Corps de l’article

1. Introduction

Tout enseignant ou tout formateur qui analyse son action s’appuie, le plus souvent implicitement, sur un ensemble de points de repère l’aidant à porter un regard réflexif sur sa pratique. Nos travaux, conduits dans le cadre d’une thèse de doctorat (Amblard, 2015) postulent que des formateurs d’un dispositif de formation par alternance se professionnalisent en construisant et en utilisant un Référentiel Personnel de l’Agir Professionnel (RPAP). De même, des formateurs dits expérimentés continuent à le mobiliser pour piloter et guider leurs processus réflexifs. Objet symbolique, un référentiel personnel contient un ensemble de référents servant de points d’appui, de repères ou encore de source d’inspirations aux praticiens. Identifié, le RPAP prend dans la recherche le statut d’objet frontière qui, introduit dans un dispositif de professionnalisation, permet d’étudier son influence sur l’une de ses propriétés, la réflexivité.

Après avoir brièvement rappelé le contexte et la démarche de la recherche, nous exposons deux des outils conceptuels mobilisés. La troisième partie présente les principaux résultats puis montre le rôle et les fonctions du RPAP dans le développement de la réflexivité des usagers du dispositif de professionnalisation.

2. Le contexte et la démarche de la recherche

La recherche a pour objet la professionnalisation de formateurs d’un dispositif de formation par alternance, les Maisons Familiales Rurales (MFR)[1]. Ce premier volet présente succinctement cette institution et son dispositif de professionnalisation des formateurs. Ce dernier constitue l’assise d’une recherche en cours d’action dont nous exposons la démarche.

2.1 La professionnalisation de formateurs d’un dispositif de formation par alternance

L’institution des MFR est constituée d’établissements de formation initiale et continue gérés par des associations de parents. Ce sont des établissements privés se caractérisant par leur pratique de l’alternance. Chaque établissement a une gestion autonome; il dépend d’un ministère de tutelle: majoritairement les ministères de l’Agriculture et/ou de l’Éducation Nationale en fonction des formations dispensées. Les MFR proposent des formations dans une vingtaine de secteurs professionnels et accueillent chaque année plus de 70 000 apprenants. La région Auvergne-Rhône-Alpes, où travaillent les formateurs associés à la recherche, compte 75 établissements accueillant plus de 17 000 personnes en formation. Le projet institutionnel repose sur une intention éducative: oeuvrer pour que «chaque femme et chaque homme réussissent non seulement son développement intellectuel ou ses activités professionnelles, mais également réussissent sa vie personnelle, familiale, culturelle ou sociale» (UNMFREO, 2019). Toutes les formations mises en oeuvre développent une pédagogie de l’alternance dite interactive à visée intégrative (Amblard, 2010; Chartier, 1986; Gimonet, 2008). Elles débouchent, pour l’essentiel, sur des diplômes professionnels allant du C.A.P[2] au diplôme d’ingénieur. Les diplômes sont préparés sous trois statuts: la voie scolaire, l’apprentissage et la formation continue.

La professionnalisation constitue l’objet de notre recherche. Son emploi s’appuie essentiellement sur deux définitions. Tout d’abord, Wittorski (2007) considère qu’elle constitue, pour une organisation, une intention «de mise en mouvement des sujets dans les systèmes de travail par la proposition de dispositifs particuliers» (p. 91). C’est, dans cette perspective, un processus de développement de «process d’action» et une façon d’agir qui, si l’on en reconnaît l’efficacité et la légitimité, permet d’octroyer à un sujet une compétence et plus largement une professionnalité. La seconde définition, proposée par Astier (2008), est davantage centrée sur le sujet. Ce dernier engage dans le travail «non seulement ce qu’il fait, en proposant ses performances au jugement d’autrui, mais aussi ce qu’il est comme sujet agissant, mais aussi pensant, comme présent, comme histoire et comme anticipations» (p. 68), autant d’éléments que nous retrouvons dans la composition du référentiel personnel.

Dans l’institution des MFR, la professionnalisation des formateurs privilégie l’usage d’un dispositif de formation professionnalisé (Leclercq, 2005) où les sujets exercent simultanément une activité professionnelle et une activité académique. Chaque année, environ 150 personnes âgées en moyenne d’une trentaine d’années réalisent le parcours de formation pédagogique. Ils possèdent, à l’embauche et selon le profil de poste, un diplôme universitaire disciplinaire – lettres modernes, mathématiques, etc. de niveau six ou sept – ou un diplôme professionnel allant du niveau quatre au niveau sept selon les formations dans lesquelles ils interviennent[3]. Six sur dix sont des formatrices. Devenir formateur est, dans la même proportion, un second métier même si certains ont déjà acquis une expérience d’enseignement au sein d’une autre institution. Tous les formateurs débutants s’initient au métier de moniteur[4] en le pratiquant. De plus, ils sont pendant deux années scolaires usagers d’un dispositif de formation pédagogique aboutissant à la délivrance d’un titre interne dénommé qualification pédagogique de moniteur de formation alternée.

