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Dans la littérature en management, la distinction entre ce qui relève de l’ordre de l’affinitaire, et ce qui relève de l’ordre du fonctionnel est très courante (Ibarra et Andrews, 1993; Berman et al., 2002; Dameron et Josserand, 2007; Gérard et Oboeuf, 2008; Gérard et Redslob, 2010; Prud’homme, 2010; Rank et Tuscke, 2010). À l’intérieur de ce corpus, nombreuses sont les études qui s’intéressent aux interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles (Berman et al., 2002; Gérard et Redslob, 2010; Prud’homme, 2010; Rank et Tuscke, 2010). Dans ces travaux, lorsque l’on parle de relations affinitaires, on parle de relations qui reposent sur un attachement réciproque, personnalisé et sélectionné (Gérard et al., 2013); lorsqu’on parle de relations fonctionnelles, on parle de relations qui dépendent de l’organisation adoptée dans une entité (Gérard et Oboeuf, 2008), reposant elle-même sur divers mécanismes tels qu’une structure, des règlements ou des normes de fonctionnement.

Dans la littérature consacrée aux interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles, les études en management se sont principalement attachées à comprendre et expliquer l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles : les travaux en comportement organisationnel signalent notamment l’influence des relations affinitaires sur la satisfaction, l’implication, l’engagement, la performance et le bien-être des acteurs (Riordan et Griffeth, 1995; Dotan, 2007; Hamilton, 2007); les travaux sur les échanges de ressources montrent de leur côté les effets des relations affinitaires sur les échanges de conseils et d’informations (Westphal et Bednar, 2005; Westphal et al., 2006; Prud’homme, 2010); les travaux sur la dynamique des groupes mettent quant à eux en évidence l’influence des relations affinitaires sur la constitution, le fonctionnement, le maintien et la performance d’un groupe (Jehn et Shah, 1997; Francis et Sandberg, 2000; Dameron et Josserand, 2007).

Dans ce corpus de travaux, certaines études, peu nombreuses, sur les « workplace friendships » (Sias et Cahill, 1998; Nielsen et al., 2000; Dotan, 2007) se sont également intéressées à la manière dont les relations affinitaires étaient susceptibles de se développer au sein d’un contexte de travail. Il s’agit alors de comprendre et d’expliquer les facteurs fonctionnels qui agissent favorablement ou non sur le développement et le maintien des relations affinitaires dans les organisations. L’éclaircissement de ces phénomènes est d’importance, si l’on en croît la quantité foisonnante de travaux témoignant de l’influence des relations affinitaires sur les relations de travail. Le courant sur les « workplace friendships » constitue l’approche la plus aboutie sur l’appréhension des interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles puisqu’il s’intéresse à l’influence des facteurs fonctionnels sur les relations affinitaires et à l’effet des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles. Dans le sillage des études sur les « workplace friendships », notre travail a pour ambition de lever le voile sur un phénomène encore mal connu de la littérature, celui des influences réciproques entre relations affinitaires et relations fonctionnelles.

Cependant, les chercheurs de ce courant (Nielsen et al., 2000; Mao, 2006; Dotan, 2007; Dickie, 2009) ont systématiquement eu recours aux enquêtes par questionnaire dans leurs études empiriques. Par nature, l’approche par questionnaire peine à rendre compte de l’influence du contexte sur le phénomène étudié et à faire émerger de nouveaux aspects liés à ce phénomène. Cette méthode est donc mal adaptée aux recherches de nature compréhensive. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de mener une analyse compréhensive des influences réciproques entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles à partir d’une étude de cas unique.

À partir d’une étude de cas réalisée auprès d’une équipe de recherche, notre travail nous conduit d’abord à relativiser l’influence mise en évidence dans la littérature de plusieurs facteurs fonctionnels (l’éloignement spatial et la distance hiérarchique) sur les relations affinitaires. Mais surtout, notre étude nous permet d’éclairer les influences réciproques entre les relations affinitaires au travail et les relations fonctionnelles, en avançant que tout groupe organisé ayant recours à l’ajustement mutuel sera susceptible de développer des leviers managériaux afin de favoriser les relations affinitaires.

Notre argumentaire sera organisé en cinq parties. Dans une première partie théorique, nous définirons les concepts utilisés, l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles et le développement des relations affinitaires au travail. Dans une deuxième partie, dédiée à la méthodologie, nous justifierons le choix de l’étude de cas, nous présenterons l’équipe de recherche étudiée et nous expliquerons la collecte et le traitement des données. Dans une troisième partie, nous exposerons les résultats de notre recherche. Dans une quatrième partie, nous discuterons nos résultats à la lumière de la littérature actuelle sur le sujet. Dans une cinquième partie, nous conclurons notre propos, en soulignant certaines limites de notre travail et en proposant quelques perspectives de recherche.

Partie théorique

La revue de littérature s’organise autour de trois axes : la définition des relations affinitaires et des relations fonctionnelles, l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles et le développement des relations affinitaires au travail.

Relations fonctionnelles et relations affinitaires

Si elle n’est pas toujours exprimée de manière explicite, la distinction entre les relations fonctionnelles et les relations affinitaires est très courante dans la littérature en management (Ibarra et Andrews, 1993; Berman et al., 2002; Pech Varguez, 2003; Dameron, 2005; Gérard et Oboeuf, 2008; Prud’homme, 2010; Gérard et Redslob, 2010).

Au regard de la littérature managériale (Dameron, 2005; Dameron et Josserand, 2007; Gérard et Oboeuf, 2008; Gérard et Redslob, 2010), il est possible de définir les relations fonctionnelles comme des relations qui dépendent de l’organisation adoptée à l’intérieur d’un ensemble organisé. Cette organisation est elle-même fonction de facteurs fonctionnels variés tels que la structure, les règlements ou encore les normes de fonctionnement adoptés. À titre illustratif, la typologie des mécanismes de coordination de Mintzberg (1982) peut donner une idée de la diversité des facteurs susceptibles d’influencer les relations fonctionnelles : l’ajustement mutuel, la supervision directe, la standardisation des procédés de travail, la standardisation des résultats, la standardisation des qualifications et la standardisation des normes.

Le concept d’affinité est, quant à lui, plus difficile à appréhender, car il a suivi une trajectoire complexe allant des théories chimiques aux sciences sociales en passant par la littérature romantique avec Goethe (Löwy, 2004). Selon le dictionnaire de l’Académie française (8e édition), l’affinité désigne l’attrait entre plusieurs personnes en raison de rapports entre leurs caractères, leurs goûts et/ou leurs opinions. Cependant, des individus peuvent avoir certaines affinités sans nécessairement développer des relations interpersonnelles qui impliquent une succession d’interactions dans le temps (Moser, 1994). Les relations affinitaires ne se réduisent donc pas à un simple attrait interpersonnel, mais correspondent à des relations socio-affectives particulières (Gérard et al., 2013). À partir des travaux en philosophie (Aristote; Schonsheck, 2000), en psychologie sociale (Hogg et Hains, 1998; Maisonneuve et Lamy, 1993; Moser, 1994) et en sociologie (Bidart, 1997), les relations affinitaires peuvent être définies comme un attachement affectif, personnel, sélectionné et normé (comportements bienveillants).

