Corps de l’article

L’histoire est connue : la nouvelle économie entraîne une remise en question des règles du jeu et place les syndicats dans une position de vulnérabilité et de dépendance. Les restructurations d’entreprise, la précarisation de l’emploi, la tertiarisation de l’économie et le désengagement de l’État représenteraient autant de changements qui provoquent un affaiblissement du pouvoir des syndicats. Dans un tel contexte, les syndicats n’auraient d’autres choix que de subir les contraintes qu’impose la nouvelle économie. Plusieurs signes semblent confirmer ce diagnostic : chute sensible du taux de syndicalisation, notamment en Australie, aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, diminution de l’adhésion des membres aux paniers de valeurs syndicales, difficulté croissante à mobiliser les salariés, obstacles à la syndicalisation dans les secteurs en croissance, etc.

Si ce récit occupe l’avant-scène du champ narratif en relations industrielles, il ne le domine pas totalement. D’autres récits s’inspirant des nombreuses innovations en cours dans les milieux syndicaux font contrepoids à cette vision déterministe et fataliste. Ces récits suggèrent que les syndicats ne sont pas entièrement démunis face aux exigences de la nouvelle économie. Ils insistent sur la nécessité, pour les syndicats, de diversifier les stratégies d’action et de mobiliser de nouvelles ressources afin d’accroître leur pouvoir (Dufour et Hege, 2002; Lévesque et Murray, 2002). Si, durant la période d’après-guerre (1945-75), la présence de négociateurs et de juristes chevronnés, couplée à la stabilité financière et institutionnelle permettaient aux syndicats de changer le cours des choses, force est d’admettre que ceux-ci doivent aujourd’hui faire preuve de plus de créativité et de proactivité afin de construire leur rapport de force.

L’ampleur de la « crise du syndicalisme » apparaît ainsi inextricablement liée aux innovations et aux expérimentations en cours dans le monde syndical. Les avenues en cette matière sont multiples, comme l’illustre un corpus empirique de plus en plus imposant (Frege et Kelly, 2004; Milkman et Voss, 2004; Turner, Katz et Hurd, 2001). L’affaissement du taux de syndicalisation dans plusieurs pays a forcé les syndicats à consacrer davantage de ressources au recrutement de nouveaux adhérents et, dans certains cas, à développer des pratiques d’organisation innovantes (Bronfenbrenner et al., 1998; Fairbrother et Yates, 2003). Les stratégies centralisées axées sur la vente de services syndicaux cèdent le pas à des approches plus décentralisées fondées sur la communauté porteuses de lignes d’action plus inclusives (Fantasia et Voss, 2004). Ce rapprochement avec la communauté se manifeste également par la construction de coalitions avec différents groupes de la société civile autour de grands enjeux, tels que la sauvegarde des services essentiels et le développement durable (Frege et Kelly, 2004). L’on assiste ainsi à l’intégration de nouvelles générations de militants, de même qu’au développement de programmes plus englobants, qui prennent en compte les préoccupations de nouveaux groupes. Les stratégies de délocalisation des entreprises multinationales incitent également les syndicats à tenter de nouer des alliances avec d’autres syndicats de par le monde, que ce soit entre syndicats du Nord ou avec ceux du Sud. Ces alliances adoptent une diversité de formes, de la création d’espaces de dialogue social au développement de campagnes combatives à l’encontre des grandes sociétés (Herod, 2002; Lillie, 2004).

Après plus de deux décennies de recherche sur les pistes de renouveau syndical, plusieurs interrogations subsistent. Comment les syndicats peuvent-ils assurer d’un même élan la coordination des actions transnationales et la représentation des intérêts des travailleurs au plan local, sans pour autant instiller la concurrence intersyndicale ? Peuvent-ils tisser des liens avec d’autres acteurs de la société civile, tout en conciliant des intérêts souvent divergents ? Les syndicats sont-ils en mesure de représenter la diversité des identités en milieu de travail, sans pour autant miner la cohésion interne ? Dans le contexte de la mondialisation, les syndicats peuvent-ils gagner la bataille identitaire face à des employeurs qui préconisent un style de gestion paternaliste et cherchent à promouvoir l’idée d’une coïncidence parfaite entre leurs intérêts et ceux des travailleurs ?

C’est notamment pour tenter de répondre à ces questions que le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT) a tenu un colloque international sur le thème du renouveau syndical, au mois de novembre 2004. Ce colloque visait à réunir des syndicalistes et des spécialistes des relations industrielles et de la question syndicale afin qu’ils puissent partager leurs recherches et leurs expériences; l’objectif des organisateurs étant de consolider les liens entre les milieux syndicaux et ceux de la recherche, d’horizons nationaux et linguistiques divers mais tous préoccupés des défis que pose le renouveau syndical. Les organisations syndicales ont d’ailleurs accueilli avec enthousiasme cette initiative, comme le démontre le soutien matériel du Congrès du Travail du Canada (CTC), de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), du Global Union Research Network (GURN), du Bureau pour les activités des travailleurs de l’OIT (OIT-ACTRAV), parmi d’autres. Le colloque fut un succès, avec plus de 250 participants et au-delà de 90 présentations. L’objectif était de couvrir un large éventail de thèmes : le renouveau syndical comme objet théorique, les défis de la restructuration économique, les syndicats et l’action politique, l’organisation du syndicat et de ses membres, la transformation de la vie interne du syndicat, les alliances et les coalitions. Certaines de ces contributions sont accessibles sur le site Web du CRIMT (www.crimt.org/renouveausyndical.html). D’autres ont été publiées dans des numéros thématiques de revues spécialisées, de même que dans un volume édité par Pradeep Kumar et Christopher Schenk portant sur le renouveau syndical au Canada (Paths to Union Renewal : Canadian Experiences, 2005). Les objectifs du CRIMT et ceux de la revue Relations industrielles/Industrial Relations sont si congruents qu’il nous est apparu tout à fait naturel de participer à la construction de ce numéro thématique. Les éditeurs tiennent d’ailleurs à remercier la direction de la revue de l’intérêt qu’elle a manifesté à prendre part à ce projet. Nous tenons également à remercier les évaluateurs externes pour leurs commentaires sur les textes soumis, ainsi que les autres membres du comité organisateur du colloque, soit Gregor Murray, David Peetz et Christopher Schenk.

