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Le mouvement altermondialiste, peu importe ses variantes, se targue de vouloir faire de la politique autrement. On peut le comprendre au moins de quatre façons : premièrement, comme une revalorisation du politique à une époque qui glorifie le marché comme lieu premier (sinon exclusif) de la régulation sociale ; deuxièmement, comme une volonté de montrer qu’il existe des solutions de rechange aux discours et aux politiques (néo)libérales, d’où l’idée qu’« un autre monde est possible » ; troisièmement, comme une solution de remplacement à la gauche traditionnelle incarnée par le mouvement ouvrier, telle qu’elle s’est développée du milieu du xixe siècle à la chute du mur de Berlin ; quatrièmement, comme une tentative de concevoir d’autres scènes du politique que l’État-nation et les parlements.

Sur ces quatre plans, il est facile de trouver dans les faits corroboration de ces prétentions. Dans un tel contexte, il me semble intéressant de repérer certaines convergences mais aussi des dissonances entre le féminisme et la mouvance altermondialiste, puisque le premier a aussi voulu faire de la politique autrement, bien que, aujourd’hui, certains de ses secteurs se satisfassent du jeu politique institutionnel. Plus particulièrement, sur un plan « programmatique », j’examinerai dans un premier temps le rapport entre le personnel et le politique, les rapports entre les moyens et les fins dans l’action politique et la temporalité politique. Dans un deuxième temps, il sera question du mode d’intégration des dimensions féministes dans les forums sociaux mondiaux (FSM) et dans ce type de structure, avec quelques apartés sur d’autres secteurs de l’altermondialisation. Enfin, dans un troisième temps, je mettrai en lumière divers discours qui peuvent être développés sur les femmes et la mondialisation en comparant ce qui a été produit par l’Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens (ATTAC), la Marche mondiale des femmes (MMF) et certaines féministes postcoloniales, le tout afin de mieux circonscrire les articulations possibles entre critique du capitalisme et critique du sexisme (et du racisme) à l’ère de la mondialisation (néo)libérale.

Quelques convergences

Dans la mesure où le mouvement altermondialiste affirme vouloir faire de la politique autrement, tout en occupant un espace politique largement laissé vacant par la gauche traditionnelle depuis le début des années 80, il me semble intéressant de repérer, dans cette mouvance politique, diverses formes de reprises des critiques que les féministes des années 70 avaient adressées à la gauche traditionnelle ou « nouvelle » :

[J]e fais l’hypothèse que le mouvement féministe de la deuxième vague a joué un rôle important dans l’émergence d’une nouvelle militance politique […] Malgré la persistance du sexisme au sein des mouvements d’une part et l’institutionnalisation du féminisme de l’autre, il est évident que le mouvement de libération des femmes a laissé ses marques dans la transformation de l’imaginaire politique et les formes de la résistance actuelle, mais sans que cela ne soit visibilisé.

Masson 2003 : 110

Cet « héritage » n’est pas toujours consciemment assumé, quoiqu’il ne soit pas anodin qu’une bonne partie du mouvement se définisse comme « anarchiste » plutôt que « marxiste »[1], une forme d’anarchisme qui n’est pas sans rappeler les convergences entre féminisme et anarchisme qu’avait mis en lumière en son temps Nicole Laurin. Celle-ci relevait qu’à « sa source le féminisme remet en question le pouvoir, sous sa forme élémentaire et fondamentale, le contrôle inter-personnel par le jeu de la force et du consentement », tout en soulignant les dangers de récupération « si, dans leur lutte contre la domination, elles [les féministes] s’allient à des instances de pouvoir, à des appareils du contrôle » (Laurin 1981 : 183).

Le premier domaine de convergence est le rapport entre le personnel et le politique. Certes, dans la mouvance altermondialiste, nous sommes loin du slogan « le personnel est politique » qui a soutenu l’action des secteurs les plus radicaux du féminisme des années 70, et la façon d’intégrer le personnel dans le politique ressortit plus des changements que l’on peut noter aux conditions générales du militantisme (Ion 2001 ; Jordan 2003 ; Sommier 2003), qui s’effectue de plus en plus au « je », bien que ce « je » puisse s’insérer dans un « nous ». Cela implique une plus grande personnalisation de l’implication, ce qui entraîne à la fois une réflexion sur sa propre situation sociale et une volonté de se changer soi au travers de l’implication militante. Comme le souligne Jordan, cette prise en charge du soi dans l’action collective peut prendre des formes extrêmement diversifiées, comme le groupe d’affinités qui se caractérise par « l’attention personnelle qu’ont les uns pour les autres les membres d’un petit groupe qui se connaît et se rencontre régulièrement » (2003 : 63) ou encore la liaison entre la politique et le plaisir.