De cette définition, nous en déduisons certains points de chevauchement et de différence avec des concepts connexes. La dimension affective des relations affinitaires peut se révéler forte dans le cas d’une amitié ou s’avérer plus modérée dans le cas du « copinage ». Si les relations affectives sont fréquemment distinguées des relations instrumentales dans la littérature en management (Ibarra et Andrews, 1993; Berman et al., 2002; Pech Varguez, 2003; Dameron, 2005; Gérard et Oboeuf, 2008; Prud’homme, 2010; Gérard et Redslob, 2010), elles peuvent néanmoins apparaître au sein de rapports instrumentaux. À l’inverse, des relations affinitaires peuvent évoluer vers des liens plus opportunistes lorsque les individus incluent une dimension utilitaire à leurs relations (Gérard et al., 2013). Les relations affinitaires sont des relations affectives, mais aussi sélectives ce qui les différencie des liens familiaux. En effet, si les membres d’une famille sont unis par un attachement affectif, les liens ne sont pas soumis à une sélection comme dans les relations affinitaires. Toutefois, des affinités peuvent se développer entre les membres d’une famille. Enfin, en plus d’être sélectives, les relations affinitaires sont personnalisées ce qui les distingue des relations identitaires, autrement dit de l’affiliation. Cette personnalisation implique que l’attachement se fonde sur la reconnaissance des qualités personnelles des individus à la différence des liens identitaires où c’est l’identité et les valeurs du groupe qui priment (Hogg et Hardie, 1991; Hogg, 1995; Hogg et Hains, 1998). Si la notion d’affiliation doit être différenciée des affinités, les groupes d’affiliation constituent néanmoins souvent le cadre des relations affinitaires (Maisonneuve et Lamy, 1993; Moser, 1994; Bidart, 1997).

L’appréhension des relations affinitaires au travail peut être envisagée selon leur niveau d’analyse et leur manifestation. Ainsi, les affinités émergent au sein d’une dyade (entre deux individus), mais peuvent également se manifester à un niveau groupal par une agrégation des liens affinitaires des membres du groupe (Moreno, 1934). Par ailleurs, si la fréquence d’interactions a souvent constitué un élément de repérage des relations affinitaires (Granovetter, 1973), elle a été remise en cause par Marsden et Campbell (1984) qui la considèrent plutôt comme un antécédent. Certains travaux mobilisant l’approche des réseaux (Kratzer et al. 2005; Mehra et al., 2006; Parise et Rollag, 2010; Sasovova, 2006) proposent alors de saisir les relations affinitaires à travers le partage de moments sociaux à l’extérieur du travail. Le rapport à la situation de travail et au contexte organisationnel est clef dans l’appréhension des relations affinitaires au travail (Dotan, 2007).

L’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles

Les études sur l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles sont foisonnantes et fragmentées. Nous nous proposons de regrouper les travaux sur ce thème en trois grandes catégories : les études sur les comportements organisationnels des individus, les travaux sur les relations d’échange de ressources, et ceux sur la dynamique des groupes.

Premièrement, l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles peut être envisagée à l’aune des comportements organisationnels des individus. La perspective sur les « workplace friendships » révèle la corrélation positive des relations affinitaires au travail avec différents comportements organisationnels au travail : la satisfaction, l’implication, l’intention de quitter l’entreprise, l’engagement organisationnel, la performance individuelle, les comportements de citoyenneté organisationnelle et le bien être (Dotan, 2007; Hackman et Lawler, 1971; Hamilton, 2007; Riordan et Griffeth, 1995).

Deuxièmement, l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles peut être abordée sous le prisme de l’échange de ressources. Selon la théorie du capital social, les relations affinitaires sont considérées comme un moyen stratégique d’avoir accès à des ressources (Lin, 1995; Adler et Kwon, 2002). Au sein des comités de direction, les relations affinitaires entre leurs membres peuvent favoriser l’échange de conseils et d’informations (Westphal et al., 2006; Prud’homme, 2010) et influencer indirectement la prise de décision, de manière négative ou positive (McDonald et Westphal, 2003; Westphal et Bednar, 2005). Les relations affinitaires peuvent fournir aussi aux managers l’accès à des ressources et consolider leur réputation de leader auprès de leurs collaborateurs, leurs pairs ou leurs supérieurs (Mehra et al., 2006). En outre, l’analyse de l’influence des relations affinitaires sur l’accès aux ressources a été raffinée par un certain nombre de travaux, parfois contradictoires, prenant en considération l’intensité des relations affinitaires. À l’origine de cette prise en compte, Granovetter (1973) propose la théorie de la force des liens faibles dans laquelle il démontre que les liens faibles, contrairement aux liens forts, favoriseraient l’échange d’informations non redondantes et étendues, ce qui les rendrait plus avantageux. Rejeb-Kahchlouf et al. (2011) confirment cette théorie en constatant que les liens faibles peuvent favoriser l’échange de bonnes pratiques au sein d’un réseau inter organisationnel. À l’inverse, d’autres chercheurs affirment que les liens forts seraient plus bénéfiques, car ils favoriseraient l’échange d’informations tacites (Coleman, 1988), l’accès à des ressources pour les entrepreneurs (Jack, 2005) ou la création de connaissances parmi les chercheurs (McFadyen et Cannella, 2004). Enfin, pour certains, les liens forts permettraient un échange de connaissances plus complexes tandis que les liens faibles donneraient accès à des connaissances simples (Hansen, 1999; Reagans et McEvily, 2003).

Troisièmement, l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles peut être appréhendée sous l’angle de la dynamique des groupes. Dans cette approche, les travaux en management cherchent à comprendre l’influence des relations affinitaires sur la constitution, le fonctionnement, le maintien et la performance du groupe. À cet égard, Francis et Sandberg (2000) suggèrent que les relations affinitaires sont susceptibles de favoriser la formation des équipes entrepreneuriales, leur fonctionnement (en améliorant le processus de décision) et leur stabilité (en limitant le turn-over). Avec une vision plus nuancée, Dameron et Josserand (2007) expliquent quant à eux que les relations affinitaires peuvent à la fois avoir des effets positifs et négatifs sur le développement d’une communauté de pratique : si elles favorisent la formation du groupe et la participation de ses membres, elles peuvent également nuire à son développement par la constitution de sous-groupes. S’agissant plus spécifiquement du fonctionnement et de la performance du groupe, d’autres études (Shah et Jehn, 1993; Jehn et Shah, 1997) montrent que les relations affinitaires favoriseraient de manière indirecte la prise de décision et le processus de production par l’intermédiaire d’un fort degré d’engagement, de cohésion, de communication et une évaluation critique positive entre les membres du groupe. Moins positifs, Kratzer et al. (2005) avancent que les relations affinitaires sont aussi susceptibles de se matérialiser par des discussions personnelles au travail, nuisant au fonctionnement et à la performance du groupe.

Les relations affinitaires au travail constituent donc un véritable enjeu organisationnel affectant aussi bien les comportements organisationnels des individus, les relations d’échange que la formation et le fonctionnement des organisations. Il paraît donc essentiel de comprendre la manière dont les relations affinitaires se développent au travail et d’identifier les différents facteurs pesant sur son émergence.

