Corps de l’article

p53 : cancer ou neurodégénérescence ?

La protéine p53 joue un rôle essentiel de suppresseur de tumeur en tant que facteur de transcription au niveau du noyau. p53 est cependant également exprimée dans les neurones du cerveau. Dans ces cellules qui se divisent peu, sa surexpression entraîne la mort neuronale. En 2000, il avait été montré que p53 pouvait se lier à la huntingtine mutée (mHtt), protéine qui, lorsqu’elle présente des répétitions de polyglutamine, est responsable de la maladie de Huntington [1]. Le groupe de A. Sawa vient de confirmer ce résultat [2]. Ils ont montré en outre que p53 est également augmentée dans le cerveau de souris surexprimant la Htt mutée et dans le cortex et le striatum de patients atteints de maladie de Huntington. Ils ont observé par ailleurs que les niveaux de p53 nucléaire et son activité transcriptionnelle étaient augmentés dans des cellules PC12 exprimant la mHtt, et cela de manière spécifique, puisque l’ataxine-1 n’a pas d’effet et que l’effet de la mHtt était bloqué en présence de pifithrine-α, un inhibiteur de l’action de la p53, ou bien en présence d’ARN interférents de p53. Les mêmes outils ont permis de montrer que l’augmentation de p53 était liée à une dépolarisation marquée des membranes mitochondriales sans que la protéine modifie l’apparition - sur neurones corticaux en culture - des corps d’inclusion dont le rôle pathologique a été récemment remis en cause [3]. Enfin, l’invalidation du gène de p53 supprime la dégénérescence des photorécepteurs chez les mouches mHtt-Tg et améliore certains déficits moteurs chez la souris mHtt-Tg/p53-/-. Ces résultats ont peut-être un intérêt général dans le domaine des maladies neurodégénératives, puisque des concentrations élevées de p53 sont mesurées dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, ou dans le cortex moteur et les neurones spinaux en dégénérescence dans la sclérose latérale amyotrophique, et que des dysfonctionnements mitochondriaux sont très vraisemblablement impliquées dans la maladie de Parkinson. Il reste cependant de nombreuses questions sans réponse. En voici deux : comment des protéines d’expression aussi ubiquitaire que p53 et la huntingtine sont-elles responsables de déficits aussi restreints à certaines régions cérébrales, le striatum en particulier ? Enfin, comment envisager d’utiliser une invalidation de p53 lorsqu’on sait que les souris p53-/- développent une tumorigenèse massive à partir de l’âge de 6 mois ?

L’ANP ne produit hypotension et hypovolémie que si ses récepteurs endothéliaux sont conservés

