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Classiquement, le terme de « délire » s’applique à deux formes fondamentalement distinctes : les délires monothématiques et les délires polythématiques (Davies & Coltheart, 2000; Bortolotti, 2005). Les délires monothématiques présentent un thème unique et sont habituellement associés à des lésions cérébrales. Parmi ces derniers, on peut mentionner le délire de Capgras (en vertu duquel le patient croit qu’un de ses proches a été remplacé par un imposteur), le délire de Fregoli (où le patient est convaincu qu’il est poursuivi par une ou plusieurs personnes qu’il ne peut reconnaître car elles sont déguisées) ou le délire de Cotard (où le patient est persuadé qu’il est décédé). À l’inverse, les délires polythématiques possèdent des thèmes multiples, qui sont le plus souvent interconnectés et sont habituellement associés à des troubles psychotiques. Parmi les délires polythématiques, on peut mentionner notamment : le délire de référence, le délire de grandeur, le délire d’influence, le délire de persécution, le délire de contrôle, le délire de télépathie.

Dans ce qui suit, je m’attacherai à présenter un modèle, à ma connaissance nouveau, du mécanisme qui conduit à l’élaboration des délires polythématiques[1] rencontrés dans la schizophrénie. Ce modèle, qui s’inscrit dans le cadre du développement récent de la philosophie psychopathologique (Faucher, 2006), se propose de décrire le mécanisme qui conduit d’une part à la formation des idées délirantes, et d’autre part à leur maintenance. Dans ce modèle, les délires constituent le résultat de l’activité cognitive du patient en réponse à une forme spécifique de perception anormale. Alors que le raisonnement correspondant apparaît essentiellement normal, il comporte toutefois la répétition d’un certain nombre d’erreurs de raisonnement caractéristiques. Cela conduit à appréhender les délires polythématiques comme les conclusions d’arguments fallacieux, élaborés en réponse à un type particulier de perception anormale, parmi lesquels on peut distinguer les arguments délirants primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires. Ces quatre niveaux d’arguments correspondent, on le verra, à des phases fonctionnelles qui sont respectivement d’une nature instancielle (basée sur un certain nombre d’instances), inductive (qui généralise la conclusion de chacune des instances), interprétative au niveau monothématique et enfin, interprétative au niveau polythématique.

Il convient de mentionner, en outre, que la notion de délire possède d’importantes connotations philosophiques. En particulier, la compréhension des délires s’avère essentielle pour les notions de croyance (Engel, 2001, Bayne & Pacherie, 2005), de justification des croyances, de connaissance, de rationalité (Campbell, 2001, Bortolotti, 2005) et aussi d’auto-illusion[2].

1. Les modèles cognitifs des délires

Avant de décrire en détail le présent modèle, il s’avère utile de présenter les principaux modèles cognitifs pour les délires rencontrés dans la littérature. Un certain nombre d’auteurs ont en effet décrit un modèle cognitif pour les idées délirantes observées dans la schizophrénie. Ainsi que le soulignent Chadwick et al. (1996), de même que Fowler et al. (1995) qui s’attachent à passer en revue ce type de modèles, il n’existe pas véritablement de modèle cognitif unique pour les délires, car il s’agit davantage d’une famille de modèles.

Un premier modèle cognitif a été décrit par Chadwick et al. (1996), qui se sont attachés à présenter une application aux délires de l’ABC-analyse d’Albert Ellis. Le modèle original décrit par Ellis (1962) consiste en un schéma qui joue un rôle prépondérant dans l’émergence des troubles mentaux. Ellis distingue ainsi trois types d’événements : A, B et C. Les A (pour Activating event) sont des faits extérieurs ou bien des événements de la vie interne du patient, tels que des pensées ou des sensations corporelles. Les B (pour Belief) sont des pensées relatives à ces mêmes événements, qui elles-mêmes peuvent être de nature rationnelle ou non. Par ailleurs, le processus cognitif correspondant peut être plus ou moins conscient. Enfin, les C (pour Consequence) sont des états émotionnels tels que la colère, la tristesse, la joie, la frustration, etc., qui peuvent être de nature positive ou négative. Ainsi, les C qui suivent les pensées irrationnelles sont le plus souvent de nature négative. La succession des événements de type A, B et C joue un rôle essentiel dans l’émergence des troubles mentaux : les événements activateurs entraînent des pensées irrationnelles, qui elles-mêmes engendrent des émotions négatives. Le type de thérapie préconisée par Ellis consiste précisément à rendre le patient conscient de ce mécanisme et à en contrôler le processus. Adaptant le modèle original d’Ellis à la psychose, Chadwick et al. indiquent ainsi comment les A constituent les événements extérieurs ou internes au patient, les B sont ses pensées, et les C sont constitués par les émotions consécutives aux pensées du patient. Ce cadre particulier permet de fournir une ABC-analyse cognitive des principaux types de délires. À titre d’exemple, le délire de persécution trouve son origine dans un fait extérieur tel que le patient entend le bruit du klaxon d’une voiture; cela déclenche chez lui la pensée selon laquelle ses ennemis viennent pour le tuer; il s’ensuit alors chez le patient une émotion négative de peur et d’angoisse.

Un second modèle cognitif des délires a été exposé par Brendan Maher (1974; 1988; 1999). Maher a avancé l’idée que les délires résultent — dans le cadre de la schizophrénie de type paranoïde — d’une interprétation essentiellement normale des phénomènes anormaux vécus par le patient (hallucinations, perte d’audition, altération dans l’intensité des perceptions, etc.). Selon Maher, ce n’est donc pas par son raisonnement que le patient diffère d’un individu normal, mais bien par les perceptions altérées qui sont les siennes. Les idées délirantes sont ainsi conçues comme une réponse aux phénomènes anormaux et émotionnellement troublants vécus par le patient. De tels phénomènes troublants conduisent le patient à une recherche d’explication, qui se trouve à l’origine de la construction délirante. Selon Maher, la démarche intellectuelle qui est celle du patient procède d’un raisonnement normal et ne diffère pas sensiblement de celle qui est manifestée par tout individu, voire par tout scientifique, lorsqu’il est confronté à un phénomène inexpliqué : « Le coeur de la présente hypothèse réside dans le fait que les explications (c’est-à-dire les délires) du patient résultent d’une activité cognitive qui ne se distingue pas fondamentalement de celle qui est utilisée par les non-patients, par les scientifiques et par les gens en général » (Maher, 1974, p. 103)[3]. Par raisonnement normal, Maher entend ici un raisonnement essentiellement logique, mais qui comporte occasionnellement un certain nombre d’erreurs de raisonnement de type courant. Il est utile de mentionner ici que le modèle de Maher a fait l’objet de plusieurs objections. En premier lieu, ce modèle a été critiqué sur le fondement qu’il ne permettait pas de rendre compte du fait que les délires peuvent également prendre place dans des conditions apparemment normales (Chapman & Chapman, 1988). En second lieu, il a été reproché au modèle de Maher (Davies & Coltheart, 2000) de ne pas décrire comment les croyances délirantes sont adoptées et maintenues malgré leur nature invraisemblable[4]. On peut mentionner enfin que dans le cadre du modèle de Maher se pose un important problème philosophique. Il s’agit de ce que Pascal Engel a dénommé le « paradoxe des délires » (Engel, 2001), et qui peut être formulé ainsi : si la construction délirante est sous-tendue par un raisonnement essentiellement normal et donc par la rationalité, comment peut-on expliquer que les conclusions des délires soient aussi manifestement fausses et contraires à l’évidence. La présente analyse s’inscrit dans un tel contexte et vise ainsi à proposer une solution pour le paradoxe des délires.

