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Le profil de l’adoption internationale évolue beaucoup depuis les dernières années : le nombre d’adoptions de ce type baisse, alors que l’âge et les besoins spéciaux des enfants confiés à l’adoption augmentent. Simultanément, les lois qui encadrent les adoptions locales comme internationales dans les pays d’origine des enfants changent sous l’impulsion de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (CLH-93[1]) conclue le 29 mai 1993 à La Haye. Ce traité international encadre la surveillance des pratiques autour de la circulation des enfants et la coopération entre les pays d’origine et d’adoption. À ce jour, 87 États contractants ont ratifié ce traité[2].

En regard de la position présentée par St-Amand (2013) dans ce débat, nous croyons plutôt que l’adoption internationale doit se poursuivre au bénéfice des enfants qui en ont le plus besoin et pour qui aucune autre solution viable n’a pu être trouvée. La CLH, par son importance et grâce à son application rigoureuse par les pays membres, fait déjà son oeuvre pour une protection des droits des enfants et de leurs familles d’origine, malgré les limites qu’elle rencontre et que nous analyserons. Aussi, nous insisterons sur le fait que l’arrêt ou la réglementation, tout comme la déréglementation de l’adoption, ont historiquement comporté leur lot de conséquences négatives pour les enfants (ce que néglige de dire l’auteur). Bien que nous soyons tout à fait d’accord avec lui pour reconnaître les grandes limites de l’adoption internationale et pour dénoncer ses dérives très évidentes, nous croyons qu’il est nécessaire de corriger certaines inexactitudes dans les faits qui sont présentés dans cet article, et de déconstruire les représentations faussées de l’adoption et des familles adoptives qui y figurent. Au-delà de la posture polarisée « contre » l’adoption qui y est défendue, nous proposerons des pistes de solution à plus long terme qui tiennent compte des améliorations comme des limites actuelles des systèmes et conventions structurant l’adoption internationale.

La transformation du phénomène de l’adoption internationale

Au Québec, le nombre d’adoptions internationales chute de manière importante depuis 2004 (SAI, 2010). Suivant la tendance observable dans le reste du Canada et les autres pays d’adoption, et contrairement à l’impression que donne le premier article de ce débat, une constante diminution des adoptions a eu lieu au Québec au cours des cinq dernières années[3]. Citoyenneté et Immigration Canada a aussi observé une nette diminution des adoptions internationales depuis 2006 (Canada, 2006); en effet, pour cette année seulement, elles avaient chuté de 18 %[4]. Cette diminution inverse le mouvement des adoptions hors Québec, qui avait effectivement été à la hausse de manière marquée depuis les années 1970 : seulement dans la décennie 1990, le Secrétariat à l’adoption internationale du Québec (SAI) dénombrait 7 899 adoptions, avec une moyenne de 790 par année. La moyenne atteignait 898 adoptions pour 1998 et 1999, de sorte que l'adoption internationale représentait 70 % des adoptions réalisées au Québec. Cet essor coïncidait avec un mouvement de déréglementation qui facilitait l’accès aux démarches pour les nombreux candidats à l’adoption à l’étranger. Le phénomène n’était pas unique au Québec; une hausse de 42 % entre 1998 et 2004 a été calculée pour cette période, par moyenne établie dans vingt États d’adoption, dont le Canada (Selman, 2009a). Au Canada, les adoptions internationales ont été stables pendant 11 ans jusqu'à 2006, variant de 1 800 à 2 200 par an (Canada, 2006).

La fluctuation récente des adoptions est attribuable à plusieurs facteurs légaux et politiques. Premièrement, la modification de la législation dans plusieurs pays d’origine des enfants a favorisé les adoptions locales. Les efforts de maintien des enfants dans leur milieu d’origine peuvent être vus comme une conséquence logique et une application du « principe de double subsidiarité », instauré par la CLH-93 (HCCH, 2008), qui a été mise en oeuvre par les pays au cours des dernières années (Romanens-Pythoud, Boéchat et Vité, 2008). Le principe de double subsidiarité implique pour les pays d’origine de tout mettre en oeuvre pour favoriser une réintégration de l’enfant dans son milieu familial. Le cas échéant seulement, l’État conventionné doit s’assurer de lui trouver un milieu favorable dans sa communauté ou dans son pays d’origine. C’est uniquement si aucune autre solution n’a été trouvée à l’intérieur du pays que l’enfant peut, en principe, devenir adoptable à l’international. Ces pays se sont dotés de lois reflétant les principes internationaux mis de l’avant par la CLH-93 et la CIDE[5] (HCDH, 1989) afin d’assurer le respect des droits de l’enfant[6].

