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Dans un précédent numéro de la revue Recherches féministes, j’ai eu l’occasion de rédiger un compte rendu du tome 1 de l’ouvrage de Paula Dumont, Entre femmes, 300 oeuvres lesbiennes résumées et commentées[1]. J’y avais déploré, entre autres, la pauvreté dans sa bibliographie « d’ouvrages publiés par des auteures francophones [ou traduites en français] vivant à l’extérieur de la France[2] ». En toute honnêteté, je pensais bien sûr à mon roman (Robinson 2009), mais également à toutes ces auteures féministes ou lesbiennes[3] qui ont bercé mes rêves les plus fous durant cette période de ma vie où mon coeur oscillait entre l’hétérosexualité et le lesbianisme.

Quelle n’a pas été ma surprise de constater que, dans le deuxième tome d’Entre femmes, Paula Dumont a non seulement commenté mon roman (p. 193-195), mais m’a fait l’immense honneur de figurer sur la page couverture de son livre, entourée d’auteures féministes et lesbiennes toutes plus connues les unes que les autres (voir ci-dessous).

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De la même façon que dans le premier tome, Dumont résume et commente 250 ouvrages de femmes édités de 1902 à 2018 « mettant en scène des lesbiennes » (quatrième de couverture). À la suite de la publication de son premier tome, l’auteure a reçu beaucoup de messages de personnes lui signalant qu’elle avait omis des titres importants. Aussi s’est-elle remise au travail et a-t-elle découvert toute une kyrielle d’ouvrages traitant du lesbianisme ou présentant des lesbiennes dans de multiples situations de la vie courante. Et tout comme dans le premier tome, l’auteure « cherche à réunir tous les livres susceptibles de figurer dans une bibliothèque lesbienne afin que celle-ci puisse servir de guide de lecture ou de corpus à quiconque voudra étudier la littérature lesbienne » (p. 5). Il suffit de feuilleter le deuxième tome ou de consulter la liste des ouvrages résumés et commentés à la fin pour reconnaître rapidement la qualité et la richesse du corpus ainsi constitué (p. 251-259)[4]. Avec ces 250 ouvrages ajoutés aux 300 du premier tome, l’auteure ne fait pas qu’oeuvre de pionnière dans ce domaine, elle trace également la voie pour toutes les femmes qui désirent approfondir un sujet tel que le lesbianisme romanesque. Du même coup, elle donne audience à toutes ces femmes – lesbiennes pour la plupart – qui, faisant fi de leur entourage, ont persévéré jusqu’à la publication de leur histoire sous forme de roman, de recueil de poésie, d’autofiction ou de tout autre style.

Dans l’avant-propos du deuxième tome, l’auteure signale que le nombre de livres mettant en scène des lesbiennes a explosé depuis quelques années, en fait depuis que l’homosexualité s’est démocratisée et est devenue un sujet de plus en plus libre de tabous. C’est ainsi que des romancières lesbiennes ou non ont fait de leurs héroïnes des profileuses, des agentes de police[5], des amoureuses[6], des professeures d’université[7], des lesbiennes heureuses ou malheureuses, vivant en couple ou non, des femmes quoi. Ce nouveau phénomène de transparence des lesbiennes dans la littérature s’apparente étrangement à la présence de plus en plus fréquente de lesbiennes, en couple ou célibataires, adolescentes, jeunes adultes ou femmes d’âge mûr dans les téléromans québécois de l’hiver 2020[8].

L’auteure affirme dans son avant-propos que le choix des ouvrages qui composent le corpus du second tome est constitué de la compilation de ses propres découvertes littéraires et de références suggérées par des amies. Tous les ouvrages retenus par Dumont ont été écrits par des femmes et traitent de lesbiennes ou du lesbianisme (p. 5) :

Depuis peu, j’ai découvert l’ancêtre de la littérature de pensionnat […] publié en Angleterre en 1917 : Régiment de femmes de Clémence Dane. Et j’ai eu le bonheur de trouver la traduction de The Children’s Hour, drame de Lillian Hellman, intitulée Les Innocentes et jouée à Paris en 1936. Les ouvrages recueillis dans ce volume vont de 1902 avec Amants féminins d’Adrienne de Saint-Agen à Tous les hommes veulent naturellement savoir de Nina Bouraoui [publié en 2018].

En plus de ces livres anciens, l’auteure signale avoir découvert une pléthore de titres traduits en français et qui proviennent de plusieurs pays tels que les États-Unis, l’Italie, l’Irlande, l’Écosse, la Grande-Bretagne.

Enfin, pour le deuxième tome de son anthologie, Dumont a choisi de conserver la même forme que dans le premier. Les livres sont présentés par ordre alphabétique des noms d’auteures, tout comme dans un dictionnaire. Je dois admettre que cette forme déjà apprivoisée dans le premier tome m’apparaît, avec le recul, le meilleur choix puisque les lectrices la connaissent déjà et peuvent trouver les auteures recherchées plus rapidement et simplement. Et chaque ouvrage y est présenté de la même façon que dans le premier tome : le premier paragraphe résume l’intrigue et le second propose, sous la plume de Dumont, « quelques commentaires sur l’intérêt du livre, sa qualité littéraire et le plaisir qu’on trouvera à le parcourir » (p. 6).

En conclusion de mon compte rendu du premier tome, je souhaitais que cet ouvrage soit revu et amélioré principalement afin que l’auteure enrichisse « sa bibliographie d’ouvrages publiés par des auteures francophones vivant à l’extérieur de la France[9] ». Je dois admettre avoir été comblée au-delà de toutes mes espérances. Dumont s’est acharnée, a repris son travail et a déniché 250 nouveaux titres, dont plusieurs proviennent de l’extérieur de la France. Elle les a lus et les a commentés brillamment avec toute la franchise qu’elle a démontrée dans ses publications antérieures[10]. Il y a peu de temps, des amies m’ont informée que Dumont était retournée à sa planche à dessin pour enrichir une fois encore ce dictionnaire précieux par son originalité et son caractère inusité. Ma curiosité l’emportant, j’attends avec impatience le troisième tome de cette série si instructive.