Les pistes de renouveau syndical

Les six articles retenus pour ce numéro thématique couvrent trois thèmes complémentaires qui présentent autant d’avenues et de défis pour le renouveau syndical : la construction des alliances entre les syndicats et avec la société civile, le raffermissement de la cohésion syndicale au plan local et l’émergence de ce qu’il est convenu d’appeler le nouveau syndicalisme. Ces articles sont ancrés dans des espaces institutionnels variés, tant au plan national (Australie, Canada, France, Mexique) que régional (Amérique du Nord et communauté européenne). Ils empruntent diverses approches méthodologiques qualitatives (observation participante, entretiens, analyse documentaire, etc.) qui permettent d’analyser en profondeur et de manière nuancée des phénomènes peu explorés dans les écrits sur le renouveau syndical. Tous les articles illustrent aussi que de nouveaux processus sont instaurés pour relever les défis auxquels sont confrontés les syndicats.

Les deux premiers articles abordent la question de la construction des alliances entre les syndicats et avec d’autres acteurs de la société civile. Ces textes reposent sur un constat largement accepté dans les écrits sur le renouveau syndical : les syndicats ne peuvent plus, dans le contexte de la mondialisation, fonctionner en isolement. L’essor des entreprises multinationales, l’éclatement des frontières, la diffusion accélérée de nouveaux modèles de gestion et la privatisation des services publics constituent autant d’éléments qui les incitent à tisser des liens avec d’autres acteurs et à élargir les bases de leur action.

Partant de la réalité australienne, caractérisée au cours des dernières années par l’adoption de plusieurs législations antisyndicales et, en corollaire, par une baisse marquée du taux de syndicalisation, Amanda Tattersall étudie le processus de renouveau syndical au sein du Conseil régional de Sydney. À l’instar de ceux que l’on retrouve au Canada, ces conseils regroupent les syndicats d’une même région oeuvrant dans différents secteurs d’activités économiques. Son propos s’appuie sur l’analyse documentaire, l’observation participante et les entretiens. De ces matériaux, elle dégage trois types de relations syndicat-communauté : les coalitions ad hoc, les coalitions simples et les coalitions qui impliquent un engagement plus profond. Les relations ad hoc sont moins intensives et extensives, bien qu’elles créent un espace d’échange entre les acteurs, affinent les liens de solidarité et permettent le passage vers des types de relations plus intenses. Elles se traduisent, pour l’essentiel, par la participation des syndicats et des autres membres de la société civile aux réunions hebdomadaires du Conseil. Pour illustrer la spécificité des coalitions simples, Tattersall documente les manifestations de 2002-2003 organisées contre la guerre en Irak. Ce type de coalitions nécessite la mise en place de mécanismes de coordination et de mobilisation, mais ne se traduit pas nécessairement par un renouvellement de l’action syndicale. Ces coalitions impliquent le plus souvent la participation des officiers et des dirigeants, mais très peu celle des militants de la base. Le troisième type (deeply engaged relationship) porte les germes d’un renouvellement de l’action syndicale. Partant de la coalition bâtie pour assurer la survie des services de transport public, l’auteure montre comment ce type de coalition renforce la capacité de revendication des syndicats, permet le développement de nouvelles stratégies d’action et provoque une redéfinition des priorités syndicales. On voit bien au fil de ce récit que la construction des coalitions du troisième type s’inscrit dans la durée, en continuité avec la création de coalitions ad hoc et de coalitions simples. Elles ne sont pas fortuites, mais bien le résultat d’un apprentissage réciproque entre les acteurs syndicaux, fait en interaction avec ceux de la société civile.

L’article de Valeria Pulignano porte sur la construction des alliances syndicales transnationales. Elle étudie, de manière détaillée, la réponse des syndicats européens à la stratégie de restructuration de la compagnie General Motors (GM). En 2004, sans en avoir préalablement informé le comité d’entreprise européen (CEE), GM annonce la suppression de 12 000 emplois. Cette annonce provoque des manifestations dans plusieurs pays de l’Union européenne et pousse les syndicats à davantage coordonner leurs actions, notamment en créant un comité syndical de coordination regroupant des membres de la Fédération européenne de la métallurgie (FEM), des représentants de divers syndicats nationaux, ainsi que des membres du CEE. En décembre de la même année, les parties patronale et syndicale négocient une entente-cadre sur les processus de restructuration et de licenciement collectif en Europe. L’objectif de cette entente est de forcer l’entreprise à gérer les restructurations de manière socialement responsable, en créant d’un même élan un filet de sécurité européen et un cadre général à l’intérieur duquel se déploieront les négociations au plan local, dans chacun des pays. Cette entente est souvent présentée comme un cas exemplaire de solidarité internationale au plan européen. Selon Pulignano, le succès de cette négociation coordonnée mérite d’être tempéré. L’analyse qu’elle propose des négociations locales dans cinq pays de l’Union européenne (Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, Espagne et Suède) illustre le caractère variable des résultats de ces négociations. Par exemple, si en Allemagne les négociations se sont soldées par des concessions salariales en échange de la sécurité d’emploi, en Belgique elles visaient à s’assurer de nouveaux investissements en contrepartie d’une plus grande flexibilité. L’auteure en conclut que ce type d’entente ne peut empêcher la surenchère interétablissements, pas plus d’ailleurs que la concurrence entre les syndicats. Pulignano met ainsi en exergue les tensions inhérentes à la construction d’alliances syndicales internationales, surtout lorsqu’elle survient en parallèle à la défense des intérêts au plan local. De cette étude, l’on retiendra qu’en dépit de la présence d’une entente-cadre, les institutions nationales et les arrangements locaux exercent un effet structurant considérable sur les résultats des négociations au plan local.