Des inégalités importantes persistent toutefois dans le traitement des enfants qui se retrouvent sans milieu de vie familial ou communautaire pour prendre soin d’eux, car ces principes sont implantés avec des progrès très variables (SSI/CIR, 2009; SSI/ISS, 2010a, b; Howell, 2006). C’est particulièrement le cas des enfants plus âgés et de ceux qui ont des handicaps ou des besoins dits « spéciaux ». Certains États ont tenté d’améliorer leur aide aux familles vulnérables et ont encouragé les adoptions par des familles locales dans cet esprit; cependant, ces principes internationaux auxquels ils adhèrent sur papier n’ont pas en eux-mêmes force de loi, tout dépendant de la législation mise en place pour les appliquer dans les pays signataires de la CLH-93. Notamment, les efforts mis en oeuvre pour développer les systèmes de protection de l’enfance restent souvent insuffisants, ou nécessitent une révision complète du cadre juridique du pays. Les auteurs qui ont étudié les systèmes des pays d’origine notent des variations importantes dans les politiques de soutien aux familles et l’accessibilité de l’aide psychosociale professionnelle (Dickens, 2009; Howell, 2006; Bergquist, 2009; Roby et Ife, 2009), ou entre les régions d’un même pays (McCreery Bunkers, Groza et Lauer, 2009). Une coopération déficiente entre les pays signataires d’ententes d’adoptions pose aussi problème lorsque ces dernières se poursuivent malgré la présence d’irrégularités (trafic d’enfants, pratiques douteuses de certaines agences, etc.) qui ne sont pas dénoncées ou condamnées par les pays d’accueil, ou encore lorsque des ententes sont maintenues avec des pays qui n’ont pas ratifié la CLH-93 (Rotabi et Gibbons, 2012).

À la base, il s’agit d’assurer des conditions de développement optimales aux enfants, un soutien local adéquat aux familles (par des politiques sociales, des mesures de soutien aux parents seuls ou aux grands-parents, l’accessibilité de services de soutien aux familles, etc.) et de mettre en place des mesures pour prévenir la manipulation du consentement des familles à l’adoption par des intermédiaires motivés par les bénéfices associés au trafic d’enfants.

Or, la dynamique de « marché » prédomine encore dans plusieurs pays, faute d’encadrement rigoureux des pratiques. Par exemple, plusieurs pays d’origine n’ont pas « d’Autorité centrale » (HCCH, 2008[7]), organisme officiel désigné pour assurer une régulation des pratiques, assurer les standards d’adoption éthique ou surveiller les agences locales qui transigent avec l’étranger. Les politiques de soutien familial sont soit inexistantes, soit difficilement accessibles sur les plans géographique ou bureaucratique, ou ne tiennent pas ou peu compte des besoins des enfants handicapés ou ayant des problèmes de santé (SSI/ISS, 2012). Ces derniers se retrouvent ainsi fort vulnérables au délaissement ou au placement à long terme en institution par leurs parents, qui sont à bout de souffle. Les nourrissons en santé et leurs parents se retrouvent quant à eux la cible par excellence des intermédiaires qui convainquent les familles de les donner en adoption, étant donné la forte demande pour ces enfants en pays étranger. Souvent, c’est tout un système juridique et administratif, couplé à cette demande, qui encourage la mise en adoption d’un nombre disproportionné de bébés sur l’ensemble des enfants (SSI/CIR, 2009). Les enfants sont alors déclarés adoptables à l’étranger, alors que, vraisemblablement, peu ou pas d’efforts ont été mis en place pour retracer des membres de leur famille aptes à s’en occuper, ou pour trouver des solutions de placement familial à l’échelle locale.

Ces transformations des politiques d’adoption au sein de pays autrefois situés dans le haut de la liste des plus grands États d’origine des enfants ont tout de même eu pour conséquence, dans plusieurs cas, de réellement diminuer le nombre d’enfants dits « adoptables » hors frontière, et ainsi, d’augmenter les délais d’attente pour les candidats adoptants. Aussi, plusieurs pays (la Chine et la Russie en tête de liste[8]) ont commencé à modifier, à la hausse, leurs critères d’admissibilité pour les candidats souhaitant adopter un de leurs enfants. D’autres pays ont fermé la porte pour une période indéterminée aux nouvelles propositions d’adoption émises depuis l’étranger, que ce soit à la suite d’une catastrophe naturelle ou de situations dénoncées de trafic d’enfants entre les frontières. D’autres encore ont imposé un moratoire sur l’adoption internationale dans le but explicite de reprendre en main leurs enfants sans situation familiale stable. Parmi ceux-ci, la Roumanie, dont les adoptions représentaient jusqu’à un tiers de l’ensemble des adoptions internationales au début des années 1990, a complètement changé son système de protection de l’enfance, ses législations et ses politiques de soutien aux familles. Ces mesures ont mené à la cessation de toutes ses ententes d’adoption (Selman, 2009b) avec d’autres pays en 2005. D’autres pays mettent en place des mesures similaires à l’heure actuelle (le Kazakhstan, le Laos et le Sénégal [SSI/ISS, 2012]; la Corée [Kim et Smith, 2009]; les Îles Marshall [Roby et Ife, 2009]).

