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L’alcoolodépendance est une maladie complexe et polyfactorielle. Il est en effet difficile de considérer de manière totalement liée les divers aspects qui caractérisent l’alcoolodépendance, tels que la réaction immédiate après les premières consommations (euphorie, modifications du niveau d’éveil et des comportements), la compulsion ou l’envie parfois irrépressible de consommer de l’alcool (craving), les phénomènes de tolérance et de sensibilisation, la dépendance physique et les symptômes de sevrage [1]. Différents axes de recherche permettent néanmoins d’analyser cette hétérogénéité afin d’identifier les facteurs déterminants en cause. La génétique est en cela une voie prometteuse, bénéficiant des avancées de la recherche en épidémiologie génétique et en biologie cellulaire et moléculaire. Les progrès en imagerie (révélation de circuits impliqués dans les différents phénomènes addictifs) et en pharmacologie (implication de protéines ayant un impact thérapeutique) permettent aussi d’orienter les recherches vers des gènes spécifiques.

Génétique et alcoolodépendance

L’héritabilité de l’alcoolodépendance, au sens large (c’est-à-dire le poids des facteurs génétiques), est de l’ordre de 50 % (entre 40 % et 70 %) [2]. L’alcoolo-dépendance est donc partiellement, mais significativement, en relation avec notre génome. Cette estimation est fondée non seulement sur des études de jumeaux (une douzaine d’articles publiés à ce jour), mais aussi sur les nombreuses données issues des études d’agrégation familiale et de demi-germains.

Cependant, donner une estimation de l’héritabilité ne rend pas compte de la complexité et de la multiplicité des facteurs génétiques concernés. Ces derniers semblent en effet surtout repérables dans les alcoolodépendances à début précoce, avec comportements impulsifs (en partie via la personnalité antisociale), et seraient communs aux différentes dépendances [3]. Des facteurs de vulnérabilité génétique pourraient aussi être impliqués dans des processus situés en aval, par exemple dans les complications dépressives ou suicidaires auxquelles les sujets alcoolodépendants sont particulièrement exposés. À cet égard, les données de neuro-imagerie et de neurobiologie sont d’un apport majeur, permettant d’identifier des mécanismes, des protéines et donc des gènes potentiellement impliqués. Les données sur le rôle, initialement sous-estimé, de la sérotonine sont venues offrir de nouvelles perspectives.

Sérotonine et addiction

La dopamine joue un rôle clé dans les processus addictifs, puisque tous les produits augmentant l’activité des neurones dopaminergiques situés dans l’aire tegmentale ventrale (ATV) et se projetant dans le noyau accumbens peuvent être l’objet d’une surconsommation addictive, et que toutes les substances addictives ont en commun la capacité de provoquer une libération massive de dopamine dans ces structures mésolimbiques [4]. La dopamine est ainsi souvent considérée comme étant à l’origine de la sensation de plaisir anticipée par les sujets dépendants (renforcement positif). Néanmoins, il serait erroné de limiter à la dopamine les phénomènes neurobiologiques impliqués dans la dépendance. En effet, la voie dopaminergique est en interaction et sous le contrôle de nombreux autres neuromédiateurs, dont la sérotonine (5-hydroxytryptamine, 5-HT). De plus, la cocaïne, l’héroïne, le cannabis et l’alcool agissent non seulement sur les neurones dopaminergiques, mais aussi sur d’autres systèmes neuronaux dont le système sérotoninergique. Des études réalisées chez l’animal (mais aussi chez l’homme) ont montré que les antagonistes sérotoninergiques augmentent l’impulsivité (c’est-à-dire diminuent la capacité à différer l’action), tandis que les agonistes sérotoninergiques la réduisent. La sérotonine pourrait ainsi avoir un rôle essentiel en freinant le choix d’une réalisation immédiate du plaisir recherché (telle la reprise d’une consommation d’alcool après une période d’abstinence) au profit d’une stratégie plus longue et difficile (maintien de l’abstinence malgré une appétence toujours aussi forte, décision d’un sevrage).