Les deux articles suivants, soit ceux de Wayne Lewchuk et Don Wells et de Gerald Hunt et Judy Haiven, nous ramènent précisément à ce niveau. Les auteurs empruntent des chemins différents, quoique complémentaires, pour mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent la cohésion syndicale. Alors que Lewchuk et Wells s’intéressent aux défis que posent les nouvelles stratégies des employeurs pour la construction des identités syndicales, Hunt et Haiven examinent l’effet de la différenciation de la main-d’oeuvre sur la cohésion syndicale.

Lewchuk et Wells analysent de façon détaillée et sous un angle critique les pratiques de gestion des ressources humaines dans un établissement non syndiqué au Canada. Ces pratiques sont définies comme autant de moyens pour réduire la cohésion entre les travailleurs et, du coup, pour éviter la syndicalisation. Pour valider la pertinence de cette hypothèse, les auteurs scrutent les pratiques de gestion des ressources humaines de Magna International, une très grande entreprise canadienne réputée avoir les syndicats en aversion. Outre l’analyse de la documentation de la société, les auteurs ont réalisé des entretiens semi-dirigés avec les membres de la direction, de même qu’avec dix-huit travailleurs d’une usine de l’entreprise. Il convient de préciser que Magna International utilise toutes les pratiques généralement associées au style de gestion paternaliste, bien qu’avec un haut degré de sophistication. Par exemple, la politique de la porte ouverte mise en place pour gérer les plaintes et les conflits se conjugue à l’implantation de groupes de travail à l’échelon de l’atelier et d’un comité mixte constitué de travailleurs élus par leurs pairs. On y retrouve également diverses pratiques qui favorisent à la fois la collectivisation (pratiques de rémunération, activités sociales, etc.) et l’individualisation (formation, évaluation de la performance, etc.) de la relation d’emploi. En somme, les travailleurs font partie d’une grande famille au sein de laquelle ils peuvent et doivent se démarquer pour conserver leur place. La segmentation du marché interne entre permanents et précaires, tout comme les stratégies de localisation dans les zones périphériques visent à renforcer ce mouvement dual. Pour les auteurs, certaines de ces pratiques, en particulier les mécanismes de participation et de gestion des conflits, se substituent aux fonctions traditionnelles de représentation syndicale et posent un défi réel sur le plan de l’organisation. Ce défi est d’autant plus considérable qu’il s’insère dans un système de relations industrielles décentralisé, où les identités se construisent au plan local. Comment, en effet, favoriser l’adhésion au syndicalisme lorsque les pratiques managériales visent à occulter les barrières entre la direction et les travailleurs et à promouvoir leurs intérêts communs ? Selon les auteurs, les forces qui limitent l’adhésion des travailleurs au syndicalisme peuvent aussi bien favoriser leur militantisme, notamment en raison des contradictions inhérentes à ce style de gestion, contradictions accentuées par la concurrence accrue associée à la mondialisation.

Hunt et Haiven s’intéressent aux enjeux que soulève la différenciation de la main-d’oeuvre pour la solidarité interne. Dans quelle mesure les syndicats sont-ils aptes à tenir compte des revendications propres aux différents segments de leur membership, sans pour autant sacrifier la cohésion interne, pivot de l’action collective ? Afin de mieux comprendre ces enjeux, Hunt et Haiven documentent deux problématiques : la question de l’équité salariale entre les hommes et les femmes et celle de la position des syndicats à l’égard des droits des gais et des lesbiennes. La présentation du premier cas (autour de la question de l’équité salariale entre les femmes et les hommes dans une commission scolaire en Saskatchewan) met en évidence les conflits et les tensions susceptibles d’être associés à un tel exercice. Les tensions furent si intenses qu’elles provoquèrent une scission qui mena à la création de deux unités d’accréditation, l’une regroupant les secrétaires et les aides-enseignantes, pour la plupart des femmes, et l’autre, les employés d’entretien, pour la plupart des hommes. Les auteurs identifient plusieurs facteurs pouvant expliquer un tel dénouement, en particulier le refus, de la part des hommes, de reconnaître l’ampleur du travail effectué par les femmes, l’absence d’appui de la part des dirigeants syndicaux nationaux et surtout leur incapacité à situer ces revendications dans le cadre d’un projet syndical élargi. Le second cas concerne l’implication de représentants syndicaux locaux dans une dispute concernant les droits des homosexuels. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une action menée dans un milieu de travail, mais plutôt d’une intervention syndicale visant à éliminer la discrimination dont faisait l’objet un jeune homme dont le père était membre des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA). Les auteurs avancent l’hypothèse que l’intervention vigoureuse du syndicat auprès des instances publiques ne serait pas étrangère à l’existence de politiques et de pratiques syndicales non équivoques concernant les droits des gais et des lesbiennes, tant au travail que hors-travail. En mettant en parallèle ces deux cas, les auteurs montrent bien que la différenciation de la main-d’oeuvre peut entraîner des tensions et miner la cohésion interne. Ils illustrent aussi que les syndicats peuvent atténuer ces tensions tout en assurant la défense des intérêts de groupes différenciés, en mettant en place des politiques et pratiques proactives. Même si plusieurs syndicats s’engagent dans cette direction, on comprend bien que cette route est parsemée d’embûches.

