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Olivier Bernard, diplômé en recherche clinique et fondamentale, est pharmacien depuis 2004 et anime le blog Le Pharmachien (www.lepharmachien.com) depuis 2012 afin de déboulonner les mythes et les croyances en santé. Il a développé cette tribune à l’aide de ses connaissances dans le domaine de la médecine et de ses talents en arts. Son ouvrage, Le Pharmachien. Différencier le vrai du n’importe quoi en santé! met bien en perspective le talent de l’auteur à vulgariser des concepts parfois hors de portée. L’ouvrage est présenté comme une « déclaration de guerre » (p.11) aux fausses conceptions et aux « thérapies miracles ». Par ailleurs, Le Pharmachien est un livre éducatif, léger et accessible en plus d’être très attrayant avec ses couleurs vibrantes, ses photos dynamiques et ses dessins percutants. Son approche objective et empreinte d’esprit critique pourrait faciliter la remise en question des sceptiques des deux domaines.

L’ouvrage comprends trois parties ; « Ces gens qui veulent te jouer à l’intérieur du dedans. » ; « L’esprit, c’est fort … mais tant que ça! » ; « Chapitres pour gagner le prix Nobel de la santé », en plus d’un prologue, d’un épilogue et d’un glossaire. La première partie, contenant quatre sous-chapitres, expose les différents professionnels du milieu de la médecine. La deuxième partie, également divisée en quatre sous-chapitres, démontre que le corps humain a parfois besoin d’aide pour guérir de certains virus ou de certaines maladies et que la pensée humaine n’a pas de pouvoir magique. La troisième partie, constituée de trois sous-chapitres, est davantage un regroupement de conseils utiles pour le maintien d’une bonne santé mentale.

Ces gens qui veulent te jouer à l’intérieur du dedans

Le premier sous-chapitre de cette partie « Le coté lumineux et le côté obscur des soins » dresse un portrait amusant de différents profils d’acteurs de la santé tant au plan des approches traditionnelles qu’alternatives. Par exemple, du côté lumineux de la force, en référence à la série Star Wars, le médecin, est représenté par un Jedi dont l’intelligence est largement supérieure à son accessibilité et qui n’aime pas se faire contredire (p.27) alors que du côté obscur de la force, la conseillère holistique est représentée par un Sith dont les forces se résument à sa consommation de luzerne et les faiblesses à son opinion anti-vaccin (p.33).

Dans le second sous-chapitre « Le terrible secret des professionnels de la santé » l’auteur met en évidence que les médecins et les autres professionnels de la santé sont des humains. Pour illustrer ses propos, il présente « … six choses que les professionnels de la santé ne sont pas », par exemple « des bénévoles », « des insensibles » ou « des babysitters » (p.48) afin de répondre à la question : « Où la médecine a-t-elle échoué? » L’auteur conclut que, contrairement aux mécaniciens, les médecins font face à une machine imprévisible et infiniment plus complexe qu’une voiture, alors qu’ils sont souvent considérés comme infaillibles. Les médecins ayant une obligation de moyens et non une obligation de résultats, la réponse à la question est donc « nulle part! ».

Le troisième sous-chapitre « Naturel ou chimique » présente la complexité de la dichotomie de ces deux approches thérapeutiques qui, en fait, se chevauchent dans une zone grise. Par exemple, pour guérir le cancer, la chimiothérapie est constituée de nombreux éléments naturels comme la vincristine et le paclitaxel (p.57), retrouvé dans certains végétaux, alors que d’un autre côté, la gelée de pétrole contient des substances appelées HAP qui sont potentiellement cancérigène quoique complètement naturelles (p.56). Le message est clair mais les exemples comportent des mots relativement complexes suggérant l’utilisation d’un dictionnaire par moment.

Finalement, le dernier sous-chapitre « Ces médicaments pourraient te tuer » porte sur la dangerosité potentielle des médicaments et sur le processus par lequel un nouveau produit doit passer pour atteindre le public. L’auteur a su rendre ce processus fastidieux et complexe, compréhensible et intelligible. L’auteur en profite pour contredire des croyances telles que : « Une fois qu’ils sont sur le marché, on ne vérifie plus la sûreté des médicaments » en expliquant brièvement ce qu’est la pharmacovigilance. L’auteur éclaircit aussi le rapport entre les bénéfices et les risques lors de la mise en marché d’un médicament : « ... lorsque les bénéfices possibles d’un traitement dépassent largement les risques, il devient intéressant »(p.66).

L’esprit, c’est fort … mais tant que ça!