L’ANP (peptide auriculaire natriurétique), après liaison à son récepteur A (ANPR-A), active le domaine guanylate cyclase du récepteur entraînant la synthèse de GMP cyclique. Plusieurs événements s’ensuivent, dont l’inhibition du système rénine-angiotensine, l’augmentation de la filtration glomérulaire, la diminution de la réabsorption tubulaire de sodium, la relaxation du muscle lisse des vaisseaux, la diminution de la soif et l’augmentation de la perméabilité capillaire, tous ces effets conduisant à la diminution du volume plasmatique et à l’hypotension artérielle. Le récepteur A est exprimé dans tous les tissus cibles, en particulier le glomérule et le tubule rénal, le muscle lisse et l’endothélium vasculaire. La question posée est de savoir quelles sont les parts respectives des effets précédemment énumérés dans le résultat final. K. Sabrane et al. [4] viennent de montrer que les récepteurs endothéliaux tenaient un rôle indispensable en contrôlant la perméabilité aux protéines plasmatiques. Ils ont pour cela invalidé sélectivement ANPR-A dans l’endothélium en utilisant un système de recombinaison dans lequel les souris dont le gène ANPR-A est flanqué de deux sites loxP expriment normalement le récepteur et servent de témoins, mais où celles porteuses en outre du transgène Tie2-Cre ne l’expriment plus dans l’endothélium. Les vaisseaux des souris invalidées (ANPR-A KO) se dilatent normalement in vitro en présence d’ANP. Les ANPR-A KO sont hypertendues. De plus, leur coeur est hypertrophié et leur débit cardiaque élevé comme le montre l’échocardiographie. Leur volume plasmatique, mesuré par la dilution du Bleu Evans, est augmenté. Tous ces symptômes résistent à l’ingestion d’un régime pauvre en sel. L’équilibre hydro-électrolytique reste préservé comme en témoigne la mesure de la prise alimentaire et de l’excrétion rénale d’eau et de sodium. Afin d’étudier la perméabilité endothéliale, l’hématocrite fut mesuré avant et après administration intraveineuse d’ANP. Alors qu’il augmenta chez les souris témoins, traduisant ainsi le transfert d’eau vers le milieu interstitiel, il resta inchangé chez les ANPR-A KO. Une autre preuve du trouble de la perméabilité endothéliale chez les souris invalidées est apportée par l’étude de la courbe de décroissance plasmatique d’albumine marquée par le 125I, plus rapide chez les témoins que chez les ANPR-A KO et par la mesure de la rétention tissulaire du traceur, plus élevée chez les ANPR-A KO. Le mécanisme même de l’effet de l’ANP sur la perméabilité endothéliale n’est pas abordé (changement dans le transport des protéines par diffusion et convection à travers les jonctions intercellulaires ou dans le transport transcellulaire). En outre, la perméabilité vasculaire n’a été appréciée que par des méthodes indirectes. Malgré ces remarques, le rôle indispensable de l’endothélium dans les effets de l’ANP paraît assuré, ce qui conduit à s’interroger sur l’implication des lésions de l’endothélium dans les maladies cardiovasculaires.

Nicotine : pour l’addiction et la cognition, la VTA, c’est la région

Un million de personnes sont susceptibles de mourir dans l’année des conséquences de l’addiction au tabac, mais la nicotine améliore également les performances cognitives [5]. Ces effets dépendent de la liaison de la drogue sur son récepteur cérébral. Ce récepteur est un canal ionique pentamérique, formé à partir de sous-unités α2 à α10 et β2 à β4, qui reconnaît l’acétylcholine en tant que médiateur endogène, mais également les agonistes et antagonistes de la nicotine. L’aire tegmentale ventrale (VTA) est une structure du mésencéphale qui contient des neurones dopaminergiques et qui est impliquée dans les propriétés addictives de nombreuses drogues, y compris la nicotine. Il y a une dizaine d’années, l’équipe de J.P. Changeux avait montré, à l’aide d’une souris invalidée pour ce gène, que la sous-unité β2 du récepteur nicotinique, la plus exprimée dans le cerveau, était nécessaire pour les propriétés addictives et cognitives de la nicotine [6]. Cette même équipe vient de montrer que l’injection d’un vecteur lentiviral exprimant simultanément la sous-unité β2 et la protéine verte fluorescente dans la VTA suffisait pour restaurer : (1) l’expression des récepteurs au niveau de la VTA et du noyau accumbens ; (2) la stimulation par la nicotine de l’activité électrique des corps cellulaires dopaminergiques dans la VTA et la libération de dopamine à partir de leurs terminaisons dans le noyau accumbens ; (3) la capacité des souris de s’auto-administrer de la nicotine dans la VTA et de récupérer un comportement exploratoire dans un champ ouvert circulaire [7]. Ces résultats spectaculaires confirment l’importance des neurones de la VTA dans les comportements addictifs. Ils posent le problème de la fonction des autres récepteurs nicotiniques à sous-unités β2 présents dans le cortex et l’hippocampe des souris sauvages. On peut cependant noter que l’auto-administration de nicotine a été testée directement dans la VTA et qu’il reste à montrer qu’une administration par voie sanguine aurait le même effet. Enfin, le fait que les propriétés cognitives et addictives de la nicotine passent par les mêmes neurones laisse aux pharmacologues peu d’espoir de pouvoir les séparer.