Le développement des relations affinitaires au travail

La plupart des études en management qui se sont intéressées aux facteurs de développement des relations affinitaires dans les organisations ont mis l’accent sur des facteurs classiques, bien connus de la littérature en psychosociologie (Maisonneuve et Lamy, 1993; Moser, 1994), tels que la similitude attitudinale ou la similitude sociodémographique. Dès lors, assez peu de travaux en management se sont attachés à identifier la manière dont les facteurs fonctionnels d’une organisation pouvaient influencer les relations affinitaires. Toutefois, une approche alternative, celle des « workplace friendships » (Hackman et Lawler, 1971; Sias et Cahill, 1998; Nielsen et al., 2000; Dotan, 2007), propose d’étudier le développement des relations affinitaires directement sur le lieu de travail. Les travaux s’inscrivant dans cette approche laissent alors entrevoir plusieurs facteurs fonctionnels susceptibles de favoriser ou de freiner l’émergence de relations affinitaires.

Dans les travaux de recherche sur les « workplace friendships », le contexte organisationnel n’est alors plus un simple contenant, mais joue un rôle dans le développement des liens affinitaires (Sias et Cahill, 1998). Au regard de ce pan de la littérature (Hackman et Lawler, 1971; Sias et Cahill, 1998; Nielsen et al., 2000; Dotan, 2007), quatre facteurs susceptibles de favoriser la formation des relations affinitaires au travail ressortent : la possibilité de communiquer, celle d’établir des relations informelles entre collègues, celle de pouvoir agir collectivement pour accomplir sa tâche et celle d’être proche physiquement. De leur côté, Riordan et Griffeth (1995) suggèrent que la structure organisationnelle et la culture organisationnelle (ou celle du groupe de travail) possèdent un rôle actif dans l’émergence des facteurs susceptibles de favoriser le développement des relations affinitaires, mais sans toutefois préciser la nature de cette influence. À cet égard, il peut être intéressant de mentionner le travail de Dotan (2007), même s’il reste purement théorique. Dotan (2007) suggère que le passage de relations superficielles à des relations affinitaires sur le lieu de travail serait favorisé par une structure organisationnelle souple, s’appuyant sur des réseaux de communication informels et des normes organisationnelles favorables à l’existence de relations affinitaires. Si Berman et al. (2002) soutiennent l’idée selon laquelle les normes organisationnelles peuvent favoriser un climat propice aux relations affinitaires, ils avancent que celles-ci peuvent également chercher à freiner plus directement leur développement. En effet, les organisations peuvent développer des pratiques managériales favorables ou défavorables aux relations affinitaires en fonction de l’influence supposée des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles. À l’image de Berman et al. (2002), d’autres travaux en management ont mis en exergue des dimensions fonctionnelles susceptibles de constituer des barrières à l’émergence des relations affinitaires au travail, comme la distance hiérarchique (Mao, 2006; Boyd et Taylor, 1998).

La littérature en management se concentre principalement sur les conséquences des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles. Le fonctionnement d’une organisation peut être influencé positivement ou négativement par les relations affinitaires selon trois niveaux : les comportements organisationnels des individus, les relations d’échange de ressources et la dynamique des groupes. Une approche alternative, celle des « workplace friendships » (Sias et Cahill, 1998; Nielsen et al., 2000; Dotan, 2007) s’est également intéressée à la manière dont les relations affinitaires étaient susceptibles de se développer au sein d’un contexte de travail. Il s’agit alors de comprendre et d’expliquer les facteurs fonctionnels qui agissent favorablement ou non sur le développement et le maintien des relations affinitaires dans les organisations. Le courant des « workplace friendships » offre la vision la plus aboutie et complexe des interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles puisqu’il s’attache d’une part, à identifier les facteurs fonctionnels agissant sur le développement des relations affinitaires, et d’autre part, à comprendre les effets des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles. Cependant, du fait de l’utilisation de questionnaires, les influences sont envisagées de manière indépendante et non de façon réciproque. L’ambition de ce travail est de fournir une analyse qui dépasse la simple vision « conséquence » des relations affinitaires et qui soit susceptible d’enrichir notre compréhension des influences réciproques entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles.

Méthodologie

L’article repose sur une démarche méthodologique qualitative fondée sur l’étude de cas d’une équipe de recherche. Nous présenterons d’abord notre objet d’étude, nous détaillerons ensuite la collecte des données et nous préciserons enfin la démarche d’analyse utilisée.

L’étude de cas d’une équipe de recherche

Le choix d’une étude de cas unique

Notre choix d’opter pour une étude de cas unique se justifie par la volonté d’offrir une vision contextualisée des relations affinitaires au travail, d’une part, et l’objectif compréhensif de notre recherche, d’autre part.

Les travaux empiriques sur les « workplace friendships » (Nielsen et al., 2000; Mao, 2006; Dotan, 2007; Dickie, 2009), qui ambitionnent de réintroduire la place du contexte dans l’analyse des relations affinitaires, recourent pourtant systématiquement aux enquêtes par questionnaire ne permettant pas de comprendre de manière approfondie les spécificités du contexte de l’organisation (ses valeurs dominantes, son histoire ou encore ses projets). De plus, en procédant par questionnaire, les travaux sur les « workplace friendships » ont tendance à identifier de manière séparée les relations affinitaires et les relations fonctionnelles. Ils identifient d’abord, les facteurs organisationnels susceptibles d’influencer le développement des relations affinitaires, puis les effets des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles. De cette façon, ce courant s’attache rarement à comprendre les influences réciproques entre les relations fonctionnelles et les relations affinitaires.

Nous avons choisi de recourir à une approche contextualisée des phénomènes étudiés à partir d’une étude de cas. Ainsi, l’étude de cas permet « d’analyser un phénomène contemporain dans son contexte de vie réelle, en particulier lorsque les frontières du phénomène et du contexte ne sont pas clairement délimitées » (Yin, 2003, p.13). Cette approche nous permet ainsi de contourner deux écueils de la littérature actuelle, la non-contextualisation, en replaçant les phénomènes étudiés à l’intérieur d’un contexte de vie réelle, et l’indépendance des phénomènes étudiés, en ne considérant pas d’emblée ces phénomènes comme clairement délimités.

Les relations affinitaires au travail demeurant encore un phénomène peu étudié en sciences de gestion (Grey et Sturdy, 2007), notre étude empirique repose sur une démarche compréhensive des relations affinitaires et des relations fonctionnelles en contexte organisationnel, et interprétative dans la mesure où nous collectons les perceptions et expériences des individus au sein de ce contexte (Denzin, 2002). Plus précisément, nous nous intéressons à la manière dont les membres d’une équipe de recherche perçoivent les relations affinitaires, les relations fonctionnelles et leurs interactions au sein de leur contexte de travail.

En cohérence avec la visée compréhensive de notre recherche, nous avons décidé de recourir à une étude cas unique qui, selon Yin (2003), permet de « révéler un phénomène qui sans être rare n’était pas encore accessible à la communauté scientifique » (Hladly Rispal, 2002, p. 78).