Les deux derniers articles documentent l’évolution de ce qu’il est convenu d’appeler le nouveau syndicalisme. La question centrale est celle de savoir si ce nouveau syndicalisme est en mesure d’infléchir le cours des événements et d’impulser des pratiques syndicales novatrices ou si, au contraire, il reproduit les mêmes schèmes que les syndicats dits traditionnels. Les articles de Ivan Sainsaulieu et de Graciela Bensusán sur l’émergence de nouveaux syndicats en France et au Mexique cherchent à mieux cerner leur portée structurante.

Ivan Sainsaulieu analyse l’évolution de la Fédération des syndicats Sud (Solidaires, Unitaires et Démocratiques), née dans les années 1990 d’une scission au sein de la CFDT. Il documente cette évolution en lui apposant une « vision d’en bas », à partir de l’étude de deux mobilisations impliquant des manifestations et des grèves dans le secteur hospitalier. Cette pratique de l’observation participante lui permet de capter avec justesse les tensions et les logiques d’action des militants. Cette analyse est d’autant plus intéressante du fait que Sud est issu d’une génération de militants, les soixante-huitards, qui y voyaient un nouvel espace d’expression et d’action revendicative. Selon l’auteur, il s’agissait d’instaurer un modèle de syndicalisme basé sur la démocratie directe, orienté vers les pratiques locales et l’action contestataire. Au fil du récit, le lecteur verra qu’avec le temps, Sud devient plus modéré, pragmatique et responsable. Pour l’auteur, les militants reproduisent des schèmes d’action traditionnels et se trouvent confrontés aux mêmes types de problèmes qu’ils rencontraient autrefois à la CFDT. Les tensions et les déchirements internes remettent en cause le modèle sudiste et accentuent le décalage entre la base et le sommet. L’auteur fait état d’une distanciation grandissante entre les militants de la base et l’appareil bureaucratique, qu’il attribue aux tensions idéologiques entre deux types de syndicalisme : de service ou d’accompagnement et d’engagement social. La courte histoire de Sud illustre bien les tensions qui logent entre le contrôle ouvrier et le contrôle social et nourrit, comme le souligne l’auteur, la thèse de l’institutionnalisation du syndicalisme.

L’article de Graciela Bensusán décrit un tout autre univers mais il aboutit, en dernière analyse, au même constat que celui de Sainsaulieu, c’est-à-dire que le renouvellement de l’action syndicale ne coule pas de source. L’auteure s’interroge sur la capacité des syndicats mexicains de se renouveler suite à la défaite du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), en juillet 2000. L’élection de Vincente Fox suscite des attentes élevées puisque son parti (le PAN) promet de démanteler le régime corporatiste établi près de soixante-dix ans auparavant. Ce régime reposait sur une alliance entre le PRI et les syndicats officiels — ces derniers agissant comme une courroie de transmission pour le parti étatique en freinant les revendications des travailleurs en échange d’avantages économiques, politiques et sociaux. Six ans après l’élection de Vincente Fox, le bilan s’avère mitigé. D’un côté, même si la défaite du PRI a fragilisé les ressorts de l’action des syndicats officiels, la tendance est au statu quo. De l’autre, les nouveaux syndicats, dont la plupart sont regroupés sous la bannière de l’UNT, créé en 1997, n’ont pas été véritablement en mesure d’infléchir les décisions gouvernementales. Selon Bensusán, même si les nouveaux syndicats ont su maintenir leur distance par rapport au gouvernement, ils ne sont pas pour autant engagés sur la voie du renouveau, notamment au plan de la participation des membres à la vie syndicale et de la mise en place de stratégies proactives d’organisation des non-syndiqués. En dernière analyse, l’auteure avance l’idée que les changements de leadership ou de structure n’y changeront rien et que le renouveau n’est envisageable que dans la foulée d’une réforme en substance du cadre juridique.

Défis et enjeux du renouveau syndical

Les articles contenus dans ce numéro thématique proposent plusieurs pistes de réflexion et concourent à l’amélioration de notre compréhension des enjeux et des défis que soulèvent les expériences de renouveau syndical. Au moins trois enjeux transversaux s’en dégagent.

Premièrement, la question du renouveau syndical apparaît intimement liée à celle de la construction des identités syndicales, et donc à la définition du « nous ». Quels que soient les contextes nationaux, la différenciation croissante des rapports sociaux ébranle les modèles traditionnels sur lesquels reposent les identités syndicales. Les salariés sont porteurs de diverses identités qu’ils cherchent de plus en plus à exprimer dans leur milieu de travail. Cette différenciation peut causer des déchirements dans le tissu du collectif ouvrier, comme le démontre l’article de Hunt et Haiven. Les syndicats sont appelés à faire leurs des demandes susceptibles de miner la cohésion sociale et l’engagement des salariés à leur endroit. Ils doivent aussi susciter de nouvelles solidarités fondées sur la prise de conscience d’un sort commun, sachant que les solidarités s’enracinent dans le contexte local. L’article de Tatterstall illustre bien cette capacité de concilier une diversité d’intérêts dans le cadre de coalitions syndicat-communauté. Malgré les limites que soulève l’auteure, l’article de Pulignano attire notre attention sur les possibilités de créer une communauté d’intérêts entre salariés de différents pays, et ce, même dans un contexte de concurrence inter-sites. Or, force est de reconnaître l’ampleur de la tâche, car l’employeur est loin de jouer un rôle effacé dans ces processus de construction identitaire. Il cherche lui aussi à conquérir le coeur et la conscience des salariés, comme le fait ressortir avec justesse l’analyse de Lewchuk et Wells. Bien sûr cet enjeu n’est pas nouveau. Les syndicats ont toujours eu à composer avec cette réalité. Ce qui apparaît nouveau, c’est cette tendance de plus en plus marquée parmi les employeurs à exploiter cette différenciation de la main-d’oeuvre pour saper la cohésion syndicale.

