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La faible participation des femmes aux réseaux d’affaires a maintes fois été dénoncée comme l’une des causes de leur difficulté à atteindre les postes de haute direction dans les organisations. Dans une thèse de doctorat soutenue en 1981, intitulée Perception et actualisation des facteurs de promotion chez les femmes cadres des grandes entreprises québécoises francophones du secteur privé, les cadres interrogées constataient leur absence de ces lieux tout en reconnaissant la grande importance d’y être présente pour toute personne qui souhaite atteindre les sommets[1].

Au cours des années qui ont suivi, quelques femmes particulièrement entreprenantes ont commencé à mettre sur pied des réseaux de femmes de carrière. « L’appartenance à des réseaux nous manque, se disaient-elles, construisons alors nos propres réseaux. » Il y avait bien sûr une objection récurrente : n’allait-on pas produire ainsi de nouveaux ghettos féminins qui isoleraient encore plus les femmes des lieux de pouvoir? Qu’à cela ne tienne, il s’est trouvé suffisamment de femmes pour croire en la pertinence de ces nouveaux réseaux pour leur assurer un nombre de membres significatif. Et 25 ans plus tard, on ne peut que se réjouir de l’importance de ces réseaux et du rôle intégrateur qu’ils ont joué entre les femmes de carrière elles-mêmes et entre ces femmes, les autres femmes, les lieux de pouvoir et la société en général.

Dans la présente note d’action, nous rappellerons d’abord quelques expériences du passé puis la période de création intensive de réseaux de femmes gestionnaires. Nous exposerons, par la suite, au moyen de récits rédigés par des participantes, trois cas concrets de réseautage féminin toujours en action et nous en tirerons des réflexions et leçons.

Quelques souvenirs

Il y a eu au Québec un certain nombre de regroupements de femmes d’influence avant le dernier quart du XXe siècle. On se rappellera, par exemple, les amicales d’anciennes étudiantes des collèges féminins, des couvents, des écoles normales, des écoles d’infirmières, des écoles supérieures et autres. Outre qu’elles constituaient des lieux d’amitié, ces associations pouvaient aussi à l’occasion devenir une assise d’influence. On en voit d’ailleurs un exemple dans le fait que Justine Lacoste-Beaubien a fait appel à certaines de ses anciennes compagnes du Couvent d’Hochelaga pour participer au premier conseil d’administration de l’Hôpital Sainte-Justine. Ces associations bâties à partir de la fréquentation d’un même établissement scolaire annonçaient déjà la puissante base de relations que constituent toujours les réseaux de diplômés et de diplômées des grandes maisons d’enseignement, réseaux qui fournissent bien souvent aux jeunes adultes leur première expérience d’activités de réseautage.

On notera de plus la mise sur pied, dès 1907, de la Fondation nationale Saint-Jean-Baptiste qui regroupait un certain nombre de femmes de la bourgeoisie, dont Thérèse Forget-Casgrain et Marie Lacoste-Gérin-Lajoie. Par leur appartenance à des familles influentes et par leur mariage à des hommes influents, ces femmes étaient déjà associées à des cercles de pouvoir. Elles ont tout de même éprouvé le besoin de mieux tirer parti de leur situation privilégiée en se regroupant dans des associations féminines susceptibles d’accroître leur capacité d’influence en ce qui regarde la condition des femmes.

C’est d’ailleurs l’une des membres éminentes de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, Florence Vernet-Martel, qui a fondé en 1949 l’Association des femmes universitaires, devenue plus tard l’Association des femmes diplômées des universités. En plus de ses objectifs d’entraide entre les membres, cette association a veillé à la promotion de la place des femmes dans les professions et à la valorisation des études supérieures pour les filles. C’est ainsi qu’elle a accordé de nombreuses bourses à des étudiantes dont au moins une à une jeune femme poursuivant des études de doctorat en administration.

Impossible également de passer sous silence le combat de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS), auparavant le Cercle des fermières, pour la reconnaissance du travail des épouses collaboratrices de leur mari à la ferme ou dans l’entreprise familiale qui a donné lieu en 1976 à la création de l’Association des femmes collaboratrices. Plusieurs de ces épouses étaient des gestionnaires, malheureusement non reconnues comme telles, et la mise en commun de leurs préoccupations a permis leur sensibilisation à l’injustice de leur situation de même que leur action réussie pour faire modifier les lois en faveur de toutes leurs consoeurs.