Les conséquences de ce « renversement des flux » d’adoption (SSI/ISS, 2005) sont toutefois exigeantes à assumer pour les pays. Plusieurs ont, dans un mouvement pour favoriser leurs adoptions locales, décidé de limiter les adoptions internationales aux enfants présentant des « besoins spéciaux », aux fratries, et aux enfants plus âgés. Les enfants jeunes et en bonne santé sont, soi-disant, destinés aux adoptions locales. De ce fait, et contrairement à une opinion répandue, il y a donc plus de candidats à l’adoption d’enfants dans les pays occidentaux qu’il y a d’enfants à adopter de l’étranger (Howell, 2006). Le nombre d’adoptions internationales officiellement recensées entre 1998 et 2004 se situe à au moins 45 000 (Selman, 2009a). Ce nombre peut sembler impressionnant lorsque seul le mouvement entre pays est considéré; une analyse plus approfondie suggère que ce nombre d’enfants est en fait assez limité si on le compare au nombre d’enfants qui grandissent en institution dans leur pays, sans être adoptés (Howell, 2006). En 2009, le nombre de ces enfants a été estimé à plus de 2 millions par l’UNICEF (2009).

La question reste toutefois de savoir si ces enfants bénéficient de réelles chances de trouver une famille dans leur milieu d’origine, comme le veut la CLH-93, et si des mesures suffisantes de soutien aux familles et aux communautés sont mises en place avec les ressources nécessaires par ces États. Le dilemme moral (Selman, 2009b) inhérent à toute adoption est ici rappelé dans toute sa complexité : vaut-il mieux préserver les liens familiaux et culturels d’un enfant au possible détriment de sa stabilité, de sa sécurité ou de son développement, ou l’en arracher pour lui offrir ces conditions à l’étranger, en demandant toutefois à l’enfant et à sa famille d’origine d’assumer toutes les pertes et tous les bouleversements associés? Le débat est en cours tant chez les chercheurs que dans les communautés à savoir quel est le « moindre mal » (Steinhauer, 1996), et comment compenser pour le flou que génère toujours l’emploi du terme « intérêt supérieur de l’enfant » dans les principes édictés (Howell, 2006; Nadeau et Corbeil, 2007). D’autres solutions sont-elles possibles pour éviter la polarisation du débat (pour ou contre l’adoption)?

L’adoption comme dernier recours? Les limites des traités internationaux et des politiques locales

Les difficultés que pose l’instauration de nouvelles réglementations autour de la circulation des enfants en adoption internationale ont récemment été discutées par plusieurs acteurs du monde juridique et social. Ces difficultés sont liées tant à l’ambiguïté des principes édictés par la CLH-93 ou la CIDE qu’à leur application réelle et aux impacts mitigés sur les enfants qu’elles devraient protéger dans les communautés des États membres. Nous soulignerons ici quelques paradoxes, limites, distorsions et lacunes de ces politiques et de leurs tentatives d’application par les pays membres. Ensuite, des pistes de solution qui sont actuellement discutées par les acteurs du monde de l’adoption internationale seront mentionnées.

Paradoxes et sens de l’adoption

La réglementation comme la déréglementation de l’adoption ont historiquement comporté leur lot de conséquences négatives pour les enfants. Pour plusieurs acteurs de l’adoption, cet état de fait relève d’une question éthique qui se pose à un double niveau : d’une part, les enfants qui restent dans leur pays et qui attendent une famille depuis longtemps auront-ils une chance réelle d’être adoptés (localement ou ailleurs)? D’autre part, si l’adoption internationale reste une intervention louable mais mal contrôlée, une « offre » d’enfants continuera-t-elle à être générée pour satisfaire à la demande des pays d’adoption? Certains critiquent par exemple la présence continue d’intermédiaires qui profitent des lacunes des systèmes des pays en développement à ces fins, alors que ces mêmes enfants pourraient être placés dans leur famille ou leur communauté avec un soutien (McCreery Bunkers, Groza et Lauer, 2009; SSI/ISS, 2010a). Ainsi, un système d’adoption adéquat et « juste » ne peut être instauré par les États membres tant et aussi longtemps que la compréhension claire des critères d’adoptabilité et leur transparence ne sont pas mieux établies (Mezmur, 2009).

L’adoption est remplie de paradoxes, et se définit différemment selon les intérêts et les représentations de ses acteurs. Geste humanitaire de dernier recours? Moyen comme un autre de fonder une famille? Intervention de protection de l’intérêt supérieur de chaque enfant? La CLH-93, malgré son but ultime d’assurer cette protection et sa définition qui incite à voir l’adoption d’un point de vue d’intervention, comporterait certaines contradictions dans sa nature même, et se retrouve distordue dans son application. Le principal paradoxe qui est soulevé dans la CLH-93 se situe dans sa nature : bien qu’elle définisse l’adoption internationale comme une intervention de tout dernier recours, cette dernière se retrouve malgré tout légitimée dans son existence par le traité. Sa vision de l’adoption comme une intervention de protection se heurte d’autre part au sens personnel, privé et émotif que les familles adoptives donnent à leur projet d’enfant (Ouellette, 1998; Piché, 2012).