Deuxièmement, les expériences de renouveau syndical soulèvent indéniablement des enjeux de pouvoir. L’introduction de nouveaux acteurs, le développement de nouvelles orientations stratégiques et la création de nouveaux réseaux entraînent une redéfinition des zones d’influence, des ressources de pouvoir et des règles du jeu. Ces changements bouleversent les pratiques traditionnelles et s’avèrent souvent sources de conflits. Le portrait que trace Bensusán de la situation au Mexique est à cet égard évocateur. Il suffit de souligner la destitution du président du Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie et des industries connexes, Napoléon Gómez Urrutia, par le gouvernement mexicain. Ce syndicat était le fer de lance du renouveau syndical au Mexique. Les expériences de renouveau nourrissent aussi les conflits à l’intérieur de l’appareil syndical. Les travaux de Sainsaulieu mettent en évidence les tensions entre la base et l’appareil autour de la définition des modèles de syndicalisme, voire des orientations stratégiques que doit adopter le syndicat. On comprend bien aussi, à la lecture du texte de Hunt et Haiven, qu’en amont de la question de l’équité salariale se profile une lutte de pouvoir entre les femmes et les hommes quant à la reconnaissance des uns et des autres au sein du syndicat.

Troisièmement, le renouveau syndical se bute inévitablement au problème de l’apprentissage de nouveaux rôles et du développement de nouvelles compétences. À la lecture des différents articles, on pourrait être porté à conclure que les expériences de renouveau syndical sont vouées à l’échec. La reproduction des anciens modèles semble prendre le pas sur la production de nouveaux modèles, comme l’illustrent les contributions de Sainsaulieu et de Bensusán. De la même manière, Pulignano conclut que la construction des alliances syndicales transnationales se heurte à la conciliation des intérêts locaux et globaux. Une telle lecture ne rend pas justice aux propos des auteurs. Leur analyse est beaucoup plus profonde et nuancée. Ils illustrent, chacun à leur manière, en quoi le renouveau syndical n’est pas un processus de changement abrupte mais bien un processus cumulatif où se côtoient des avancées étonnantes et des reculs tout aussi surprenants. C’est un processus qui s’inscrit dans la durée et implique le développement de nouvelles façons d’agir en commun, comme le soulignent les travaux de Tatterstall sur l’évolution des relations syndicat-communauté. La création d’une alliance autour de la sauvegarde du transport en commun n’aurait pu être possible sans l’édification préalable d’alliances moins intensives et extensives. Le développement de la négociation coordonnée dépeint par Pulignano aurait été nettement plus ardu, voire impossible, sans la mise en place au préalable de mécanismes de coordination. L’apport d’un syndicat local à la protection des droits des gais et des lesbiennes n’aurait été possible sans l’adoption de politiques syndicales proactives au plan national, comme le soulignent Hunt et Haiven.

Bref, la construction des identités syndicales, les jeux de pouvoir, l’apprentissage de nouveaux rôles et le développement de nouvelles compétences sont inextricablement liés aux processus de renouveau syndical. Les articles contenus dans ce numéro thématique n’apportent pas de solutions définitives à ces problèmes mais ils ouvrent de nouvelles pistes de réflexion et défrichent de nouvelles avenues de recherche. Nous pensons que ces six articles, dans l’ensemble, contribuent de manière significative à notre compréhension des défis et des enjeux associés aux processus de renouveau syndical. Ces articles d’une grande richesse théorique et empirique représentent une alternative aux récits traditionnels et fatalistes sur l’affaiblissement inéluctable des syndicats.

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The story is well known: the new economy fundamentally changes the rules of the game and puts unions in a position of vulnerability and dependency. The restructuring of firms, the precariousness of employment, the burgeoning of the service sector and the disengagement of the State are prompting a shift in power and weakening the capacity for action of trade unions. In such a context, so the palaver goes, trade unions have no choice but to accept the constraints imposed by the new economy. Several indicators seem to confirm this diagnosis: a sharp decline in union density, notably in Australia, the United States, France and the United Kingdom, a reduction of the union members’ interest in traditional union values, growing difficulty in mobilizing workers, obstacles to unionization in sectors where employment is expanding, etc.

If this narrative occupies a growing portion in the industrial relations literature, it does not dominate it completely. Alternative narratives take as a starting point the many innovations in trade union circles that act as a counterweight to this deterministic and fatalistic vision. These narratives suggest that trade unions are not powerless when confronted with the challenges of the new economy. The accounts stress the need for trade unions to diversify their strategies and to mobilize new resources to increase their power (Dufour and Hege, 2002; Lévesque and Murray, 2002). During the post-war period (1945-75), the presence of experienced negotiators and lawyers, coupled with financial and institutional stability, enabled trade unions to be major players in the political economy; nowadays unions can rely on the old verities no longer and must be more creative and proactive to build their strength.