Dans le système nerveux central, la sérotonine est synthétisée dans les neurones sérotoninergiques dont les corps cellulaires sont situés dans les noyaux du raphé, au niveau de la zone médiane du bulbe-mésencéphale. De ces corps cellulaires partent des axones à nombreuses collatérales dont les terminaisons se répartissent de façon diffuse dans l’ensemble du névraxe. De ce fait, la sérotonine peut être libérée dans l’ensemble des structures cérébrales, et moduler, par exemple, le rythme veille-sommeil, la prise alimentaire, la thermorégulation, la nociception, le comportement sexuel, l’impulsivité ou l’agressivité [5].

Le transporteur de la sérotonine (5-HTT) règle la concentration de sérotonine disponible dans la synapse en recaptant la sérotonine libre. Sa fonction est modulée par une insertion/délétion d’un segment de 44 paires de bases (en -1212 à -1255) dans la région du promoteur du gène qui code pour ce transporteur (Figure 1). Des études de transfection ont montré que le variant court (S) conduit à une transcription 2 à 2,5 fois plus faible que le variant long (L), et à une activité du transporteur (recapture de la sérotonine) dans les mêmes proportions [6]. Une faible activité de recapture (génotype biallélique SS) pourrait entraîner une réduction de la transmission sérotoninergique du fait de phénomènes de désensibilisation des récepteurs pré- ou postsynaptiques consécutifs à leur stimulation par la sérotonine (non recaptée) qui s’accumule dans l’espace extracellulaire.

Figure 1

Structure, localisation chromosomique et polymorphismes du gène codant pour le transporteur de la sérotonine.

Structure, localisation chromosomique et polymorphismes du gène codant pour le transporteur de la sérotonine.

Les deux allèles L et S du promoteur conduisent à des taux de transcription qui diffèrent d’un facteur 2,5 à 3 (A). Le transporteur est probablement constitué de 12 domaines transmembranaires (hydrophobes) organisés en un cylindre ancré dans la membrane plasmique (B) pour recapter la sérotonine libérée dans l’espace extracellulaire. Cette protéine est un composant clé dans l’homéostasie de la neurotransmission sérotoninergique centrale (d’après [38]).

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L’implication de la sérotonine dans les conduites addictives est par ailleurs suggérée par le fait que la cocaïne inhibe davantage la recapture de cette amine que celle de la dopamine [7]. Cette hypothèse est en outre étayée par des observations convergentes montrant que, chez les souris dont le gène codant pour le transporteur de la dopamine a été invalidé (DAT-/-), l’action appétitive de la cocaïne ne disparaît que si ces animaux sont également dépourvus de transporteur de la sérotonine (souris DAT-/-/5-HTT-/-) [8].

Addiction et polymorphisme génique de marqueurs sérotoninergiques

La transmission sérotoninergique met en jeu de nombreux composants (précurseur, enzymes de synthèse et de catabolisme, récepteurs, transporteurs, etc.) expliquant probablement l’inégalité des individus face au risque de dépendance à l’alcool [9].

Transporteur de la sérotonine

Les premières études portant sur les gènes spécifiques de la neurotransmission sérotoninergique ont justement porté sur le gène codant pour le transporteur de la sérotonine (5-HTT). Tout d’abord, T. Sander et al. [10] ont montré que l’allèle S du promoteur du gène était associé au diagnostic d’alcoolodépendance, association particulièrement importante pour les sujets sévèrement dépendants (ayant fait des complications de sevrage de type delirium tremens ou épilepsie de sevrage). Depuis cette étude, plusieurs travaux (Tableau I) ont cherché à répliquer ce résultat et à préciser le phénotype impliqué : quel est le paramètre biologique ou le trait comportemental spécifiquement en relation avec l’allèle S ? Ainsi, plusieurs équipes ont confirmé l’excès d’allèle S chez les sujets alcoolodépendants, mais uniquement chez ceux relevant de l’alcoolisme masculin de type II, caractérisé par un début précoce de la dépendance et de nombreux comportements antisociaux. Par ailleurs, une autre étude [11] impliquant l’allèle S dans la dépendance, mais à la cocaïne cette fois, semble cohérente avec ces premières données : en effet, les cocaïnomanes présentent souvent un alcoolisme de type II (il s’agit là d’une forte comorbidité addictive, ces sujets présentent souvent plusieurs dépendances). Enfin, l’implication élective, selon un autre travail [12], des consommations de type dipsomaniaque (consommation rapide de fortes quantités d’alcool) chez les sujets alcoolodépendants renvoie à la notion d’impulsivité, ce qui est cohérent avec l’idée d’une implication de la sérotonine et d’une activité plus ou moins forte de son transporteur. La dimension d’impulsivité tempéramentale a été par la suite testée plus directement. L’allèle de vulnérabilité, c’est-à-dire l’allèle S, pourrait être, selon ces trois études [10-12], plus spécifiquement impliqué dans la personnalité psychopathique, connue pour son fort risque de dépendance (21 fois plus élevé que dans le reste de la population) et pour différents traits tels que passages à l’acte impulsifs, forte recherche de sensation et faible évitement du danger.