Cela rejoint un phénomène qui avait déjà été remarqué dans l’expérience féministe puisque « [c]ontemporary feminism has challenged this, theoritically in terms of the abstract way men have thought about power, and practically in saying politics has no integrity until it is grounded on everyday life » (Phillips 1991 : 111). À cet égard, on peut parler de politique identitaire dans le féminisme et dans l’altermondialisation, non pas que cette politique soit fondée sur une identité préalablement existante, mais parce qu’elle implique une forme d’identification avec la cause qui travaille autant la constitution de soi que l’organisation sociale.

Cela a pour conséquence que la décentralisation et l’horizontalité qui caractérisent de nombreux secteurs du mouvement altermondialiste ne sont pas sans présenter des similitudes avec ce qui avait été théorisé par certains courants féministes comme s’opposant à l’organisation centralisée et hiérarchique de la gauche traditionnelle. Pour plusieurs féministes des années 70, il était problématique de prétendre lutter pour une société plus juste et plus démocratique tout en ayant recours à des structures de lutte centralisatrices et autoritaires. Il y a donc eu une réflexion sur le rapport entre la forme du mouvement et les objectifs qu’il poursuivait. Le même questionnement est à l’oeuvre dans les mouvements altermondialistes, bien que tous n’en tirent pas les mêmes conclusions.

Dans cette perspective, la décentralisation était vue comme un moyen d’associer le plus grand nombre de personnes possible à la fois à une lutte générale de transformation sociale, à l’élaboration des objectifs politiques et à la mise en oeuvre des stratégies. Quant à l’horizontalité, elle est largement associée à la forme « collectif » dans le féminisme et aux groupes d’affinités dans le mouvement altermondialiste. L’objectif visé par l’horizontalité est de créer une égalité politique entre l’ensemble des participants et des participantes au mouvement, dans laquelle personne ne peut prétendre à l’expertise. On ne peut toutefois certainement pas soutenir que l’ensemble des mouvements féministes ou l’ensemble des mouvements altermondialistes fonctionnent selon ces principes de décentralisation et d’horizontalité.

Quant au rapport entre les moyens et les fins, il prolonge ce premier élément et il a été central dans les critiques que les féministes occidentales ont adressées à l’extrême-gauche au cours des années 70. Comme l’ont souligné plusieurs féministes, « [t]he movement for women’s liberation is part of the creation of a society in which there are no forms of domination. This society cannot be separated from the process of its making » (Rowbotham 1979 : 50). Par ailleurs, il me semble aussi que le rapport entre les moyens et les fins constitue un axe de fracture entre les « nouveaux mouvements sociaux » et les plus anciens (Sommier 2003 : 21-25). Or ces nouveaux mouvements sociaux ont largement nourri la sensibilité politique altermondialiste (Aubenas et Benasayag 2002 : 55) :

Ainsi, le fameux slogan « la fin justifie les moyens » ne peut fonctionner parce que cette fin n’existe pas en tant que telle […] Toute politique qui tend à différencier la fin et les moyens et prétend connaître le pas nécessaire pour l’avènement d’une fin donnée ne fera que rétablir une politique de l’attente et de la discipline.

Cela apparaît lors des grands rassemblements et actions du mouvement, de même que dans le fonctionnement plus quotidien des organisations qui le composent.

On peut également imputer à cette attention aux rapports entre moyens et fins le caractère largement « imaginé » du mouvement, au sens où l’entendait Anderson (1991) lorsqu’il parlait des nations modernes. Ce caractère imaginé du mouvement est attribuable au fait que chaque personne est d’abord et avant tout impliquée sur un plan local et sectoriel. Le mouvement fait cependant ensemble à des moments précis : les grandes manifestations, les forums sociaux. Toutefois, l’essentiel de son action se passe ailleurs. Comme le soulignent certaines militantes, Seattle ne s’est pas construit en une nuit, et il y a eu un long travail préparatoire (Starhawk 2003). Le caractère imaginé du mouvement fait d’ailleurs écho à sa décentralisation. Ainsi, il me paraît prématuré de conclure que ces groupes qui continuent d’agir séparément sont parvenus à constituer un mouvement unifié (Barlow et Clarke 2002 : 51). Le mouvement des mouvements est beaucoup plus virtuel que réel, même si une partie de l’extrême-gauche voudrait récupérer la mouvance altermondialiste dans cette direction, tout comme à une autre époque elle a voulu instrumentaliser le féminisme.

Il importe aussi de noter que le mouvement altermondialiste se perçoit sous la forme d’une coalition qui ne hiérarchise pas, du moins formellement, les enjeux et qui accorde autant d’importance aux divers aspects de la critique de la mondialisation. Certes, la diversité est grande — sur le plan tant sociologique qu’idéologique. Cependant, force est de constater que la critique des aspects économiques de la mondialisation occupe la place centrale qui était, dans la gauche traditionnelle, occupée par la critique des rapports d’exploitation capitalistes. On pourrait donc soutenir que la critique des inégalités économiques liées à la mondialisation sert de point de convergence, par défaut, à la sensibilité altermondialiste, ce qui pose problème dans l’articulation des enjeux féministes.