Hence, the extent of the “crisis of unionism” appears inextricably related to the innovation and the experimentation undertaken in the labour movement. Various options present themselves, as illustrated by an increasing body of empirical research (Frege and Kelly, 2004; Milkman and Voss, 2004; Turner, Katz and Hurd, 2001). The decline of the rate of unionization in several countries has forced trade unions to devote more resources to organizing new members and, in several cases, to develop innovative organizing practices (Bronfenbrenner et al., 1998; Fairbrother and Yates, 2003). Centralized strategies, based on union “servicing,” are yielding to approaches that are more decentralized, based on community, and drawing on more inclusive agendas (Fantasia and Voss, 2004). These links to the community also manifest themselves in the creation of alliances with different social groups, around larger issues, such as safeguarding essential services, protecting the environment, and fighting privatization (Frege and Kelly, 2004). We are witnessing the integration of new generations of activists, as well as the development of more inclusive agendas, which take into account the concerns of new groups. The relocation strategies of multinational corporations also encourage unions to build alliances with other unions around the world, between northern unions and with those of the South. These alliances can take a variety of forms, from the creation of spaces for social dialogue to campaigns against large corporations (Herod, 2002; Lillie, 2004).

After more than two decades of research on union renewal, many questions are still left unanswered. How can trade unions ensure the coordination of transnational actions at the same time as the representation of workers’ interests at the local level, without creating inter-union competition? Can unions create alliances with other civil society groups, while reconciling often divergent interests? Are trade unions capable of representing the diversity of identities in the workplace, without undermining internal cohesion? In the context of globalization, can trade unions win the struggle over workers’ identity against employers who use paternalistic management practices and seek to promote the idea of a perfect fit between their interests and those of the workers?

With these questions in mind and to try to build bridges between the most current academic research on labour and employment issues and the ongoing experiences of union activists and staff, the Inter-University Research Centre on Globalization and Work convened an International Colloquium on Union Renewal in Montreal in November 2004. The organizers felt the need to reinforce the links between different research communities, across national boundaries, and between practitioners and the research community’s analysts of union renewal. Moreover, many labour organizations endorsed these objectives with enthusiasm evidenced by tangible material support for the event. Support was provided by the Canadian Labour Congress (CLC), the Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), the Confédération des syndicats nationaux (CSN), the Global Union Research Network (GURN) of the ILO-ACTRAV, to name just a few of the worker organizations that partnered the Colloquium. Some ninety presentations were delivered, from position papers and capsules and vignettes fresh from the field to full-blown research reports and academic studies.

The objective was to cover a wide range of themes: union renewal in general, the challenge of economic restructuring, unions and political action, organizing into the union and organizing the union, transforming the internal life of the union, and building alliances and coalitions both nationally and internationally. Many of these contributions are available on a dedicated interactive site on union renewal on the website of CRIMT (www.crimt.org/unionrenewal.html). Others were published in thematic editions of specialized journals, as well as in a book edited by Pradeep Kumar and Christopher Schenk on union renewal in Canada (2005). The closeness of objectives of the CRIMT and those of the journal Relations Industrielles/Industrial Relations made it natural for us to participate in the creation of this thematic edition. We, the issue’s editors, would like to thank the editorial team of the journal for the interest in this project. We would also like to thank the external reviewers for their comments on the articles submitted, as well as the other members of the organizing committee of the colloquium, Gregor Murray, David Peetz and Christopher Schenk.

Paths to Union Renewal

The six articles selected for this thematic issue cover three complementary themes that outline opportunities and challenges for union renewal. These three themes are: building alliances between unions and the society at large, enhancing union cohesion at the local level and developing new forms of unionism. The articles are anchored in various institutional spaces, as much at the national level (Australia, Canada, France, Mexico) as at the regional level (North America, European Community). They use different qualitative methodological approaches (participant observation, interviews, documentary analysis, etc.) that allow for an in-depth and nuanced analysis of phenomena which are scarcely explored in the union renewal literature. The articles also illustrate that new processes have been set in motion to take up the challenges confronting unions.

The first two articles focus on the construction of alliances between trade unions and other societal actors. They rest on a premise largely accepted in the union renewal literature: in the context of globalization, trade unions cannot continue working in isolation. Hence, the rise of multinational corporations, the opening of borders, the accelerated diffusion of new models of management and the privatization of public services compel unions to build alliances with other actors and to widen the bases of their action.

In recent years, the Australian reality has been characterized by the adoption of anti-union legislation and a consequent drop in the rate of unionization. It is to this reality that Amanda Tattersall’s article turns. She studies the process of union renewal within Sydney’s Central labour council. Like similar bodies in Canada, these councils represent trade unions of the same region working in different economic sectors. Tattersall’s case-study is based on documentary analysis, participant observation, and interviews. From these data, she identifies three types of union-community relationships: ad hoc relationships, simple coalition relationships and deeply engaged relationships. Ad hoc relationships are less intensive and extensive, though still allowing for dialogue between the actors, the building of solidarity and transition to more intense relationships. Essentially, they relegate the participation of unions and their community partners to the council’s weekly meetings. To illustrate simple coalition relationships, Tattersall points to the 2002-2003 demonstrations against the war in Iraq. This second coalition type requires the creation of coordination and mobilisation mechanisms, but does not necessarily result in union renewal. Such coalitions generally imply the participation of union officials and leaders, but do not necessarily translate into an active participation of the membership. The third type, deeply engaged relationships, has the potential to trigger the process of union renewal. The author investigates a coalition built to ensure the survival of public transportation services. She demonstrates how this type of relationship reinforces the capacity of unions to formulate demands, allows for the development of new strategies and provokes a redefinition of union priorities. The development of such relationships is based on longer timelines than the other two and may, indeed arise from them. Deeply engaged relationships are not fortuitous, but rather the result of a reciprocal learning process taking place between the unions themselves and with the actors of the civil society.