L’équipe de recherche

Nous avons choisi d’étudier le cas d’une équipe de recherche pour des raisons instrumentale et extrinsèque puisqu’il permet d’affiner la compréhension d’un phénomène (Stake, 1994). Notre intérêt pour le cas est fort, mais secondaire, car il ne s’agit pas d’un cas rare ou extrême choisi pour lui même. Le rôle de notre cas est de faciliter la compréhension des relations affinitaires au travail et leur interaction avec les relations fonctionnelles. L’équipe de recherche constitue un cas intéressant et propice à l’étude des relations affinitaires au travail, car il s’agit d’une situation impliquant une forte collaboration entre les individus et plus particulièrement des échanges de connaissances. Dans la littérature en management, de nombreux travaux ont souligné l’importance des relations informelles et interpersonnelles dans les situations d’échanges de connaissances (Bouty, 2000; Hansen, 1999; Levin et Cross, 2004; McFadyen et Cannella, 2004; Reagans et McEvily, 2003; Tortoriello et Krackhardt, 2010). De plus, le cas de cette équipe de recherche nous parait intéressant, car il comporte des éléments organisationnels aussi bien favorables aux relations affinitaires comme l’intensité de la collaboration, que défavorables comme la différence de statut hiérarchique. Le choix de ce cas se justifie donc à la fois selon un intérêt théorique et une opportunité méthodologique.

L’équipe de recherche opère au sein d’un institut public d’enseignement et de recherche supérieur, placé sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Cet organisme est organisé autour de quatre piliers : l’enseignement, la clinique, la recherche et les relations extérieures. Les employés au sein de cette structure sont soit fonctionnaires, soit contractuels.

Nous avons choisi une équipe faisant partie d’une Unité Mixte de Recherche composée de quatre autres équipes réunissant une cinquantaine de personnes. L’équipe étudiée assure deux missions principales : le diagnostic de maladies et la recherche. Au moment de l’étude, l’équipe de recherche se compose de huit personnes : un directeur (Sylvain) et un directeur adjoint (Nabil), trois ingénieurs de recherche (Catherine, David et Gaël), deux techniciens de laboratoire (Alexia et Cédric) et une post-doctorante (Vanessa). Au niveau de la direction, le directeur (aussi responsable de l’UMR) et le directeur adjoint assurent des activités de recherche, mais également des responsabilités administratives et managériales aussi bien au niveau de l’équipe qu’au niveau de l’UMR. Ensuite, l’équipe de recherche est scindée en deux sous-groupes en fonction leur activité. Un sous-groupe est dédié à la recherche appliquée issue des activités de diagnostic. Il réunit deux ingénieurs de recherche (Catherine et Gaël) chargés de mener les recherches et de superviser les deux techniciens de laboratoire (Alexia et Cédric) qui réalisent les expérimentations. L’autre sous-groupe se consacre essentiellement à la recherche fondamentale. Il se compose d’un ingénieur de recherche (David) qui est chargé de développer des axes en recherche fondamentale et d’encadrer des doctorants et post-doctorants (actuellement, Vanessa). Notons que la scission de l’équipe en deux sous-groupes se matérialise également par leur emplacement géographique puisque ces deux sous-groupes sont situés dans deux bâtiments différents. Malgré cette double séparation (par activité et physique), les deux sous-groupes sont complémentaires et travaillent en étroite collaboration sur des projets de recherche communs comme l’exprime le directeur :

« Tous les articles au niveau du labo, c’est différent de ce qui se passe en sciences humaines, c’est vraiment un travail d’équipe, le chercheur dans son coin ça n’existe absolument plus. C’est collectif surtout en virologie parce qu’on a besoin de beaucoup d’équipement. »

Sylvain, directeur

Tableau 1

Caractéristiques des membres de l'équipe de recherche

Caractéristiques des membres de l'équipe de recherche

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Les membres de cette équipe ont des statuts hiérarchiques divers (directeur, ingénieurs de recherche et techniciens) et des caractéristiques sociodémographiques hétérogènes. En effet, nous observons une variété au niveau de l’âge et du sexe (tableau 1).

La collecte des données

L’étude de cas repose sur trois sources de données : des entretiens semi-directifs, de l’observation et des documents internes. Ces trois types de données nous ont fourni des informations précieuses, susceptibles d’être triangulées, sur le contexte dans lequel évolue l’équipe de recherche, et en particulier sur les interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles.

Nous avons réalisé un entretien avec l’ensemble des membres de l’équipe, soit huit entretiens, d’une durée moyenne d’un peu plus d’une heure. Nous avons donc interviewé le directeur de l’équipe (Sylvain), le directeur adjoint (Nabil), les trois ingénieurs de recherche (Catherine, David et Gaël), les deux techniciens de laboratoire (Alexia et Cédric) et la post-doctorante (Vanessa). Nos entretiens semi-directifs ont abordé principalement cinq grandes thématiques : 1) nous commencions par une question générale amenant l’individu à se présenter et à revenir sur son parcours professionnel jusqu’à son poste actuel; 2) nous demandions aux individus de décrire leur activité professionnelle afin de bien comprendre les métiers et les rôles de chacun dans l’équipe; 3) nous nous intéressions aussi à l’organisation du travail notamment les relations de coopération entre les différents membres de l’équipe; 4) nous basculions ensuite sur l’aspect relationnel dans l’équipe de travail pour évoluer progressivement vers l’existence et le développement de relations affinitaires entre les membres; 5) nous clôturions l’entretien par une question sur l’interaction entre les relations affinitaires sur les relations fonctionnelles au sein de l’équipe. Tous les entretiens ont été intégralement enregistrés et retranscrits.

Aussi, nous avons eu l’occasion de collecter des données par observation lors des deux journées passées au sein de l’institut de recherche, en compagnie des membres de l’équipe. Cette immersion dans l’organisation nous a donné la possibilité de partager des moments informels (déjeuner, pause-café, etc.) avec les membres de l’équipe, mais également de visualiser l’agencement spatial des locaux (site dédié à la recherche appliquée, site consacré à la recherche fondamentale, cafétéria, espace de convivialité, etc.). Si le partage de moments informels avec les membres de l’équipe nous a permis d’établir un lien de confiance avec eux, ces périodes d’immersion ont surtout été l’occasion de mieux comprendre le fonctionnement quotidien de l’équipe de recherche et d’observer l’ambiance régnant au sein de l’équipe.

Enfin, nous avons pu nous procurer des documents internes, et en particulier des articles de recherche écrits par les membres de l’équipe de recherche, qui nous ont permis de confirmer certains propos tenus lors des entretiens. 

L’analyse des données

Les données recueillies ont fait l’objet d’un codage thématique. Les deux auteurs ont procédé au codage des retranscriptions séparément, et les ont ensuite comparées pour s’assurer de la cohérence des codes retenus (Crabtree et Miller, 1999).

Dans un premier temps, nous avons procédé à un codage signalétique (Miles et Huberman, 2008) qui vise à identifier les métadonnées caractérisant la source. Cette première étape permet de décrire le contexte organisationnel, celui de l’équipe (histoire, constitution, valeurs dominantes, fonctionnement, etc.), ainsi que les caractéristiques sociodémographiques (âge, genre, etc.) et les fonctions des interviewés.