Alors que la conception de Maher mentionne les perceptions anormales comme facteur unique à l’origine des idées délirantes, une autre approche, défendue notamment par Martin Davies et Max Coltheart (2000, 2001), décrit deux facteurs dans la genèse et la maintenance des délires. Le premier facteur réside, de même que pour Maher, dans des perceptions anormales. Et le second facteur réside chez le patient, selon Davies et Coltheart, en une inaptitude à rejeter une hypothèse compte tenu de son caractère non plausible et incohérent avec le reste des connaissances du patient. Davies et Coltheart critiquent ainsi le modèle de Maher en faisant notamment valoir qu’il ne permet pas de rendre compte de la maintenance des délires, alors même que leur conclusion se révèle tout à fait implausible.

Il convient de mentionner également un quatrième type de modèle cognitif, qui souligne qu’un certain nombre de biais cognitifs (Garety et al., 2001) sont présents dans le mode de pensée des patients souffrant de schizophrénie. Au nombre de ces biais figurent chez le patient la tendance à tirer des conclusions hâtives (jump-to-conclusions) (Garety & Hemsley, 1994). Des études expérimentales (Fear & Healy, 1997; Garety et al., 1991) ont ainsi montré que les patients possédaient une tendance plus prononcée que les autres à conclure très rapidement, à partir d’un ensemble d’informations restreint mis à leur disposition. Un second type de biais d’attribution ou biais externaliste consiste pour le patient à attribuer une cause extérieure aux événements de type négatif qu’il subit. Le patient privilégie ainsi, de manière arbitraire, une cause externe par rapport à une cause interne et personnelle, lorsqu’il s’attache à déterminer l’origine d’un événement qui le concerne. Une telle conclusion résulte notamment des travaux réalisées par Bentall et Kaney (1989), et Kaney et al. (1989), qui ont observé que les patients souffrant de délires de persécution étaient plus prompts que des individus normaux à attribuer à la fois une cause externe aux événements négatifs qu’ils subissaient et une cause interne aux événements positifs qui les concernaient. Ce type de biais est également associé à un biais attentionnel, qui a été observé (Bentall et al., 1989; Kaney et al., 1989) chez les patients souffrant de schizophrénie de type paranoïde, qui manifestent ainsi une tendance plus marquée que les autres à porter leur attention sur des éléments menaçants, parmi un ensemble de stimuli, en particulier si ces derniers sont en relation avec eux-mêmes. Enfin, Aaron Beck (2002) a également souligné comment le raisonnement du patient atteint de schizophrénie présentait un biais égocentrique. Ce type de biais conduit le patient à relier la plupart des événements extérieurs aux éléments de sa vie personnelle. Les bruits, les sons, les odeurs, et d’une manière générale les faits et les phénomènes extérieurs, sont ainsi porteurs pour le patient d’une signification cachée ou explicite, et qui le concerne en propre.

Enfin, il convient de mentionner un modèle cognitif qui s’attache à définir de manière précise la nature des délires, en mettant en particulier l’accent sur le fait que ces derniers ne constituent pas des croyances au sens où nous l’entendons habituellement ou, éventuellement, constituent des croyances d’un genre spécial. Un tel modèle a fait l’objet de développements récents (Sass, 1994; Young, 1999; Engel, 2001; Stephens et Graham, 2006) tendant à remettre en question la définition classique du délire, fondée sur une croyance anormale.

2. L’apophénie

Je m’attacherai maintenant à décrire le présent modèle et à exposer avec précision le mécanisme qui conduit à la formation et à la maintenance des idées délirantes. Dans le modèle de Maher, les délires constituent une élaboration cognitive effectuée par le patient en réponse à des perceptions anormales. Le présent modèle s’inscrit dans le cadre d’une telle conception : les délires polythématiques constituent ainsi les conclusions d’arguments fallacieux élaborés par le patient, en réponse à un type particulier de perception anormale : l’apophénie. Enfin, bien que les raisonnements qui conduisent aux délires se révèlent fallacieux, ils peuvent toutefois être considérés comme normaux, car ils comportent des erreurs de raisonnement qui s’avèrent très communes.

Avant de décrire la structure du raisonnement qui conduit aux délires polythématiques, il convient tout d’abord de s’intéresser à l’apophénie. On trouve ainsi mention, en particulier dans les observations faites par un certain nombre de patients en rémission relatant leur expérience psychotique (Stanton & David, 2000), d’un sentiment très particulier, qui peut être caractérisé comme un sentiment d’interconnexion avec le monde environnant. Un tel sentiment n’est pas ressenti de manière normale et revêt véritablement un caractère bizarre. Déjà Schneider (1930) avait remarqué comment, chez l’individu souffrant de schizophrénie, une interconnexion porteuse de sens est créée entre des faits internes au patient et des événements extérieurs (« Des connexions porteuses de sens sont créées entre des impressions extérieures qui coïncident temporellement... ou des perceptions avec des pensées qui se produisent à ce moment, ou des événements et des souvenirs qui se manifestent à la conscience au même moment »)[5]. Isabel Clarke (2000) fait également mention chez le patient d’un sentiment très particulier de fusion et d’interconnexion universelle (« un sentiment exaltant d’unité et d’interconnexion universelle)[6]. De même, Brundage (1983) évoque un phénomène de même nature qui se manifeste par un sentiment particulier de connexion avec tous les événements qui se produisent alentour (« il y a une connexion avec tout ce qui se passe »)[7] ainsi que le sentiment que les moindres choses ont un sens (« la moindre chose possède une signification »)[8]. Il apparaît ainsi que le patient ressent alors un fort sentiment d’interconnexion entre d’une part ses phénomènes internes et d’autre part les phénomènes externes.

Le rôle d’un tel sentiment d’interconnexion a notamment été souligné récemment par Peter Brugger (2001). Brugger dénomme ainsi apophénie la tendance à voir des connexions entre des objets ou des idées qui sont a priori sans aucun rapport (« la propension à voir des connexions entre des objets ou des idées apparemment sans relation »)[9] et attribue la création de ce terme à K. Conrad (1958). Dans le présent contexte, on peut se contenter d’une définition de l’apophénie légèrement plus restrictive, car il suffit ici de caractériser l’apophénie comme le sentiment chez le patient qu’il existe une relation étroite entre ses phénomènes internes (pensées, sensations, émotions, actes) et les phénomènes extérieurs.