Les cellules du rein (et non celles de la moelle osseuse) reconstituent l’épithélium tubulaire

L’ischémie rénale produit nécrose et apoptose des cellules tubulaires suivies de la régénération de nouvelles cellules associée à la récupération fonctionnelle. Deux articles [8, 9] viennent de montrer que les cellules qui prolifèrent ne proviennent que pour une faible part de la moelle osseuse. Elles ont pour origine, soit les cellules souches rénales, soit les cellules tubulaires matures qui se dédifférencient pour se redifférencier à nouveau. Ces résultats renforcent le rôle attribué aux cellules résidentes dans la réparation du tissu rénal aux dépens des cellules apportées par la circulation ((→) m/s 2005, n° 8-9, p. 679).

Dans le premier travail, J.S. Duffield et al. [8] ont créé des souris chimères par irradiation de souris sauvages, puis injection chez ces animaux de cellules de la moelle osseuse de donneurs exprimant le gène de la protéine fluorescente verte (GFP, green fluorescent protein) ou celui de la β-galactosidase, ou enfin de donneurs mâles, si les receveurs étaient des femelles, de telle sorte que les cellules injectées puissent être facilement reconnues. Six semaines plus tard, le rein gauche des souris chimères fut soumis à une ischémie de 30 à 45 minutes. Les animaux furent sacrifiés et leurs reins examinés du 2e au 21e jour suivant l’ischémie. On constata que la GFP n’était exprimée que dans quelques cellules interstitielles, pour plus de 99 % des leucocytes, mais ne l’était dans aucune cellule tubulaire si ce n’est de manière artéfactuelle. En revanche, beaucoup de cellules tubulaires exprimaient l’antigène nucléaire de prolifération cellulaire, traduisant la multiplication rapide de ces cellules. Afin de confirmer l’absence de rôle de la moelle, les auteurs ont purifié les cellules souches mésenchymateuses à partir de la moelle des donneurs. L’injection de ces cellules apporta une amélioration fonctionnelle avec baisse de la créatininémie, mais on n’observa aucune différenciation de ces cellules en cellules épithéliales tubulaires rénales. Les résultats de F. Lin et al. [9] vont dans le même sens, confirmant que les cellules réparatrices sont des cellules intrinsèques du rein. Pour cela, ces auteurs ont utilisé des souris transgéniques exprimant fortement le gène de la GFP dans les cellules épithéliales tubulaires rénales de façon permanente et spécifique. Ces souris furent obtenues par croisement de souris exprimant le gène de la GFP en aval de celui de la β-galactosidase flanqué de deux sites loxP et de souris exprimant le gène de la Cre-recombinase sous le contrôle du promoteur de la Ksp-cadhérine, spécifique du tissu rénal. Après une expérience d’ischémie-reperfusion, on constata que les cellules marquées par la GFP incorporaient la bromodésoxyuridine (BrdU), traduisant ainsi la synthèse d’ADN. Elles exprimaient également la vimentine, un marqueur des cellules épithéliales indiquant que les cellules participant à la réparation provenaient de l’épithélium rénal. Des souris femelles furent greffées avec la moelle de donneurs mâles. On observa, 28 jours après l’épisode d’ischémie, que 89 % des cellules se multipliant étaient des cellules du receveur, 11% seulement provenant du donneur. Ces dernières cellules étaient pour l’essentiel interstitielles (81 %) et pour une faible part glomérulaires (10,6 %) ou épithéliales (8,4 %). Aucune amélioration de la fonction rénale ne fut observée après transplantation de moelle. On peut même craindre que l’apport de cellules inflammatoires dans l’interstitium rénal n’ait favorisé le passage à la fibrose.