Dans un second temps, nous avons réalisé un codage thématique (Miles et Huberman, 2008). Cette méthode a été utilisée pour caractériser, d’une part, le fonctionnement de l’équipe et, d’autre part, les relations entre les membres de l’équipe, et en particulier les relations affinitaires. Alors que certains thèmes sont issus de la littérature, d’autres émergent des données. Nous procédons à une comparaison systématique entre le discours des individus afin de dégager des représentations partagées sur la manière de caractériser les relations affinitaires et les relations fonctionnelles dans l’équipe. Les relations affinitaires au sein de l’équipe ont été codées selon trois thèmes issus de la littérature : (1) les affinités dyadiques, (2) les affinités au niveau du groupe, (3) le partage d’activités de loisir hors du travail, ainsi que deux thèmes émergents : (4) le partage de moments sociaux informels au travail et (5) le degré d’autonomie des relations affinitaires par rapport au contexte de travail. Les relations fonctionnelles de l’équipe ont été codées à l’aide de quatre thèmes issus de la littérature : (1) l’intensité des relations de collaboration entre les membres, (2) la différence hiérarchique, (3) le style de management et (4) l’agencement spatial. La décision de recrutement (5) est apparue comme un code émergent du terrain. Le style de management a été caractérisé comme étant « souple » en opposition à un « management autoritaire ». Il a été précisé à travers trois sous-thèmes : (1) l’égalitarisme et la reconnaissance des collaborateurs, (2) la participation des collaborateurs à la prise de décision et (3) l’autonomie accordée aux collaborateurs.

Dans un troisième temps, nous avons réalisé un cycle de codage axial qui consiste à regrouper des thèmes et à rechercher des causes et explications (Miles et Huberman, 2008). Nous caractérisons les interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles dans l’équipe à travers les influences réciproques qui émergent des données : l’influence de facteurs fonctionnels sur le développement de relations affinitaires au travail à travers un style de management particulier (1) ainsi que la nécessité des relations affinitaires dans la formation et le fonctionnement d’une équipe (2) qui sont favorisées par la décision de recrutement (3) et l’agencement spatial (4).

Analyse des résultats

L’analyse des résultats s’organise autour de trois points : l’identification des relations affinitaires dans l’équipe, le développement des relations affinitaires favorisé par des facteurs fonctionnels, ainsi que les influences réciproques entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles.

L’identification des relations affinitaires au sein de l’équipe

Avec le temps, la multiplication des interactions entre les membres de l’équipe de recherche les amène à tisser des relations affinitaires. Parmi ces relations, la relation entre le directeur de l’équipe – Sylvain – et une ingénieure de recherche – Catherine – est frappante. En effet, ils se considèrent comme de véritables amis, à tel point qu’ils ont déjà eu l’occasion de passer leurs vacances ensemble.

« Catherine c’est même une amie, on a été en vacances ensemble. Je l’ai connue moi quand je suis arrivé là. Elle s’est mariée avec un véto que je connaissais. Ma femme et Catherine s’entendent très bien. On a des enfants du même âge. On est partis en vacances plusieurs fois. »

Sylvain, directeur

« Avec Sylvain on a commencé ensemble, pour moi c’est plus un ami, bon c’est mon chef direct. Ça fait trente ans qu’on se connaît. Et puis au début ce n’était pas mon chef non plus, on s’est fait des virées ensemble. »

Catherine, ingénieure de recherche

En plus de cette relation d’amitié entre Sylvain et Catherine, il est possible d’identifier trois autres relations affinitaires dyadiques – entre Cédric et Alexia, entre Catherine et David et entre Gaël et Cédric – qui se matérialisent notamment par le partage d’activités non professionnelles.

À cet égard, on note que Cédric et Alexia apprécient se retrouver le soir au laboratoire autour d’un jeu de société.

« Avec Cédric et Alex, on n’a pas le même âge et puis moi j’ai ma famille, mes enfants et tout. Je ne suis pas forcément disponible. Je sais que souvent, ils se réunissent pour faire des jeux de société. Bon ça ne m’attire pas, je trouve ça sympa. Je n’ai pas envie de revenir le soir au labo pour faire des jeux de société. Mais ça ne me gêne pas je trouve ça plutôt sympa de faire des choses ensemble »

Catherine, ingénieure de recherche

On constate également que Catherine et David ont déjà eu l’occasion de courir ensemble :

« La course à pied le jeudi soir, c’est vrai qu’on avait mis ça en place, car je cours beaucoup et puis voilà c’est toujours pareil vu l’hiver qu’on a eu les motivations se sont délitées. Je sens Catherine très motivée pour reprendre peut-être à partir de cette semaine. Oui on essaie d’avoir ce genre d’activités alors c’est toujours pendant le temps de travail entre guillemets, en fin de journée on se retrouve pour aller courir »

David, ingénieur de recherche

On note aussi que Gaël et Cédric participent à une activité « piscine » le vendredi midi :

« Le vendredi, on est trois ou quatre à aller à la piscine entre 11 h 45 et 13 h 15. On est deux à y aller très régulièrement. »

Gaël, ingénieur de recherche

« Il y a activité piscine pour Gaël et Cédric le vendredi midi »

David, ingénieur de recherche

S’il est possible de faire émerger quelques relations affinitaires dyadiques – plus ou moins intenses – au sein de l’équipe de recherche, le constat le plus marquant dans le discours des membres de cette équipe lorsqu’ils s’expriment sur les relations affinitaires qui caractérisent leur groupe, c’est la bonne entente. Ainsi, tous les membres de l’équipe (le directeur, le directeur adjoint, les ingénieurs de recherche et les techniciens) s’accordent à dire qu’il règne une bonne entente au sein de leur équipe.

« J’ai déjà la chance d’être dans une unité où il y a une très bonne ambiance donc globalement peu de situations délicates. Tout ce qui concerne le travail scientifique on a une bonne ambiance. »

Sylvain, directeur

« Je suis ravi de cette situation, les gens s’entendent bien, il y a une bonne ambiance, il n’y a pas de conflits personnels. »

Nabil, Directeur adjoint

« Franchement, il y a une excellente ambiance, je ne ressens aucune tension entre les collègues même si on ne va pas prendre des pots ensemble tous les soirs, on s’entend tous très bien »

David, ingénieur de recherche

« Dans l’équipe, moi personnellement j’ai la chance de m’entendre avec tout le monde et je pense pas que quelqu’un dans l’équipe vous dise je m’entends pas avec untel. »

Alexia, technicienne

Des relations affinitaires favorisées par des facteurs fonctionnels

Le développement des relations affinitaires au sein du laboratoire peut être favorisé par des facteurs fonctionnels. En effet, la bonne entente régnant au sein de l’équipe serait favorisée par la manière dont les individus sont considérés dans leur travail, et en particulier par le traitement égalitaire entre les membres de l’équipe et par la reconnaissance du travail des collaborateurs. Le fait que les supérieurs hiérarchiques (directeur ou ingénieur de recherche) considèrent le travail de leurs subordonnés évite à ces derniers de ressentir des sentiments de mépris, ce qui favorise par ricochet la bonne entente entre les membres de l’équipe.