Un autre domaine dans lequel on peut remarquer des convergences entre le féminisme et la mouvance altermondialiste est celui de la temporalité politique, axe important des critiques que les féministes ont adressées à la gauche traditionnelle et à l’extrême-gauche. Alors que la gauche a été marquée traditionnellement par une pensée du progrès, fortement orientée vers l’avenir[2], qui reportait dans un avenir hypothétique — parce qu’il était largement lié à l’hypothèse révolutionnaire ou encore à celle de la rupture — les changements sociaux, le féminisme ainsi que les autres nouveaux mouvements sociaux ont eu tendance à instaurer une temporalité politique du présent.

La temporalité du présent domine largement le mouvement altermondialiste tout en y côtoyant ce que l’on pourrait appeler une « temporalité du passé » (le retour au national et les diverses formes de souverainisme) et une « temporalité de l’avenir », grandement associée aux secteurs les plus radicaux du mouvement. Le point explique la prédominance de cette temporalité du présent. C’est probablement l’impact de l’idéologie du no future qui a commencé à se développer durant les années 80, principalement dans le sillage de la réflexion écologiste mais aussi sous l’impact du postmodernisme (Balandier 1988 : 165) :

L’époque est de moins en moins propice à une représentation unilinéaire du parcours de vie, à une gestion du temps qui s’accorde la durée sous la seule réserve des brisures imputées à la malchance ou à la fatalité. L’incertitude prévaut, le présent est à conquérir sans répit […].

C’est d’ailleurs ce qui fait affirmer à Taguieff (2000) que l’époque se prête au « présentisme ». Ce dernier — que Taguieff dénonce — peut largement s’expliquer par l’usage différent de la notion d’utopie, puisque « [l]e radical d’aujourd’hui sait sa révolution impossible dans un contexte où les États sont si puissants » (Dupuis-Déri 2004 : 77), mais aussi par l’absence de modèles. Cette absence n’étant pas vécue par la plupart des mouvements sous le mode du manque, elle ne constitue pas « un frein, une faille ou un obstacle, mais précisément une ouverture, une nouvelle possibilité de s’organiser selon des « projets axiomatiques », qui ne sont pas guidés par une idée du « devoir être » du futur, mais qui partent de l’assomption de l’exigence situationnelle » (Benasayag et Sztulwark 2002 : 87). Au contraire, « [c]e désir de lutter sans modèle préconçu peut s’expliquer en partie par un nouveau rapport au temps chez les militants, temps qui s’inscrit moins dans la durée […] avec la dimension sacrificielle que la perspective supposait » (Désy 2004 : page 19).

Une temporalité politique du présent est d’abord et avant tout la recherche des solutions de rechange ici et maintenant plutôt que d’attendre les lendemains qui (dé)chantent d’après le grand soir révolutionnaire. Cela prend la forme d’un réformisme qui n’est pas toujours radical mais qui en a la potentialité. Ce qui en fait la radicalité, c’est la dose d’utopie, à savoir de nouveauté qu’il contient.

Mentionnons également que la temporalité du présent et la mise en place de solutions de rechange, qui ne constituent pas en soi des ruptures fondamentales sans toutefois les empêcher, peuvent être liées à une conception du pouvoir qui n’a pas tant à être pris qu’à être répandu. Car les solutions de rechange ont pour fonction à la fois de délégitimer les formes actuelles de domination et de mettre en place une autre logique qui fonctionne d’après la capacité de prise en charge, d’autonomie au sens étymologique du terme (capacité de se donner ses propres règles) et de détermination par les collectivités de leur propre destinée : « Le but d’une grande partie des mouvements anti-mondialisation n’est pas la prise du pouvoir, mais la multiplication des expériences de résistance au pouvoir et leur coordination » (Masson 2003 : 102).

C’est dans ce sens que, pour certaines personnes, « [l]a seule façon de concevoir un changement radical aujourd’hui ne relève pas de la conquête du pouvoir mais de la dissolution du pouvoir » (Holloway 2003 : 38). Dans cette perspective, le point mis en avant est la nécessité de distinguer le « pouvoir sur », assimilé à la domination, et le « pouvoir de », soit la capacité d’agir de concert. La distinction entre un pouvoir vertical et un pouvoir horizontal a largement occupé la réflexion féministe qui, dans ses débats sur la citoyenneté, a entrepris toute une critique de l’(A)utorité (Jones 1993).

La (non-)intégration des féministes et du féminisme

Dans la deuxième section, je compte mettre en lumière la difficulté d’intégration d’une analyse féministe et d’intégration des féministes dans la mouvance altermondialiste. Sur le plan officiel, rien à reprocher au mouvement altermondialiste : le féminisme est partie prenante des enjeux qu’il défend et la plate-forme du FSM en fait un thème transversal qui doit être pris en considération dans tous les domaines.