L’éclosion des réseaux de femmes en gestion

C’est vers les années 80 que la création de nouveaux regroupements clairement voués au réseautage des femmes de carrière a pris son envol. À cette époque, de plus en plus de femmes, désormais munies de diplômes universitaires, se sont mises à aspirer à des fonctions de direction et quelques-unes y sont arrivées. Ces femmes ont ressenti un vif besoin de se connaître entre elles, de partager leurs expériences et de s’entraider.

Ainsi, on a vu naître, au sein de plusieurs grandes entreprises de même que de nombreux ministères fédéraux ou provinciaux, des regroupements de femmes cadres ou de femmes cadres et professionnelles, généralement avec le soutien de l’organisation. Par ailleurs, d’importants réseaux d’affaires, très majoritairement masculins à l’époque, ont permis également l’émergence de comités féminins. Cela a été le cas, par exemple, de la Chambre de commerce de Montréal (devenue plus tard la Chambre de commerce du Montréal métropolitain) qui a mis sur pied, dans un premier temps, le comité Accès 51 voué à la participation accrue des femmes aux conseils d’administration et, dans un second temps, le Comité action femmes d’affaires (CAFA). C’était là reconnaître que le réseautage féminin avait intérêt à s’élargir au-delà des limites de la seule entreprise où une femme travaillait.

Dans le même esprit, des initiatives indépendantes des organisations déjà établies ont vu le jour. Certaines, comme le réseau Pif (pour l’influence des femmes) qui regroupe sa quinzaine de membres autour d’une table de restaurant quelques fois par année, ont toujours tenu à demeurer officieuses et très discrètes. D’autres, par contre, n’ont pas hésité à se montrer au grand jour et à se donner des structures plus officielles. Par exemple, le regroupement appelé « Administratrices universitaires du Canada » (Senior Women Academic Administrators of Canada : www.swacc.ca) rassemble depuis 1987 des femmes faisant carrière aux échelons administratifs supérieurs des universités canadiennes. Notons que certains de ces réseaux n’ont pas survécu au passage du temps, alors que d’autres poursuivent toujours leurs activités.

Parmi les regroupements actifs à l’heure actuelle, le Réseau des femmes d’affaires du Québec (RFAQ : www.rfaq.ca) attire l’attention par son nombre élevé de membres et par son rayonnement. Fondé au début des années 80 par les soeurs Guylaine et Henriette Lanctôt, et d’abord appelé l’« Association des femmes d’affaires du Québec », il s’est fait rapidement connaître grâce à la publication annuelle d’un bottin de femmes d’affaires et à l’intérêt de ses activités de réseautage où ses membres échangeaient information et cartes professionnelles. Cette entreprise privée a été acquise en 1993 par Nicole Beaudoin, dirigeante très avantageusement connue dans le monde des affaires, qui préside toujours à son développement.

Ce réseau compte maintenant 2 500 membres à qui sont proposées une centaine d’activités chaque année : repas, cocktails, conférences, séminaires, tournois de golf, colloque provincial, etc. Il organise en outre le gala Femmes d’affaires du Québec au cours duquel l’on remet le prix du même nom et il offre de nombreux autres services et privilèges à ses membres.

Sous le leadership de Nicole Beaudoin, le Réseau des femmes d’affaires du Québec présentait en 2003 à Développement économique Canada une proposition pour démarrer le Centre d’entrepreneuriat féminin du Québec (www.cefq.ca). Cet organisme à but non lucratif a été inauguré en 2005 et bénéficie d’une aide financière non remboursable de 1,8 million de dollars répartie sur trois ans. Il a pour objectifs de favoriser le démarrage et le développement des entreprises dirigées par des femmes et d’accroître le taux de survie de ces entreprises. Il offre des services de conseil de première ligne, d’accompagnement (coaching), de consultation, de formation et de mentorat. Dès la première année, plus de 1 000 femmes ont eu recours à l’un ou l’autre de ses services. Voilà ce à quoi peut parfois mener un réseau de femmes en gestion!

Trois réseaux vus de l’intérieur

Pour bien saisir ce qui se passe dans les réseaux de femmes en gestion, il s’avère intéressant d’avoir accès non seulement à l’information officielle les concernant mais également à la vie intime de ces réseaux. Dans cette perspective, nous avons invité trois membres de réseaux différents à nous présenter leur regroupement de façon personnelle et selon le point de vue et le style de leur choix.

Les Filles du Ritz, racontées par Nicolle Forget

Nous étions une dizaine, à la mi-novembre 1984, autour de la table de la salle de conférences de Me Lorraine Duguay, dans le Vieux-Montréal. C’était l’heure du lunch, et nous étions réunies pour discuter de la création d’une association dont l’objectif serait la promotion de la participation des femmes à la politique active.