« Au niveau de l’ambiance, on n’a vraiment pas de quoi se plaindre. On n’a jamais l’impression d’être rabaissés, car on est entre guillemets que techniciens, jamais ce genre de considération et c’est agréable, car ce n’est pas le cas dans tous les milieux et surtout pas dans la recherche. »

Alexia, technicienne

Cette manière de considérer les individus caractérise bien le style de management du directeur de l’équipe. Sa vision du leadership s’est construite en opposition au leadership autoritaire qu’il a connu – subi – par le passé en tant qu’ingénieur de recherche.

« Quand j’ai commencé, j’avais une chef d’unité qui était très hiérarchique. J’en ai un peu souffert, je ne m’entendais pas avec elle. Elle avait un mode de fonctionnement très autoritaire, la hiérarchie à la papa, maman, c’était la reine mère. Elle considérait que comme elle est chef, elle doit tout savoir, c’est stupide et impossible, tout devait passer par elle, une espèce de fonctionnement pyramidal, le chef avait raison. (…) Donc moi je ne veux pas ça »

Sylvain, directeur

En contraste avec ce style de management autoritaire, le directeur de l’équipe est donc animé par la volonté de mettre en place un fonctionnement plus démocratique au sein de son équipe. La philosophie managériale du directeur – reprise ici par le directeur adjoint – repose en partie sur une forme d’égalité de traitement entre les divers membres de l’équipe.

« Ce qui est très important c’est qu’on est dans un laboratoire où il n’y a pas de différences entre un aide de laboratoire, technicien et chargé de recherche, ingénieur de recherche, un directeur, un adjoint, tout le monde est pareil. Il faut que tout le monde soit à égalité »

Nabil, directeur adjoint

Cet égalitarisme se traduit concrètement par un processus de prise de décision participatif, qui invite les membres de l’équipe à discuter ouvertement des diverses questions relatives à l’organisation de l’équipe, et cela afin d’aboutir à un consensus. Ce mode de prise de décision s’applique à des décisions variées telles que les décisions scientifiques ou celles concernant un recrutement.

« On discute par rapport à des résultats d’expériences, on en tire des conclusions et après je pense avoir un peu plus d’expérience pour proposer certaines hypothèses. On discute ensemble, mais c’est toujours de façon très ouverte. Je suis toujours hyper réceptif par rapport à ces discussions, aux propositions. En général, on arrive toujours à un consensus, je n’ai jamais eu de conflit dans l’orientation des questions scientifiques, car chacun y trouve quelque chose dans la façon de mettre en place ces projets »

David, ingénieur de recherche

« Sylvain est là, après ça dépend de la personne qui va encadrer [le recrutement]. Je sais pas qui a le dernier mot à chaque fois, mais généralement c’est un consensus »

Alexia, technicienne

Associée à cet égalitarisme, la reconnaissance du travail des collaborateurs est également un des piliers du style de management prôné par le directeur, qui se matérialise notamment par la politique de citation des articles rédigés au sein de l’équipe. En effet, le directeur tient à ce que tous les membres de l’équipe, y compris les techniciens, ayant participé, ne serait-ce que marginalement, à la rédaction d’un article soient cités en tant qu’auteurs.

« C’est important la façon dont les gens sont considérés. (…) Les gens ce qu’ils demandent c’est la reconnaissance de leur travail et la reconnaissance en tant que personne que ça ne soit pas des numéros »

Sylvain, directeur

« J’ai été un des premiers à vouloir que tous les techniciens soient cités, ceux qui participaientau travail »

Sylvain, directeur

En plus d’inciter et de motiver les individus à réaliser un meilleur travail, cette politique de citation permet de reconnaître le travail de chacun et évite donc aux membres de l’équipe d’éprouver des sentiments de « frustration ».

« Je pense que ça marche bien, car ça motive beaucoup les gens de faire ça. Il n’y a pas de frustration, il vaut mieux en mettre trop que pas assez »

Catherine, ingénieure de recherche

Animée par un souci d’égalitarisme entre les membres de l’équipe et de reconnaissance des collaborateurs, la manière dont les supérieurs hiérarchiques considèrent leurs collaborateurs amène ces derniers à ne pas ressentir de sentiments de mépris et de frustration. En évitant l’émergence de ces sentiments négatifs, les supérieurs contribuent à la satisfaction et au bien-être individuel de leurs collaborateurs, qui se répercutent sur les relations qu’ils entretiennent avec leurs collègues, favorisant ainsi la bonne entente au sein du laboratoire.

Des relations affinitaires nécessaires au fonctionnement de l’équipe qui doivent être favorisées

Le fonctionnement de l’équipe se distingue aussi par une forte autonomie accordée aux collaborateurs. Ainsi, le directeur et les ingénieurs de recherche délèguent très facilement leur autorité à leurs subordonnés, leur laissant la liberté de réaliser leur tâche de manière autonome, mais aussi leur laissant le soin de s’ajuster mutuellement afin d’organiser leur travail à leur guise.

« Je dirais qu’on a une gestion peut-être, dans notre équipe c’est assez libre, on n’a pas de gestion autoritaire. Cédric et Alexia savent que quand il y a diagnostic, il faut le faire de façon prioritaire. Maintenant, ils s’organisent eux-mêmes dans la semaine. Je les laisse s’organiser, c’est eux qui décident du jour en fonction des autres choses à faire »

Catherine, ingénieure de recherche

« On [Alexia et Cédric] ne peut pas choisir les projets, mais dans l’organisation du travail, on est libres de s’organiser comme on veut. (…) Au niveau de l’organisation, bon nous on est libres de faire ce qu’on veut parce que Catherine et Gaël nous font suffisamment confiance. »

Alexia, technicienne

Seulement, reconnaît Catherine, l’autonomie accordée aux collaborateurs à se coordonner par eux-mêmes est un mode de régulation des acteurs qui est fonction de l’entente entre les collaborateurs : s’ils s’entendent bien, la coordination se déroulera sans heurts; s’ils s’entendent moins bien, la coordination sera plus compliquée et devra être gérée par le supérieur hiérarchique.

« Le système marche bien, car les gens s’entendent bien. Si les gens ne s’entendaient pas, il faudrait une gestion pas autoritaire, mais plus cadrée, alors que là c’est vrai ils s’entendentbien. »

Catherine, ingénieure de recherche

La bonne entente qui caractérise les relations entre les membres de l’équipe s’apparente donc à un socle sur lequel repose en partie l’organisation actuelle de l’équipe. Ainsi, si les relations affinitaires se dégradent au sein de l’équipe, c’est tout le fonctionnement actuel de l’équipe qui peut en être menacé. C’est la raison pour laquelle les membres de l’équipe mettent par ailleurs tout en oeuvre pour favoriser les relations affinitaires au sein du laboratoire.

D’abord, les membres de l’équipe cherchent à créer de moments des convivialité afin de favoriser ou de maintenir les bonnes relations entre les membres de l’équipe.

Par exemple, après la publication d’un article, les membres de l’équipe vont se retrouver et passer un moment de convivialité autour d’un pot organisé pour l’occasion.