L’hormone de croissance n’améliore pas la performance physique chez le sujet sain

Bien que l’hormone de croissance (growth hormone, GH) soit très à la mode chez les sportifs de haut niveau, il n’existait pas vraiment d’étude validée quant aux effets réels d’un tel traitement. Une équipe suédoise a donc recherché si une supplémentation en GH avait réellement des effets sur la capacité à l’exercice (bizarrement, ils ont choisi un test sur cyclo-ergomètre…) [10]. Il s’agit d’une étude en double aveugle versus placebo durant laquelle le traitement était administré pendant 28 jours. Les 30 sujets (15 hommes et 15 femmes, jeunes, actifs, en bonne santé et volontaires) étaient recrutés par petites annonces dans la population générale. Après randomisation, ils recevaient soit une dose faible (0,033 mg/kg/jour), soit une dose élevée de GH (0,067 mg/kg/jour), soit du placebo. De manière tout à fait intéressante, aucun effet de l’hormone de croissance, quelle que soit la dose, n’a été observé sur la VO2max ou la puissance développée au cours de l’exercice. La pression artérielle, la fréquence cardiaque ou l’électrocardiogramme aussi bien au repos qu’au cours de l’exercice n’étaient pas non plus modifiés. En revanche, la GH augmentait de façon significative le poids corporel (p = 0,028), cet effet étant principalement lié à une augmentation du volume extracellulaire. Bien que l’effet sur la masse musculaire n’atteigne pas la significativité, ce paramètre était corrélé avec les performances, peut-être en fonction d’un entraînement d’intensité différente en fonction des sujets. En conclusion, soit les dopés prennent des doses encore plus importantes et pendant plus longtemps, soit le dopage est inefficace… Des sujets de réflexion pour 2008… et 2012 !

Prédispositions génétiques aux lombalgies

Les hernies discales (LLD, lumbar disc disease) sont cause de lombalgies et de sciatiques. Une prédisposition familiale a été confirmée par de nombreuses études, en particulier chez des jumeaux monozygotes [11, 12]. Des analyses familiales ont mis en cause plusieurs gènes. Les constituants de la matrice extracellulaire, abondante dans le nucleus pulposus, ont un rôle majeur dans le maintien des disques intervertébraux. Des mutations des gènes codant les collagènes de type II et IX, COMP (cartilage oligomeric matrix protein) ou l’agrécane peuvent être à l’origine de dégénérescence des disques intervertébraux. Mais une étude récente vient de souligner le rôle du TGFβ dans cette maladie. À partir d’une base informatisée des SNP (single nucleotide polymorphisms) au Japon, un groupe nippon a exploré une vingtaine de nouveaux gènes candidats. En étudiant les déséquilibres de liaison pour plusieurs centaines de malades et de témoins, ils ont mis en évidence une association entre des LLD et la mutation 1184 T->C dans le gène CILP qui code la protéine de la couche intermédiaire du cartilage (cartilage intermerdiate layer protein) [13]. Cette mutation entraîne un changement d’acide aminé I395T dans la région amino-terminale très conservée au cours de l’évolution de la protéine CILP. On sait que des protéines de la matrice extracellulaire régulent les facteurs de croissance, en particulier le TGFβ dans les disques intervertébraux. Des études in vivo chez le lapin et in vitro ont montré qu’effectivement CILP se lie à la forme active du TGFβ1 et qu’il module l’action du TGFβ dans les disques intervertébraux. La mutation 1184 T->C aurait un effet inhibiteur et perturberait le contrôle du TGFβ1 sur le métabolisme des chondrocytes et le maintien des disques intervertébraux. Le même groupe japonais avait aussi précédemment démontré que l’asporine, une protéine EMC (extracellular matrix) exprimée abondamment dans le cartilage articulaire, inhibait l’activité du TGFβ et que des perturbations pouvaient modifier le métabolisme du cartilage articulaire et entraîner une prédisposition à des atteintes ostéoarticulaires [14]. Ce nouveau travail souligne l’importance du TGFβ dans le maintien du tissu conjonctif et apporte l’espoir que des agents capables d’agir sur le système TGFβ1-EMC pourraient offrir de nouveaux moyens thérapeutiques pour les LLD. Puisque cette étude reste limitée au Japon, il reste encore à rechercher des mutations dans d’autres populations du globe en lien avec une prédisposition aux LLD.