Valeria Pulignano’s article deals with the construction of transnational union alliances. It examines the response of European trade unions to the restructuring strategy of General Motors (GM). In 2004, without prior notification to the European Works Council (EWC), GM announced the abolition of 12,000 jobs. Demonstrations in many European Union countries ensued and forced trade unions to coordinate their actions more diligently. Most notably they created a European trade union coordination group composed of members of the European Trade Union Metalworkers’ Federation (EMF), representatives of the national trade unions concerned, and members of the EWC. In December 2004, management and union representatives negotiated a European framework agreement on restructuring and collective dismissals. The agreement’s aim was to force the company to manage its restructuring in a socially responsible manner, while mitigating the social consequences for employees and producing a framework for negotiations at the local level, in every country.

This agreement is often presented as an exemplary case of international solidarity at the European level. However, according to Pulignano, the success of this coordinated negotiation should be viewed with some scepticism. Her analysis of the negotiations in five countries of the European Union (Germany, Belgium, Great Britain, Spain and Sweden) reveals an important disparity in local bargaining outcomes. For instance, if in Germany negotiations ended in wage concessions in exchange for job security, in Belgium they aimed at ensuring new investments in exchange for greater flexibility. The author concludes that this type of agreement cannot prevent whipsawing, any more than it can prevent inter-union competition. Pulignano highlights the tensions inherent in the construction of international union alliances especially when they parallel the defence of local interests. This study emphasizes that despite the presence of a European framework agreement, the national institutions and local arrangements exert a considerable influence on the results of the local negotiations.

The two following articles, those of Wayne Lewchuk and Don Wells and of Gerald Hunt and Judy Haiven, bring us precisely to this local level. The authors take us down different, though complementary, paths, to a better understanding of the mechanisms that lie behind union cohesion. While Lewchuk and Wells are interested in the challenges derived from new management strategies for the construction of union identities, Hunt and Haiven study how changes in worker demographics affect union cohesion.

Lewchuk and Wells thoroughly and critically analyse human resource practices in a non-union company in Canada. These practices are aimed, in part, as tools to reduce cohesion between workers and, consequently to avoid unionization. The authors explore human resource practices at Magna International, a large Canadian company known for its opposition to unionization. In addition to the analysis of corporate documentation, the authors conducted semi-structured interviews with the management, as well as with eighteen workers at one of the company’s plants. Magna International is an exemplar of the paternalistic style of management, though with a high degree of sophistication. For instance, the open-door policy established to manage complaints and conflicts is combined with the implementation of work groups at the workshop level and of a joint-committee comprising of peer-selected employees. Ironically, the company’s practices support both collectivization (compensation practices, social activities, etc.) and individualization (training, performance evaluation, etc.) of the employment relationship. In essence the workers are part of a big family within which they can and must distinguish themselves to keep their place. The segmentation of the internal labour market between those in permanent and temporary employment, as well as the location in peripheral economic areas, aim at reinforcing this dual movement. According to the authors, some of these practices, particularly the participation and conflict management mechanisms, replace the traditional functions of trade unions and thwart union organization efforts. The salience of this challenge cannot be overstated. It is part of an ever-decentralizing industrial relations system, in which identities are built at the local level. Indeed, how are unions supposed to organize new constituencies when management practices are focused on tearing down barriers between managers and workers and on promoting common interests? According to the authors, forces that limit workers’ adhesion to unions can paradoxically promote worker militancy, because of the contradictions inherent to this style of management, which are brought to light amid increased competition associated with globalization.

Hunt and Haiven are interested in the challenges to internal solidarity that can arise from changed worker demographics. To what extent are unions willing to come to grips with demands coming from different segments of their membership without sacrificing internal cohesion, so pivotal to collective action? To better understand the stakes involved, Hunt and Haiven study two facets of these challenges: pay equity between men and women and the position of trade unions concerning the rights of gays and lesbians. The first case, which studies the pay equity between women and men employed by a school board in Saskatchewan, highlights the conflicts and tensions that can arise in this type of situation. The tensions were so explosive that they caused a split between the men and the women, which led to the creation of two separate units; one of secretaries and teachers’ aides, mainly female, the other comprising maintenance staff, mainly male. The authors identify several factors associated with such an outcome, in particular the men’s refusal to recognize the comparative value of the work carried out by the women, the weak support from the national union leaders and, especially, their inability to reconcile local resistance with a national pay equity initiative.

The second case examines the involvement of local union representatives in a dispute concerning the rights of homosexuals. The issue did not revolve around the workplace but aimed at eliminating discrimination directed at a young gay man whose father was a member of the Canadian Auto Workers Union (CAW). The authors suggest that the union’s vigorous intervention with public authorities coincided with the policy of the national union toward the rights of gays and lesbians, both at the workplace and beyond. By looking at these two cases simultaneously, the authors show that changing demographics of workers can produce tensions and undermine internal cohesion. They also illustrate that trade unions can attenuate these tensions while ensuring the defence of the interests of different segments of their membership by adopting proactive policies and practices. Even where unions follow this path, many obstacles stand in the way.

The last two articles, by Ivan Sainsaulieu and Graciela Bensusán, deal with the emergence of new unions in France and Mexico and address the question of whether they can change the course of events and lead to innovative union practices or whether, on the contrary, they tend to reproduce the same patterns as traditional trade unions.

Ivan Sainsaulieu analyses the evolution of the Fédération des syndicats Sud (Solidaires, Unitaires et Démocratiques), created from a split within the CFDT (Confédération française démocratique du travail) during the 1990s. He traces this evolution from a grassroots perspective by examining two struggles involving demonstrations and strikes in the hospital sector. The participant observation research method allows him to understand the tensions and the action logics of the activists. Noteworthy is the fact that Sud emerged from the “sixty-eight” (1968) generation of activists, who saw the creation of Sud as an opportunity for a new kind of dialogue and action which was not present in older union bodies. According to the author, the activists sought a model of unionism based on direct democracy, oriented toward local organizing and militancy. The reader will see that, with time, Sud became more moderate, pragmatic, and responsible. The author argues that the activists, once in positions of authority, began to adopt more traditional union practices and were confronted with the same type of problems as in the CFDT period. The internal tensions and divisions call into question Sud’s model and accentuate the gap between its base and its leadership. The author notes a growing distance between the base activists and the bureaucratic apparatus, a distance which he attributes to ideological tensions between two types of unionism: servicing and social engagement. Sud’s short history illustrates the tensions that can grow between control over workers and social control and nourishes, as the author mentions, the thesis of the institutionalization of unionism.