Le dispositif invite les usagers à intégrer les fondements d’une pédagogie de l’alternance particulière (Geay, 1998; Clénet, 2005; Bougés, 2012) ainsi qu’à acquérir les gestes professionnels associés et les gestes communs à l’activité enseignante et éducative. L’intégration des savoirs et le développement des compétences reposent essentiellement sur le traitement de l’action (Wittorski, 1998) et l’exploitation de l’expérience. Deux règles de fonctionnement du dispositif y concourent particulièrement. Tout d’abord, l’amorce de formation consiste à retenir des situations professionnelles que le formateur devra concevoir et mettre en oeuvre au fil de la première année, avant de formaliser par écrit la démarche développée et l’analyse réflexive qu’il en retire. Une activité intégratrice, seconde règle, conduit chaque formateur à élaborer un projet pédagogique en réponse à une situation problème émergeant de son terrain professionnel. Sa mise en oeuvre donne lieu à la rédaction d’un mémoire professionnel. Ce deuxième écrit, tout en rendant compte du contexte, des étapes du projet et des activités réalisées, débouche sur une analyse réflexive hors de et sur l’action. Par ailleurs, le processus d’accompagnement prévoit l’évaluation de situations pédagogiques pour lesquelles chaque usager est amené à gérer une activité réflexive hors de l’action tout en lui donnant la possibilité de repérer a posteriori le sens et les effets d’analyses réflexives dans l’action.

Dans ce contexte, notre recherche a essentiellement questionné la façon dont les formateurs se professionnalisent. Parmi les nombreuses réponses possibles, nous avons émis l’hypothèse qu’ils élaborent et mobilisent un instrument nécessaire à leur réflexivité, le Référentiel Personnel de l’Agir Professionnel (RPAP).

2.2 Une recherche en cours d’action

Notre travail repose sur une méthode relevant du domaine de la recherche-action. Nous nous attachons ici en à donner les caractéristiques, les fondements et les étapes de mise en oeuvre avant d’indiquer le questionnement qu’elle vise à alimenter.

Élaborée par l’équipe du laboratoire Trigone Cirel de l’université de Lille, la méthode de recherche en cours d’action consiste ici à associer à un dispositif de formation un dispositif de recherche. Plus précisément, il s’agit «d’introduire dans un dispositif de formation un objet nouveau - ici un objet-frontière symbolique – le RPAP – en vue d’étudier son influence sur tout ou partie des propriétés du dispositif -de formation pédagogique- sans toutefois remettre en question sa zone de développement potentiel» (Leclercq, 2012, p. 12). Ainsi, nous avons cherché à étudier l’influence du RPAP sur les deux règles de fonctionnement du dispositif de professionnalisation des formateurs citées plus haut, l’amorce de la formation et l’activité intégratrice. Ces dernières invitent les usagers à porter un regard réflexif sur leurs pratiques, à analyser et à évaluer leurs activités tout en rendant opérationnelle une propriété du dispositif: la réflexivité. Nous définissons cette propriété à la fois comme la propension d’un dispositif à activer et à alimenter des processus réflexifs et la propension de ses usagers à mobiliser et/ou à gérer des processus réflexifs.

Une investigation bibliographique enclenche l’élaboration de l’objet RPAP et aboutit à une première définition. Mise à l’épreuve à l’aide d’entretiens réalisés auprès de formateurs expérimentés, la notion est expérimentée et affinée. À l’issue, l’objet est modélisé et sa définition est enrichie. La suite de la recherche consiste à introduire l’objet-frontière RPAP dans le dispositif de formation pédagogique pour comprendre comment les usagers le perçoivent, le construisent et l’emploient. Pour cela, 5 usagers, choisis parmi un groupe de 60 personnes[5], se sont prêtés au cours et à la fin de leur parcours de formation à des entretiens d’autoconfrontation simple (Clot, 2008). En les invitant à se confronter à des traces de leurs activités réflexives hors et dans l’action, il s’agit d’appréhender leurs façons d’utiliser un référentiel personnel et d’en apprécier les effets sur leur agir professionnel. Hors de l’action, les traces réflexives sont choisies dans les écrits relatant la conception, la conduite et l’analyse d’une activité pédagogique. Dans l’action, nous postulons que chaque geste d’ajustement (Bucheton, 2009) résulte d’une activité réflexive dont la trace sert de support à un entretien d’autoconfrontation. Pour les deux, les usagers sont invités à mettre en mots le faire face, différé ou immédiat, à une situation donnée à partir du vécu d’une activité pédagogique.

Le concept de schème d’action nous sert de grille d’analyse et d’interprétation du corpus. Un schème d’action correspond à «ce qu’il y a de commun aux différentes répétitions d’une même action» (Piaget, 1967, p. 23). Vergnaud (1996) reprend le concept et en précise la composition. Un schème d’action comporte un but, des règles d’action, des invariants opératoires[6] et des inférences permettant d’ajuster le schème selon la tâche et la situation. Chacune des inférences correspond ici à une référence soit la mise en relation d’un référent du RPAP avec un ou plusieurs référés d’une situation pédagogique.