Pourtant, il y a loin de la coupe aux lèvres. Que l’on examine les programmes des diverses éditions du FSM, les discours principaux qui s’y sont tenus ou les discussions et comptes rendus de militants et de militantes des mouvements altermondialistes, force est de constater que, à part les féministes, on ne se bouscule pas au portillon pour analyser l’articulation du sexisme et du (néo)libéralisme (Kerr 2003 : 151) :

Le Forum social mondial a ses limites. Il gagne en importance quantitativement mais pas nécessairement du point de vue qualitatif ; je veux dire par là qu’il ne permet pas assez d’approfondir ou de développer des alternatives. Par ailleurs, il rassemble des mouvements sociaux mondiaux — dont les mouvements de femmes — mais ces mouvements ne se nourrissent mutuellement ou ne s’allient que rarement […] Je pense que les féministes, le féminisme ou les questions d’égalité entre les sexes demeurent en marge du Forum social mondial.

Pis encore, la dimension féministe de divers enjeux sociaux est systématiquement ignorée : « While women are present as leaders and participants in most of the anti-globalization movements, a feminist agenda only emerges in the post Beijing « women’s right as human rights » movement and in some peace and environmental justice movements » (Mohanty 2000 : 249).

Regardons, dans un premier temps, ce qui se passe dans les FSM. La pratique la plus répandue est de tenir le forum des femmes comme événement semi-autonome lors des FSM. C’est ce qui s’est passé lors du Sommet des peuples à Québec en 2001. Cela a aussi été le cas au 3e Forum social de Porto Alegre en 2003 et au Forum social européen de Paris à l’automne 2003. Usuellement, le forum des femmes a lieu la journée qui précède l’ouverture officielle du FSM et permet aux femmes qui y participent de prendre part aux autres événements du FSM.

Ces événements semi-autonomes peuvent s’interpréter comme un moment de non-mixité à l’intérieur de structures mixtes. Ils fournissent également l’occasion aux féministes de plusieurs pays de se rencontrer et d’avoir des échanges à partir de leurs expériences respectives. En outre, ils permettent d’outiller les participantes au forum officiel. Toutefois, ce type de fonctionnement présente aussi des désavantages. Comme il y a un forum des femmes, les thématiques féministes ont moins tendance à être prises en charge dans le forum général et, par conséquent, la problématique féministe reste relativement peu intégrée à l’analyse critique de la mondialisation (néo)libérale, si ce n’est pour souligner l’importance de l’exploitation des femmes[3]. Dans cette perspective, les femmes sont essentiellement perçues comme des victimes de la mondialisation et non comme des actrices susceptibles d’y intervenir : « La question de l’égalité entre hommes et femmes est presque toujours mentionnée dans les documents du mouvement altermondialiste […] mais la plupart des groupes mixtes ne disposent pas des outils pour les intégrer véritablement dans leur discours ou dans leur pratique » (Decarro 2003 : 163).

Le deuxième élément à prendre en considération est la dimension féministe du mouvement, tant dans ses pratiques organisationnelles que dans les perspectives d’ensemble qu’il met en avant. Il est significatif que, dans le diagramme qu’elle dresse de la « galaxie de l’antiglobalisation », Isabelle Sommier mentionne certes la MMF comme composante mineure, mais elle met l’accent sur six grandes « planètes » qui ont contribué à façonner le mouvement : les syndicats, le mouvements des « sans », la gauche radicale, les écologistes, les groupes humanitaires et de solidarité internationale ainsi que les organisations de défense des droits de la personne (Sommier 2003). Quant à Lempen (2003), il n’en parle absolument pas.

Chez certains analystes de l’altermondialisation, il y a la perception que les mouvements féministes auraient connu un processus de radicalisation à la fin des années 90, ce qui explique leur possible intégration dans la vision altermondialiste. Après avoir mis l’accent sur la paupérisation des femmes et l’augmentation de la violence à leur encontre, consécutives à la mondialisation (néo)libérale, ils en viennent à la conclusion que, après avoir mené une politique réformiste en s’insérant dans l’ordre du jour « femme » de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de certaines de ses agences, quelques secteurs du féminisme, dont la MMF, auraient enfin vu la lumière à la suite d’« une énorme frustration » devant les promesses égalitaires non tenues, tout en y allant de leurs conseils paternalistes concernant les « nouveaux défis » pour le mouvement féministe (Amin et Houtart 2002 : 255) :

[Celui-ci, afin] d’intensifier sa présence aux différents niveaux de discussion et de décision du mouvement pour une autre mondialisation [devra déployer des efforts] en vue de mobiliser certains secteurs féministes limitant leur action à la promotion des droits individuels au niveau national, sans se préoccuper des déterminants économiques et politiques globaux.

