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Déjà le titre m’accroche : dans la basse trentaine, je suis encore une jeune adulte, j’ai toujours des parents et, depuis peu, je suis devenue mère à mon tour. Je me suis donc sentie interpellée par ce livre dans lequel Emmanuelle Maunaye et Marc Molgat nous proposent une série de lectures faisant état de la situation des jeunes adultes, tels qu’ils sont aujourd’hui et dans diverses sociétés. Agréables à lire, les articles suivent un ordre chronologique selon la succession naturelle des événements : la cohabitation suivie de la décohabitation, l’insertion professionnelle, la mise en couple et la naissance du premier enfant. De plus, presque toutes les recherches étant de type qualitatif, les propos des jeunes nous sont souvent rapportés en citations ce qui donne vie au raisonnement. Voici donc un sommaire de chacun des chapitres qui suivent l’évolution des relations entre les jeunes adultes et leurs parents alors qu’ils négocient ensemble les « événements qui marquent le passage à la vie adulte ».

La décohabitation est une étape importante sur le chemin vers l’autonomie et l’indépendance. Cependant, on peut constater une récente prolongation de la période de cohabitation : les jeunes restent plus longtemps au sein du foyer familial. Comment évoluent alors les relations parents-jeunes? Dans le premier chapitre, Elsa Ramos nous explique comment, en France, même si la cohabitation au sein du foyer parental se prolonge, c’est grâce à la négociation que les jeunes font évoluer les relations avec leurs parents. Ces derniers, par la reconnaissance des changements qui s’opèrent chez leur jeune, lui permettent de développer autonomie et identité personnelle.

Quand vient le moment de la décohabitation, le mariage ou la mise en couple constituent une raison fréquemment évoquée. En Italie par exemple, d’où proviennent les données rapportées dans le chapitre 4 par Paola Rebughini et Monica Santoro, la solitude semble être à éviter à tout prix et le mariage est l’événement qui pousse finalement les jeunes à quitter le nid familial après une cohabitation prolongée.

Par contre, le désir d’autonomie s’ajoute de nos jours aux raisons habituelles de décohabitation, à savoir la mise en couple et l’insertion professionnelle. C’est ce que nous rapporte Marc Molgat dans le deuxième chapitre. Bien que la relation avec les parents soit un soutien dans l’atteinte de l’autonomie par les jeunes Canadiens, elle lui impose certaines contraintes quant aux décisions financières, aux tâches ménagères, à la liberté d’aller et de venir ainsi qu’à l’expression de la sexualité, entre autres exemples. Le désir de se soustraire à ce contrôle est maintenant une raison suffisante pour justifier la décohabitation du côté des jeunes.

En Grande-Bretagne, Sue Heath explore l’ambivalence qui sous-tend les nouvelles relations parents-enfants lorsque ces derniers quittent le foyer familial sans pour autant s’établir en couple. D’une part, bien que les jeunes se créent un nouveau « chez-soi » hors du foyer familial, celui-ci demeure un lieu important où l’on retourne, un rappel de leurs racines. D’autre part, les parents éprouvent de la difficulté à reconnaître l’indépendance de leurs enfants célibataires, à reconnaître qu’ils puissent avoir un « chez-soi » sans avoir de partenaire. Ils ont même parfois tendance à conserver dans leur logis un espace pour le jeune ayant pourtant quitté le foyer familial.

L’insertion professionnelle est souvent le moyen qui permettra la décohabitation, l’accès à une indépendance financière. Les chapitres 5 et 6 portent sur cette question. Ram Christophe Sawadogo fait d’abord état de la situation des enfants et des jeunes en extrême difficulté au Burkina Faso. Il souligne la nécessité et le succès de programmes d’éducation développés par des ONG pour réussir à rejoindre des jeunes n’ayant pas eu accès à une éducation adéquate, vivant trop souvent dans la rue et en rupture de liens familiaux. Puis, du côté de la Belgique, Jean-François Guillaume met en lumière la tension qui ressort dans les propos des jeunes Belges lors de leur insertion professionnelle : tension entre le potentiel qui leur est transmis par les parents en termes de valeurs et de patrimoine et ce qu’ils souhaiteraient devenir individuellement.

Enfin, l’accès à la maternité est un autre événement important dans le processus de passage à l’âge adulte. Dans le chapitre 7, Johanne Charbonneau illustre bien le bouleversement que constitue la grossesse adolescente pour les relations familiales. Au Québec, la grossesse adolescente se produit souvent dans un contexte familial difficile offrant peu de ressources. Après le choc de l’annonce de la grossesse, la famille se mobilise rapidement pour aider l’adolescente mais cette aide s’avère souvent trop étouffante et lourde à porter ou insuffisante. En fait, des malentendus quant aux besoins et attentes de chacun créent souvent des conflits qui parfois se concluent par la rupture des liens.

Enfin, dans le dernier chapitre, Vincenzo Cicchelli relativise l’idée selon laquelle le fait de donner naissance à un premier enfant apaise les rapports mères-filles. En fait, les résultats d’une enquête menée en Île-de-France viennent plutôt mettre en lumière une diversité de directions que peut prendre l’évolution des relations.

Ainsi, à travers les chapitres, on peut suivre les jeunes dans leur quête d’autonomie, être témoin de la complexité des liens familiaux et à même de mieux comprendre l’impact des modes de vie sur le processus de passage de la jeunesse à la vie « adulte ».