Les phénomènes controversés de « sauvetages d’enfants » les plus importants de l’histoire (dont l’opération « Baby lift » durant la guerre du Vietnam et L’Arche de Zoé au Soudan en 2007 [Bergquist, 2009]) soulignent l’ambiguïté qui tend à s’installer autour du sens de l’adoption, en particulier dans les contextes d’urgence humanitaire. L’accroissement des contrôles étatiques visant à empêcher le trafic d’enfants, qui sont souvent séparés de leurs milieux dans ce contexte, se retrouve dans ces situations aux prises avec les demandes d’acteurs externes pour qui, au contraire, il serait urgent de réduire les obstacles à l’adoption pour faciliter la sortie des enfants de leur pays afin de les protéger. Cette posture interventionniste, « salvationniste » (Rotabi et Gibbons, 2009; Rotabi et Bergquist, 2010), d’« ingérence humanitaire » (Leblic, 2009) encouragerait plutôt le contournement des processus légaux légitimes en place pour protéger les droits des enfants et de leurs familles d’origine, sous le couvert de la bienfaisance et de l’adoption internationale.

Nous nous retrouvons ainsi devant le paradoxe de la légitimation d’une pratique que la communauté internationale souhaiterait, en principe, éviter. Le continuum d’intervention que la CLH-93 propose en est la principale porte de sortie, à l’heure actuelle. Toutefois, la CLH-93 doit être mieux implantée et surveillée pour être en mesure d’accomplir son objectif de protection des droits fondamentaux des enfants et des communautés familiales locales.

Les pays signataires de la CLH-93 sont aussi critiqués pour les distorsions de sens du traité qu’ils perpétuent, notamment lorsque les États d’adoption qui sont membres de la Convention continuent à faciliter les adoptions avec les pays non conventionnés. Cela ouvre la porte à plusieurs entorses à ses régulations et aux droits des enfants, puisque ces pays n’ont pas d’autorités centrales pour encadrer les pratiques (Bergquist, 2009). Ces mêmes pays adhèrent pourtant aux plus hautes normes d’éthique de l’adoption en signant la Convention et en devenant imputables de leurs pratiques internes, de même que de la coopération avec les pays impliqués dans leurs ententes d’adoption. Bergquist (2009) soulève la question qui se pose dans ces situations : « quand la CLH protège-t-elle réellement les enfants? ». Comme quoi la désignation de ce traité comme « porte-étendard » des pratiques éthiques en adoption ne garantit en rien le bien-fondé des agissements des pays ou des intermédiaires, et ce, même si la CLH-93 est en application. À l’opposé, le Québec mettait de l’avant plusieurs des principes de protection du meilleur intérêt des enfants qui sont adoptés, et ce, bien avant la mise en oeuvre de la CLH en 2006. Quant aux pays non-signataires de la Convention, ils ne surveillent pas les agissements non éthiques d’individus ou d’agences, et ne sont pas en mesure d’établir des standards de pratique. Ils ne disposent pas de pouvoirs d’accréditation des agences. D’autre part, des pays comme le Canada et les États-Unis ont suspendu leurs ententes d’adoption avec les pays qui ne satisfaisaient pas à leur réglementation en la matière, jusqu’à ce que les correctifs demandés soient établis. S’ajoute à ces mesures légitimes de protection le paradoxe des États d’adoption, qui s’engagent en principe à considérer l’adoption comme « dernier recours », mais poursuivent néanmoins l’agrément de nouveaux organismes d’adoption pour « ouvrir » des pays et ainsi satisfaire à la demande toujours aussi forte de ses adoptants pour des bébés en bonne santé.

Quelles sont alors les solutions de remplacement à l’adoption étrangère qui sont mises de l’avant par la CLH-93, et sont-elles encouragées? Au-delà de la solution de « compromis » (Dickens, 2009) qu’offre la pratique de l’adoption entre pays à l’heure actuelle, encore peu de pays d’origine arrivent à transformer leur système de manière à ce que la sortie hors frontières des enfants ne soit plus requise. Le gouvernement roumain a aidé son moratoire temporaire à devenir permanent en instaurant d’emblée un système de « points », qui versait les argents recueillis par les agences qui effectuaient les adoptions internationales avant le moratoire au soutien du développement de services locaux aux enfants et aux familles. Ces services se sont renforcés depuis, jusqu’à devenir autonomes. Une réforme majeure de la loi de la protection de l’enfant a aussi désigné les familles d’origine et les communautés comme principales responsables de l’éducation des enfants, avec un rôle accru de l’État pour les protéger de l’abandon et de la maltraitance. Un système de soutien aux familles et de prévention de l’abandon a été mis en place avec des travailleuses sociales qualifiées dans chaque hôpital ayant une unité de naissances. En 10 ans le nombre d’enfants roumains vivant en institution est passé de 57 000 à 24 000 (Dickens, 2009), ce qui n’est pas peu dire. Le nombre d’enfants abandonnés a diminué et ceux-ci sont dans la plupart des cas placés auprès de leur famille d’origine ou en famille d’accueil. La qualité des services développés dans le pays est le facteur majeur qui expliquerait le succès de la démarche de moratoire. Autrement, le maintien des adoptions internationales équivaudrait à « remplir un bain en enlevant le bouchon » (Dickens, 2009). En plus des milieux et des initiatives de soutien aux familles, il s’agit d’une volonté politique et de moyens concrets mis en place pour renverser la logique de marché, qui caractérise la plupart des pays concernés.