On peut observer ici que Maher ne mentionne pas directement l’apophénie lorsqu’il énumère les perceptions anormales susceptibles d’être vécues par le patient. Cependant, il cite un phénomène qui apparaît comme étroitement lié à l’apophénie. Au nombre des perceptions anormales vécues par le patient, Maher mentionne en effet (Maher, 1999) qu’il peut s’agir par exemple du fait que le patient perçoit comme saillantes des données sensorielles normalement insignifiantes, de défauts non reconnus dans le système sensoriel du patient tels qu’une perte d’audition, d’altérations temporaires dans l’intensité des perceptions, d’hallucinations, de difficultés de concentration d’origine neurologique, etc. Maher mentionne ainsi au nombre des perceptions anormales le fait que le patient perçoit comme saillantes des données sensorielles ordinairement insignifiantes, ce qui peut être considéré comme étroitement lié à l’apophénie.

À ce stade, il s’avère nécessaire de décrire plus précisément le mécanisme cognitif qui, associé à l’apophénie, conduit à l’élaboration des délires polythématiques. Cela permettra en outre d’éclairer davantage le rôle et la nature de l’apophénie.

3. Formation et maintenance des idées délirantes

Dans le présent contexte, les raisonnements qui conduisent aux idées délirantes sont considérés comme des cas particuliers d’arguments fallacieux, c’est-à-dire des raisonnements dont les conclusions ne sont pas justifiées logiquement par leurs prémisses, qui sont élaborés en réponse à un type particulier de perception anormale : l’apophénie. En règle générale, ce type de raisonnement conduit à une conclusion fausse. Mais il peut arriver que, de manière très exceptionnelle, la conclusion qui en résulte se révèle vraie (par exemple si un patient souffrant de schizophrénie présentait un délire de persécution et était espionné par erreur, notamment parce qu’il a été confondu avec un haut diplomate). Une autre particularité du type de raisonnement fallacieux qui conduit aux délires polythématiques est qu’il comporte des erreurs de raisonnement d’un type normal, c’est-à-dire très communes. Enfin, on pourra remarquer que malgré leur conclusion manifestement fausse, la tâche qui consiste à déterminer avec précision les étapes fallacieuses dans le raisonnement qui conduit aux idées délirantes s’avère loin d’être aisée.

Le raisonnement fallacieux qui conduit aux délires polythématiques présente une structure particulière, on le verra, au sein de laquelle il est utile de distinguer plusieurs phases fonctionnelles, qui prennent place de manière successive dans l’élaboration des idées délirantes : les phases primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire. La phase primaire tout d’abord, est de nature instancielle, en ce sens qu’elle basée sur un certain nombre d’instances. La phase secondaire présente une nature inductive, qui procède par généralisation des conclusions résultant de chacune des instances. La phase tertiaire procède d’une nature interprétative au niveau monothématique. Enfin, la phase quaternaire possède une fonction interprétative, mais cette fois à un niveau polythématique. La distinction de ces quatre phases successives présente un intérêt dans la compréhension du mécanisme qui conduit à la formation des idées délirantes, car elle permet d’en décrire la structure, tant au niveau de la formation que de la maintenance. D’autre part, comme on le verra plus loin, la thérapie cognitive des psychoses peut s’appliquer différemment à chacune de ces phases.

On s’intéressera en particulier aux idées délirantes de référence, de télépathie, d’influence et de grandeur, qui correspondent aux délires polythématiques rencontrés dans la schizophrénie. On peut mentionner en outre que le modèle correspondant peut être aisément étendu aux autres types d’idées délirantes, en particulier aux délires de projection de pensée[10] ou de persécution. À ce stade, il convient de distinguer entre le mécanisme qui conduit à la formation des idées délirantes, et celui qui concourt à leur maintenance.

3.1 Formation des idées délirantes

De manière classique, on distingue dans la schizophrénie les types de délires suivants : délire de référence, délire d’influence, délire de contrôle, délire de télépathie, délire de grandeur, délire de persécution. Le présent modèle s’attachera tout d’abord à décrire le mécanisme qui conduit à la formation de ces principaux types de délires, en s’attachant à présenter une reconstruction du processus cognitif caractéristique chez un patient en début de psychose.

Commençons par le délire de référence. Considérons l’argument suivant, qui conduit le patient à conclure que la télévision parle de lui, et donc aux idées délirantes de référence (T1 et T2 dénotent ici deux positions temporelles successives, avec un intervalle très court entre T1 et T2; le symbole ∴ dénote la conclusion; et R est pris pour référence) :

(R1)

En T1 je buvais un apéritif.

(R2)

En T2 le présentateur de l’émission a dit : « Il ne faut pas boire! ».

(R3)

∴ En T2 le présentateur a dit : « Il ne faut pas boire! » parce qu’en T1 je buvais un apéritif.

(R4)

En T3 j’étais tendu et anxieux.

(R5)

En T4 l’animateur de l’émission a dit « Ne stressez pas! ».

(R6)

∴ En T4 l’animateur de l’émission a dit « Ne stressez pas! » parce qu’en T3 j’étais tendu et anxieux.

(R7)

En T5 je fumais une cigarette.

(R8)

En T6 j’ai entendu le présentateur dire « Ce n’est pas bien! ».

(R9)

∴ En T6 le présentateur a dit « Ce n’est pas bien! » parce qu’en T5 je fumais une cigarette.

(R10)

En T7 je me sentais lucide et serein et j’étais détendu.

(R11)

En T8 l’animateur de l’émission a dit « C’est la grande forme! ».

(R12)

En T8 l’animateur a dit « C’est la grande forme! » parce qu’en T7 je me sentais lucide et serein et que j’étais détendu.

(R…)

(R13)

∴ Les présentateurs des émissions parlent en fonction de ce que je fais ou de ce que je ressens.

(R14)

∴ La télévision parle de moi.

On peut distinguer dans la structure de ce raisonnement plusieurs parties dont la fonction se révèle distincte. Ces différentes parties correspondent respectivement aux arguments délirants primaires (il s’agit des étapes (R1)-(R3), (R4)-(R6), (R7)-(R9) et (R10)-(R12)), aux arguments délirants secondaires (les étapes (R3), (R6), (R9), (R12) et (R13)) et tertiaires (les étapes (R13) et (R14)). Il convient de s’intéresser tour à tour à chacun de ces arguments. Commençons par les arguments délirants primaires, qui correspondent à une phase instancielle, en ce sens qu’elle se compose de plusieurs instances distinctes. Les arguments délirants primaires sont constitués ici par quatre instances différentes, à savoir les étapes (R1)-(R3), (R4)-(R6), (R7)-(R9) et (R10)-(R12). Ces quatre arguments délirants primaires conduisent le patient à conclure qu’à un moment donné, les animateurs des émissions de télévision ont parlé en fonction de ses actions ou de ce qu’il ressentait.

Intéressons-nous maintenant à l’étape suivante (R13), qui constitue la conclusion d’un argument délirant secondaire et procède d’une nature différente. Ses prémisses en sont les conclusions (R3), (R6), (R9), (R12) des quatre instances précédentes d’argument délirants primaires de référence. Le patient généralise à partir de ces dernières jusqu’à conclure que les présentateurs de télévision parlent en fonction de ce qu’il fait ou de ce qu’il ressent. La structure globale de ce type d’argument délirant secondaire est ainsi la suivante :

(R3)

En T2 le présentateur de l’émission a parlé en fonction de ce que je faisais.

(R6)

En T4 l’animateur de l’émission a parlé en fonction de ce que je ressentais.