Le 10 décembre, nous nous entendions sur un nom : « Société pour la promotion du leadership féminin » qui deviendra « Politiqu’elle ». Une structure organisationnelle à deux niveaux est adoptée pour permettre à celles qui ne le souhaitent pas, ou qui ne le peuvent pas officiellement de par leur fonction, d’être actives au sein du groupe. À l’objectif s’ajoutait un mandat : préparer et soutenir des femmes dans l’exercice de leur leadership en politique, dans les conseils d’administration et dans la gestion des entreprises.

Les membres du niveau informel, Michèle Bédard, Micheline Bouchard, Lorraine Duguay, Nicolle Forget, Johanne Labrecque-Rémillard, Dina Lavoie, Francine Montpetit et Claudine Sotiau, se forment alors en compagnie qui, à l’incorporation, portera le nom de « Club DAM’AS » et sera plus tard connu sous le nom des « Filles du Ritz », en référence à l’hôtel du même nom où se tiendront la plupart des rencontres durant de nombreuses années.

L’organisation

Le 20 août 1985, les membres se fixent comme objectifs :

  • de regrouper des femmes désireuses de participer activement à l’exercice du pouvoir;

  • de promouvoir le leadership des femmes et de les soutenir dans leurs démarches;

  • d’imprimer, de publier, d’éditer, de distribuer et plus généralement de diffuser toute information relative à ces questions.

Les membres élisent un comité exécutif : Micheline Bouchard à la présidence, Lorraine Duguay au secrétariat et Nicolle Forget à la trésorerie. La cotisation annuelle est fixée à 100 dollars et le nombre idéal de membres peut varier de 15 à 20 afin que l’intégration se fasse progressivement et harmonieusement.

Les critères de recrutement sont larges : le groupe recherche des femmes qui occupent un poste d’influence dans leur organisation ou qui sont en relation avec des personnes en position de pouvoir. Chaque candidate doit jouir d’une grande crédibilité, être disposée à s’engager personnellement et à faire la promotion des objectifs poursuivis par le groupe. Depuis 2003, le groupe cherche à compléter ses rangs avec des professionnelles cadres de niveau supérieur, possédant un réseau professionnel et paraprofessionnel. Il favorise le groupe d’âge des 35-45 ans, les communautés culturelles et le fait que le milieu où évoluent les candidates reconnaît leur apport spécifique.

Quand il sera de mise d’afficher une mission, les Filles du Ritz s’entendront sur celle-ci : créer et développer un réseau de soutien de professionnelles chevronnées et veiller à l’interconnexion de ce réseau avec d’autres réseaux importants. Cette mission sera révisée en 1990 : établir un réseau de contacts actifs tant à l’interne qu’à l’externe afin de promouvoir l’avancement des membres en particulier et, par voie de conséquence, des femmes en général, en vue d’accroître leur influence sur le plan politique, social et économique.

À partir de l’automne 90, un comité exécutif sera élu chaque année et entrera en fonction au moment de l’assemblée générale. C’est aussi à cette occasion que les rapports d’activité et financiers seront déposés, de même que les projets pour l’année à venir. Ces années-là, les Filles du Ritz se sont mises à fréquenter de plus en plus l’hôtel Intercontinental plutôt que le Ritz et ont décidé de s’appeler dorénavant les « Amies d’affaires ». On continue cependant de faire souvent référence à ce regroupement sous le vocable des « Filles du Ritz ».

Certaines réalisations

Un réseau ne vit que par la participation soutenue de ses membres. Outre les petits-déjeuners hebdomadaires du vendredi, quantité d’activités sont organisées à l’initiative de l’une ou l’autre des membres. Ainsi, de 1992 à 2002, le lac du Mâle a reçu les adeptes de la pêche, parfois jusqu’à quinze, et depuis l’automne 1994, un cercle de lecture se réunit toutes les cinq ou six semaines pour échanger sur un livre, lors d’un dîner organisé par une des membres de ce cercle. Ce dernier compte aujourd’hui douze membres qui ont aussi à leur programme une sortie touristique et culturelle chaque été.

De 1988 à 1994 inclusivement, 20 petits-déjeuners mixtes ont été organisés, certains dans des entreprises. Il s’agissait de réunir le plus de chefs d’entreprise et de politiciens possible afin de donner aux membres l’occasion de se faire connaître d’eux. Dans ce contexte, 160 personnes ont été rencontrées, presque toujours des hommes, dont certains sont encore des alliés importants pour plusieurs membres.