De la même façon, lorsqu’on examine les débats sur l’avenir du mouvement ou certaines analyses plutôt sympathiques à celui-ci, on s’aperçoit rapidement que l’élément qui domine et qui agit comme trait unificateur du mouvement est un anti-libéralisme économique qui peut facilement verser dans l’anti-capitalisme. Lorsqu’il est question de la mondialisation (néo)libérale, l’effet le plus pernicieux mis en avant est celui de la montée des inégalités avec pour corollaire, dans le mouvement, une « demande d’égalité » qui est largement limitée à ses dimensions économiques (Lempen 2003).

De ce fait, même s’il n’y a pas de hiérarchie formelle des luttes, l’anti-capitalisme fait largement office d’élément central et les autres dimensions ne sont souvent considérées que sous l’angle des conséquences néfastes de ce capitalisme. Cela s’est vu particulièrement dans les échanges qui ont précédé le Forum social européen de Paris, échanges auxquels, fort significativement, une seule femme et neuf hommes ont participé et qui cherchaient à définir des perspectives au mouvement : seule la femme a fait état de l’expérience de la MMF comme pouvant avoir une signification pour l’ensemble du mouvement. Pour les autres, les questions politiques centrales sont des enjeux de gauche classiques comme la construction du mouvement et sa radicalité (Aguiton et autres 2003).

Si l’on analyse la façon dont la MMF perçoit son intégration dans le processus du FSM, on s’aperçoit aisément que le bilan est relativement modeste. Mentionnons que la MMF est partie prenante du FSM depuis le début et qu’elle participe également au Réseau des mouvements sociaux qui en a émergé et qu’elle a été présente depuis la première édition du FSM à Porto Alegre. On ne peut donc invoquer à son égard le handicap lié à la situation de « tard-venue » dans le processus. Or, en ce qui concerne les éditions 2001 et 2002 du FSM, le bilan qu’en tire la MMF est des plus mitigé puisque, dans un document interne, elle affirmait ceci : Nous sommes toujours préoccupées par l’intégration d’une perspective féministe dans toutes les thématiques développées par le FSM[4] », ce qui laisse entendre que ce n’est pas toujours le cas. Cela fait écho au discours inaugural de Joanna Kerr, lors de l’ouverture du colloque d’octobre 2002 de l’Association for Women’s Rights in Development (AWID) à Guadalajara, alors qu’elle soulignait ce qui suit : « we don’t have to expand our energies convincing others on the impact of globalization on women’s rights, the deepening crisis of poverty, women’s time burdens, women’s lack of access to water or credit, healthcare and reproductive rights, land to cultivate or a decent job » (AWID 2002 : 1). Cela sous-entend que, puisque nous sommes entre féministes et que nous en sommes déjà convaincues, cela va de soi, alors que, lorsque nous nous retrouvons dans des forums mixtes, ce travail est toujours à faire au préalable.

En 2003, le bilan commence à noter des progrès mais aussi des limites. Certaines soulignent des avancées, principalement en ce qui concerne la participation de féministes à des tables rondes ne portant pas précisément sur les femmes, de même qu’en ce qui a trait à la possibilité d’une bonne discussion lors du campement jeunesse, puisque « plusieurs jeunes campeuses ont découvert qu’elles étaient beaucoup plus féministes qu’elles ne l’auraient cru. Le succès des initiatives de la marche dans le campement représente un événement en soi. Surtout face à l’absence de visibilité féministe dans les activités du campement lors des années précédentes » (Beaulieu et Di Giovanni 2003 : 5). D’autres, en revanche, n’hésitent pas à soutenir également que « cette participation demeure marginalisée et souffre du syndrome de la tolérance polie. Nous sommes encore loin d’un réel dialogue ou débat sur la place des femmes et du féminisme dans la construction d’un autre monde. La lutte anti-capitaliste est encore vue comme la lutte primordiale dans l’esprit de plusieurs » (Matte 2003 : 1).

Le bilan qui est fait de l’expérience de Mumbai est relativement positif, mais il faut souligner un contexte assez favorable propre au mouvement indien dans lequel plusieurs féministes jouent un rôle de premier plan, sur des enjeux écologiques ou de développement. Malgré tout, la MMF doit quand même reconnaître ceci : « nous sommes loin d’avoir l’influence que nous souhaiterions avoir sur les définitions méthodologiques au sein du FSM » et « notre alliance avec des mouvements mixtes est une tâche difficile » (Di Giovanni 2004 : 2).

Un phénomène semblable a été constaté par Masson en ce qui concerne l’Action mondiale des peuples. Si elle observe des progrès, elle souligne que « la catégorie de classe […] demeure prioritaire dans les revendications du mouvement » et que « [l]es mouvements antimondialisation maintiennent donc une résistance à lier de manière structurelle la classe, le genre et la race » (Masson 2003 : 102). Tout cela conduit à une certaine marginalisation du féminisme dans ces mouvements.