(R9)

En T6 le présentateur de l’émission a parlé en fonction de ce que je faisais.

(R12)

En T8 l’animateur de l’émission a parlé en fonction de ce que je ressentais.

(R…)

(R13)

Les présentateurs des émissions parlent en fonction de ce que je fais ou de ce que je ressens.

On peut ainsi appeler inductif ce type d’argument délirant secondaire, car il revêt la forme d’une induction énumérative où le patient construit sa conclusion en généralisant, de manière inductive, à partir des conclusions de plusieurs instances d’arguments délirants primaires. Ainsi, les arguments délirants secondaires correspondent à une phase qui se révèle par nature inductive.

À ce stade, il convient de mentionner également la troisième étape, qui conduit au délire de référence. Il s’agit de l’argument délirant tertiaire de référence, constitué par les étapes (RErreur! Argument de commutateur inconnu) et (RErreur! Argument de commutateur inconnu), et dont la prémisse (RErreur! Argument de commutateur inconnu) est la conclusion de l’argument délirant secondaire de référence :

(R13)

∴ Les présentateurs des émissions parlent en fonction de ce que je fais ou de ce que je ressens.

(R14)

∴ La télévision parle de moi.

Dans un tel argument, le patient prend en considération la conclusion de l’étape inductive selon laquelle les présentateurs des émissions parlent en fonction de ses actes ou de son état interne, et interprète cela en concluant que la télévision parle de lui. Il s’agit, on le voit, d’une étape dont la fonction est proprement interprétative, en ce sens qu’elle vise à donner un sens à la conclusion inductive qui résulte de l’argument délirant secondaire. Les arguments délirants tertiaires procèdent donc d’une phase interprétative, qui se situe à un niveau monothématique (ici, le thème particulier est celui du délire de référence).

Un mécanisme structurellement identique conduit à des idées délirantes de télépathie. Plusieurs instances d’arguments délirants primaires d’influence conduisent tout d’abord le patient à conclure que ses propres pensées sont à l’origine d’actes réalisés par d’autres personnes. Par une étape inductive, le patient parvient ensuite à la conclusion que les gens agissent en fonction de ses pensées. Enfin, dans une étape interprétative, le patient conclut que les gens peuvent lire ses pensées (ou qu’ils les entendent). Il s’agit là, dans l’esprit du patient, d’une tentative d‘expliquer la conclusion très troublante qui résulte de l’étape inductive selon laquelle les autres personnes agissent en fonction de ses pensées.

Ce même mécanisme engendre également la formation des idées délirantes d’influence. Dans ce cas, plusieurs instances d’arguments délirants primaires d’influence conduisent le patient à conclure que ses propres pensées sont à l’origine de désagréments causés à d’autres personnes. Une étape inductive amène ensuite le patient à la conclusion que les gens réagissent négativement en fonction de ses pensées. Enfin, une étape interprétative conduit le patient à conclure qu’il perturbe et dérange les autres.

En outre, un tel mécanisme conduit à la formation des idées délirantes de contrôle. Celles-ci trouvent leur origine dans des instances d’arguments délirants primaires de contrôle. De telles instances possèdent la même structure que les instances d’arguments délirants primaires de référence, de télépathie ou d’influence, avec toutefois cette différence que l’ordre temporel des deux types d’événements — interne et externe, par rapport au patient — s’y trouve inversé. Dans les arguments délirants primaires de référence, de télépathie ou d’influence, un événement interne au patient précède un événement externe, alors que c’est l’inverse dans le cas d’un argument délirant primaire de contrôle : l’événement externe y précède l’événement interne. Ainsi, plusieurs instances d’arguments délirants primaires de contrôle amènent le patient à conclure, de manière inductive, que des événements extérieurs ont un effet sur ses pensées, ses émotions ou ses actes. L’étape interprétative conduit ensuite le patient à penser qu’il est contrôlé par des êtres ou des objets extérieurs tels que des robots ou un satellite.

Enfin, il convient de préciser le rôle joué par les arguments délirants quaternaires. Les prémisses de ces derniers arguments sont les conclusions des arguments délirants tertiaires. Les arguments délirants quaternaires sont des arguments plus généraux, qui présentent, de même que les arguments délirants tertiaires, une nature interprétative. Mais à la différence des arguments délirants tertiaires qui se révèlent interprétatifs à un niveau monothématique, les arguments délirants quaternaires sont interprétatifs à un niveau polythématique. En effet ils tiennent compte, de manière conjointe, des conclusions des arguments délirants tertiaires de référence, de télépathie, d’influence, etc., en s’efforçant de leur donner globalement un sens et de les interpréter. Le raisonnement ci-dessous constitue ainsi un argument délirant quaternaire conduisant aux idées de grandeur :

(R15)

La télévision et les médias parlent de moi.

(T16)

Les gens peuvent lire dans mes pensées.

(117)

J’influence le comportement des gens.

(18)

∴ Je suis quelqu’un d’exceptionnel.

(19)

∴ Je suis un extraterrestre.

Au niveau quaternaire, le patient prend ainsi en compte les différentes conclusions résultant des arguments délirants tertiaires, dont la fonction est interprétative au niveau d’un thème délirant donné et cherche, cette fois, à interpréter l’ensemble que celles-ci constituent. La conclusion qui en résulte constitue véritablement, pour le patient, une théorie globale qui a pour fonction de donner un sens et d’expliquer l’ensemble des phénomènes anormaux qu’il subit.

3.2 Maintenance des idées délirantes

Il convient maintenant de s’intéresser au mécanisme qui conduit à la maintenance des idées délirantes. Plaçons-nous ainsi au niveau des arguments délirants secondaires qui, quant à la formation des idées délirantes, présentent une nature inductive. Intéressons-nous en particulier à la forme que revêtent les arguments délirants secondaires de référence, au stade de la maintenance. À ce stade, la conclusion (R13) qui résulte des arguments délirants secondaires, selon laquelle les présentateurs des émissions parlent en fonction de ce que fait ou ressent le patient, a d’ores et déjà été établie au stade de la formation des idées délirantes. Et le raisonnement correspondant tient alors compte d’une nouvelle instance d’argument délirant primaire (R20) de référence, de la manière suivante :

(R20)

En T100 le présentateur de l’émission a parlé en fonction de ce que je faisais.

(R21)

∴ Cela confirme que la télévision parle en fonction de ce que je fais.

On peut observer ici que la généralisation inductive (R13) était déjà établie au stade de la formation de l’argument délirant secondaire, et que la nouvelle instance d’argument délirant primaire constitue alors, dans l’esprit du patient, un cas de confirmation de cette dernière généralisation. On le voit, le rôle de la nouvelle instance d’argument délirant primaire est de confirmer et donc de renforcer, au stade de la maintenance, une généralisation qui a été établie au stade déjà antérieur de la formation des idées délirantes.

4. Analyse des arguments délirants

À ce stade, il convient de s’attacher à analyser en détail la structure du type de raisonnement qui vient d’être décrit, afin d’en identifier avec précision les étapes fallacieuses et de déterminer le rôle joué par l’apophénie. Considérons tour à tour les arguments délirants primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires. Soit tout d’abord l’instance suivante d’argument délirant primaire de télépathie, qui intervient au niveau de la formation des délires :

(T1)

En T1 j’ai pensé de Michel « Quel imbécile! ».

