superarla. Esta noción aún indecisa en la literatura ocupa un lugar central en el proceso empresarial. La duda, representada como un despunte de emociones negativas, surge cuando se constata una falta de adecuación entre las aspiraciones y las consecuciones. A partir de ese momento, de no adoptarse mecanismos de resolución o adaptación, la duda puede conducir al fracaso. Es en este punto en el que los autores recurren a la teoría de la efectuación, que considera que el emprendedor actúa a partir de recursos principalmente humanos que pueden ayudarle a construir su proyecto empresarial junto con el universo que le rodea, al mismo tiempo que razona en términos de pérdidas aceptables y vela por mantener cierta flexibilidad. A través de dos estudios de casos longitudinales sobre dos equipos de emprendedores novatos, los autores constatan una dinámica dialéctica que moviliza el enfoque de la causación y la lógica de efectuación. Esta última parece ser predominante en un contexto de incertidumbre y, en particular, de toma de decisiones « isótropas ». Más allá de esta aportación a la teoría de la efectuación y el diálogo establecido con la teoría del estrés, los autores permiten precisar la definición de la duda empresarial, lo que les lleva a desmitificar este concepto tan poco explorado.

En la actualidad, los enfoques en materia de emprendimiento indagan cada vez más en aspectos profundamente indeterminados del proceso de emprender, sin dejarse guiar exclusivamente por la dimensión teleológica. Lo que hoy da en llamarse el « entrepreneuring » nos lleva a preguntarnos sobre la acción emprendedora sin necesariamente buscar motivos o el rastro de una deliberación que hubiera de preceder toda forma de acción. Se trata más bien de acercarse lo máximo posible al fenómeno empresarial que está en proceso de creación. Una vez más, esta nueva perspectiva requiere una renovación significativa del vocabulario, pero también un diálogo más intenso con el resto de las ciencias humanas y sociales.

En esta perspectiva se inscribe la contribución de Duymedjian y Ferrante, que exploran la vía abierta por Steyaert y Hjorth, que han permitido la circulación de las estimulantes ideas de Gilles Deleuze en el campo de la creación de empresas. En concreto, los autores presentan un ensayo en el que contemplan las diferentes potencialidades del concepto de rizoma en emprendimiento, concepto que muestra la manera particular en la que el emprendedor se mueve en un espacio que inventa, al mismo tiempo que se inventa a sí mismo como emprendedor. Tras repasar los diferentes préstamos de Deleuze, los autores efectúan una aproximación entre el rizoma de Deleuze y el concepto más frecuente de « emprendimiento de bricolaje ». Seguidamente, el artículo nos presenta en detalle la noción de rizoma, tal y como la forjó Deleuze para mostrar de qué manera el emprendimiento rizomático autoriza a revisar de manera estimulante el proceso de creación de empresas y, en particular, de las prácticas soterradas. Seguidamente, los autores se apoyan en un célebre discurso de Steve Jobs, interpretándolo a la luz de su posición teórica. El texto concluye con diferentes cuestiones que plantearía la intrusión del vocabulario de Deleuze en el campo del emprendimiento.

Reexaminar la relación entre la sociedad y el emprendimiento significa, en última instancia, cuestionar la pertinencia misma de las fronteras entre las disciplinas y las teorías que pretenden estudiar esta relación. En este sentido, las prácticas en materia de financiación de proyectos empresariales parecen estar renovándose constantemente, incorporando innovaciones, lo cual supone un cierto desafío para los teóricos que, en ocasiones, se quedan un poco rezagados. A bote pronto, podemos nombrar el micromecenazgo, el microcrédito, las finanzas islámicas, las tontinas, etc. que desacreditan las grandes generalizaciones producidas por la finanza tradicional. En general, el campo de la finanza parece haber ignorado las particularidades de las pymes y del emprendimiento.

Desde hace muchos años, la Organización de Cooperación y Desarrollo Económicos (OCDE) insiste en las dificultades de las pymes para encontrar fuentes de financiación que se ajusten a sus necesidades de desarrollo. Es recurrente el llamamiento que se hace para incitar a los investigadores a buscar soluciones, un llamamiento que no ha encontrado resonancia suficiente, puesto que subsisten los mismos problemas desde hace más de veinte años. En este contexto de alejamiento entre los « problemas » de financiación de las pymes, con frecuencia denunciados, y la ausencia de soluciones satisfactorias, St-Pierre y Fadil se han planteado si los investigadores son aptos para responder a este llamamiento. Para esclarecer su planteamiento, han realizado una investigación internacional sobre las prácticas académicas de los profesores investigadores en financiación para la creación de empresas. Este nuevo campo de investigación, en la intersección de dos disciplinas, tiene en cuenta las particularidades de la pyme y del emprendedor dentro de las problemáticas financieras y cuestiona ciertos postulados de la finanza clásica, poco adaptados a estas empresas. La investigación realizada entre 1 538 profesores investigadores, a la que han respondido 149 individuos de los cinco continentes, revela globalmente una cierta distancia entre el objeto de estudio y las teorías, los métodos y los datos movilizados, que reflejan más bien la ideología de la finanza clásica. Ante estos resultados, las autoras sugieren a los investigadores en finanzas que se acerquen al terreno y colaboren quizás con mayor frecuencia con los investigadores en emprendimiento para entender mejor cómo se lleva a cabo la gestión financiera en las empresas y contribuir a buscar soluciones más adaptadas a sus necesidades.