Tableau I

Études de type cas-témoins d’association entre l’allèle S du promoteur du gène codant pour le transporteur de la sérotonine et l’alcoolodépendance, ou ses sous-types et caractéristiques.

Études de type cas-témoins d’association entre l’allèle S du promoteur du gène codant pour le transporteur de la sérotonine et l’alcoolodépendance, ou ses sous-types et caractéristiques.

(ns : non significatif)

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Faire le lien entre la vulnérabilité génétique à l’alcoolodépendance et le rôle de la sérotonine dans l’impulsivité passe peut-être par l’analyse de sous-groupes homogènes marqués par l’impulsivité, qu’elle soit tempéramentale ou comportementale. Tout d’abord, l’allèle S pourrait surtout être impliqué chez les sujets alcoolodépendants présentant des passages à l’acte impulsifs, de type suicidaire par exemple. Cette hypothèse repose sur l’existence, maintenant bien étayée, d’une corrélation négative entre la concentration du catabolite de la sérotonine (l’acide 5-hydroxyindole acétique, 5-HIAA) dans le liquide céphalorachidien et le passage à l’acte suicidaire violent. Dans ce contexte, nous avons pu mettre en évidence une relation dose/effet entre le nombre (0,1 ou 2) d’allèles S et la sévérité (létalité) ainsi que le nombre (répétition) de tentatives de suicide réalisées par des sujets alcoolodépendants [13]. Cette observation a été confirmée dans une autre population de sujets alcoolodépendants, avec une relation similaire entre la fréquence de l’allèle S de vulnérabilité et la tentative de suicide (odds ratio : 2,5, signifiant que les sujets porteurs de l’allèle S ont 2,5 fois plus de risque de faire une tentative de suicide que les sujets porteurs de l’autre allèle, L). En fait, le transporteur de la sérotonine pourrait jouer un rôle dans la tolérance initiale à l’alcool ; celle-ci est en effet l’un des marqueurs les plus fortement prédictifs d’alcoolodépendance ultérieure : en d’autres termes, les sujets qui tolèrent plus facilement l’alcool dès le début, sans que cela ne soit contaminé par le phénomène d’habituation à une consommation régulière, présentent davantage de risque de dysconsommation d’alcool par la suite. M.A. Schuckit et al. [14] ont d’ailleurs montré que l’allèle S était plus fréquent chez les apparentés de sujets alcoolodépendants ayant une forte tolérance initiale à l’alcool. Ces données renforçent l’idée selon laquelle cet allèle est un facteur de vulnérabilité, et non un facteur indirectement associé à l’alcoolodépendance.