L’urbanisation en Amérique latine : pauvreté et obésité

Le développement de l’obésité, surtout chez les femmes, est un phénomène général de toutes les grandes villes d’Amérique latine [15]. La proportion maximale est observée en Jamaïque (33 % d’obèses, 29 % de pré-obèses), seul Haïti y échappe encore. Des mères obèses, mais cependant anémiques ont des enfants dont la malnutrition est évidente ; ils seront obèses, eux aussi, avec le risque pour tous de conséquences pathologiques sévères : hypertension, diabète, dyslipidémie. Le phénomène est suffisamment inquiétant pour que les causes en soient recherchées. Elles sont d’abord économiques et liées à la migration urbaine de millions de ruraux. Partout s’est développée la vente dans la rue de produits bon marché, le plus souvent gras, et de fritures. En 1965, en Argentine, toutes les catégories de population avaient un régime équilibré comprenant viande, produits laitiers, fruits ; en 1990, le régime des plus pauvres est réduit à 22 produits de base, avant tout riches en sucre et en matières grasses. Une autre analyse montre qu’en 1970 les dépenses alimentaires s’élevaient à 45 % du budget, elles représentent actuellement 67 % des dépenses, et le « panier idéal » qui assurait la nourriture d’un mois pour une famille n’est plus valable que pour 20,7 jours. Malheureusement, l’industrie en a profité, ou s’est adaptée, et les produits les moins onéreux sont aussi ceux de moindre valeur nutritive. Il faut ajouter à ces causes majeures le fait que la vie urbaine comporte sûrement moins d’occasions d’exercice, que les enfants, comme partout, passent des heures devant la télévision, que les femmes à la vie encore plus sédentaire, se nourrissent encore plus mal pour privilégier le travailleur et les enfants. La gravité du problème ne doit pas être sous-estimée, ses conséquences pathologiques peuvent devenir graves et lourdes économiquement parlant. Une éducation du public en matière de nutrition est essentielle, scolaire, par les médias, par les travailleurs de proximité, médecins ou travailleurs sociaux. Des mesures devraient aussi être prises pour l’accessibilité à bas prix de produits nécessaires, fruits, poisson, produits laitiers partiellement écrémés par exemple, et la création de banques alimentaires. C’est un problème d’urgence.

Les gènes Fox… trottent pour le foie !