Bref, on voit encore se développer un phénomène qu’il avait été possible de constater dans la gauche à d’autres époques : si certaines féministes sont prêtes à reconnaître l’importance des enjeux de classe, on ne note pas le même empressement de la part de la gauche à admettre l’existence du sexisme. À travers leur participation à la mouvance altermondialiste ou dans des mouvements mixtes, des féministes ont fait leur la notion d’« intersectionnalité » qui permet de comprendre que « because women of color experience racism in ways not always the same as those exprienced by men of color, and sexism in ways not always parallel to experiences of white women, dominant conception of antiracism and sexism are limited, even on their own terms » (Creenshaw 1991 : 12). Cela permet également de voir que le féminisme n’immunise pas nécessairement contre le fait de perpétrer d’autres formes de discrimination. En outre, cela rend possible une autre lecture de la réalité sociale (Verma 2002 : 16) :

[As] providing a « map » of « forms » of discriminations, their « circumstances » and « consequences », by identifying each aspect of our life and how it works in combination with others. Using this « map » it becomes easier to redress the discriminations and to view our power and priviledges, rather than merely focussing on our disadvantages.

D’une certaine façon, il est cependant possible de soutenir que la participation à cette mouvance altermondialiste de même que l’internationalisation de l’action féministe, notamment à travers l’expérience de la MMF, ont profondément transformé le féminisme. D’une part, il y a eu l’émergence de « solidarités nouvelles » fondées sur la diversité des femmes et non sur une identité partagée (Barbot 2000). D’autre part, on a pu assister à une certaine radicalisation du féminisme transnational qui a quitté partiellement le giron des conférences onusiennes pour se rapprocher des nouveaux mouvements contestataires et ainsi s’assurer d’une certaine relève, principalement chez les jeunes femmes (Dütting 2003).

Quelques discours sur les femmes et la mondialisation

Il y a d’abord un constat, dans le texte produit par l’ATTAC sur les femmes et la mondialisation, qui vient démentir le caractère transversal des enjeux féministes dans le mouvement altermondialiste : « les effets différenciés sur les hommes et les femmes sont rarement mis en avant ou dénoncés : cette dimension est tout simplement oubliée, quand elle n’est pas tout bonnement niée » (ATTAC 2003 : 9). On trouve ensuite un rappel : si la division sexuelle du travail précède le capitalisme et la mondialisation (néo)libérale, il n’en reste pas moins qu’elle fait partie prenante des stratégies (néo)libérales. « Il suffit d’observer comment le néolibéralisme a su utiliser la division sexuelle du travail et en tirer le meilleur profit pour comprendre que celle-ci ne tient pas seulement de préjugés et de mentalités archaïques » (ATTAC 2003 : 10). Il y est même fait part de l’interférence entre les rapports sociaux de genre et les rapports de classe, et cette interférence est ensuite analysée dans des domaines précis.

Il n’en demeure pas moins que l’aspect qui retient principalement l’attention est l’insertion des femmes sur le marché du travail rémunéré, bien que l’analyse prenne aussi en charge le fait que, partout sur la planète, les femmes assurent la quasi-totalité des tâches domestiques, tout en étant consciente du fait que le travail domestique adopte des figures différentes selon les pays et même les régions. Aussi, on souligne que les diverses instances de gouvernance internationale s’intéressent de plus en plus aux femmes, dans une perspective largement instrumentale puisqu’elles « sont avant tout considérées comme une ressource, un investissement rentable » (ATTAC 2003 : 110).

Cependant, malgré l’intérêt que revêt l’analyse développée dans cette brochure en ce qu’elle permet de comprendre les traits contradictoires de la mondialisation néo-libérale dans son impact sur les femmes, les auteures sont obligées de conclure par des « évidences » qui disent bien la difficile prise en charge des analyses féministes par les mouvements mixtes (ATTAC, 2003 : 173-174) :

Non, les revendications et luttes des femmes ne sont pas « spécifiques » aux femmes ; elles sont au contraire au coeur de la lutte contre la mondialisation néo-libérale. Ce ne sont pas des « luttes de femmes » à côté des luttes sociales ; ce ne sont pas des « revendications femmes » qui s’« ajoutent » à celles des mouvements sociaux […] Parce qu’elles questionnent les bases mêmes de l’organisation de la société, elles concernent l’ensemble des citoyens, hommes ou femmes.

On trouve une analyse similaire dans le document produit par la MMF sur l’économie, qui part du constat suivant : « la quasi-totalité des revendications concernant la pauvreté […] reprenait les positions des mouvements sociaux altermondialistes […] Nous avons simplement tenté « d’ajouter » un contenu féministe à ces revendications » (MMF 2004 : 3). Il est d’ailleurs significatif que le commentaire qui soit revenu le plus souvent dans la discussion de la première version de ce texte soit la faiblesse de l’analyse féministe[5].