Dans le premier sous-chapitre de cette seconde section « Énergie cosmique, esprits angéliques et mémoire de l’eau », l’auteur met en évidence que l’esprit de l’être humain est très impressionnant dans bon nombre de sujets mais qu’il a aussi ses limites. Pour illustrer celles-ci, il dresse un portrait plus ou moins moqueur de sept formes de thérapies plutôt farfelues auxquelles les gens adhèrent : la guérison par les anges, le Reiki (puisant sa puissance dans les chakras), la guérison par la pensée, l’homéopathie (la mémoire de l’eau), l’irrigation du côlon et la thérapie quantique. L’auteur nous introduit aux divers concepts qu’il discrédite par la suite avec sarcasme en blaguant sur les fondements de ces thérapies non-scientifiques. Par exemple, lorsqu’il s’attaque à l’homéopathie, il explique comment faire un médicament contre l’intolérance au gluten en utilisant une miette de pain (p.89).

Le second sous-chapitre « 5 mensonges au sujet des toxines » brise plusieurs mythes tels que : « Vous devez aider votre foie et vos reins à éliminer les déchets » (p.104). L’auteur avance que les toxines sont en majeure partie gérées par nos organes comme le foie et les reins « …ces derniers n’ont aucune difficulté à accomplir leur travail. » (p.104) parce qu’autrement : « …tu serais mort(e) en quelques heures » (p.105). Les adeptes des jus purifiants n’ont qu’à bien se tenir!

Le troisième sous-chapitre « Trop de science, c’est comme pas assez » réfère à l’« hyperscience », cette tendance frauduleuse à utiliser des « études » pour soutenir des arguments. Ce détournement de la science est illustré par une comparaison entre la méthode scientifique et celle de l’hyperscience où le manque de rigueur est flagrant (p.111). De manière bien ficelée et amusante, l’auteur s’attaque à ce phénomène présent dans les médias, dénonçant à quel point il est néfaste pour la société (p.116).

Le dernier sous-chapitre de cette section « 5 opinions mal informées au sujet des vaccins » explique de façon concise comment un vaccin est produit et quelle est son importance dans notre société. De plus, l’auteur se penche sur la croyance stipulant que : « Les maladies pour lesquelles on vaccine n’existent plus depuis longtemps! » Pour ce faire, il rappelle le « paradoxe de la vaccination » qui consiste à vacciner tout le monde à la suite de l’apparition d’une maladie, entrainant ainsi la disparition de la maladie et la cessation de la vaccination (p.124). Par ailleurs, l’auteur s’attaque personnellement au mouvement anti-vaccins : « Vos idées sont non seulement dangereuses mais aussi rétrogrades » (p. 132).

Chapitres pour gagner le prix Nobel de la santé

La dernière section est divisée en trois sous-chapitres. Le premier est plus amusant que les autres, puisqu’il est davantage constitué de conseils et de situations directement reliées à la santé. Par exemple, l’auteur illustre une situation de rencontre familiale où les conflits sont souvent au rendez-vous (p.137-144). Cette rencontre est présentée sous forme d’un livre dont nous sommes les héros où tous nos choix ont leur conséquence : « Bonne chance héros! Lorsque tu seras prêt(e) à commencer ton aventure, rends-toi à la case 1. » (p.138). Ce sous-chapitre traite aussi de comment « s’obstiner avec élégance » (145) et de comment « chercher [des sources fiables] sur Internet » (p.149).

Le second sous-chapitre se penche sur les différences entre être déprimé et souffrir de dépression clinique. L’auteur souligne que la dépression est une condition clinique qui mérite d’être prise en compte sérieusement. Il affirme aussi qu’être déprimé n’a rien à avoir avec une maladie mentale : « Être déprimé, ça arrive à tout le monde : mauvaise journée, chicane de couple … il y a des tonnes de raisons pour se sentir ‘‘down‘‘ » (p154.). L’auteur profite de ce sous-chapitre pour mettre en parallèle le quotidien d’une personne déprimée et celle atteinte de dépression.

Le dernier sous-chapitre expose des « réflexions sur le stress » . L’auteur explique qu’il est normal d’être stressé et qu’il peut être positif de l’être : « Le stress augmente notre vigilance et nous prépare à faire face au danger » (p.166 ). Par ailleurs, il aborde le niveau de stress optimal pour maximiser notre performance, les opposés du stress « la beauté d’être lunatique » et une réflexion sur la relaxation. Il conclut qu’il ne faut pas viser l’absence de stress mais la gestion de celui-ci.

Conclusion

Ce livre permet d’approfondir nos connaissances sur certains sujets tels que les rudiments que la pharmacovigilance. L’utilisation des différentes polices d’écritures rend la lecture plus dynamique et elle nous pousse à relire certaines pages pour bien saisir l’ampleur de l’ouvrage. Malgré la qualité de l’ouvrage, celui-ci ne fera probablement pas changer d’avis ceux qui croient aux thérapies alternatives ridiculisées dans son ouvrage. Les lecteurs convaincus de ses propos le seront encore plus.