Le foie est issu du feuillet endodermique. Deux éléments concourent à la différenciation correcte de ce feuillet : des facteurs intrinsèques aux cellules qu’il contient et des signaux provenant des tissus avoisinants. Ainsi, l’endoderme primitif acquiert, à une étape définie du développement, une capacité à répondre à des facteurs extrinsèques comme le fibroblast growth factor (FGF). Néanmoins, les gènes impliqués dans l’acquisition de cette compétence ne sont pas identifiés. Les facteurs de transcription Foxa apparaissaient pourtant de bons candidats. En effet, l’expression de ces gènes précède l’induction du programme hépatique induit par le FGF et les trois protéines Foxa1-3 semblent capables de déplacer les nucléosomes présents dans la région de régulation de gènes spécifiquement hépatique avant leur activation. Les animaux mutés pour le gène Foxa1 meurent dans les deux premières semaines de vie avec un foie normal. Les animaux invalidés pour Foxa2 meurent précocement après la gastrulation avec des défauts de formation de la notocorde notamment et, enfin, les animaux dépourvus de Foxa3 ont un foie histologiquement normal. Afin de déterminer si ces gènes étaient responsables de cette spécification hépatique précoce, il était donc nécessaire, d’une part, de créer un mutant conditionnel du gène Foxa2 et, d’autre part, de tester les invalidations deux à deux. C’est ce qu’une équipe de Philadelphie (Pennsylvanie, États-Unis) vient de faire en croisant différentes lignées mutantes entre elles [16]. Les animaux dépourvus à la fois de Foxa1 et Foxa3 n’ont grossièrement pas d’anomalies hépatiques. Ont également un foie normal les animaux dont l’expression de Foxa est correctement maintenue dans la notocorde et le tube neural, mais absente uniquement de l’endoderme dès 8,5 jours de vie embryonnaire (animaux porteurs de deux allèles floxés[1] pour le gène Foxa2 et d’un transgène exprimant la recombinase Cre sous la dépendance du promoteur de Foxa3). En revanche, aucun double mutant à la fois déficient en Foxa1 et en Foxa2 endodermique n’a pu être obtenu après croisement, suggérant une létalité au cours de l’ontogenèse. L’analyse des embryons doubles mutants au cours du développement ne révèle rien d’anormal à 8,5 jours, une petite taille à 9,5 jours puis une absence de formation du bourgeon hépatique, renforcée par une absence d’expression de l’α-foeto-protéine. Afin de confirmer l’hypothèse d’une implication de ces deux gènes Foxa1 et Foxa2 dans la spécification du foie, les auteurs ont utilisé une approche d’induction in vitro d’un explant embryonnaire par le FGF. Alors que les gènes hépatiques de l’albumine ou de la transthyrétine sont induits dans les explants d’animaux déficients en Foxa1 et Foxa2, aucune expression n’est retrouvée chez les doubles mutants. L’invalidation d’autres facteurs comme Hex, HNF4α ou HNF1β et HNF6 avait également entraîné des anomalies de développement hépatique, mais plus tardives que dans le cas présent. Il s’agit donc de la première description de mutants totalement dépourvus de développement hépatique, suggérant que les protéines Foxa sont les initiateurs de la compétence hépatique de l’endoderme.

Les demoiselles des Açores portent bien leur nom !

L’archipel des Açores était jusqu’à présent essentiellement connu du grand public pour son anticyclone. Il est désormais le symbole de la suprématie féminine… chez la demoiselle ! La demoiselle est un insecte apparenté à la libellule mais qui présente des ailes repliées sur son dos au repos. Une équipe, intriguée par une observation datant de plus de dix ans ne décrivant que des libellules Ischnura hastata de sexe féminin sur cet archipel, a examiné 330 spécimens adultes provenant de 15 localités différentes pour aboutir à la même conclusion [17]. Un échantillon de larves ramené au laboratoire a permis d’obtenir 1 900 individus, et parmi eux, point de mâle ! Pourtant Ischnura hastata ne dédaigne pas la reproduction sexuée en Amérique du Nord ou du Sud ! On peut comprendre que la parthénogenèse soit choisie comme moyen de reproduction efficace dans des conditions difficiles d’implantation insulaire. On comprend moins bien, en revanche, pourquoi ce mode de reproduction perdure quand l’espèce est robustement implantée sur le territoire. Une prédisposition avait déjà été suggérée chez Stylurus oculatus, une libellule dont on peut induire artificiellement ce procédé reproductif. Par ailleurs, un sex-ratio très déséquilibré en faveur des femelles de demoiselles Nesobasis rufostigma avait également été décrit dans certaines régions aquatiques des îles Fidji et il n’avait pas été trouvé de mâle pour deux autres espèces rares de demoiselles sur ces mêmes îles. Néanmoins, c’est la première fois qu’une parthénogenèse est démontrée chez des Odonates dans leur milieu naturel. Les demoiselles des Açores permettront-elles de réhabiliter cette terminologie devenue désormais bien désuète ?