Les résultats en faveur de l’existence d’un lien entre l’allèle S et différentes facettes de l’alcoolodépendance ne doivent cependant pas faire oublier que d’autres études cas-témoins et de liaison (réalisées sur des familles comportant plusieurs générations de sujets atteints) se sont révélées négatives. En fait, dans tous les cas peuvent interférer différents problèmes méthodologiques spécifiques aux études cas-témoins [15], dont les biais de stratification qui constituent une limitation majeure à ce type d’études [3]. Il reste néanmoins qu’un excès d’allèle S a également été retrouvé dans une population de sujets atteints par rapport à une population témoin strictement appariée pour l’origine ethnique. Enfin, il faut souligner qu’une grande étude d’association intrafamiliale, considérée comme un test de liaison en présence d’association et évitant les biais inhérents aux études cas-témoins, s’est également révélée positive : l’utilisation du TDT (transmission disequilibrium test) a permis de mettre en évidence un excès significatif (p = 0,006) de la transmission de l’allèle S des parents hétérozygotes à l’enfant atteint d’alcoodépendance [16].

Récepteurs de la sérotonine

Différents récepteurs sérotoninergiques ont également été testés, notamment le 5-HT2A, dont l’un des polymorphismes génétiques a été impliqué dans l’alcoolodépendance chez des sujets impulsifs ou violents, ou exprimant une forme inactive de l’aldéhyde déshydrogénase (ALDH), l’enzyme limitante du métabolisme de l’éthanol [17, 18]. Cependant, d’autres études n’ont pas confirmé cette association. Les études portant sur les gènes codant pour les récepteurs 5-HT2C, 5-HT5A, 5-HT7 ou l’enzyme de synthèse de la sérotonine, la tryptophane hydroxylase, ont quant à elles été soit peu convaincantes, soit négatives. Toutefois, il reste beaucoup à faire compte tenu des nombreux polymorphismes déjà caractérisés (26 à ce jour) (Figure 2).

Figure 2

Séquences en acides aminés des différentes récepteurs sérotoninergiques montrant les résidus concernés par des polymorphismes géniques chez l’homme.

Séquences en acides aminés des différentes récepteurs sérotoninergiques montrant les résidus concernés par des polymorphismes géniques chez l’homme.

Le récepteur type (fonctionnellement couplé aux protéines G) est représenté avec ses sept domaines transmembranaires. Chacun des 26 polymorphismes ci-dessous (numérotés de 1 à 26 dans la séquence) renvoie au récepteur concerné (5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT1E, 5-HT2A, 5-HT2B, 5-HT2C, 5-HT5A, 5-HT6, 5-HT7), avec l’indication des deux acides aminés possibles pour la même position dans la séquence. (1) (1-5-HT5A) Pro15Ser ; (2) (2-5-HT2A) Thr25Asn ; (3) (3-5-HT2C) Cys23Ser; (4) (4-5-HT1A) Pro16Leu ; (5) (5-5-HT1A) Gly22Ser ; (6) (6-5-HT1A) Ile28Val ; (7) (7-5-HT6) Val35Leu ; (8) (8-5-HT7) Thr92Lys ; (9) (9-5-HT6) Leu47Pro ; (10) (10-5-HT2B) Leu113Trp ; (11) (11-5-HT1B) Phe124Cys ; (12) (12-5-HT2B) Phe173Leu ; (13) (13-5-HT1B) Phe219Leu ; (14) (14-5-HT1A) Arg219Val ; (15) (15-5-HT1E) Pro267His ; (16) (16-5-HT2B) Ala248Pro ; (17) (17-5-HT7) Pro279Leu ; (18) (18-5-HT1A) Gly272Asp ; (19) (19-5-HT1E) Ser262Pro ; (20) (20-5-HT1E) Pro267His ; (21) (21-5-HT1B) Ile367Val ; (22) (22-5-HT1B) Glu374Lys ; (23) (23-5-HT2B) Arg388Trp ; (24) (24-5-HT6) Pro375Thr ; (25) (25-5-HT2A) Ala447Val ; (26) (26-5-HT2A) His452Tyr (d’après [39]).