La réalisation d’entretiens avec quatre formateurs dits expérimentés vise à apprécier en quoi et comment l’emploi du RPAP perdure dans le temps. En définitive, trois questions guident notre démarche. Si un objet, le RPAP, aide à agir et/ou à comprendre sur, hors, et dans l’action:

  • en quoi et comment la fréquentation d’un dispositif de professionnalisation contribue-t-elle à sa genèse, sa mobilisation et son usage?

  • en quoi et comment des formateurs dits expérimentés continuent-ils à le mobiliser et à l’utiliser?

  • en quoi et comment le RPAP devient-il, pour les deux catégories de formateurs, un instrument de leur réflexivité?

3. L’outillage conceptuel

Deux concepts centraux de la recherche sont développés dans cette deuxième partie. Le premier, le RPAP, doit être concrétisé avant d’en faire, dans la méthode de recherche, un objet frontière. Le second, l’activité réflexive, convoque un ensemble de processus orientés et influencés par l’usage du RPAP tout en participant au développement de la compétence associée.

3.1 Le RPAP

La recherche dévoile et met au travail un objet nouveau dont nous devons tracer les contours, définir les caractéristiques et les propriétés, avant de montrer son usage dans des processus réflexifs. Nous présentons, dans cette section, les principaux éléments d’investigations bibliographiques et de terrain ayant contribué à l’élaboration du RPAP.

3.1.1 Sa composition

Issu et alimenté par des processus de référentialisation inconscients (Ardoino, 1994), l’objet RPAP émerge et se renouvelle au gré de l’action. Il se compose de quatre registres. Les deux premiers, l’identité/le projet – ce que je suis, comment je me rends présent, comment je combine passé et avenir – et les savoirs – ce à quoi je me fie – constituent l’axe nommé A de l’identité professionnelle du sujet. Les deux autres, le contexte – ce dans quoi je suis – et l’activité – ce que je fais, ce que je devrais faire et ce qu’il y a à faire – forment l’axe nommé B de l’agir professionnel.

Figure 1

Le Référentiel Personnel de l'Agir Professionnel et des références potentielles

Le Référentiel Personnel de l'Agir Professionnel et des références potentielles

-> Voir la liste des figures

Chaque registre est porteur de référents soit des éléments ou des sujets vers lesquels un praticien se tourne pour s’en servir de points d’appui, de repères ou encore de sources d’inspirations. Toute activité réflexive génère l’établissement de références, soit le couplage référents/référés. La nature des relations établies détermine le sens donné à chaque référence telles que l’articulation entre une attente sociale et un comportement ou l’articulation d’une théorie et d’un résultat visé/constaté.

3.1.2 Sa finalité et ses fonctions

L’élaboration et l’usage du référentiel personnel constituent probablement une des traces d’un processus de professionnalisation. Dans et hors de l’action, le processus de mobilisation du RPAP correspond à une boucle réflexive courte centrée, à la fois sur l’analyse, l’évaluation, l’orientation de l’action et sur l’ajustement de l’activité. Sur l’action, il relève d’une boucle réflexive plus longue centrée sur le sujet (Pastré, 2012). Le sens est en jeu dans les deux processus. Il s’agit, dans le premier, de donner un sens à l’action. Dans le second, le sujet construit du sens sur son action et sur son parcours professionnel. L’usage du RPAP est aussi générateur d’apprentissages comme il participe à son renouvellement.

Sa fonction principale contribue à le finaliser et à renforcer le rôle de ses composants. Le RPAP aide le sujet à agir et/ou à comprendre comme à gérer dans l’action un faire face immédiat ou, hors de et sur l’action, un faire face différé. La mobilisation du RPAP peut activer quatre fonctions plus spécifiques. La première, d’ordre identitaire, porte sur les intentions, les convictions, les projets… et contribue à construire du sens sur l’action et/ou sur la mission. Les trois autres se veulent opérationnelles. La fonction d’orientation concerne les postures, les intentions ou encore les choix guidant l’action. Les autres portent sur l’analyse réflexive sur, hors de et dans l’action.

3.1.3 Le RPAP: un objet frontière

Pour Leigh Star (2010), un objet frontière est un objet, matériel ou symbolique, dont la structure, l’échelle d’usage et surtout la flexibilité interprétative en font «un arrangement qui permet à différents groupes de travailler ensemble sans consensus préalable» (p. 19-30). Le mot frontière désigne un espace, physique ou symbolique, où les sens d’une action donnée, émanant de groupes ou de mondes sociaux différents, se rejoignent. L’objet frontière constitue «un pont partiel et provisoire, faiblement structuré dans son usage conjoint et fortement structuré dans son usage au sein de l’un des mondes en présence» (Trompette et Vinck, 2009, p. 8). Les significations sont différentes dans les mondes en présence, mais elles sont suffisamment structurées pour être reconnues par les acteurs de chacun des mondes.