(T2)

En T2 j’ai entendu Michel crier.

(T3)

∴ En T2 j’ai entendu Michel crier parce qu’en T1 j’ai pensé de lui « Quel imbécile! ».

Il apparaît ici que les deux prémisses (T1) et (T2) constituent des faits authentiques et se révèlent donc vraies. Par contre, la conclusion (T3) qui conclut à l’existence d’une relation de causalité entre deux faits consécutifs F1 (en T1 j’ai pensé de Michel « Quel imbécile! ») et F2 (en T2 j’ai entendu Michel crier) est-elle justifiée? Il s’avère que non. En effet, les deux prémisses ne font qu’établir une relation d’antériorité entre les deux faits consécutifs F1 et F2. Et la conclusion (T3) qui en déduit une relation de causalité se révèle donc trop forte. Le raisonnement correspondant présente ainsi un caractère fallacieux. L’erreur de raisonnement correspondante, qui conclut à une relation de causalité alors qu’il n’existe qu’une simple relation d’antériorité, est classiquement dénommée sophisme post hoc[11], d’après la locution latine « Post hoc, ergo propter hoc » (après cela, donc à cause de cela). Il s’agit là d’un type d’erreur très commun, qui se trouve notamment à la base de nombreuses superstitions (Martin, 1998; Bressan, 2002). David Hemsley (1992) fait notamment mention d’un tel type de raisonnement dans l’observation clinique : « Un patient du présent auteur, rappelant ses expériences psychotiques, remarquait que la co-occurrence de deux événements le conduisait souvent immédiatement à faire l’hypothèse qu’il existait une relation de causalité entre ces derniers[12]. » Enfin, on peut observer que dans le contexte des distorsions cognitives, le type d’erreur de raisonnement correspondant au sophisme post hoc peut être considéré comme un cas particulier d‘inférence arbitraire.

Attachons-nous également à analyser le type de raisonnement qui sous-tend les arguments délirants secondaires, et qui présente au stade de la formation des idées délirantes, on l’a vu, la structure inductive suivante :

(T22)

En T2 Michel a parlé en fonction de mes pensées.

(T23)

En T4 le voisin a parlé en fonction de mes pensées.

(T24)

En T6 le présentateur radio a parlé en fonction de mes pensées.

[...]

(T25)

∴ Les gens agissent en fonction de mes pensées.

Prima facie, un tel type de raisonnement apparaît tout à fait correct. Il s’agit là d’un raisonnement basé sur une généralisation inductive, dans lequel le patient bâtit simplement une conclusion plus générale à partir d’un certain nombre d’instances. Un tel raisonnement est tout à fait correct, car sa conclusion peut être considérée comme vraie, dès lors que les prémisses en sont vraies. Pourtant, un examen attentif révèle que le patient ne prend en compte ici qu’un nombre limité d’instances, à savoir celles qui sont basées sur la concordance des deux prémisses, au stade des arguments délirants primaires. Le patient porte ainsi exclusivement son attention sur les instances qui comportent deux prémisses dont l’événement interne (prémisse 1) et l’événement externe (prémisse 2) se révèlent concordants et rendent ainsi plausibles une relation de causalité. La tournure d’esprit correspondante peut être décrite comme un bais de concordance[13]. En effet, le patient ne tient pas compte à ce stade des instances qui pourraient éventuellement être composées de deux prémisses discordantes. Ces dernières sont susceptibles de se présenter sous deux formes différentes. Une instance de la première forme est ainsi la suivante :

(T1)

En T1 j’ai pensé de Michel « Quel imbécile! ».

(26)

En T2 Michel était tranquille.

Et une instance de la seconde forme est :

(27)

En T1 je ne pensais pas à Michel.

(T2)

En T2 j’ai entendu Michel crier.

Dans ces deux types de cas, on observe une discordance entre les deux prémisses, qui va directement à l’encontre de l’idée de causalité entre les deux événements. On le voit finalement, le raisonnement du patient pèche essentiellement parce qu’il ne tient pas compte des instances où la concordance entre un événement interne et un événement externe rend plausible un lien de causalité. Mais si le patient avait tenu compte à la fois des instances concordantes et des instances discordantes, il aurait été amené à conclure que les instances concordantes ne représentent qu’une faible part de l’ensemble constitué par la classe des instances pertinentes, et ne sont donc que la résultante d’un processus aléatoire. Dans un tel contexte, on le voit, les instances concordantes ne constituent en fait que de simples coïncidences.

Si l’on se place maintenant au stade de la maintenance des idées délirantes, on constate la présence d’un mécanisme de même nature. Au stade de l’émergence des idées délirantes, les arguments délirants secondaires présentent, on l’a vu, une nature inductive. En revanche, au stade de la maintenance des idées délirantes, ces derniers se présentent sous la forme d’arguments qui conduisent à la confirmation d’une généralisation inductive. Soit ainsi l’instance suivante, où la conclusion (T25) selon laquelle les gens agissent en fonction des pensées du patient résulte d’un argument délirant secondaire et a déjà été établie au stade de la formation des idées délirantes :

(T28)

En T100 ma soeur a parlé en fonction de mes pensées.

(T29)

∴ Cela confirme que les gens agissent en fonction de mes pensées.

Ce type d’argument apparaît tout à fait valide, car la conclusion résulte directement de ses prémisses. Cependant, ce dernier argument pèche également par défaut, car il ne tient pas compte d’un certain nombre de prémisses, qui se révèlent tout aussi applicables que l’instance (T28). On le voit, l’erreur de raisonnement consiste ainsi à ne prendre en considération que les instances qui confirment la généralisation (T25), en ignorant les instances qui infirment cette dernière. Ainsi, ce type d’argument traduit un biais de confirmation[14], c’est-à-dire une tendance à privilégier les instances qui confirment une généralisation, alors qu’il conviendrait de prendre en considération à la fois celles qui la confirment et celles qui l’infirment. On peut observer toutefois qu’un tel type de biais cognitif présente un caractère très commun (Nickerson, 1998, Jonas et al., 2001).

Il convient de s’intéresser, en troisième lieu, aux arguments délirants tertiaires. Soit l’argument délirant tertiaire de télépathie suivant (une analyse similaire s’applique également aux arguments délirants tertiaires de référence et d’influence) :

(T30)

∴ Les gens agissent en fonction de mes pensées.

(T31)

∴ Les gens peuvent lire mes pensées (les gens entendent mes pensées).

On peut remarquer ici que si la prémisse (T30) est vraie, alors la conclusion (T31) constitue une explication plausible. Ce type d’argument présente ainsi une nature interprétative, et la conclusion (T31) selon laquelle les gens peuvent lire les pensées du patient apparaît finalement vraisemblable, dès lors qu’il est admis comme vrai que les gens agissent en fonction de ses pensées. On le voit, un tel argument est motivé par le souci du patient d’expliquer et d’interpréter la généralisation troublante qui résulte de la répétition des nombreuses instances concordantes précédemment mentionnées.