Cependant, le point dominant dans cette analyse est encore le discours de la « double oppression », bien que l’on reconnaisse que le patriarcat et le capitalisme sont deux systèmes d’oppression et d’exploitation dont les effets se cumulent plutôt qu’ils ne se juxtaposent. Or, si l’on analyse l’interaction entre capitalisme et patriarcat, la question n’est pas tant de savoir s’il y a « double » ou autre multiple oppression mais quels sont les traits spécifiques que revêtent l’oppression et l’exploitation dans chacun des cas. Se contenter de préciser que les femmes sont les principales victimes de la misère et de la violence engendrées par la mondialisation (néo)libérale, c’est tomber dans la trappe du spécifique et du générique. Il y aurait un universel, l’exploitation capitaliste, et un spécifique, l’exploitation particulière des femmes par ce système. Cette trappe du spécifique et du générique rend difficile à la fois une prise en considération par les autres composantes du mouvement altermondialiste de la dimension féministe des luttes contre la mondialisation (néo)libérale et une problématisation réellement transversale des enjeux féministes. De plus, en présentant les femmes comme de simples victimes de ces processus d’oppression et d’exploitation, on se rend peu à même de comprendre les diverses formes de résistance et les luttes de femmes contre la mondialisation (néo)libérale et contre le sexisme.

En outre, si le patriarcat a certainement beaucoup d’ancienneté historique, il n’en demeure pas moins un système mouvant et adaptable à diverses autres formes de domination sociale. On ne peut donc se contenter d’en faire « un vieux système social et politique qui ne date pas du xxe siècle, mais qui, venu depuis des millénaires, continue selon des intensités variables et des cultures différentes de se fonder sur la prétention qu’il existerait une infériorisation naturelle des femmes en tant qu’êtres humains et sur une hiérarchisation des rôles attribués dans nos sociétés aux hommes et aux femmes » (MMF 2003 : 10).

Une telle définition pose plusieurs problèmes. D’abord, elle fait du patriarcat une catégorie transhistorique ; celui-ci se serait perpétué, égal à lui-même, depuis des millénaires et seules les luttes des femmes auraient contribué à en faire baisser l’intensité, sans en altérer la nature. Ensuite, elle intègre le discours de la nature qui est servi aux femmes pour leur faire avaler leur situation ; or cette subordination est si peu « naturelle » qu’elle a besoin de toute une série d’institutions et de diverses manifestations de violence pour se perpétuer. Enfin, elle accepte le binarisme du masculin et du féminin.

Par ailleurs, le capitalisme n’est malheureusement pas uniquement un mode d’exploitation du travail. Il s’appuie sur un ensemble de rapports sociaux déjà constitués et en crée d’autres qui lui sont particuliers. Ainsi, il serait intéressant d’analyser l’impact de la mondialisation sur l’autonomie qu’ont pu acquérir les femmes par un accès à l’emploi (mal) rémunéré ou par leur participation à divers projets de développement. Cette autonomie va à l’encontre d’un statut personnel subordonné qui fait des femmes d’éternelles mineures. Elle leur permet également de mieux réagir devant leur situation, elle leur fournit des solutions de rechange au sexisme ambiant et elle leur permet d’entamer des luttes.

Il est donc nécessaire d’élaborer un discours théorique sur l’articulation du sexisme et du capitalisme à l’époque contemporaine à l’échelle mondiale, mais cette analyse ne peut se situer uniquement sur le plan conceptuel. Elle doit prendre appui sur les microanalyses, les cas, qui permettent de voir concrètement à l’oeuvre les logiques d’ensemble, un peu à la façon dont les groupes de conscience ont permis, au début des années 70, de mieux saisir la nature de l’oppression des femmes à la fois dans la singularité de l’expérience de chacune et dans la généralité liée à la récurrence des expériences singulières. Dans cette perspective, le travail accompli par les anthropologues féministes peut être des plus précieux en ce qu’il permet de comprendre le caractère hautement contradictoire et la multiplicité des relations de pouvoir à l’oeuvre dans chacune de ces situations. Ainsi, dans son analyse des maquiladoras du Yucatan, Labrecque (2001) montre que leur implantation relève d’un travail complexe de reproduction et de recomposition des rapports de genre, d’ethnie et de classe sous l’égide d’un projet économique et politique (néo)libéral. Comme elle le souligne (Labrecque 2001 : 99) :

On peut certes voir une continuité historique entre le fait que les femmes, du plus loin qu’on puisse le vérifier, ont manié le fil, l’aiguille et le métier à tisser, et le fait que la majorité des maquiladoras installées à la campagne sont du secteur de la confection. Mais alors qu’en 1996 au Yucatan, au début de l’expansion des maquiladoras à la campagne, 68 % de leur main-d’oeuvre était féminine, elle n’était plus que de 58 % en 1999 (INEGI 1996, 1999). Ainsi, les hommes investissent massivement les maquiladoras de confection, évinçant littéralement les femmes qui y travaillaient jusqu’ici.