Dans la recherche, le RPAP constitue un objet frontière symbolique multiple. D’abord abstrait, il devient concret lorsque par exemple nous invitons un formateur à verbaliser sa façon de s’en servir. Il représente aussi un cadre général pouvant s’appliquer à différents métiers. Cependant, dans le contexte spécifique du métier de moniteur de MFR, sa description produit un standard, un modèle, que tout utilisateur des deux mondes adaptera. En reliant le dispositif de recherche au dispositif de formation, le RPAP constitue un pont provisoire pendant la durée du programme de recherche entre les deux mondes. Les significations produites dans chacun des mondes sont différentes. D’un côté, elles s’inscrivent dans un projet de recherche et relèvent d’investigations. De l’autre, elles reposent sur le processus de professionnalisation et les situations provoquées par la recherche. Les significations sont cependant suffisamment élaborées pour être reconnues par les sujets des deux mondes. L’assise commune est faiblement structurée, cependant la structure du monde des chercheurs est nettement plus élaborée de par la démarche, l’outillage conceptuel mobilisés.

En somme, Le RPAP regroupe deux types d’objets-frontières. La désignation de ses composants et de ses fonctions en fait un format porteur de codes langagiers communs. De plus, le travail opéré dans le processus de recherche contribue à sa modélisation, pouvant faciliter sa transposition dans d’autres contextes.

3.2 L’activité réflexive

L’activité réflexive constitue le second outil conceptuel retenu. Elle peut être soit l’auxiliaire d’une activité principale, comme l’activité enseignante, soit elle-même une activité principale, lorsqu’un enseignant choisit et/ou est invité à analyser une activité avant et/ou après l’action. Nous rappelons ici quelques caractéristiques du concept d’activité puis nous mettons en lumière les processus qui guident et orientent l’activité réflexive hors de et/ou dans l’action.

3.2.1 Le concept d’activité

Le terme d’activité a pour acception générale le «caractère de ce qui est actif, d’un sujet envisagé sous le rapport de son pouvoir ou de sa volonté d'agir» (Cntrl, 2019). C’est aussi «la manifestation concrète de ce pouvoir» . Plusieurs dimensions contribuent à étayer cette définition. L’activité est, tout d’abord, située et «situante» en donnant la possibilité de caractériser le contexte et de définir «l’occurrence singulière dans laquelle le sujet est engagé» (Astier, 2003, p. 81). Cette singularité résulte de la combinaison de deux facteurs: le sujet et la situation à laquelle il est confronté. Dans l’activité, un sujet n’est jamais présent de la même manière, car il est inévitablement affecté par son engagement dans le monde et par sa confrontation à un contexte donné. De plus, la situation devient une occurrence singulière par sa façon de faire émerger les éléments marquants du contexte; ce dernier n’est de ce fait jamais le même. L’invariant est une autre caractéristique de l’activité et provient lui aussi du couplage sujet-situation. Il constitue, pour le sujet, une représentation opérative du monde pour agir, c’est-à-dire sa représentation subjective d’un contexte, ses façons de l’appréhender et d’agir avec et dans lui. Vinatier (2013) retient deux catégories d’invariants. Certains sont situationnels et correspondent à des caractéristiques du métier (des savoirs, des gestes). D’autres, les invariants du sujet, véhiculent des traits opérationnels de l’identité de la personne. Cette façon d’appréhender le contexte et d’agir dépend fortement d’une autre caractéristique de l’activité: la tâche. Prescrite ou souhaitée, elle s’articule avec l’activité. Elle en constitue, une définition, un «projet d’autrui sur le monde et sur le sujet» (Astier, 2006, p. 52). Face à la tâche, l’activité d’un sujet peut relever, selon la théorie instrumentale de Rabardel (1995), de deux catégories complémentaires. Elle est dite productive lorsqu’elle vise à transformer le réel et devient constructive quand le sujet, tout en transformant le réel, se transforme lui-même. L’activité productive nécessite toujours une activité constructive, souvent implicite. Elle s’inscrit dans du court terme et s’arrête au moment où la tâche est considérée comme effective. En revanche, l’activité constructive précède cette phase et peut se poursuivre bien au-delà (Lenoir et Pastré, 2008). Enfin, l’agir du sujet est alimenté par la poursuite d’un ou de plusieurs buts et de motifs. Le but participe à l’orientation de l’activité et permet de l’inscrire dans une ou des finalités. De surcroît, il aide le sujet à s’identifier dans la situation et à penser l’activité à entreprendre ou, à l’inverse, à éviter. Le motif, quant à lui, contribue à donner un sens à l’activité et à l’élaboration de significations par le sujet.