Le groupe a aussi organisé de nombreuses rencontres spéciales afin de s’informer et de mieux comprendre les grands enjeux de l’heure : les accords du lac Meech, le libre-échange, les programmes politiques des candidats à la direction des partis politiques des différents niveaux de gouvernement, l’Europe de 1992, l’avenir du Québec, les fusions municipales et, plus récemment, le Tribunal international des femmes, la génétique, la biotechnologie, la nanotechnologie ainsi que la situation au Moyen-Orient et au Proche-Orient. Par ailleurs, les membres ont profité de dîners thématiques pour inviter à leur table d’autres groupes de femmes à l’occasion, par exemple, de la visite d’un ou d’une ministre ou d’une personnalité de passage à Montréal.

Lors de son dixième anniversaire, outre la fête à laquelle le groupe avait convié ses alliées et alliés, les membres ont fait porter leur réflexion sur le pouvoir : celui que l’on exerce, celui que l’on croit exercer… Sur le pouvoir aléatoire, parfois rattaché à la personne, parfois rattaché à la fonction. Les membres étaient préoccupées par la question suivante : qui sommes-nous quand nous perdons la fonction, le poste qui nous donnait du pouvoir? Les membres ont serré les rangs autour de celles qui vivaient des moments difficiles dans leur carrière ou dans leur vie privée. Parce qu’un réseau, c’est aussi cela : le soutien inconditionnel, dans les moments de gloire comme dans les échecs et, surtout, dans ce dernier cas.

Et les membres ont pensé créer quelque chose qui leur survivrait comme une fondation ou une bourse. C’est ainsi que le 15 avril 1998 elles ont accordé la première bourse « Les Amies d’affaires ». Au fil des ans, neuf bourses de 1 000 dollars ont été remises à des jeunes femmes inscrites à la maîtrise en science de la gestion, option management, aux HEC Montréal. Deux bourses ont aussi été décernées, en 2003 et en 2004, à des étudiantes en génie à l’École polytechnique. Chaque année, le groupe invite ses boursières à un petit-déjeuner du vendredi qui favorise la création de relations entre ses membres et une nouvelle génération de femmes qui vont entrer dans la carrière.

Conclusion

Les Amies d’affaires auront 25 ans bientôt, ce qui est rare dans la vie d’un groupe de cette nature. Quantité d’éléments ont changé dans les manières de faire. Au début, les secrétaires devaient téléphoner à chacune ou expédier des messages par bélinographe. Les cellulaires et le courrier électronique ont remplacé cela, mais la très fidèle Nicole Martin, à l’origine adjointe de la première présidente du groupe, assume toujours à titre gracieux la responsabilité des communications avec les membres. Elle a été sans aucun doute l’une des clés de la vitalité et de la longévité de l’organisation.

Entre nous, des complicités ont traversé le temps : le plaisir d’être ensemble, le partage des grands et des petits bonheurs de chacune, des malheurs aussi, et le désir de continuer. Les liens de solidarité et d’amitié tissés au fil des ans, et le désir de chacune d’en assurer la pérennité en acceptant de jeunes membres, font que ce réseau survivra aux pionnières. A-t-il eu de l’influence? Nous aimons à croire que oui. Cependant, d’autres que nous écriront cette page de notre histoire.

Le réseau International Women’s Forum, raconté par Louise Roy

Le réseau International Women’s Forum (IWF : www.iwforum.browsermedia.com), est une organisation internationale de femmes de haut niveau qui a été fondée aux États-Unis en 1982 et qui rejoint aujourd’hui 3 500 membres sur 5 continents dans 21 pays. Les membres de l’IWF viennent de l’Amérique du Nord et du Sud, des Caraïbes, de l’Asie, de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient. L’IWF a son siège social à Washington. Il est dirigé par Lillie Richardson et une petite équipe de moins de dix personnes; l’IWF compte aussi sur un conseil d’administration d’une vingtaine de personnes venant des États-Unis, de l’Europe, de Russie, de l’Asie, du Moyen-Orient et également du Canada, en la personne de Carol Fitzwilliams, ex-présidente de l’IWF Canada.

Ce réseau de femmes d’influence, créé par Elinor Guggenheimer et Eleanor Holmes Norton, est devenu à l’heure actuelle un réseau international de femmes leaders de tous les pays qui peuvent partager de façon privilégiée leur expérience et de l’information sur des enjeux à caractère international.

À travers des conférences internationales, des symposiums et des publications, les femmes qui sont leaders dans leur milieu peuvent rencontrer d’autres femmes d’influence dans un environnement amical, échanger leurs expériences et leurs contacts de même que partager leurs opinions sur les sujets clés en matière de politique et de développement économique et social.