« Souvent on arrose le papier, on se fait un petit pot donc ça aussi c’est sympa. »

Catherine, ingénieure de recherche

Autre exemple, un espace de convivialité est sciemment conservé par les membres de l’équipe pour maintenir la bonne entente qui règne dans leur unité. Malgré une séparation physique des individus induite par l’existence de deux sites dédiés à la recherche fondamentale et à la recherche appliquée, l’ensemble des membres de l’équipe peut donc se retrouver dans un espace de convivialité.

« Le café c’est important. C’est pour ça qu’on a toujours voulu qu’il y ait une pièce où les gens viennent. Des fois il y a des gens qui font des gâteaux, des trucs. Voilà c’est un espace de convivialité, c’est assez sympa. »

Gaël, ingénieur de recherche

Consacrée notamment à la pause café, cette salle est un lieu où les membres de l’équipe peuvent librement échanger sur des sujets variés, et ainsi créer ou consolider leurs liens affinitaires.

« De toute façon on se croise et puis après on se voit pour le café. Ça nous permet d’avoir des contacts. (…) C’est important parce que c’est là qu’on échange, qu’on crée des liens autres que le travail. »

Alexia, technicienne

« Ce sont des moments où on se retrouve, où on dit des bêtises, on parle de l’actualité, n’importe quoi, c’est super important. »

Gaël, ingénieur de recherche

Outre la création de moments de convivialité, les membres de l’équipe vont de manière plus surprenante mettre un point d’honneur à favoriser les relations affinitaires par le processus de recrutement. Ainsi, les membres de l’équipe vont poser le côté « sympathique » de la personne comme l’un des critères principaux du processus de recrutement, pouvant même être plus important que des critères « objectifs » tels que les diplômes.

« Au niveau du recrutement, on fait attention à ce genre de chose, le côté convivial de la personne, si on sent que la personne est un petit peu trop renfermée. À qualité égale, on prendra toujours la personne qui paraît sympathique. Bon après ce n’est pas facile de juger ça sur un entretien. »

Alexia, technicienne

« On attache beaucoup d’importance, Sylvain, Catherine et moi on a fait attention à ça. Pour les personnes qu’on a recrutées, on n’a pas forcément recherché l’excellence, celui qui avait le plus de diplômes, les meilleurs diplômes, mais c’était celui qui avait le comportement le plus sympa. »

Gaël, ingénieur de recherche

Basé sur une forte autonomie des collaborateurs, le fonctionnement actuel de l’équipe semble tributaire de la bonne entente entre les protagonistes. La détérioration des relations affinitaires serait susceptible de mettre en danger la bonne coordination entre les individus, et ainsi d’obliger les supérieurs hiérarchiques à intervenir pour encadrer davantage les actions des collaborateurs. Dans le but de protéger et de maintenir l’efficacité du fonctionnement actuel, les membres de l’équipe cherchent alors à favoriser les relations affinitaires au sein du laboratoire, en orchestrant des moments de convivialité ou en sélectionnant les nouveaux entrants sur des critères relationnels.

Discussion

Les études en management consacrées aux relations affinitaires se sont principalement attachées à expliquer leurs effets sur le fonctionnement des organisations selon différents niveaux. Les travaux en comportements organisationnels rendent compte de l’influence des relations affinitaires sur la satisfaction, l’implication, l’engagement, la performance et le bien-être des individus au travail (Riordan et Griffeth, 1995; Dotan, 2007; Hamilton, 2007). Les travaux sur les échanges de ressources montrent de leur côté les effets des relations affinitaires sur les échanges de conseils et d’informations (Westphal et Bednar, 2005; Westphal et al., 2006; Prud’homme, 2010). Les travaux sur la dynamique des groupes mettent quant à eux en évidence l’influence des relations affinitaires sur la formation et le fonctionnement d’un groupe (Jehn et Shah, 1997; Francis et Sandberg, 2000; Dameron et Josserand, 2007). Pour mieux appréhender les interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles, il est nécessaire de comprendre comment les relations affinitaires se forment dans les organisations. Or, peu d’études en management ont cherché à comprendre le développement des relations affinitaires dans un contexte de travail à l’exception du courant des « workplace friendships ». Ce dernier vise à identifier les facteurs fonctionnels qui agissent favorablement ou non sur le développement et le maintien des relations affinitaires dans les organisations. Il constitue alors l’approche la plus aboutie des interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles, puisqu’il identifie d’une part, les facteurs fonctionnels agissant sur le développement des relations affinitaires, et d’autre part, les effets des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles.

Nos résultats sont en mesure d’enrichir la littérature existante à deux niveaux : d’une part, en raffinant la littérature sur les « workplace friendships »; d’autre part, en proposant d’éclairer les influences réciproques entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles.

Dans un premier temps, les résultats de notre étude permettent d’enrichir les recherches sur les « workplace friendships » dans la mesure où ils permettent de nuancer et contextualiser l’effet de deux facteurs fonctionnels sur les relations affinitaires au sein des organisations : la proximité physique et l’existence de hiérarchie.

Alors que les travaux sur les « workplace friendships » (Dotan, 2007; Nielsen et al., 2000; Sias et Cahill, 1998) font de la proximité physique un des principaux facteurs de l’émergence des relations affinitaires dans un contexte organisationnel, notre étude propose une vision plus nuancée sur cette question. Dans notre cas, nous ne constatons pas d’influence notable de la proximité physique sur le développement des relations affinitaires au sein de l’équipe. Ainsi, induite par l’implantation spatiale des locaux, la séparation physique des deux sous-groupes – l’un dédié à la recherche fondamentale, l’autre à la recherche appliquée – n’engendre pas de préférences affinitaires à l’intérieur des sous-groupes. Elle n’entrave pas non plus l’existence de relations affinitaires entre les membres des deux sous-groupes. Ces constats s’expliquent en partie par une autre spécificité de l’agencement spatial des locaux de l’équipe : l’espace de convivialité. Ce lieu offre à l’ensemble des membres de l’équipe de recherche un espace dans lequel ils peuvent échanger librement sur des sujets divers, et par là même tisser des liens affinitaires. Par conséquent, si la proximité physique sur le lieu de travail est un facteur essentiel pour favoriser l’émergence des relations affinitaires – dans la mesure où celle-ci facilite généralement la possibilité de communiquer entre collègues, ce facteur ne semble toutefois pas inéluctable. Ainsi, on peut penser que si l’agencement spatial d’une organisation ne favorise pas la proximité physique, elle pourra tout de même voir se développer en son sein des relations affinitaires si celle-ci offre par ailleurs à ses membres un espace dans lequel ils peuvent communiquer librement.