Enfin, l’argument délirant quaternaire suivant vise, de la même manière, à donner un sens aux conclusions qui résultent de la conjonction des conclusions des différents arguments délirants tertiaires :

(R15)

La télévision et les médias parlent de moi.

(T16)

Les gens peuvent lire dans mes pensées.

(117)

J’influence le comportement des gens.

(18)

∴ Je suis quelqu’un d’exceptionnel.

(19)

∴ Je suis un extraterrestre

On le voit, la conclusion (18) résulte ici directement des trois prémisses (R15), (T16) et (117), et le raisonnement correspondant qui conduit le patient à conclure qu’il est quelqu’un d’exceptionnel peut également être considéré comme valide. En revanche, la conclusion (19) apparaît ici trop forte par rapport à la prémisse (18).

Étant donné ce qui précède, il apparaît que nombre d’étapes dans le raisonnement qui conduit aux idées délirantes dans la schizophrénie se caractérisent par un raisonnement apparaissant comme essentiellement normal. Par raisonnement normal, on entend ici un raisonnement globalement logique et rationnel, mais comportant également un certain nombre d’erreurs de logique d’un type très commun. Un tel point de vue correspond à celui qui a été développé par Maher (1988; 1999) lequel considère, on l’a vu, que les constructions délirantes dans la schizophrénie ne sont rien d’autre que des raisonnement normaux élaborés par le patient pour tenter d’expliquer les phénomènes anormaux qu’il subit.

On peut remarquer toutefois que, dans la structure de raisonnement qui vient d’être décrite, une partie du raisonnement ne peut pas a priori être véritablement considérée comme normale. Il s’agit ici des différentes instances d’arguments délirants primaires. Celles-ci sont basées, on l’a vu, sur des erreurs de raisonnement correspondant à des sophismes post hoc. Des erreurs de raisonnement de ce type se révèlent certes extrêmement communes. Pourtant, les instances d’arguments délirants primaires énumérées plus haut présentent une nature inhabituelle, en ce sens qu’elles mettent en relation les pensées du patient (ou ses émotions, ses sensations ou ses actions) avec les phénomènes extérieurs. Prima facie, un tel type de raisonnement ne peut être considéré comme normal. Car pourquoi le patient est-il amené à mettre ses pensées en relation avec des phénomènes extérieurs? On peut formuler la question de manière plus générale : pourquoi le patient met-il en relation les phénomènes de sa vie interne et personnelle (ses pensées, ses émotions, ses sensations, etc.) avec des phénomènes purement externes? Cela se distingue en effet notablement du comportement d’une personne normale, pour laquelle il existe une séparation intuitive très nette entre d’une part, son propre monde intérieur et d’autre part, les phénomènes extérieurs.

La réponse à la question précédente peut être trouvée ici dans le rôle de l’apophénie. À cause de l’apophénie, le sentiment s’impose en effet au patient que son monde interne est étroitement relié au monde extérieur. Ainsi, ses pensées, ses émotions, ses sensations et ses actes lui apparaissent étroitement reliés aux phénomènes extérieurs qu’il perçoit, tels que les bruits et les conversations environnants, les propos des animateurs de télévision ou de radio, les dialogues des personnages de bandes dessinées, les mouvements d’ailes d’un papillon ou d’un oiseau, les phénomènes naturels tels que le vent ou la pluie, etc. Dans le contexte qui résulte de l’apophénie, les instances répétées qui constituent les arguments délirants primaires peuvent alors prendre place de manière naturelle. Car dès lors que le patient vit avec un sentiment permanent d’interconnexion entre les événements qui le concernent en propre et ceux qui se produisent dans le monde qui l’environne, il est alors amené à constater de nombreuses concordances entre les événements qui le concernent et les faits extérieurs. Dans un tel contexte, les arguments délirants primaires peuvent alors prendre place naturellement.

Dans le présent contexte, le rôle de l’apophénie peut être considéré comme essentiel. Et cela conduit à suggérer que, compte tenu de sa spécificité et du rôle déterminant qu’elle joue dans le développement des arguments délirants primaires et donc de l’ensemble des idées délirantes caractéristiques de la schizophrénie, l’apophénie pourrait être comptée au nombre des critères de la maladie[15].

On le voit, le processus qui donne naissance aux arguments délirants à partir de l’expérience phénoménologique que constitue l’apophénie se révèle finalement en harmonie avec le point de vue émis par Maher. Et on retrouve là une explication claire des délires en tant que réponse du patient aux phénomènes anormaux qu’il subit, au nombre desquels figurent ainsi l’apophénie, de même que les hallucinations.

Compte tenu de ce qui précède, les délires polythématiques peuvent être définis comme les conclusions d’arguments déclenchés par l’apophénie et qui comportent des erreurs de raisonnement très communes telles que le sophisme post hoc et le biais de confirmation. Ainsi, l’apophénie et un raisonnement normal incluant le type d’erreurs de raisonnement précitées apparaissent comme des conditions nécessaires et suffisantes pour l’élaboration des délires polythématiques. Cette double condition explique notamment pourquoi nous ne sommes pas tous délirants. Car si les erreurs de raisonnement basées sur le sophisme post hoc et le biais de confirmation se révèlent en effet très courantes, elles n’engendrent les arguments délirants primaires que lorsqu’elles sont associées à la perception anormale qu’est l’apophénie. Il convient de préciser en outre qu’un tel modèle laisse également place à des conditions plus fortes. Car si l’apophénie constitue une des deux conditions suffisantes pour l’élaboration des délires polythématiques, ces derniers peuvent également prendre place dans des conditions où les perceptions anormales sont constituées non seulement par l’apophénie, mais aussi par d’autres perceptions anormales telles que les hallucinations. Et, de même, alors que la seconde condition suffisante pour les délires s’identifie à un raisonnement normal incluant le sophisme post hoc et le biais de confirmation, il apparaît que l’élaboration des délires peut également s’effectuer au moyen d’un raisonnement qui s’éloigne plus ou moins d’un raisonnement normal. Mais la caractéristique essentielle du présent modèle réside dans le fait que l’apophénie et un raisonnement normal comportant les erreurs très communes précitées constituent des conditions nécessaires et suffisantes pour l’élaboration des délires polythématiques.

5. Le rôle des hallucinations

À ce stade, il convient de mettre en évidence le rôle joué par les hallucinations, qui constituent l’autre symptôme majeur de la schizophrénie dans le processus qui vient d’être décrit. Je m’attacherai à détailler ici le rôle joué par les hallucinations auditives — étant donné que l’analyse correspondante peut être aisément étendue aux hallucinations relatives aux autres modalités sensorielles, c’est-à-dire visuelles, tactiles, olfactives et gustatives.

Les hallucinations auditives sont tout d’abord susceptibles de jouer un rôle pour ce qui est des arguments délirants primaires. Dans ce type de cas, l’argument délirant primaire présente la même structure que celle qui a été décrite plus haut, à la seule différence qu’une hallucination auditive — en lieu et place d’un événement externe réel — constitue alors la seconde prémisse de l’argument délirant primaire. L’instance suivante constitue ainsi un exemple d’argument délirant de référence primaire, mais c’est ici une hallucination auditive, par laquelle le patient entend la voix du présentateur disant « Maladroit! » alors qu’il regarde la télévision, qui constitue le support de la seconde prémisse de l’argument :

(32)

En T1 j’ai fait tomber mon stylo.