On doit cependant constater que l’analyse des rapports entre le patriarcat et le capitalisme reste encore embryonnaire et agit, à la limite, plus comme une incantation que comme un outil d’analyse :

[Il] ne peut exister d’analyse globale de la situation des femmes à l’heure de la mondialisation sans une double référence à ces deux systèmes d’exploitation, le capitalisme et le patriarcat, qui se renforcent mutuellement et se nourrissent l’un l’autre pour maintenir les femmes dans une infériorisation culturelle, une dévalorisation sociale, une marginalisation économique, une « invisibilisation » de leur existence et de leur travail, une marchandisation de leur corps, toutes situations qui s’apparentent à un travail systématique d’exclusion.

Guay 2002 : 12

À cet égard, on peut trouver des pistes de réflexion intéressantes de la part de féministes postcoloniales qui se concentrent sur la trame indissociable entre capitalisme, sexisme et racisme et qui insistent sur le fait que la mondialisation néo-libérale prend appui sur les régimes internationaux et locaux de rapports de « race » ou de genre, mais qu’elle les transforme aussi. Ainsi, « this experiential and analytical anchor in the lives of marginalized communities of women provides the most inclusive paradigm for thinking about social justice » (Mohanty 2000 : 231). Et Mohanty ajoute plus loin que « [t]his is the very opposite of « special interest » thinking. If we pay attention and think from the space of some of the most disenfranchised communities of women in the world, we are most likely to envision a just and democratic society capable of treating all its citizens fairly » (Mohanty 2000 : 231).

Ce travail de compréhension sera principalement le fait des féministes, mais, pour être partie prenante du discours altermondialiste, il ne doit pas se limiter aux féministes. C’est seulement à cette condition que le féminisme pourra devenir réellement une dimension transversale du mouvement altermondialiste et irriguer l’ensemble de sa réflexion et de ses pratiques.

En fait, le combat féministe contre la mondialisation (néo)libérale est d’abord et avant tout un combat pour la dignité humaine. Dignité sur le plan personnel alors que la liberté, l’égalité, l’individuation et la sécurité doivent être garanties à chacun et à chacune sans exception. Dignité également sur le plan matériel dans un monde où régnera une certaine justice sociale et dans lequel l’extrême misère devra être éradiquée. Cette lutte pour la dignité humaine ne doit pas être le fait que de quelques-unes, car, comme le rappelait Condorcet en 1790 au moment de la Révolution française, « un droit qui n’est pas reconnu à tous est un privilège ».

C’est dans cette perspective que peuvent se nouer des alliances entre féministes des diverses régions du globe mais aussi entre féministes et altermondialistes. Ces alliances ne sont pas faciles à construire. Plusieurs féministes qui se sont intéressées aux luttes des femmes dans les anciens pays colonisés l’ont mentionné à satiété. De même la possibilité de franchir les barrières de race et de classe n’est pas évidente dans un même État. Cependant, comme le rappelait Nadia Demond, le mouvement altermondialiste devrait axer ses propositions organisationnelles sur « la pratique de la convergence au sens littéral du mot con-verger, c’est-à-dire procéder vers un objectif commun à partir de points de départ différents » (Demond, citée dans Aguiton et autres 2003 : 50). Cela rappelle les propos de certaines féministes africaines-américaines lorsqu’elles parlent de la nécessité d’une nouvelle épistémologie mais aussi d’un dialogue politique (Collins 1991 : page 236) :

Each group speaks from its own standpoint and shares its own partial, situated knowledge. But because each group perceives its own truth as partial, its knowledge is unfinished. Each group becomes better able to consider other groups’ standpoints without relinquishing the uniqueness of its own standpoint or suppressing other groups’ partial perspectives.

Cela permet de renouer avec certaines analyses féministes du courant « genre et développement » qui mettaient en avant le lien entre le capitalisme et le patriarcat à l’échelle internationale et essayaient de circonscrire la place des femmes dans la division internationale du travail. Certes, l’intensification de la mondialisation a transformé profondément la place des femmes et dans les rapports sociaux mondiaux et dans les rapports sociaux locaux. Toutefois, il n’en reste pas moins qu’il est toujours de mise de rappeler que « the exploitative oppressive men-women relationship was systematically connected with such « hidden continents », above all « nature » and the « colonies » » (Mies 1986 : 14). C’est peut-être à travers les mouvements altermondialistes que le féminisme pourra trouver une nouvelle radicalité tant dans son registre d’action que dans les personnes qui s’y reconnaissent et dans ses analyses. Car la demande d’égalité dont est porteuse le féminisme ne peut se limiter à l’égalisation de la situation de certaines femmes avec celle de certains hommes. L’égalité est indivisible, et c’est uniquement en mettant fin à l’ensemble des oppressions et des exploitations que nous pourrons espérer nous en rapprocher.