De cette perspective, l’adoption internationale devient une pratique aux effets pervers qui finit par empêcher le développement de systèmes durables et de politiques locales cohérentes. La dynamique de pouvoir socioéconomique et symbolique entre pays riches et pauvres tendrait à démotiver les gouvernements locaux d’instaurer des politiques et des services réels, tant que l’option de l’adoption se présente et domine.

Limites des pouvoirs de la CLH-93

On reproche aussi à la CHL-93 son « manque de mordant » dans les situations de violation des principes éthiques de l’adoption. Les auteurs de violations des droits des enfants comme de ceux des parents d’origine (par trafic, recrutement de parents pour l’adoption, manipulation des consentements) demeurent trop souvent impunis, libres de reproduire les mêmes pratiques ailleurs. Bergquist donne l’exemple d’une initiative qui, sous le couvert de la bienfaisance, s’est révélée être un système de trafic d’enfants (le cas de L’Arche de Zoé [Cadoret, 2009; Leblic, 2009]), comme la démonstration en a été faite devant le tribunal français. Ces pratiques ne sont pas toujours reconnues officiellement comme des violations à la Convention par les pays d’adoption, et ce, malgré le principe de coopération et de surveillance mutuelle entre États envers lequel ces pays se sont engagés.

Le pouvoir de la CLH-93 restant surtout symbolique, les États signataires exercent leur autorité souveraine dans leur propre contexte légal et administratif. Par exemple, c’est au pays en tant qu’autorité centrale désignée de nommer les services autorisés à agir en adoption internationale, et il lui revient de les encadrer. Le principe de coopération entre États membres permet en outre aux pays d’accueil correspondants de s’opposer aux mesures prises par le pays d’origine si elles sont jugées insuffisantes selon leurs critères, et d’arrêter l’entente avec eux.

Les lacunes dans la vérification de l’utilisation des fonds exigés par les agences (aux parents adoptifs) participent, à leur tour, au maintien d’un système qui perpétue le placement plus ou moins justifié d’enfants à l’étranger. Le manque de transparence financière de certains organismes d’adoption a été dénoncé comme l’un des engrenages du système de plusieurs pays d’origine (McCreery Bunkers, Groza et Lauer, 2009; Rotabi et Gibbons, 2009) : les zones grises qui permettent et entretiennent les déviations à l’éthique de la pratique sont innombrables, malgré l’existence de régulations internationales.

Le fossé culturel qui se creuse avec les réglementations des pays d’origine et d’adoption se situe en particulier dans la définition donnée à l’adoption d’un enfant. Ce fossé est aussi à considérer comme une limite au respect du sens originel de la Convention, qui stipule que l’enfant a le droit de grandir dans son milieu et sa culture d’origine. Pour plusieurs auteurs (Roby et Ife, 2009; Ouellette, 2009; Fonseca, 2004), le manque de prise en compte des représentations plurielles de l’adoption d’une culture à l’autre est problématique. En général, les pays d’origine privilégient un système d’adoption « coutumière » qui maintient les liens au sein des familles ou de la communauté d’origine, type d’adoption qui est d’ailleurs pleinement intégré dans les lois de nombreux pays (Ouellette et al., 2005). D’autres auteurs soutiendront que cette représentation très occidentalisée de l’adoption domine toutes les autres et est en quelque sorte « consacrée » par les traités que sont la CLH-93 et son corollaire, la CIDE (Howell, 2006).

Les parents d’origine, en particulier les mères, se retrouvent très souvent hors de portée des principes édictés par la CLH-93, qui prévoit la protection de leur consentement libre et éclairé et des services professionnels de soutien. Or, les réalités de la stigmatisation, de l’exclusion sociale (SSI/ISS, 2010b) et les lourdes pénalités imposées aux mères célibataires qui sont contraintes à abandonner leur enfant dans plusieurs pays (Chine, Corée, Cambodge, Roumanie, Guatemala) les rendent très vulnérables aux violations de leurs droits parentaux. Leurs recours judiciaires en cas d’abus de leurs droits sont très limités, voire inexistants (Roby et Ife, 2009), et la honte qui les entoure rend l’accès à leurs témoignages difficile. Plusieurs auteurs ont dénoncé la quasi-absence du discours de ces parents dans la littérature de l’adoption (Rotabi et Gibbons, 2009; Marre et Briggs, 2009), ce qui renforce à plus ou moins bon escient la représentation voulant que l’adoption par une nouvelle famille occidentale est la meilleure option pour tous les enfants vulnérables.

L’adoption internationale : intervention nécessaire ou obstacle aux initiatives locales ?