Le but de l’IWF est de procurer aux femmes leaders un lieu d’échange et de réseautage, une occasion de rencontrer leurs pairs dans un environnement qui n’est pas concurrentiel et où elles peuvent construire et développer des amitiés et des alliances. Au fil des grandes rencontres internationales qui ont lieu chaque année dans des pays différents, les femmes apprennent à connaître des réalités culturelles, politiques et économiques différentes des leurs. C’est certainement une des richesses incontestées de cette organisation.

Les membres

L’IWF est une confédération de forums locaux de membres à l’échelle mondiale. L’objectif de base est d’attirer des femmes qui, grâce à leurs accomplissements remarquables, sont connues et respectées de leur milieu. La diversité des carrières et des professions constitue un critère important de recrutement de nouvelles membres. Celles-ci viennent de tous les milieux et sont entrepreneures, chefs d’entreprise, ambassadrices, avocates, sénatrices, professeures, artistes, journalistes, etc.

Peu d’associations regroupent une telle diversité de professions, de cultures, d’âges ou de races. C’est ce qui distingue l’IWF des autres réseaux et qui en fait sa richesse. Les critères de sélection sont rigoureux et celles qui y entrent comme membres sont des femmes d’influence dans leur milieu, occupent un poste de haut rang dans leur organisation ou sont elles-mêmes chefs d’entreprise. À titre d’exemple, les présidentes des compagnies AT&T, Chevron Products, Hearst Magazines, Home Depot, Canada Kraft Canada, Nieilsen Media, Research et Pfizer sont membres de l’IWF. Sur le plan politique, des ministres, des députées et des sénatrices d’une dizaine de pays sont membres de l’IWF.

Chaque année, l’IWF honore des femmes remarquables et reconnaît leur apport à l’avancement des femmes. Parmi celles qui ont été honorées à ce jour, on compte Madeleine Albright, Louise Arbour, Ella Fitzgerald, Isabel Allende, Coretta King, Barbara Walters, Valentina Tereskova, Simone Veil, pour n’en nommer que quelques-unes.

La fondation pour le leadership

Une des dimensions vraiment distinctives de ce réseau est la Fondation pour le leadership, créée en 1990, qui est le bras éducatif et caritatif de l’IWF. Le but de cette fondation est de mettre à contribution l’expertise et l’expérience développées par les membres au service des femmes dans le monde entier et de mieux faire connaître au public les contributions que les femmes apportent à la société.

La Fondation pour le leadership a également mis au point un programme de formation, appelé « Leadership Foundation Fellows Program », qui s’adresse aux femmes de la relève dans le développement de leur leadership. Ce programme a pour objet de mettre en valeur les occasions pour les femmes de reconnaître leur potentiel et de leur permettre de progresser dans leurs habiletés de leaders. Chaque année, la Fondation pour le leadership choisit une quinzaine de femmes à haut potentiel qui participent au programme en question. Ces femmes viennent de milieux professionnels et culturels très différents, et représentent des régions géographiques variées. Elles sont associées dans une relation de mentorat avec des membres qui acceptent de les accompagner d’une façon active et dynamique.

Ce programme permet donc à des femmes de la relève d’accéder à des centaines de femmes d’influence détenant des postes de pouvoir sur le plan politique, social ou économique. En plus de l’aspect « mentorat », ce programme d’une durée de 25 jours sur une année comprend également une semaine intensive de formation à la Harvard Business School et un programme sur mesure de quatre jours à la Cambridge University’s Judge Business School.

Il est clair que ce programme constitue un volet fort de l’IWF dans son rôle de développement du leadership parmi les femmes et dans le soutien que celui-ci peut leur apporter pour les aider à percer le célèbre plafond de verre qui les empêche d’accéder à des niveaux plus importants dans leur carrière.

L’IWF au Canada

L’IWF a débuté au Canada en 1993 avec la venue à Montréal de Patricia Gabel, avocate américaine qui était membre du Forum du Vermont de l’IWF. Celle-ci a contribué à mettre sur pied le Forum de Montréal qui, après 18 mois de travail, voyait le jour officiellement en 1995. Elle en a été la première présidente; lui a succédé Micheline Bouchard, qui s’est engagée dans l’action pour construire l’IWF partout au Canada. Le Forum de Vancouver ayant démarré avec Kim Campbell, Micheline Bouchard s’est assurée que des forums puissent naître dans d’autres villes du pays, soit à Toronto, à Ottawa et à Calgary.