(33)

En T2 j’ai entendu la voix du présentateur de l’émission qui disait « Maladroit! ».

(34)

∴ En T2 le présentateur de l’émission a dit « Maladroit! » parce qu’en T1 j’ai fait tomber mon stylo.

De la même manière, l’instance suivante constitue un cas d’argument délirant de télépathie primaire. Dans ce cas, c’est une hallucination auditive, par laquelle le patient entend la voix de son voisin disant « Calme-toi! », qui sert de base à la seconde prémisse de l’argument :

(35)

En T1 j’étais très énervé.

(36)

En T2 j’ai entendu la voix du voisin qui disait « Calme-toi! ».

(37)

∴ En T2 le voisin a dit « Calme-toi! » parce qu’en T1 j’étais très énervé.

Il convient de mentionner, en second lieu, le rôle qui peut être joué par les hallucinations auditives au niveau des arguments délirants secondaires. Dans un tel cas, les généralisations correspondantes sont élaborées à partir d’instances d’arguments délirants primaires qui incluent également des hallucinations auditives. Dans l’exemple ci-dessous, le patient généralise à partir des conclusions de trois instances d’arguments délirants de référence primaires. Mais alors que les deux dernières instances (39) et (40) sont basées sur des phénomènes extérieurs réels, la première instance (38) est fondé sur un contenu halluciné, par lequel le patient a entendu le présentateur d’une émission dire « Maladroit! » :

(38)

En T2 le présentateur de l’émission a dit « Maladroit! » parce qu’en T1 j’ai fait tomber mon stylo.

(39)

En T4 la présentatrice a dit « Calmez-vous! » parce qu’en T3 j’étais excité.

(40)

En T6 l’animateur de l’émission a dit « merci » parce qu’en T5 j’ai pensé « J’aime bien cet animateur. »

[...]

(41)

∴ Les présentateurs des émissions de télévision parlent en fonction de ce que je fais ou ce que je ressens.

On le voit, les hallucinations auditives contribuent de cette manière à augmenter le nombre des arguments délirants primaires, en créant ainsi des instances supplémentaires qui s’ajoutent aux types d’instances standard précédemment définis. Cela donne ainsi plus de poids aux généralisations inductives effectuées par le patient à partir d’instances multiples d’arguments délirants primaires. En outre, cela a également pour effet de renforcer la cohérence du système délirant du patient et de le rendre ainsi plus résistant à l’argumentation contraire.

Il convient de mentionner enfin un autre type de rôle qui peut être joué par les hallucinations auditives. Tel est notamment le cas lorsque le contenu des hallucinations s’avère cohérent avec les conclusions qui résultent des arguments secondaires, tertiaires ou quaternaires. Les hallucinations auditives ont alors pour effet de renforcer ces dernières conclusions. L’instance ci-dessous constitue un cas où une hallucination auditive vient renforcer la conclusion d’un argument délirant tertiaire de télépathie. Dans ce cas, le contenu halluciné réside dans le fait que le patient entend la voix de son ami Joseph disant « Je connais la moindre de tes pensées » :

(42)

En T50 j’ai pensé que les gens connaissent mes pensées.

(43)

En T100 j’ai entendu Joseph qui disait : « Je connais la moindre de tes pensées. »

(44)

Cela confirme que les gens connaissent mes pensées.

De manière similaire, l’instance suivante a pour effet de renforcer la conclusion qui résulte d’un argument délirant quaternaire, où le contenu halluciné consiste en une voix, entendue par le patient, disant : « Tu viens de la planète Mars » :

(19)

En T50 j’ai pensé que je suis un extraterrestre.

(45)

En T100 j’ai entendu une voix qui disait : « Tu viens de la planète Mars. »

De manière générale, on voit ici comment les hallucinations constituent un élément qui a pour effet de renforcer de manière significative les conclusions résultant des arguments délirants. Les hallucinations ont ainsi pour effet de renforcer la solidité et la cohérence du système de croyances du patient, de contribuer à sa maintenance, et de rendre ainsi ses idées plus résistantes à l’argumentation contraire.

6. Comparaison avec les autres modèles cognitifs de délires

Le présent modèle, on le voit, met essentiellement l’accent sur une approche cognitive des délires qui apparaissent dans la schizophrénie. Ce modèle présente une composante cognitive fondamentale mais laisse également la place à une composante neurophysiologique (à l’origine de l’apophénie), dont le rôle s’avère essentiel. On peut observer enfin que le modèle qui vient d’être décrit se révèle compatible avec un certain nombre d’approches relatives aux idées délirantes rencontrées dans la schizophrénie.

La présente analyse est tout d’abord susceptible de s’insérer dans le cadre de l’adaptation de l’ABC-analyse d’Albert Ellis décrite par Chadwick et al. (1996). Dans ce contexte, les événements internes et externes par rapport au patient, qui sont les prémisses des arguments délirants primaires, constituent les A. De même, les arguments délirants primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires s’assimilent aux B. Enfin, les émotions négatives (colère, anxiété, frustration, etc.) ressenties par le patient, qui sont ici la résultante des conclusions des arguments délirants tertiaires et quaternaires, constituent les C. On le voit, la présente analyse conduit, par rapport à l’ABC-analyse standard, à distinguer plusieurs niveaux au stade des B. Cette distinction est importante, car elle permet de différencier plusieurs phases dont la fonction est différente, dans le raisonnement qui conduit aux idées délirantes. Ainsi, les B1 (arguments délirants primaires) sont des instances qui conduisent à l’attribution d’une relation de causalité entre des phénomènes internes et externes au patient; les B2 (arguments délirants secondaires) procèdent d’une nature généralisatrice et inductive; les B3 (arguments délirants tertiaires) correspondent à une phase interprétative au niveau monothématique; enfin, les B4 (arguments délirants quaternaires) sont caractéristiques d’une phase d’interprétation polythématique, dont la conclusion constitue véritablement une théorie globale explicative des phénomènes anormaux vécus par le patient. En second lieu, on est conduit ici à distinguer entre les parties du raisonnement qui sont globalement valides (les B2, B3 et B4) et la partie qui est invalide (les B1, fondés sur le sophisme post hoc). Un tel point de vue nuancé devrait être de nature à préserver — ce qui constitue un des points clés de la thérapie cognitive et comportementale — l’alliance thérapeutique, c’est-à-dire la relation de collaboration entre le patient et le thérapeute visant des objectifs communs dans la lutte contre la maladie. On le voit, la présente analyse conduit à mettre l’accent en particulier sur le sophisme post hoc, qui constitue le point faible dans le raisonnement du patient, mais dont les instances répétées, engendrées par l’apophénie, constituent véritablement la brique élémentaire de la construction délirante.