Plusieurs facteurs contribueraient ainsi à perpétuer l’adoption internationale comme solution dominante, bien qu’elle ne soit pas toujours appropriée aux besoins des enfants qu’elle cible. Dans une optique systémique et structurelle, il importe de considérer cette problématique dans sa dynamique d’ensemble pour analyser les phénomènes qui agissent dans la création de cette impasse. La notion de « champ social » (Bourdieu, 1993) a été utilisée dans la littérature concernant la famille (Dandurand et Ouellette, 1995) et l’adoption québécoise et internationale (Ouellette, 2005; Ouellette et Dandurand, 2000). Pour être défini comme tel, un champ doit comporter un enjeu central pour tous ses acteurs, et être animé d’une dynamique de luttes et d’alliances autour de ce dernier. Le champ de l’adoption semble quant à lui situer son enjeu de manière plus spécifique autour de la protection de l’intérêt de l’enfant, particulièrement de l’enfant privé de famille. Malgré l’adhésion commune des acteurs du champ à ce principe fondamental, les principes de droit individuel, d’équité et la désignation de l’intérêt supérieur sont quant à eux l’objet de tensions et d’interprétations très diverses. L’enjeu est de nature décisionnelle : comment prendre en charge l’enfant vulnérabilisé? Et qui doit en décider?

La perspective dans laquelle la pratique de l’adoption organise dans certains pays d’origine la dispensation de services de protection de l’enfance fait sens lorsque des problèmes structurels, couplés au manque de surveillance gouvernementale des pratiques et de l’utilisation des fonds des agences, travaillent à créer une offre d’enfants adoptables. Il ne s’agirait alors pas toujours d’une situation qui existe « par défaut », mais plutôt d’un système plus ou moins organisé aux fins de répondre aux intérêts de particuliers (intermédiaires, agences privées, fonctionnaires, candidats à l’adoption). La pauvreté et le manque de personnel formé pour prendre soin des enfants en institution restent endémiques et ajoutent à l’impuissance d’autres acteurs des communautés à fournir des solutions autres aux enfants (institutions non supervisées qui manquent de personnel adéquatement formé, résidences créées expressément par des intermédiaires locaux pour répondre à la demande d’adoptants internationaux [McCreery Bunkers, Groza et Lauer, 2009], « pouponnières » qui agissent dans un système parallèle sans autorisation de l’État [SSI/ISS, 2010a]). Une relation malsaine peut ainsi se développer entre agences et établissements d’hébergement des enfants, ces derniers devenant partenaires et fournisseurs d’enfants pour l’adoption (SSI/CIR, 2009).

Le recrutement de femmes enceintes vulnérables reste mal contrôlé et celles-ci sont fréquemment victimes de coercition, visant entre autres à leur faire renoncer juridiquement à leurs droits parentaux. Les plus affectées sont celles qui sont sans papiers, sans ressources et en migration, ne pouvant se permettre de dénoncer les abus dont elles sont victimes ni d’exercer un choix vraiment « libre » de garder l’enfant (McCreery Bunkers, Groza et Lauer, 2009). La fausse promesse que l’enfant va revenir est aussi encore faite à plusieurs familles d’origine pour induire un consentement à l’adoption et faire pression (Sylvain, 2010). La propagande des médias américains, des sites Web des agences d’adoption et d’autres promoteurs de l’adoption continue à présenter l’image d’enfants désespérés s’ils ne sont pas adoptés par une famille américaine, ce qui renforce par-dessus tout la désirabilité de ce système, dans les discours comme dans les pratiques.

L’identification des enfants et la déclaration de leur admissibilité à l’adoption sont toujours lacunaires, par la falsification aisée d’actes de naissance et la vente d’enfants, décriée encore récemment par les organismes de droit des enfants dans plusieurs pays. L’absence d’autorité centrale responsable de surveiller ce processus ou l’existence de systèmes parallèles dans lesquels des individus ou des établissements peuvent contrôler l’émission de documents comme la décision d’adoptabilité d’un enfant comptent parmi les nombreux facteurs associés à cet enjeu complexe.

Des contributions gouvernementales lacunaires ou inadéquates au secteur de la santé et des services sociaux, par exemple leur accès difficile en régions éloignées, participent à la détresse des familles les plus isolées dans leurs difficultés partout sur la planète. Des efforts systématiques sont également souhaitables pour réduire les nombreux obstacles administratifs aux adoptions locales, qui représentent souvent la minorité des adoptions (2 % des adoptions sont internes au Guatemala [McCreery Bunkers, Groza et Lauer, 2009]), et ce, malgré une perception de plus en plus positive dans certains milieux et la capacité de familles locales à accueillir un enfant.

À défaut de cette systématisation des efforts de soutien aux communautés, l’adoption internationale continue à organiser la protection de l’enfance (« international adoption must not be the tail that wags the dog » [McCreery Bunkers, Groza et Lauer, 2009 : 657]). De manière générale, le maintien du rôle passif des gouvernements locaux, couplé au manque de surveillance des pratiques d’adoption par le pays d’accueil en collaboration, contribue de manière dynamique au maintien de ces phénomènes.