3.2.2 Un double processus

Hors de ou dans l’action, l’activité réflexive relève d’un inconscient cognitif (Piaget, 1971; Rosch et Thompson et Varela, 1993) et active un processus de réflexion cyclique (Chaubet, 2010). Amorcée par un élément déclencheur, l’investigation entreprise par le sujet aboutit à un résultat: un changement de perspectives. La pratique et la ou les notions en jeu sont reconceptualisées ou appréhendées autrement. Le changement peut être accompagné d’effets pragmatiques – le renouvellement de l’action, une modification des façons de faire – et/ou d’effets psychologiques sur l’autonomie, la motivation… Un processus de réflexivité peut prolonger et élargir le processus d’analyse de l’action. Son sens repose sur l’usage qu’en fait le sujet pour son propre développement en lui permettant notamment de passer «d’un discours spontané, subjectif, intuitif à un discours (plus) professionnel, réfléchi, raisonné» (Altet, 2013). En outre, le processus réflexif intègre toujours un processus évaluatif participant à son déclenchement et/ou à sa régulation: poser un diagnostic sur une situation, pronostiquer les effets d’un geste, apprécier la valeur d’une action… Nous montrerons dans la troisième partie comment les processus d’une activité réflexive sont pilotés et guidés par un schème d’action qui mobilise le RPAP d’un sujet.

3.2.3 Hors de et dans de l’action

Hors de l’action, l’activité réflexive peut rester dans l’ombre. Le sujet analyse, brièvement ou intensément, épisodiquement ou régulièrement, une action réalisée ou à entreprendre. L’activité réflexive prend un statut explicite si le sujet lui-même ou autrui la souhaite, voire la provoque. Les schèmes d’action permettent d’analyser l’activité, réalisée et réelle, selon des buts variables: comprendre, réguler, orienter, renouveler... Le sujet peut mettre en lumière ce qui a été fait, ce qui n’a pas été fait, ce qui aurait pu être fait… Il repère les imprévus ou les événements et leurs gestions, évalue l’efficience de l’activité ou encore sa conformité au regard d’un attendu, d’un prescrit… Autant d’éléments que le sujet peut réinvestir et projeter dans des situations différées comme dans de nouvelles actions.

Dans l’action, les imprévus, les événements, l’inédit constituent des moments de rupture dont la gestion relève d’un faire face immédiat. Le praticien active un processus énactif (Varela, 1996; Masciotra, Roth et Morel, 2008) lui permettant, dans un laps de temps extrêmement bref, de comprendre, d’analyser et d’évaluer la situation avant de décider de l’action à opérer. Ce processus ne priorise ni l’action ni la situation, mais privilégie la relation et la transaction qui les relient. Chaque sujet dispose d’un réseau d’actions virtuelles d’autant plus riche et structuré qu’il est expérimenté. Ce réseau fournit au praticien des prises-actions alors que la situation offre des prises sur le monde. Ces dernières n’émergent qu’à la seule condition que le sujet projette sur la situation un réseau d’actions virtuelles. Les prises sont, dans les deux cas, des potentialités. Le praticien les exploite pour atteindre la tâche souhaitée ou s’en rapprocher sans forcément apprécier finement, dans l’instant, l’impact et les gains de l’activité réflexive pour des actions futures.

Gérer un processus énactif revient à coupler une ou des prises-actions, soit un ou des référents du RPAP, avec une ou des «prises sur le monde», soit un ou des référés de la situation. Un tel processus contribue à la gestion des gestes d’ajustement, c’est-à-dire la manière dont l’agir de l’enseignant, notamment langagier et corporel, s’adapte à la situation et surtout à son évolution pendant l’activité (Bucheton, 2009, p. 64). Un tel geste est d’autant plus complexe qu’il s’agit en fait d’une succession de coajustements: l’enseignant se coajuste avec l’agir d’un ou plusieurs sujets (les élèves) alors qu’au même moment ils sont en train de s’ajuster sur l’agir de l’enseignant et sur celui de leurs pairs. Le geste d’ajustement se caractérise par son empan, soit «l’ensemble des variables prises en compte pour interpréter et agir en situation, la manière dont le praticien configure ses différentes préoccupations et dont il accentue ou focalise son attention sur certaines d’entre elles» (Bucheton, 2009, p. 67). Il constitue une réponse et une adaptation à une situation donnée, mais aussi la trace d’une activité réflexive faisant usage du RPAP.

4. Le RPAP, un instrument de la réflexivité

Avant d’exposer les rôles que joue le référentiel personnel dans le développement de la réflexivité, nous présentons l’essentiel des résultats de la démarche ainsi qu’un exemple de mobilisation dans l’action.

4.1 Les principaux résultats

Nous avons postulé que la mobilisation du RPAP dans un processus réflexif pouvait s’observer et s’apprécier en considérant chaque inférence d’un schème d’action comme l’établissement d’une référence. Le traitement et l’interprétation des 24 entretiens du corpus valident ce postulat. Pour une situation donnée, un schème d’action d’une activité réflexive mobilise de 4 à 12 références issues d’au moins 2 registres du RPAP. Un processus réflexif repose essentiellement sur la tâche en jeu et l’activité du formateur et/ou des apprenants. Les deux registres de l’identité professionnelle constituent des points d’appui secondaires. Le nombre de références activées est sensiblement le même qu’il s’agisse d’un schème d’action d’un formateur dit novice ou d’un formateur dit expérimenté. Pour les deux catégories, il semble que le nombre de références diminue lors d’une activité réflexive dans l’action.

