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Les oeuvres photographiques qui accompagnent le présent dossier n’ont certes pas été conçues en prévision d’un dossier thématique sur la « Répétition et l’habitude dans les pratiques quotidiennes », mais elles entretiennent avec lui des affinités électives, telles ces mystérieuses « Correspondances » au coeur de l’esthétique baudelairienne, qu’il convient d’expliciter afin de mieux en apprécier le caractère médiateur.

Christian Barré est un artiste photographe, vidéaste et designer dont l’oeuvre interroge, de propos délibéré, le rapport d’asservissement au discours publicitaire qui caractérise nos comportements culturels, dans le contexte d’un environnement médiatique exploitant l’image à des fins persuasives, manipulatrices, voire abrutissantes. L’enjeu consiste pour lui à se jouer de la perception commune et de sa capacité à distinguer le réel de l’image publicitaire.

Dans l’intervalle de la perception à sa subversion, on découvre cependant comme des « forêts de symboles » qui nous interpellent d’un regard familier. Ainsi en est-il de cette ballerine de la page couverture, assujettie par la nature de son art à la tyrannie de la répétition, mais qui se retrouve en l’occurrence bien loin du cadre habituel. Et le titre « Like a complete unknown » évoque un vers d’une chanson de Bob Dylan, « Like a Rolling Stone » (« How does it feel/ To be on you own/ With no direction home/ Like a complete unknown? »), illustrant justement la déchéance d’une fille de bonne famille.

Puis, interviennent cette « caissière courage » et ces itinérants qui applaudissent, tout droit sortis d’un quotidien des plus prosaïques. Quoi de plus commun, en effet, que l’indigence et l’absurdité de la tâche toujours recommencée ? Et pourtant, le sens surgit de ces mains qui se disposent à la rencontre, figées dans le temps et le silence par la photographie, marquant une pause avant la reprise inévitable du travail ou le retour à une posture plus habituelle qui est celle de la mendicité ou du marchandage.

Enfin, ce micro tendu, cette mise en abyme du conducteur de véhicules publicitaires, ces réitérations paradoxales de l’accident et cet homme au front marqué, à la manière des nazis du film Inglorious Basterds de Quentin Tarantino, constituent autant de détournements du familier, voire de subversion de la répétition, puisque dans la reprise s’opère chaque fois une sorte de synesthésie, moins sensorielle que cognitive, et qui renvoie d’un médium à l’autre.

Toutefois, c’est peut-être le « Monument à la prostituée inconnue » qui symbolise le mieux, par sa circularité réfractaire à toute verticalité, l’éternel retour de l’habitude et le cercle vicieux des pratiques quotidiennes.

Figure 1

« Catherine St-Laurent – Like a complete unknown », 2009.

« Catherine St-Laurent – Like a complete unknown », 2009.

Photo sur Duratrans, 2 x (91,44 x 121,92 cm), sur film rétroéclairé.

Christian Barré © Tous droits réservés.

Figure 2

« Réfléchir par hasard – Pour un espace public agile », 2001.

« Réfléchir par hasard – Pour un espace public agile », 2001.

Figure 2 (suite)

« Réfléchir par hasard – Pour un espace public agile », 2001.

Photographie argentique, 2 x (17,78 x 12,7 cm). Cette création est une manoeuvre artistique subversive qui a pour objet de susciter un débat sur ce qui est privé et dit « public » en collant des minicédéroms sur des voitures de luxe. Ces cédéroms sont présentés dans des pochettes aimantées sur lesquelles sont imprimées deux minutes d'animation vidéo d'itinérants applaudissant la caméra (archive de la manoeuvre), en plus de comporter un lien direct avec le site Internet de l'artiste.

Christian Barré © Tous droits réservés.

Figure 3

« Karim Blanc – Uni directionnal dynamic », 2001.

« Karim Blanc – Uni directionnal dynamic », 2001.

Photographie argentique, 121,92 x 91,44 cm.

Christian Barré © Tous droits réservés.

Figure 4

« Julie Tremblay – Caissière Courage », 2009.

« Julie Tremblay – Caissière Courage », 2009.

Photo sur Duratrans, 121,92 x 91,44 cm, sur film rétroéclairé.

Christian Barré © Tous droits réservés.

Figure 5

« Équivalence 1 & 3 _ Stéphane Boudreau_02 October 05 », 2004.

« Équivalence 1 & 3 _ Stéphane Boudreau_02 October 05 », 2004.

L’oeuvre est composée de trois portraits photographiques affichés sur un camion publicitaire. L’image de Stéphane Boudreau, conducteur de véhicules publicitaires, est installée sur le camion qu’il conduit. Présentée dans le cadre de la Biennale de Montréal et du colloque d’Artexte sur l’espace public, l'oeuvre fut visible le 2 octobre 2004 de 14 h à 22 h dans le centre-ville de Montréal (via la rue Ste-Catherine). Cette réalisation a été rendu possible grâce à la participation d'Artexte, du groupe Corlab et d'Impact Media.

Christian Barré © Tous droits réservés.

Figure 6

« Portrait Marie-Josée Roy » ; « Portrait Mathieu Leroux » ; « Portrait Martine Hardy », 2009.

« Portrait Marie-Josée Roy » ; « Portrait Mathieu Leroux » ; « Portrait Martine Hardy », 2009.

Figure 6 (suite)

« Portrait Marie-Josée Roy » ; « Portrait Mathieu Leroux » ; « Portrait Martine Hardy », 2009.

Figure 6 (suite)

« Portrait Marie-Josée Roy » ; « Portrait Mathieu Leroux » ; « Portrait Martine Hardy », 2009.

Photos sur Duratrans, 121,92 x 91,44 cm (chacune).

Christian Barré © Tous droits réservés.

Figure 7

« Monument à la prostituée inconnue », Manif d’art 3, Québec, 2005.

« Monument à la prostituée inconnue », Manif d’art 3, Québec, 2005.

Sculpture 3 m2, photographie impression numérique, 76 cm x 76 cm.

Christian Barré © Tous droits réservés.

Figure 8

« Untitled – Fame » (Phantasm of a Quentin Jerome Tarantino fanatic aficionado), 2009.

« Untitled – Fame » (Phantasm of a Quentin Jerome Tarantino fanatic aficionado), 2009.

Photographie numérique sur papier photo archive, 29,21 x 43,18 cm.

Christian Barré © Tous droits réservés.

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