Éloge de la différence au pays du génome humain

Encore récemment, il était admis que la différence génétique entre deux humains non apparentés ne portait que sur 0,1 % de leur génome, essentiellement sur de petits polymorphismes parsemés toutes les 1 000 bases. Ce fondement fut un peu ébranlé l’an passé lorsque deux études démontrèrent l’existence de larges variations, impliquant des dizaines ou même des centaines de kilobases [18, 19]. La plupart des études visant à chiffrer ces variations inter-individuelles étaient jusqu’alors fondées sur une approche dite de CGH array (hybridation génomique comparative). Une stratégie différente et plus résolutive vient de faire définitivement s’effondrer l’illusion de notre quasi-identité génétique [20]. Les auteurs ont en effet comparé les extrémités des inserts d’une banque d’ADN humain introduite dans des fosmides au génome humain de référence. Parité oblige, alors que cet ADN de référence provient majoritairement d’un individu mâle, cette fois la banque d’ADN fut issue d’une femme anonyme nord-américaine ! En ne séquençant que les extrémités d’insertions qui ont en moyenne 30 à 40 kilobases, il est possible de détecter rapidement les discordances d’espacement et d’orientation entre les deux génomes, et donc d’identifier ainsi des divergences structurales de relativement petite taille. Plus de 250 variations dépassant 8 kb ont ainsi été mises en évidence dont 139 insertions, 102 délétions et 56 inversions. Parmi celles-ci, plus de 80% n’avaient encore jamais été identifiées. Si la distribution de ces variations structurales est assez homogène et ubiquiste, deux biais doivent néanmoins être soulignés : les régions dupliquées, qui ne représentent que 5,3% du génome et pourtant 55% des variations détectées, et les régions de gènes appartenant à des familles multigéniques. Dans ce dernier cas, il est probable que le mécanisme sous-tendant la variabilité est la recombinaison non allélique entre deux séquences homologues. Pourquoi, après avoir fourni un effort collectif important pour identifier ce qui nous unit, chercher maintenant à caractériser ce qui nous sépare ? En réalité, pour un même motif essentiel : mieux comprendre la pathologie humaine. En effet, ces variations de séquence touchent majoritairement des gènes impliqués dans des réponses adaptatives à l’environnement, comme les gènes de détoxication, de réponse immunitaire innée, ou des facteurs de risque. C’est donc tout un champ médical qui peut être appréhendé par ces études, celui des maladies multifactorielles et des susceptibilités modulées par les facteurs environnementaux. Les nouvelles bases de données faisant l’éloge de nos différences et donc de la dynamique de notre génome (http://projects.tcag.ca/variation ou http://www.humanparalogy.gs.washington.edu/structuralvariation) constitueront donc à l’avenir un outil de sélection a priori des régions potentiellement impliquées dans ces affections.

Un transcrit unique pour spécifier le comportement sexuel de la drosophile

La drosophile mâle ne ménage pas ses efforts pour séduire une femelle : vibrations musicales des ailes, danse des pattes, enroulement de l’abdomen ! Bref un rituel complexe et rodé ! Deux équipes, l’une autrichienne et l’autre américaine, viennent de démontrer dans des revues aussi prestigieuses que Nature et Cell qu’un seul transcrit semblait responsable de cette parade nuptiale [21, 22]. Parmi tous les gènes qui ont été impliqués dans le comportement spécifique amoureux, le gène fru (fruitless) possède un transcrit spécifiquement masculin fruM issu d’un épissage alternatif. fruM est exprimé dans environ 2 % des neurones du système nerveux central dont au moins un compartiment coordonne le comportement prénuptial. Les mutations qui éliminent l’expression de l’ensemble des produits du gène fru sont létales. Les deux équipes ont donc procédé à l’invalidation de fruM chez la drosophile, sans altérer les autres produits du gène. Aucune autre anomalie morphologique - à l’exception de l’absence d’un petit muscle abdominal qui pourrait éventuellement faciliter la fin de la copulation - ni comportementale n’est notée chez les mâles mutants. Pourtant ces derniers n’ont plus aucun intérêt vis-à-vis des femelles. Ce transcrit spécifiquement masculin semble donc requis pour courtiser les femelles en bonne et due forme. Et qu’advient-il si ce sont les femelles qui sont amenées à exprimer fru? Alors qu’aucune anomalie génitale n’est notée, elles présentent une baisse de leur fertilité, uniquement due à une diminution de leur comportement reproductif. Rien d’étonnant puisqu’elles passent leur temps à courtiser d’autres femelles… Le transcrit spécifiquement masculin du gène fru est donc nécessaire et suffisant pour induire un comportement sexuel masculin. Les auteurs sont allés encore plus loin : on savait en effet que des mâles féminisés par l’expression ectopique de tra (transformer) produisent une phéromone femelle et deviennent donc des objets de convoitise pour les mâles. Que se passe-t-il lorsque l’on met ensemble des mâles ainsi mutés avec des femelles qui portent le transcrit masculin du gène fru ? Le comportement sexuel est totalement inversé et ce sont cette fois les femelles qui courtisent les mâles. Ainsi, cet « obscur objet du désir » ne tiendrait donc qu’à un gène…