Dans l’action, les règles d’action des schèmes relèvent très souvent d’un dialogue interne qui, nous pensons, oriente et facilite l’activité en cours. Les unités de sens correspondantes comportent l’expression «je me dis» et constituent parfois des énonciations performatives (Austin, 1991). Au moment où le sujet se le dit, il le fait quand, par exemple, un formateur ajuste la modalité de restitution d’un travail de sous-groupe: je me suis dit je vais voir comment se passe la première restitution… Je me dis en fait que les autres… allaient répéter… Je me suis dit il faut que je trouve quelque chose pour qu’ils puissent…restituer… Ce propos issu d’un des entretiens d’auto-confrontation du corpus tend à montrer que le langage, qui dans cette situation ne peut être qu’un dialogue interne, aide à l’anticipation des buts et des effets de l’action, à sa planification et à son contrôle (Vergnaud, 1991). Cette activité langagière accompagne d’autant plus l’action du sujet «qu’il a besoin de planifier et de contrôler une suite d’actions insuffisamment maîtrisées» (p. 159). Outre le nombre de références activées, la présence d’une activité langagière lors d’une activité réflexive dans l’action peut conduire à relativiser la maîtrise des gestes d’ajustement en jeu.

4.2 Un exemple de mobilisation dans l’action du RPAP

La séance pédagogique observée s’adresse à des élèves en classe de première du Baccalauréat professionnel. Elle porte sur la reconnaissance de végétaux et développe une démarche inductive invitant les apprenants à prendre appui sur leurs vécus ou sur les pratiques professionnelles des entreprises de stage. Au fil de la séance et à plusieurs reprises, un élève a une attitude interrogeante. La formatrice l’interpelle plusieurs fois; son propos évolue et devient «piquant». Elle finit par demander au jeune de venir s’entretenir avec elle à la fin de la séance. Ce geste d’ajustement relève d’une préoccupation de l’atmosphère de la classe et repose, en fait, sur une succession de plusieurs gestes d’ajustement. La formatrice tente de ramener l’élève dans l’activité par des gestes d’enrôlement basés principalement sur le regard et la parole (Bucheton, 2009). L’un d’entre eux est une réprimande qu’un entretien d’autoconfrontation met en lumière.

Le sens de la réprimande joue, dans le schème d’action, la fonction d’invariant opératoire et mobilise neuf références du RPAP dont quatre sont issus du registre de l’identité professionnelle. Les références, R1 et R2, ont pour référents les aspirations de la formatrice et pour référés son attitude ou celle de l’élève. Les références R3 et R4 renvoient au développement de la compétence à gérer l’activité avec pour référents l’attitude de la formatrice et son passé scolaire.

Tableau 1

Schème d'action d’une activité réflexive dans l’action

Schème d'action d’une activité réflexive dans l’action

Légende: le premier terme d’une référence nommée R correspond au référé et le second au référent.

-> Voir la liste des tableaux

Deux autres références (R8-R9) éclairent la décision de ne pas intervenir davantage et de différer l’échange. Ce choix est sans doute renforcé par le contexte inhabituel (R5), par la crainte de ne pas atteindre l’objectif visé (R6) et par les enjeux associés (R7). Il semble qu’émerge une tension entre l’enjeu relationnel et les enjeux pragmatiques/épistémiques (Vinatier, 2013). En choisissant de différer son intervention, la formatrice priorise l’enjeu pragmatique pour éviter une tension relationnelle qui pourrait polluer et/ou mettre à mal la situation d’apprentissage.

L’invariant opératoire identifié est un concept pragmatique dont nous montrons dans la suite comment sa mobilisation contribue à la pragmatisation d’un savoir théorique.

4.3 Ses rôles dans le développement d’une compétence clé: la réflexivité

Se doter d’une définition de la compétence aide à montrer la contribution du RPAP dans le développement de la réflexivité. Nous retenons, avec Perrenoud (2011), que la compétence constitue «un pouvoir d’agir efficacement dans une classe de situations, en mobilisant et en combinant en temps réel et de manière pertinente des ressources» (p. 45). Quatre rôles du RPAP participent au développement de la réflexivité c’est-à-dire, pour nous, agir pour analyser et évaluer son action en vue de l’ajuster, de l’orienter, la renouveler et de construire sur elle du sens. Les deux premiers concourent à enrichir et/ou à rendre plus accessible les ressources. Le troisième contribue à modifier, à renforcer l’identification, l’analyse et la gestion des problèmes et des questionnements émanant des situations. Le dernier aide le sujet agissant à questionner l’action et son sens.

4.3.1 Participer à la pragmatisation de savoirs théoriques

L’emploi du référentiel personnel permet l’émergence, l’étayage et la transformation de concepts pragmatiques (Pastré, 2002). Les invariants opératoires, pilotant les processus réflexifs du corpus, répondent tous aux caractéristiques d’un tel concept. Les concepts construits peuvent être des savoirs du métier porteurs d’une bonne pratique comme ils peuvent relever de la pragmatisation de savoirs théoriques à laquelle participent les processus réflexifs.