Vers des adoptions internationales plus respectueuses de l’éthique et des conventions : pistes de solution

Une proposition de réforme éthique s’inscrit dans une nouvelle phase de développement du phénomène de l’adoption internationale. Alors que des fluctuations entre une plus ou moins grande réglementation des pratiques ont été observées depuis une trentaine d’années, une approche de réappropriation de pouvoir (Roby et Ife, 2009) par les populations locales, les familles d’origine et les enfants vulnérabilisés va au-delà de la question du contrôle étatique.

Ni effort de charité ni « pratique de marché », la réforme de l’adoption devra redéfinir son sens et inciter les pays d’origine et d’adoption à mieux coopérer pour arriver à contrer ses effets pervers. Le suivi plus rigoureux et mieux adapté des régulations qui sont déjà inspirées des traités internationaux permettrait d’éviter les phénomènes de « boom » des adoptions qui surgissent toujours à la suite des mouvements de déréglementation. Déjà marqué par la fin des adoptions « massives », le futur du phénomène sera marqué soit par un « début de la fin », soit par une réduction importante qui passera par une transformation du système et des pratiques éthiques (Selman, 2009b).

Les parents adoptifs feront face à une attente de plus en plus longue pour leur enfant, bien que leur approbation soit faite au contraire de plus en plus rapidement par leur pays d’appartenance[9]. Eux aussi devront faire un travail important de réévaluation (Piché, 2011) de leur projet adoptif et de leurs critères d’âge (la majorité des adoptants favorisent un enfant âgé de zéro à deux ans) et d’état de santé optimal. Les agences d’adoption et les autorités centrales devront être plus attentives que jamais à informer ces derniers de la transformation actuelle du profil des enfants, et renforcer les services de soutien professionnel à la disposition de familles qui vont de l’avant dans leur projet. Les professionnels de l’évaluation et de l’adoption devront aider les adoptants à démystifier l’adoption d’enfants plus âgés et à besoins spéciaux et les accompagner de près afin que ceux issus de ces groupes aient eux aussi droit à une famille.

Les critiques d’un système encore largement soumis aux abus de toute sorte, malgré la signature de traités internationaux et les mesures de contrôle prises par les gouvernements locaux, marquent l’évolution nécessaire du phénomène. À ce sujet, plusieurs postures sont actuellement représentées, certains prônant l’interruption de toutes les adoptions, en contexte de catastrophe naturelle ou humaine surtout – à moins d’une réforme majeure qui arrête les trafics d’enfants, encore trop nombreux et mal contrôlés par les mesures actuelles (Rotabi et Bergquist, 2010). Une stratégie de moratoire complet ou de fermeture permanente de toutes les adoptions externes, comme celle mise en effet par le gouvernement roumain, est une autre option à envisager afin de donner une chance aux systèmes internes de se développer, puis de se renforcer jusqu’à ce que soit atteinte l’autonomie complète des pays à s’occuper de leurs propres enfants. Le Service social international évalue quant à lui au cas par cas les pays d’origine concernés, et en arrive plutôt à recommander la suspension des adoptions étrangères issues de certains pays tant que les conditions de respect des principes de la CLH-93 ne sont pas remplies par les États et les agences d’adoption. Le Secrétariat à l’adoption internationale du Québec adopte pour sa part cette posture de demander aux pays avec qui des ententes sont conclues de revoir leurs procédures (SAI, 2012) et aux organismes agréés de son territoire de se faire accréditer dans la poursuite de leurs activités; il suit aussi les arrêts imposés par les changements législatifs des pays en révision de leurs conditions d’adoption.

D’autres rappelleront que des expériences positives sont aussi et très souvent issues des adoptions internationales et que l’intervention reste nécessaire dans plusieurs situations pour assurer le développement, ou simplement la survie de nombreux enfants pour qui les options de placement ne sont tout simplement pas encore accessibles dans leur milieu ou leur pays (Selman, 2009b). C’est particulièrement le cas des enfants à besoins spéciaux, qui ne trouveraient souvent aucune aide dans leur communauté d’origine. Certaines initiatives locales de prise en charge familiale et de soins intégrés aux enfants prennent naissance dans les pays et travaillent activement à dénouer l’exclusion qui marque particulièrement les enfants handicapés, malades, ou trop âgés pour trouver une famille adoptive (SSI/ISS, 2012).

Une autre posture de développement social durable des milieux de vie d’origine des enfants fait son chemin et reste la seule à proposer une solution à long terme qui respecte les droits de chacun. Une communauté qui possède les ressources, la marge de manoeuvre et la capacité pour s’autodéterminer dans le soin à ses enfants est une communauté renforcée, qui donne la réelle possibilité à ces derniers de grandir en toute sécurité et qui met en place tous les moyens pour assurer leur plein développement. L’objectif au sens large et à long terme des traités de droit de l’enfant est de faire en sorte que les adoptions étrangères deviennent l’exception, et même qu’elles puissent cesser. Comme nous l’avons illustré précédemment, la route est longue pour y arriver compte tenu des nombreux obstacles : politiques, systémiques, structurels, représentatifs, etc. Le suivi des principes de la CLH-93 et l’adhésion à la notion, même si elle reste complexe et discutable, de l’intérêt supérieur de chaque enfant est encore la meilleure avenue à suivre. À cet effet, le soutien d’organismes internationaux (tels que le SSI et l’UNICEF) aux pays dans le développement de leur cadre législatif et les évaluations des conditions du terrain dans lequel se réalisent les adoptions sont plus que jamais nécessaires pour renforcer l’application des principes de droit sur lesquels les pays se sont entendus, la simple adhésion à la CLH-93 n’assurant pas, à elle seule, le changement des pratiques.