Bien que les études sur les « workplace friendships » (Mao, 2006; Boyd et Taylor, 1998) considèrent généralement la hiérarchie comme une barrière au développement des relations affinitaires, notre travail offre une vision plus contextualisée de son influence. Dans l’équipe de recherche étudiée, nous ne notons pas de conséquences négatives de la hiérarchie sur l’émergence de relations affinitaires. L’organisation de l’équipe fait apparaître des différences hiérarchiques notables (directeur, directeur adjoint, ingénieurs de recherche et techniciens de laboratoire), mais qui n’empêchent pas, par exemple, un ingénieur de recherche (Gaël) de nouer une relation affinitaire avec un technicien de laboratoire (Cédric). Ces différences statutaires n’altèrent pas non plus la bonne ambiance générale au sein de l’équipe. Si l’émergence de ces relations affinitaires « inter-statutaires » peut s’expliquer en partie par des facteurs sociodémographiques (notamment l’âge), notre analyse nous amène à penser qu’elles peuvent également être favorisées par la culture d’équipe reposant sur l’égalitarisme et la reconnaissance; cette manière de considérer les autres étant impulsée par le responsable de l’équipe, et reprise à leur compte par les ingénieurs de recherche. Considérés d’égal à égal et reconnus dans (et par) leur travail, les ingénieurs de recherche et les techniciens ne se sentent pas statutairement inférieurs à leurs supérieurs hiérarchiques, ce qui semble favoriser l’émergence de relations affinitaires inter-statutaires. En conséquence, si la hiérarchie peut freiner le développement des relations affinitaires inter-statutaires dans les ensembles organisés, son influence effective dépendra probablement en partie de la manière d’envisager la relation supérieur-subordonnés au sein de l’entité considérée. Ainsi, les relations affinitaires inter-statutaires sont susceptibles de se développer entre des individus qui évoluent dans un contexte propice à l’égalitarisme et à la reconnaissance.

Dans un second temps, les résultats de notre étude empirique peuvent de dépasser la vision centrée sur les conséquences des relations affinitaires qui prévaut dans littérature en management. En effet, plutôt que d’en rester aux effets des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles, nous proposons d’éclaircir leurs influences réciproques, notamment au travers de deux pratiques managériales que sont la décision d’agencement spatial et le recrutement.

Sur notre terrain d’étude, nous constatons une prise en considération importante des aspects affinitaires de l’équipe dans des processus de décisions que l’on aurait tendance d’ordinaire à associer exclusivement au domaine fonctionnel. En effet, les membres de l’équipe ont décidé de préserver un espace de convivialité, où ils peuvent librement échanger, plutôt que d’en faire un espace utile pour gagner en efficacité. Encore plus notable, lorsqu’ils doivent recruter quelqu’un, les membres de l’équipe ne vont pas forcément regarder en priorité les qualifications ou les diplômes du candidat, mais plutôt jauger le côté sympathique de ce dernier. Si ces aspects affinitaires sont pris en compte de la sorte, ce n’est pas seulement pour que les acteurs évoluent dans une ambiance agréable, c’est surtout parce que les relations affinitaires entre les membres de l’équipe constituent le ciment de base de son fonctionnement actuel. Ainsi, caractérisées par une forte autonomie accordée aux collaborateurs et le recours régulier à l’ajustement mutuel, les relations fonctionnelles dépendent étroitement de la bonne qualité des relations affinitaires.

À ces égards, notre terrain d’étude offre une belle illustration des influences réciproques entre les relations fonctionnelles et les relations affinitaires : influençant le processus d’ajustement mutuel, les relations affinitaires deviennent la cible des acteurs qui cherchent à les préserver voire favoriser dans le cadre de décisions d’ordinaire associées au domaine fonctionnel. Sur notre terrain, la réciprocité observée prend sa source dans le choix de recourir fortement au mécanisme de coordination par ajustement mutuel. Ainsi, en accordant de l’autonomie aux collaborateurs et la liberté de se coordonner par eux-mêmes, le fonctionnement de l’équipe devient tributaire des relations affinitaires, ce qui amène les acteurs à mettre en place des leviers managériaux pour les maintenir. Par conséquent, nous pouvons penser que tout groupe organisé ayant fortement recours à l’ajustement mutuel sera susceptible de développer des leviers managériaux afin de préserver la qualité des relations affinitaires entre les membres d’une équipe.

Conclusion

Les études en management se sont principalement attachées à comprendre et expliquer l’influence des relations affinitaires sur les relations fonctionnelles selon trois niveaux : les comportements organisationnels des individus au travail (Riordan et Griffeth, 1995; Dotan, 2007; Hamilton, 2007), les échanges de ressources (Westphal et Bednar, 2005; Westphal et al., 2006; Prud’homme, 2010) ainsi que la constitution, le fonctionnement, le maintien et la performance d’un groupe (Jehn et Shah, 1997; Francis et Sandberg, 2000; Dameron et Josserand, 2007). En revanche, peu d’études en management ont cherché à comprendre le développement des relations affinitaires dans un contexte de travail à l’exception du courant des « workplace friendships ». Ce dernier vise à identifier les facteurs fonctionnels qui agissent favorablement ou non sur le développement et le maintien des relations affinitaires dans les organisations. Malgré cette ambition, les chercheurs de ce courant (Nielsen et al., 2000; Mao, 2006; Dotan, 2007; Dickie, 2009) ont systématiquement eu recours aux enquêtes par questionnaire ne leur permettant pas de rendre compte du contexte organisationnel dans lequel se développent les relations affinitaires.

À partir d’une étude de cas réalisée sur une équipe de recherche, notre travail a cherché à analyser les influences réciproques entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles. Principalement, notre étude avance qu’un groupe organisé ayant recours à l’ajustement mutuel sera susceptible de mettre en place des leviers managériaux pour favoriser les relations affinitaires.

Si ce travail apporte des éclairages nouveaux sur les interactions entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles, il montre également ô combien les influences réciproques sont encore méconnues. Afin de lever un peu plus le voile sur ces questions, nous proposons deux pistes de recherche, qui découlent des restrictions de notre balisage méthodologique. Premièrement, notre travail repose sur l’étude d’un cas unique qui permet de révéler les influences réciproques, s’apparentant à un « cercle vertueux », entre les relations affinitaires et les relations fonctionnelles dans une équipe de recherche marquée par un style de management « démocratique ». Il serait très intéressant de voir si une telle réciprocité peut être constatée dans un contexte organisationnel différent avec un management plus autoritaire, dans ce cas peut-être un « cercle vicieux ». C’est la raison pour laquelle nous encourageons les chercheurs en management à répliquer ce type d’étude dans divers contextes. Deuxièmement, comme notre étude empirique n’était pas longitudinale, nous n’avons pas eu l’occasion d’observer d’évolutions significatives touchant les relations affinitaires ou les relations fonctionnelles. Il pourrait ainsi être très précieux d’observer des évolutions affinitaires dans le temps, afin de voir si elles induisent des modifications fonctionnelles. C’est pourquoi nous invitons les chercheurs en management à mener des études de cas longitudinales sur ces questions.

Enfin, ce travail comporte des implications managériales en précisant l’influence des facteurs organisationnels en fonction de leur intentionnalité. En effet, certains facteurs mis en place pour favoriser les relations fonctionnelles vont influencer indirectement les relations affinitaires. Tandis que d’autres facteurs fonctionnels vont sciemment avoir pour objectif d’influencer les liens affinitaires. Ainsi, dans le sillage des travaux de Berman et al. (2002), si les managers considèrent que les relations affinitaires sont positives pour le fonctionnement de leurs équipes, ils pourront mettre en place un management « démocratique » qui favorisera de façon indirecte les relations affinitaires, ils pourront même agir plus directement par l’instauration d’espaces de convivialité et le recrutement qui permettront d’entretenir la qualité des liens affinitaires au travail.