À Montréal, l’IWF compte une soixantaine de membres, des femmes représentant les milieux francophones et anglophones, de diverses professions, des dirigeantes de grandes corporations comme des entrepreneures, des universitaires, des avocates, etc. Fidèle aux critères qui caractérisent l’IWF, le Forum de Montréal réunit des femmes au leadership très différent. Ce groupe n’est pas uniquement un réseau d’affaires mais aussi un réseau de pairs pouvant se donner du soutien et un lieu d’apprentissage pour toutes sur un certain nombre de sujets, en particulier à caractère international.

J’ai eu le privilège de présider le Forum de Montréal au cours des deux dernières années. Ensemble, les membres et moi-même avons cherché à mettre en oeuvre un programme de rencontres très riches avec des invitées qui pouvaient nous faire partager des expériences exceptionnelles. À titre d’exemple, nous avons accueilli la docteure Raaja Kuzai, députée iraquienne au Parlement, gynécologue, engagée dans son milieu. Celle-ci a tenu plusieurs rencontres à Montréal avec des membres de l’IWF et elle a prononcé une série de conférences dans les universités montréalaises afin de sensibiliser l’auditoire à la situation de son pays. Nous avons également reçu la docteure Mariella Pandolfi, membre de l’IWF, professeure titulaire à l’Université de Montréal et anthropologue spécialiste des Balkans et des peuples en guerre. L’IWF a également mis en place une formule originale, nommée dine-around, formule selon laquelle une membre reçoit une douzaine de personnes à son domicile autour d’un thème spécifique. Dans ce contexte plus restreint et propice à la discussion, nous avons parlé, entre membres du Forum de Montréal, de leadership, de développement culturel à Montréal, du Québec solidaire et lucide, etc.

Une des caractéristiques de l’IWF est l’apport diversifié en matière de profils de membres et de contenus abordés. Plus qu’un réseau, c’est un groupe qui souhaite également s’engager dans le mentorat. Cette année, un projet particulier a vu le jour en mettant en présence un bassin de mentores désireuses d’accompagner un certain nombre de jeunes femmes qui expriment ce besoin. C’est une initiative nouvelle qui s’inscrit complètement dans la mission de développement du leadership que se donne l’IWF.

Conclusion

Les réseaux sont essentiels au soutien et à l’accompagnement des femmes dans leur carrière. L’IWF, avec ses caractéristiques internationales et locales, permet de rassembler des femmes d’influence dans leur communauté certes, mais également de les mettre en contact avec des femmes du monde entier et qui partagent les mêmes enjeux professionnels et personnels. Sa mission de construire le leadership à travers sa fondation et les initiatives de mentorat ainsi que le rayonnement des personnes d’influence qui le composent font de l’IWF un réseau unique qui apporte énormément sur le plan des nouvelles amitiés et des contacts ici et ailleurs.

L’Association des femmes en finance du Québec, racontée par Annette Dupré

C’est au printemps 2002 que l’Association des femmes en finance du Québec (www.fwaquebec.com) voit le jour à Montréal. Il s’agit alors de la première filiale de la prestigieuse Financial Women’s Association de New York (FWA) qui existe depuis 1956, cette dernière regroupant plus de 1 200 membres aux États-Unis. Aujourd’hui, l’Association des femmes en finance du Québec rassemble environ 200 financières. Elle compte aussi deux sections, soit Montréal et Québec.

Dans les paragraphes suivants, nous mettrons en évidence les facteurs clés de succès ayant permis la forte croissance de l’Association. Parmi ceux-ci, nous verrons que sa mission clairement définie et la participation de ses membres ont permis de soulever des problématiques propres aux femmes en administration et de répondre à leurs besoins.

La mission et la stratégie de niche

L’établissement d’une mission, répondant aux besoins des membres, a été le premier facteur de succès de l’Association. Cette mission consiste à promouvoir l'avancement professionnel des femmes en finance. Le tissage de liens d’affaires entre les membres est également favorisé. Pour devenir membre, il faut être titulaire d’un diplôme universitaire de premier cycle (ou d’un cycle plus élevé) et avoir une expérience en finance d’au moins six années. Grâce à cette mission, l’Association a pu se tailler une niche lui permettant de se différencier des autres réseaux de femmes de carrière.