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Les études sur le gène codant pour le récepteur 5-HT1B sont beaucoup plus riches. En effet, ce gène se situe dans un locus qui, chez la souris, a été incriminé dans l’appétence pour l’alcool mesurée à l’aide d’un test de préférence [19]. Le premier travail impliquant le gène 5-HT1B dans l’alcoolodépendance chez l’homme a été mené auprès de deux populations différentes, l’une constituée de 600 Finlandais (approche cas-témoin), l’autre de plusieurs familles amérindiennes fortement touchées par ce type d’addiction (approche de type liaison non paramétrique) [20]. Le rôle du gène codant pour le récepteur 5-HT1B semble d’autant plus vraisemblable que l’association a été mise en évidence dans ces deux populations distinctes, à l’aide de deux approches méthodologiques différentes. Les sujets alcoolodépendants recrutés (dans des prisons) ont néanmoins fait évoquer la possibilité que l’association concernait davantage les alcoolodépendants violents que les autres sujets. Récemment, une réplication indépendante de ce travail évoque le rôle d’autres polymorphismes du gène 5-HT1B (T-261G et A-161T) qui présente l’intérêt d’avoir un retentissement fonctionnel (c’est-à-dire de modifier sa capacité de liaison aux facteurs de transcription) [21]. Par ailleurs, une autre confirmation de ces données a été rapportée chez les porteurs de la forme déficiente de l’ALDH [22]. Mais il convient d’être prudent puisque cinq études négatives ont également été publiées.

Conclusions

Même s’ils ont un rôle modéré (héritabilité de poids limité) et non spécifique (les facteurs génétiques impliqués dans les addictions semblent peu spécifiques des substances), les facteurs génétiques ont un impact réel sur la manière dont on rencontre l’alcool, c’est-à-dire sur le risque de développer une dépendance. Les premières expériences avec l’alcool vont en effet conduire quelquefois à une abstinence totale, souvent à une consommation sporadique, parfois à une prise d’alcool régulière et contrôlée, et plus rarement à un abus ou à une dépendance. Les études de génétique moléculaire ont très vite porté sur la recherche d’expérience, d’apprentissage et de plaisir, et sur l’effet renforçant de la prise de toxiques, essentiellement en rapport avec la dopamine. La deuxième piste explorée a concerné la sérotonine, et son implication dans la capacité de différer l’action, l’impulsivité et le passage à l’acte.

Jusqu’à présent, les travaux menés chez les sujets alcoolodépendants ont surtout analysé le gène codant pour le transporteur de la sérotonine. Si l’on peut s’interroger sur le nombre non négligeable de résultats négatifs concernant l’association des polymorphismes de ce gène avec divers phénotypes directement ou indirectement liés à l’alcoolodépendance, on doit relever certains résultats significatifs suggérant une augmentation du risque chez les sujets porteurs de l’allèle S du gène codant pour le transporteur de la sérotonine. L’amplitude relativement modérée de cet effet (+ 31 %) suffit probablement à expliquer pourquoi des études négatives ont également été rapportées.

Par ailleurs, le fait que l’allèle S de vulnérabilité à l’alcoolodépendance du gène codant pour le transporteur de la sérotonine soit aussi associé à la dépendance au tabac et à la cocaïne (indépendamment de l’alcool) souligne combien est important le concept d’addiction, au-delà de toute dépendance à une substance spécifique. Le poids modéré de l’héritabilité de l’alcoolodépendance, la diversité des gènes impliqués et la complexité des entités « alcoolodépendance » et « addiction » expliquent pour une grande part l’hétérogénéité des résultats publiés jusqu’à présent.

C’est cependant par l’analyse de l’impact, même modéré, de gènes impliqués dans une maladie aussi complexe que l’alcoolodépendance que la génétique peut contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes étiopathogéniques intégrant à la fois le concept d’une vulnérabilité stable et héritée et la rencontre instable et évolutive entre un sujet et une substance addictive. On peut envisager que la connaissance de plus en plus élaborée de dimensions tempéramentales comme la recherche de sensation et l’impulsivité, et le développement de modèles animaux de plus en plus pertinents, révèleront de nouveaux gènes candidats véritablement impliqués dans l’alcoolodépendance. La recherche d’antécédents familiaux chez des sujets alcoolodépendants, évaluation indirecte des facteurs génétiques, fait partie de l’investigation systématique dans la prise en charge de malades alcoolodépendants. Un âge de début plus précoce, une tolérance initiale plus forte et des liens plus indirects avec dépression et anxiété font partie des caractéristiques de cette sous-population de sujets alcoolodépendants.