L’ouverture des liens entre familles d’origine et adoptives fait aussi partie de ce mouvement de réforme, alors que plusieurs soulignent la nécessité de tenir compte des traditions et cultures d’adoption autres (Cardarello, 2009; Fonseca, 2004; Roby et Ife, 2009; Leblic, 2004).

L’effet juridique de l’adoption au sein des pays d’adoption occidentaux contredit totalement le sens des pratiques millénaires des communautés de provenance des enfants, et cela sans que les familles et communautés pourtant concernées soient conscientes ou clairement informées de ses effets (Roby et Matsumara, 2002). La représentation y est généralement que l’enfant appartient d’abord à sa communauté, et non à un parent ou à une famille en particulier. L’ouverture des adoptions internationales, lorsqu’un échange avec la famille ou le milieu d’appartenance de l’enfant est pensable et souhaitable, se pratique déjà de manière informelle chez les familles qui adoptent à l’étranger (Ouellette et Méthot, 2003).

Une réforme de l’adoption qui rend possible le développement de la capacité des pays d’origine

Cette voie de réforme doit inclure les initiatives locales de reprise en charge des enfants et le développement durable de communautés de soins. C’est en soutenant les parents et les membres de la « famille » au sens élargi que des modèles de soutien parviennent à l’heure actuelle à recueillir, éduquer, soigner les enfants dont les parents sont disparus ou dans l’incapacité de prendre soin d’eux (Pardasani, Chazin et Fortinsky, 2010). Ces organismes travaillent en partenariat avec les institutions gouvernementales et visent à redonner du pouvoir aux familles, à développer leur capacité à défendre leurs propres droits. Au bout du compte, ils arrivent à réduire la nécessité des adoptions d’enfants hors communauté (pour des exemples, voir le projet Ubuntu en Afrique du Sud [McKinsey & Company, 2011; Ubuntu, 2012] et Orphans International Tanzania [Pardasani, Chazin et Fortinsky, 2010]).

Conclusion

L’adoption internationale est certes un phénomène difficile à saisir dans son essence et sa portée. Nous avons tenté de résumer les facteurs et certaines dynamiques qui font partie de sa transformation actuelle, de même que les effets de ces changements sur ses principaux acteurs. La CLH-93 est un outil imparfait, qui porte à l’interprétation ou qui reste mal implanté dans les pays qui l’ont ratifiée. À elle seule, elle ne garantit pas l’éthique de l’adoption et comporte ses zones de paradoxe. Malgré tout, la Convention structure actuellement l’adoption internationale. Elle reste un guide important pour faire en sorte que les solutions de remplacement au placement extérieur soient bel et bien possibles à instaurer pour les enfants qui en ont le plus besoin et afin que les adoptions internationales qui se poursuivent soient réalisées dans le plus grand respect de l’intérêt supérieur de chaque enfant, dans chaque situation donnée. Il revient aux instances engagées dans le processus de le définir avec les familles et communautés concernées, dans la plus grande sensibilité possible et dans une vision à long terme pour l’enfant.

Pour que les enfants privés de famille aient une chance de grandir dans leur milieu et leur culture en bénéficiant d’occasions de se développer pleinement, il faudra aussi considérer et appuyer de manière soutenue les besoins des familles élargies qui pourraient les accueillir de manière plus stable et plus saine que les institutions. Les mécanismes juridiques, administratifs et représentatifs devraient également être pensés de manière à renforcer les adoptions locales et des systèmes de protection de l’enfance solides et adaptés aux besoins locaux devraient être mis en place.

Les organismes qui agissent à proximité des enfants et qui incluent parfois des services intégrés en santé, des services psychosociaux et un soutien éducatif intensif pourraient contribuer à élargir les options au-delà du placement en orphelinat à long terme. Ces initiatives gagneraient à être mieux connues sur le plan de leur fonctionnement, des nécessités reliées à leur développement durable dans les communautés et des partenariats qu’elles établissent ou non avec les institutions publiques. Les milieux de placement autres qui peuvent accueillir les enfants ayant le moins de chances de trouver une famille adoptive (les enfants handicapés, malades, plus âgés que la demande des adoptants, qui appartiennent à des minorités ethniques, etc.) peuvent représenter une inspiration au sein d’autres communautés.

Une réforme de l’adoption internationale guidée par l’éthique est nécessaire et sous-jacente aux nombreuses fluctuations du phénomène des années récentes. Elle est plus que jamais reliée au respect des droits fondamentaux qui ont été reconnus aux enfants dans le monde.