Le présent modèle possède également nombre d’affinités avec les approches qui sont à la base des thérapies cognitives de la schizophrénie (Kingdon & Turkington, 1994; Kingdon & Turkington, 2005; Chadwick et al., 1996; Beck & Rector, 2000). Dans ce type d’approche, le thérapeute s’attache à réduire progressivement le degré de croyance du patient en ses idées délirantes polythématiques. À cette fin, le thérapeute suggère au patient, dans un esprit de dialogue d’inspiration socratique, d’élaborer des hypothèses de remplacement alternatives; il lui enseigne également la démarche qui consiste à rechercher les éléments susceptibles de confirmer ou d’infirmer ses propres hypothèses, ainsi qu’à élaborer d. L’apport de la présente analyse par rapport à la thérapie cognitive de la schizophrénie est susceptible de se manifester de plusieurs façons. Il est utile ainsi de préciser, pour le clinicien, quel pourrait être un tel apport, et de fournir également un cadre spécifique dans lequel le présent modèle pourra être testé. La distinction de différents niveaux dans l’élaboration des délires permet tout d’abord de distinguer entre les différentes hypothèses correspondant aux conclusions des arguments primaires, secondaires, ternaires et quaternaires. Le degré de croyance associé à chacun de ces niveaux d’hypothèses pourra ainsi être évalué séparément, permettant notamment d’apprécier ainsi à quel niveau se situe le degré de conviction le plus fort. De même, chacune des conclusions des argument primaires, secondaires, tertiaires ou quaternaires, pourra être testée (confirmée/infirmée) et donner lieu à la construction d’hypothèses alternatives (David Kingdon, communication personnelle). Par exemple, au niveau des arguments primaires, on pourra considérer la croyance selon laquelle le présentateur a dit en T2 : « Il ne faut pas boire! » parce que le patient a bu un apéritif en T1; cette hypothèse pourra ainsi donner lieu à une recherche de preuves, puis confrontée à une hypothèse alternative telle que : le présentateur a dit en T2 : « Il ne faut pas boire! » parce que le script de l’émission le prévoyait. De même, au niveau des arguments tertiaires, l’hypothèse selon laquelle la télévision parle du patient pourra faire l’objet d’une recherche de preuves, etc.

En second lieu, l’intérêt pour le clinicien de la présente approche réside dans le fait qu’elle permet de fournir au patient une explication alternative globale des phénomènes anormaux qu’il subit. La construction délirante du patient constitue, on l’a vu, une théorie qui lui permet d’expliquer l’ensemble des phénomènes anormaux vécus par lui. On peut supposer, à cet égard, que le fait pour le patient de disposer d’une théorie satisfaisante pour expliquer l’ensemble des phénomènes anormaux qu’il subit est susceptible également de jouer un rôle important dans la maintenance de son système délirant. Dans ce contexte, la présente analyse permet de présenter au patient une théorie explicative alternative, fondée sur l’apophénie et les différents niveaux de raisonnement qui en résultent. Cette théorie se distingue de la théorie explicative à laquelle le patient est habituellement confronté (selon le point de vue elliptique commun, celui-ci est « fou ») et s’avère moins stigmatisante puisque le raisonnement qui conduit aux délires y est notamment considéré comme normal. Pour cette raison, on peut supposer que le patient pourrait davantage être disposé à adhérer à la présente théorie alternative, en tant qu’explication globale des phénomènes anormaux qu’il subit.

On l’a vu, le présent modèle s’accorde de manière fondamentale avec celui développé par Brendan Maher (1974; 1988; 1999), basé sur le fait que les délires résultent d’une interprétation essentiellement normale des phénomènes anormaux vécus par le patient. La présente analyse précise également par rapport au modèle de Maher que l’apophénie (éventuellement associée à des hallucinations) constitue une perception anormale qui suffit pour donner naissance aux idées délirantes polythématiques rencontrées dans la schizophrénie. Il a été ainsi opposé, on l’a vu, au modèle de Maher qu’il ne permettait pas de rendre compte du fait que les délires peuvent également prendre place dans des conditions apparemment normales, en particulier chez un patient qui ne souffre pas d’hallucinations. Mais le présent modèle indique que de telles conditions ne sont pas normales, puisque l’apophénie se trouve présente chez un tel patient. Cette dernière conduisant à des perceptions anormales, le facteur essentiel décrit par Maher à l’origine des idées délirantes se trouve donc bien présent. En second lieu, le présent modèle apporte également des éléments de réponse par rapport à la seconde objection, formulée à l’encontre du modèle de Maher par Davies et Coltheart (2000), selon laquelle il ne permet pas de décrire comment les croyances délirantes sont adoptées et maintenues malgré leur nature invraisemblable. Le présent modèle, cependant, s’attache tout d’abord à décrire étape par étape le type de raisonnement qui conduit à l’adoption des délires polythématiques. Par sa structure, ce type de raisonnement apparaît essentiellement normal. Il procède en effet par l’énumération d’un certain nombre d’instances, puis par généralisation et enfin par interprétation. Le présent modèle apporte également, ce me semble, une réponse quant à la critique de Davies et Coltheart par rapport au modèle de Maher, qui reprochent à celui-ci de ne pas décrire comment les croyances délirantes sont maintenues dans le système de pensée du patient, malgré leur nature invraisemblable. Dans le présent modèle, on l’a vu, c’est le fait que de nouvelles instances soient générées chaque jour qui explique que les croyances sont maintenues. Car lorsque les croyances délirantes sont installées dans le réseau de croyances du patient à l’issue de la phase de leur formation, elles sont ensuite maintenues parce que l’apophénie continue de générer chaque jour[16] de nouvelles instances d’argument délirants primaires. Ces dernières viennent, dans l’esprit du patient, confirmer les conclusions des arguments délirants au niveau secondaire, tertiaire et quaternaire, déjà établies au stade de la formation des idées délirantes. De ce point de vue, il n’y a pas dans le présent modèle de différence essentielle dans la façon dont s’opèrent la formation et la maintenance des idées délirantes. Car on l’a vu, la brique élémentaire de la construction délirante est constituée ici par les instances d’arguments délirants primaires, engendrées par l’apophénie. Et ces instances qui concourent à la formation des idées délirantes, assurent également quotidiennement leur maintenance, en confirmant les conclusions des arguments secondaires, tertiaires et quaternaires déjà établies au stade de la formation des idées délirantes[17].

Enfin, le modèle qui vient d’être décrit apporte, ce me semble, par rapport au modèle de Maher, un élément qui se révèle nécessaire dans le cadre d’un modèle explicatif des délires polythématiques. Cet élément consiste en une réponse à la question de savoir pourquoi le contenu des idées délirantes dans la schizophrénie s’identifie le plus souvent avec les délires de référence, de télépathie, d’insertion de pensée, d’influence et de contrôle. Ainsi que cela a été exposé, la réponse fournie par le présent modèle est qu’un mécanisme de même nature, fondé sur le sophisme post hoc, conduit à l’élaboration de ces différents thèmes délirants. Dans les arguments délirants primaires, de référence, de télépathie ou d’influence, un événement interne au patient précède un événement externe. Et dans le cas d’un argument délirant primaire de contrôle, cette structure est simplement inversée : c’est un événement extérieur qui précède un événement de la vie interne du patient.

On le voit finalement, l’analyse qui précède permet de justifier et de renforcer le modèle initial de Maher. Dans ce contexte, on peut observer qu’une des conséquences du présent modèle est que la seule apophénie, associée à un raisonnement normal, se révèle suffisante pour donner lieu à l’émergence et à la maintenance d’un système délirant.