Des microARN pour l’autorenouvellement des cellules souches

Ils étaient impliqués dans le contrôle du développement, dans l’oncogenèse ((→) m/s 2005, n° 8-9, p. 687) ; on les savait présenter un profil d’expression spécifique aux cellules souches embryonnaires [23] ; les voilà désormais responsables de l’autorenouvellement de certaines cellules souches : les microARN sont décidément partout ! Les microARN (miARN) et les short interferingRNA (siARN) sont apprêtés par une RNAse double brin appelée Dicer. Chez la drosophile, il existe deux isozymes de cette protéine : dicer-1 (dcr-1), plutôt attribuée aux miARN et dicer-2 (dcr-2) plutôt spécifique des siARN. Alors que l’invalidation du gène dcr-2 dans l’ovaire de drosophile n’a pas de conséquence sur le développement des cellules souches germinales (CSG) de la drosophile, celle de dcr-1 entraîne une diminution drastique du nombre d’oeufs dans les chambres du germarium. Si les gamètes produits sont donc moins nombreux, ceux qui restent sont en revanche normaux et seul le compartiment souche paraît touché par la mutation de dicer [24]. L’équipe américaine (Seattle, WA) à l’origine de ce travail a étudié plus précisément les conséquences de cette invalidation sur le maintien, l’identité et la capacité d’autorenouvellement des CSG de la drosophile femelle. Les auteurs démontrent ainsi que les CSG restent normalement dans leur niche et gardent un profil d’expression normal. En revanche, leur fréquence de division est nettement diminuée. L’étude des protéines du cycle révèle une augmentation des CSG exprimant la cycline E (augmentation également retrouvée chez les mutants mâles) et une diminution du nombre des CSG en phase S ou en mitose chez les mutantes, suggérant un retard de progression dans le cycle cellulaire en phase G1/S. Parmi les protéines du cycle cellulaire impliquées dans cette transition, figure l’homologue des inhibiteurs des kinases cycline-dépendantes p21/p27, appelée Dacapo (Dap) chez la drosophile. Dap fige le complexe cyclineE/CDK2 sous sa forme inactive empêchant ainsi la progression dans le cycle cellulaire. Le nombre de cellules positives pour Dap est augmenté chez les mutants. De plus, l’inhibition de Dap de moitié permet de restaurer partiellement le phénotype observé chez les mutants et a contrario l’augmentation de Dap chez la drosophile entraîne un phénotype ressemblant à celui des mutants dcr-1. Ces résultats suggèrent donc que Dap serait au moins une des cibles, directe ou indirecte, des miARN impliqués dans le renouvellement des cellules germinales souches de drosophile. Cette inhibition spécifique des cellules souches germinales permet à ces dernières de conserver un potentiel prolifératif dans un contexte environnemental de cellules quiescentes. Il serait intéressant de déterminer si un mécanisme équivalent est impliqué dans le rôle des miARN dans l’oncogenèse.