Graciela Bensusán’s article describes yet another reality but it leads, in the final analysis, to a similar conclusion to that of Sainsaulieu, i.e. that union renewal is a difficult task to achieve. The author wonders about the capacity of Mexican unions to renew themselves following the defeat of the Partido Revolucionario Institutional (PRI) in July 2000. The election of Vicente Fox spawned great expectations since his party (PAN) promised to dismantle the corporatist regime established over seventy years ago. That regime rested on an alliance between the PRI and the official unions. These unions acted like a transmission belt for the PRI as they controlled workers’ demands in exchange for economic, political, and social advantages. Six years after the election of Vincente Fox, these expectations prove to be muted.

On the one hand, even if the defeat of the PRI weakened the possibilities for action by the official unions, it seems that the status quo will be maintained. On the other hand, new unions, which for the most part are gathered under the UNT, created in 1997, were not able to exercise significant impact on political decisions. According to Bensusán, even if new unions have been able to maintain their distance from the government, they are not engaged in a path to union renewal, especially in terms of member participation in union life and the establishment of proactive strategies to organize new members. In conclusion, the author suggests changes in leadership or in structure will not make a significant difference and that union renewal is only possible in the wake of major changes in the legal framework.

Challenges and Issues of Union Renewal

The articles in this thematic issue offer several opportunities for reflection and contribute to our comprehension of the challenges raised by union renewal. At least three related issues emerge from these articles.

First, the question of union renewal is closely linked to the construction of union identities, and therefore to the definition of “us.” Whatever the national context, the increasing differentiation of social relations has an impact on the traditional models on which union identities rest. Workers have several identities which they increasingly seek to express in their work environment. Sometimes this multiplicity of identities can undermine union ‘collective’ identity, as shown in the Hunt and Haiven article. With new worker identities emerging, trade unions are pressed to accommodate specific requests that could reduce social cohesion and dampen workers’ commitment. These new identities also give rise to new solidarities based on a common fate. Tatterstall’s article illustrates well this capacity to reconcile a diversity of interests as part of alliances between trade unions and communities. In spite of the caveats raised by the author, Pulignano’s article draws our attention to the possibilities of creating a community of interest between workers of different countries, even in a context of fierce competition between workplaces. Nonetheless, it is necessary to appreciate the difficulty of the task, since the employer is not a passive actor. The employer plays a significant role in the building of identities as it tries to win the hearts and minds of workers, as Lewchuk and Wells’ analysis reveals. Of course, this challenge is not new. Trade unions have always had to deal with the difficulties of aggregating interests. What appears to be new is the increasing tendency among employers to capitalize on this opportunity to undermine union cohesion.

Second, union renewal unquestionably raises the issue of power. The emergence of new actors, the development of new strategic orientations, and the creation of new networks provoke a redistribution of the power resources and a redefinition of the zones of influence and rules of the game. These changes call traditional practices into question and are often a source of conflict. In this respect, the Mexican experiences described by Bensusán are evocative, most notably the discharge general secretary of the Sindicato Nacional de Trabajodores Mineros, Metalúrgicos y Similares, Napoleon Gómez Urrutia, by the Mexican government. This trade union was considered to be at the forefront of union revitalization in Mexico. The experiments of union renewal also stoke conflicts within the union apparatus. Sainsaulieu’s work highlights the tensions between local activists and the bureaucratic apparatus around the definition of models of unionism, as well as the strategic orientations chosen by the union. From the Hunt and Haiven article, we can appreciate that the question of pay equity is at heart a power struggle between women and men for their recognition within the union.

Third, the renewal process confronts unions with the challenge of learning new roles and developing new capabilities. From the articles herein, one might conclude that union renewal is doomed to failure. The reproduction of the old habits seems to take precedence over the production of new models, as the contributions of Sainsaulieu and Bensusán illustrate. Similarly, Pulignano concludes that the reconciliation of local and global interests interferes with the construction of transnational union alliances. Yet such an interpretation does not do justice to the work of the authors. Their analysis goes much deeper and illustrates, each in its own way, that union revitalization is not a radical change process but an incremental one, where surprising advances go hand in hand with unexpected failures. It is a process that takes time and involves the development of new capabilities, as underlined by the work of Tattersall. The creation of an alliance for the safeguard of public transportation would not have been possible without the prior construction of less intensive and extensive alliances. The development of coordinated negotiations, as described in Pulignano, would have been much more arduous, even impossible, without the prior implementation of coordination mechanisms. The contribution of a local trade union to the protection of the gays and lesbian rights would not have been possible without the adoption of proactive union policies at the national level, as mentioned by Hunt and Haiven.

In short, the construction of union identities, power struggle, the learning of new roles, and the development of new capabilities are inextricably linked to the process of union renewal. The articles in this thematic edition do not present a final solution to these problems but they put forth elements for reflection and new research opportunities. We think that these six articles, as a whole, contribute in a significant way to our understanding of challenges and issues associated with the process of union renewal. These articles, all of high theoretical and empirical quality, represent an alternative to the traditional and fatalistic narrative on the ineluctable demise of trade unions.