L’engagement des membres et leurs réalisations

Le deuxième facteur de succès de l’Association a été l’engagement personnel des membres. L’Association est gérée par ses membres qui organisent ainsi des activités répondant à leurs besoins. Le taux de participation au sein des comités à l’interne ou du conseil d’administration atteint presque 25 %, ce qui est élevé par rapport à d’autres associations. Grâce au dynamisme de ses comités, l’Association offre, de septembre à juin, environ deux activités par mois; depuis son lancement, près de 65 activités ont été organisées. Lorsqu’elles se joignent à l’Association, les femmes sont encouragées à s’engager au sein du conseil d’administration ou d’un des comités suivants :

  • le comité adhésion, qui a la responsabilité de sélectionner les membres, en plus de l’organisation d’un petit-déjeuner réseautage mensuel où les membres discutent d’un sujet donné. À titre d’exemple, en 2006, le risque de change et la représentation des femmes aux conseils d’administration ont été abordés;

  • le comité développement professionnel et avancement, qui prépare des conférences et des formations en vue de favoriser l’avancement et le développement professionnels. À titre d’illustration, les fusions bancaires, les pratiques de saine gouvernance et les plans de succession ont récemment été traités;

  • le comité international, qui élabore des programmes à caractère international et entretient les liens avec d’autres réseaux dans le monde. Lors d’un déjeuner-conférence, la présidente de la société Toon Boom Animation, faisant affaire en Chine et en Inde, a donné des conseils aux membres de l’Association pour réussir à l’international;

  • le comité événements spéciaux, qui gère différents projets spéciaux. En 2006, deux tournois de golf ont été organisés;

  • le comité gala, qui est responsable de l’événement annuel soulignant les accomplissements des membres de l’Association. C’est en avril 2006 que s’est déroulé le premier gala. Quatre femmes y ont été honorées lors d’une réception qui a attiré près de 300 participants et participantes;

  • la section de Québec, qui coordonne les activités de la ville de Québec, les autres comités étant basés à Montréal. L’Association étant née à Montréal, ce n’est qu’en 2006 qu’une permanence a été instituée à Québec pour en assurer le fonctionnement.

À noter que, en tant qu’organisme à but non lucratif, l’Association dispose de peu de ressources financières; le bénévolat y est donc particulièrement important.

Une réponse à des problématiques propres aux femmes

Le troisième facteur de succès expliquant la forte croissance de l’Association est le fait que celle-ci a pu soulever des problématiques propres à ses membres et répondre à leurs besoins :

  • la sous-représentation des femmes aux sommets hiérarchiques : afin que les membres puissent discuter ouvertement de cette problématique, des formations sur le plafond de verre (désignant les barrières officieuses qui freinent l’avancement professionnel des femmes) et sur les habiletés politiques nécessaires pour progresser dans la hiérarchie ont été offertes;

  • la sous-représentation des femmes aux conseils d’administration : pour accroître cette représentation, l’Association s’est associée à l’organisme Women in the Lead (www.womeninthelead.ca) afin de publier un répertoire canadien contenant le profil de femmes qualifiées pour siéger à des conseils d’administration et distribuer celui-ci auprès des décideurs;

  • le besoin de développer des compétences professionnelles, telles que le leadership et la gouvernance, par l’entremise des comités et des activités offertes : les membres sont encouragées à s’engager dans les différents comités de l’Association, afin de développer leur leadership, ainsi qu’à participer aux activités de développement axées sur l’acquisition de compétences aussi bien techniques, telles que les nouvelles normes de capitalisation des institutions financières (Bâle II), que professionnelles, telles que les plans de succession et la gouvernance d’entreprise;

  • le besoin d’avoir des modèles : les femmes peuvent trouver des modèles parmi les conférencières invitées aux activités de l’Association, ainsi que parmi ses membres chevronnées;

  • le besoin de reconnaissance : comme cela a été mentionné précédemment, l’Association organise annuellement un gala reconnaissance pour honorer ses membres s’étant distinguées.

L’avenir

Vu le nombre de femmes faisant carrière en finance au Québec, l’Association continue de disposer d’un vaste bassin pour continuer à croître. Au fur et à mesure que le nombre de membres s’accroît, sa force politique augmente, ce qui crée un levier d’influence indéniable. Ainsi, lorsque le ministre des Finances du Québec, Michel Audet, a annoncé au printemps 2006 le plan de modernisation de la gouvernance des sociétés d’État prévoyant d’ici cinq ans un nombre égal d’hommes et de femmes aux conseils d’administration de ces sociétés, l'Association lui a envoyé une lettre pour le féliciter. De plus, une liste des membres de l’Association et le répertoire Women in the Lead de femmes qualifiées pour siéger à de tels conseils lui ont été remis.

Certains besoins des membres restent toutefois à combler, notamment :

  • un programme de mentorat : à l’étude en 2005, ce projet a été temporairement repoussé à une date ultérieure, faute de ressources suffisantes. Le programme envisagé serait établi à trois niveaux : des femmes chevronnées accompagnant des membres moins expérimentées qui, à leur tour, encadreraient de nouvelles diplômées universitaires;

  • une aide à la recherche d’emploi : un appui à la recherche d’emploi serait utile pour assister les femmes dans leur progression de carrière.