L’exemple exposé plus haut aide à mettre en évidence un processus de pragmatisation. L’invariant, concept pragmatique «une réprimande ou une sanction doit être comprise», condense plusieurs caractéristiques d’une sanction éducative. La formatrice sait qu’une sanction est une réponse porteuse de réactions, d’explications et d’interpellations. Elle s’adresse à un sujet et revêt deux exigences «renoncer au spectaculaire, tout en rendant publique la sanction» et surtout «s’assurer qu’elle soit comprise ou puisse l’être» (Prairat, 2003, p. 84). Dans l’action, la praticienne mobilise ces éléments de théorie j’aime bien que les jeunes comprennent, que cela vienne d’eux… qu’ils ne pensent pas que ce soit juste contre eux… il faut qu’il me dise pourquoi je le punis tout en la mettant en application le fait de le faire venir… c’est pour le faire réfléchir. De plus, tout en reconnaissant que le propos n’était certainement pas approprié, elle précise qu’il s’agissait de faire réagir l’apprenant. En d’autres termes, c’était une façon de l’interpeller.

4.3.2 Conceptualiser: du concept outil au concept objet

Selon Vergnaud (1991), les concepts pragmatiques relèvent de deux catégories: les théorèmes en acte et les concepts en acte. Les premiers sont des propositions pouvant se révéler vraies ou fausses alors que les seconds ont une fonction propositionnelle sur une proposition générale dont on apprécie le degré de pertinence. Les concepts en acte constituent «des briques indispensables à la construction d’une proposition» (Vergnaud, 1991, p. 142). Cette dernière peut être un théorème en acte comme une théorie ou un concept explicite constituant la partie visible d’une conceptualisation. Sans la partie cachée des invariants opératoires, la partie visible de la théorie, des théorèmes et des concepts, n’existerait pas. Inversement, mettre des mots sur les invariants opératoires et les expliciter nécessite de mobiliser des théories et/ou des concepts.

Le contexte et les modalités de constitution du corpus font que l’essentiel des invariants repérés relève de la conception et de la conduite d’une séance pédagogique commune ou spécifique à un dispositif de formation par alternance (15 sur 25). Dix invariants sont, de notre point de vue, des concepts en acte. Les autres sont porteurs d’un théorème en acte. Dans les deux cas, ils ont, lors de la mobilisation et de l’usage du RPAP dans une situation donnée, une fonction de «concepts-outils» implicitement reliée à un ou plusieurs «concepts-objets» (Vergnaud, 1991). Par exemple, ces deux invariants issus du corpus de la recherche, chaque apprenant doit pouvoir «montrer» sa compréhension, la co-évaluation contribue à analyser sa prestation et celle des autres, peuvent être considérés comme des concepts-outils alimentant le concept-objet d’apprentissage.

Cette fonction des invariants opératoires invite à la formulation de deux remarques. Tout d’abord, elle renforce l’idée que la variété des situations vécues au cours d’un processus de professionnalisation peut être mise au profit d’un autre processus: la conceptualisation de concepts clés. La deuxième remarque met en évidence une double perspective: rendre explicite la mobilisation du RPAP permet le repérage et la désignation des principaux invariants, concepts-outils, qu’utilise un praticien. L’emploi du RPAP doit aussi faire l’objet d’explicitations afin d’alimenter des processus de conceptualisation de concepts clés comme la conception et l’animation d’une séance, l’évaluation, la sanction éducative... En articulant dans un rapport dialectique théorie et pratique, la mobilisation du RPAP participe à la construction des compétences et fait de l’agir un moyen de validation et/ou d’enrichissement de la théorie.

4.3.3 Jouer un rôle de médiation

Le processus de concrétisation du RPAP en fait un instrument de médiation assumant des fonctions cognitive et psychologique. Mobilisé dans un processus réflexif, il occupe une place médiatrice en reliant, d’une part, le sujet agissant et, d’autre part, l’objet de l’action.

La recherche a permis d’étudier le rôle de médiation dans neuf cas de mobilisation du RPAP. Il en ressort que l’usage du RPAP enclenche un processus d’évaluation orienté, guidé par le but et l’invariant opératoire du schème. Dans l’action, l’évaluation peut avoir une fonction diagnostique pour, par exemple, apprécier les imperfections, les limites d’une méthode pédagogique ou pour interpréter le comportement d’un apprenant et, à l’issue, ajuster son agir… Dans d’autres situations, elle joue une fonction pronostique en cherchant à anticiper les effets d’un geste d’ajustement. Il arrive aussi que la médiation repose sur une double évaluation: un premier diagnostic déclenche un geste d’ajustement et un second conduit à ajuster le geste initial. Hors de l’action, l’évaluation est formative quand elle permet d’apprécier l’écart entre un prévu et un réalisé, l’activité effective et la production associée, sa professionnalité… ou diagnostique pour, par exemple, mettre en tension la performance actuelle des apprenants et leurs potentialités d’apprentissage, pour admettre et gérer un écart entre ce que l’on pense que les apprenants savent et ce qu’ils savent véritablement.