Par ailleurs, la vie d’une association étant tributaire du temps que ses membres peuvent y consacrer, une membre substitute devrait être nommée à chaque poste afin de partager le travail ou de prendre la relève en cas d’indisponibilité. Cette approche commence à être adoptée par l’Association.

Enfin, l’Association a récemment négocié un statut d’alliance plutôt que de filiale à l’égard de sa maison mère de New York. Ce nouveau statut lui permet d’augmenter son autonomie. Afin de refléter celui-ci, l’Association s’appellera dorénavant « Femmes en finance du Québec ».

Conclusion

L’Association a connu un grand succès grâce à sa mission alignée sur les besoins de ses membres, à sa stratégie de niche, à la forte participation de ses membres et aux problématiques des femmes en finance qu’elle a su soulever. Elle dispose présentement d’un vaste bassin pour continuer de croître et certains projets sont encore en gestation tels que des programmes de mentorat ou d’aide à la recherche d’emploi. Malgré le pourcentage élevé de femmes ayant une formation universitaire en administration, ces dernières n’ont toutefois pas atteint à ce jour un statut d’équité. La démarche féministe demeure donc toujours actuelle.

Les réseaux de femmes en gestion : quelques réflexions générales

Les différentes pratiques mentionnées dans le présent texte nous invitent à quelques réflexions sur la création et la dynamique des réseaux de femmes en gestion. Notre note d’action, même si elle ne prétend en aucune façon offrir un tableau exhaustif de la situation, témoigne de la vitalité de certains réseaux de femmes en gestion et de l’engagement fidèle de bon nombre de femmes à l’égard de ces réseaux. Manifestement, même dans le contexte des dernières années où les femmes ont pu pénétrer plus que par le passé dans les réseaux considérés comme traditionnellement masculins, leur désir de se regrouper ne s’est pas éteint.

Nous avons pu constater la diversité des réseaux de femmes gestionnaires. Certains sont officieux, d’autres plus officiels; certains sont très petits, tandis que d’autres accueillent des milliers de membres; certains sont très locaux, d’autres très internationaux; dans certains cas, les membres sont cooptées et choisies très sélectivement, alors que dans d’autres cas la porte est ouverte à toute femme qui remplit les critères d’admission. En outre, il arrive qu’un réseau s’adresse à une spécialité professionnelle bien précise, mais les femmes gestionnaires se regroupent très souvent selon des critères plus larges autour des caractéristiques associées aux femmes d’influence, que ce soit dans le monde des entreprises, dans la vie politique ou dans la société en général.

Cependant, des tendances se dégagent. Par exemple, les thèmes de l’entraide, de l’influence accrue, du partage de l’information, de l’accès aux données externes considérées comme stratégiques, du développement de l’amitié, de la mise en valeur des compétences et des réalisations des femmes, de même que l’intérêt manifeste à l’égard des jeunes femmes prometteuses, sont très souvent mentionnés. Il apparaît, de plus, que la plupart des réseaux de femmes en gestion entretiennent des liens avec d’autres groupes de femmes et certains avec des hommes influents susceptibles de leur apporter, à elles et aux autres femmes, un meilleur accès à la prise en considération des mérites et des besoins des femmes. Le recours à la « fertilité croisée » semble bien faire partie des stratégies utilisées pour accroître la portée des efforts d’un réseau.

Parmi les nombreux groupes de femmes qui ont émergé à la même époque, les réseaux de femmes en gestion peuvent surprendre. Ils réunissent des femmes désireuses de réussir leur propre carrière au sein des sphères de pouvoir, des femmes fières de leurs propres ambitions tout en étant déterminées à influencer les grandes décisions sociales, en particulier celles qui concernent la condition des femmes. Ces gestionnaires ont choisi de ne pas bouder les activités et les lieux traditionnellement associés au pouvoir et de tenter de s’en servir pour elles et pour les autres. Il se pourrait qu’elles jouent à cet égard un rôle indispensable à l’amélioration de la condition féminine en général, à condition bien sûr qu’elles ne perdent jamais de vue cet idéal.

Si les expériences présentées dans cette note d’action pouvaient inciter certaines femmes, de quelque milieu ou quelque pays soient-elles, à faire partie d’un réseau ou à en créer un nouveau pour répondre à leurs aspirations personnelles et sociales, nous croyons qu’elles pourraient y trouver un vrai levier pour atteindre leur but. Peut-être pourraient-elles en outre découvrir dans le récit de ces expériences quelques considérations pratiques pouvant les aider à bien préciser leurs objectifs et à mettre en place les conditions les plus susceptibles de les mener au succès.