Dans et hors de l’action, la médiation du RPAP joue essentiellement une fonction psychologique aidant le sujet à agir sur lui et/ou sur autrui (Rabardel, 1995). Cette fonction est plus prégnante lors d’activités réflexives dans l’action: elle contribue, par exemple, à choisir et à assumer un geste d’ajustement, à modifier l’activité de l’enseignant et/ou des apprenants, à prévenir et/ou à éviter une tension. La fonction cognitive est également activée hors et dans l’action. Elle aide à apprendre ou à renforcer des apprentissages (savoir quand et comment intervenir, savoir gérer l’écart entre le prévu/souhaité et le réalisé…), à prendre conscience d’un non-savoir et à engager sa construction. Dans d’autres cas, elle concourt à apprécier et à questionner l’action: le rôle d’un savoir-faire, la maîtrise d’un geste, le choix d’une tâche et de ses modalités de réalisation.

4.3.4 Donner un sens et/ou construire du sens

L’étude du rôle de médiation du RPAP apporte une quatrième contribution majeure au développement d’une compétence de réflexivité: le sens de l’agir. Construction mentale relevant d’un processus et d’une pensée réflexives (Barbier, 2000), le sens repose sur la transformation des représentations d’une situation donnée, les référés, mises en relations avec des représentations issues d’expériences antérieures et/ou avec des savoirs expérientiels ou formels, les référents des registres du RPAP. La construction de sens comme la mobilisation du RPAP est finalisante. Elles contribuent à repérer ce qu’il est souhaitable d’entreprendre, ce que l’on désire réaliser, et par conséquent à orienter l’action.

Dans les exemples étudiés, la mobilisation du RPAP contribue à donner un sens à l’action et à construire sur elle du sens. Dans le premier cas, cela aide les sujets à se représenter la tâche à réaliser ou un geste professionnel à développer, à reconsidérer l’action et à détecter des pistes d’agir possibles. Dans le second, les praticiens questionnent et/ou épurent une représentation, mettent en relation et/ou confrontent des méthodes pédagogiques, repèrent les fondements de leur action. Ils cherchent également à apprécier la valeur des activités proposées aux apprenants et par extension à interroger et/ou à préciser le sens de leur mission.

En somme, la combinaison des fonctions psychologique et cognitive avec des processus de construction de sens fait que l’instrument RPAP joue le rôle d’une double médiation. Il oriente, influence et modifie les rapports entre soi et l’objet de l’action. Il participe aussi à une médiation réflexive qui, comme l’indique Rabardel (2005), se compose de rapports médiatisés du sujet avec lui-même, «dans un usage de soi par soi» (p. 15).

5. Conclusion

La recherche en cours d’action a permis de rendre concret le RPAP. En le mobilisant, un sujet (enseignant ou formateur) en fait un instrument de médiation pour agir et/ou comprendre dans, hors de et sur l’action. Son usage relève de processus réflexifs pilotés par des schèmes d’action. L’activité réflexive, guidée par un but et un invariant opératoire, mobilise des références du RPAP et enclenche un processus d’évaluation. Les invariants opératoires relèvent de concepts pragmatiques dont le processus évaluatif permet l’émergence et/ou l’étayage. Les concepts construits relèvent soit de savoirs d’action soit de la pragmatisation de savoirs théoriques. Le rôle de médiation du RPAP a, d’une part, une fonction psychologique aidant le sujet à agir sur lui et/ou sur autrui. D’autre part, la fonction cognitive l’aide à apprendre ou à renforcer des apprentissages.

La thèse défendue dans la recherche doctorale repose sur un paradoxe: comment rendre possible un métier que l’on sait impossible (Cifali, 1987)? Appréhender et gérer un tel paradoxe suppose de savoir et d’admettre qu’un certain nombre d’activités du métier, dont on peut souhaiter une maîtrise suffisante, ne sont en réalité jamais pleinement maîtrisées. Le métier devient possible si l’enseignant/formateur adopte au quotidien des postures potentiellement réflexives. La construction de l’objet RPAP, sa mise à l’épreuve et son introduction dans un dispositif de professionnalisation tendent à montrer qu’il joue un rôle spécifique dans l’adoption et la gestion de telles postures. Ce faisant, il contribue à faire de la réflexivité une compétence singulière, une compétence de second niveau (Correa Molina, Chaubet, Collin et Gervais, 2010; Wittorski, 1996, 2007) qui aide le sujet à devenir, à être et à rester compétent. Si l’agir professionnel d’un enseignant/formateur prend appui sur un référentiel personnel, l’apprenant doit sans doute, pour comprendre et agir, mobiliser un objet similaire. L’hypothèse que le sujet apprenant emploie, lui aussi, un Référentiel Personnel de l’Agir apprenant/alternant constitue, nous semble-t-il, une piste de recherche particulièrement féconde.