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La conflictualité en France a fortement baissé au cours des quarante dernières années. Ainsi, « le nombre de journées de grèves recensées a connu une baisse tendancielle de 10 % par an de 1970 à 1998 » (Cadin, Guérin et Pigeyre, 2007 : 80). Elle s'est ensuite relativement stabilisée depuis 1998, mais avec des fluctuations qui peuvent être importantes compte tenu d'évènements contextuels parfois très médiatisés (grèves dans la fonction publique et les transports ; grèves sur la réduction du temps de travail ou les retraites). Aujourd'hui, le nombre de journées non travaillées pour fait de grève en France est de 1 415 000 en 2006 selon l'enquête Acemo (négociation et représentation des salariés). Rapporté au nombre total de salariés, cela représente 116 journées non travaillées pour 1000 salariés en 2006 (DARES, 2008). Quoi qu'il en soit, ces chiffres globaux ne doivent pas cacher une réalité multiple. Ainsi, le taux de conflictualité varie en fonction des secteurs et de la taille de l'entreprise. En particulier, la conflictualité est plus forte dans les grandes entreprises et le dialogue social ne s'y exprime pas de la même manière que dans les petites entreprises. D'autre part, des études récentes de la Direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques (DARES) du ministère du Travail montrent à la fois une forte progression des conflits individuels (DARES, premières informations, premiers résultats issus de l'enquête Réponse, 20 janvier 2007), une augmentation du nombre des établissements où surviennent à la fois des actions collectives et des conflits individuels (DARES, premières informations, 13 février 2007) et un repli des grèves liées à des mots d'ordre nationaux (DARES, premières synthèses, juillet 2008 no 27–3). Ceci aurait tendance à renforcer la crédibilité d'une montée de la micro conflictualité en France. Il s'ensuit que la gestion des conflits reste aujourd'hui une préoccupation croissante et ce notamment dans les grandes entreprises qui prennent conscience des risques potentiels en termes d'image et de détérioration du climat social en cas de conflits mal gérés. De ce fait, un certain nombre de groupes se dotent d'outils nouveaux pour mieux gérer les conflits. À titre d'exemple, plusieurs entreprises du SBF 120 ont créées des organes de dialogue et de consultation supplémentaires par rapport au strict cadre légal. Ainsi, « L'Oréal a créé en France, des réunions informelles d'échange et de dialogue social qui se réunissent deux fois par an. Ces réunions visent à permettre des discussions approfondies entre la direction et les représentants des organisations syndicales du groupe qui anticipent des négociations locales. Saint-Gobain a créé un secrétariat de liaison qui joue le rôle d'intermédiaire entre les syndicats et la DRH » (Bournois et al., 2007 : 319). Mais d'autres approches sont également possibles pour gérer « en amont » les conflits du travail au sein de l'entreprise et notamment le recours à un dispositif de médiation ou d'arbitrage dans la gestion des conflits individuels du travail. Bien que largement utilisé dans les pays anglo-saxons (États-Unis, Canada), ce mode de résolution alternatif des conflits est peu courant en France dans la gestion des relations entre salariés et employeurs au sein de l'entreprise. Il est alors intéressant d'étudier les rares exemples de ce type qui existent en France. Nous nous demandons alors quel est l'impact d'une procédure interne de médiation et d'arbitrage dans les relations du travail sur la gestion de l'entreprise et, notamment, son action sur la justice procédurale et le climat social au sein de l'entreprise. Nous illustrons notre propos à travers une enquête inédite au sein d'IBM. Ainsi, nous avons réalisé une étude quantitative auprès du personnel d'IBM France (203 répondants) afin de mesurer leur opinion vis-à-vis du dispositif dit de la « porte ouverte » qui leur permet de recourir à une médiation/arbitrage interne en cas de différend dans les relations du travail.

Tout d'abord, nous présentons une revue de littérature sur la médiation et l'arbitrage ainsi que la justice organisationnelle qui sont les deux thèmes centraux de notre étude. Puis, nous décrivons notre problématique de recherche et nous présentons nos résultats empiriques à l'appui de l'étude réalisée au sein d'IBM. Enfin, nous proposerons une brève comparaison des résultats obtenus avec ceux d'une étude similaire réalisée au sein de SFR Cegetel.

Revue de littérature

La médiation et l’arbitrage dans les relations du travail

Sur le plan conceptuel, il convient de distinguer les notions de médiation et d'arbitrage. Selon Hubert Touzard (1977 : 87), la médiation correspond à « une négociation entre parties adverses en présence d'une tierce partie, neutre, dont le rôle est de faciliter la recherche d'une solution au conflit ». Ainsi, le médiateur cherche à restaurer le dialogue entre les parties et à rétablir la confiance et la communication. Mais il n'est pas un arbitre car il n'a pas le pouvoir de trancher sur le fond. Bendersky (2007) distingue trois types de résolution des conflits : processus basés sur l'adjudication des droits, intervention de tierces parties neutres et formation à la négociation ou à la gestion des conflits. Les premiers, tels l'arbitrage, les enquêtes formelles et la décision par les pairs impliquent que des tiers déterminent l'issue du conflit sur la base du droit, d'un contrat ou des normes de comportement ; les seconds tels le médiateur, le coach ou l'ombudsman facilitent le processus de résolution du conflit directement ou indirectement et laissent aux parties l'autorité de décider ; enfin, les derniers améliorent la capacité des parties à résoudre les conflits elles-mêmes sans interventions de tiers extérieurs.

Si l'on se penche plus avant sur la seconde catégorie, selon Rojot (2006), en pratique, les principaux modes de recours volontaire hors arbitrage à une tierce partie dans une négociation comprennent trois degrés : le facilitateur, le conciliateur et le médiateur.

La facilitation opère à plusieurs niveaux. Il peut s'agir d'organiser des réunions, conduire les discussions, préparer des comptes rendus neutres, ou encore de conduire le débat et de faciliter l'échange d'information. La facilitation évite de perdre du temps si l'accord est impossible, encourage à continuer si l'accord est possible et permet alors un meilleur accord. En plus du rôle de facilitateur, le conciliateur confronte les positions et les aide à les explorer. Enfin, le médiateur va, en outre, essayer d'amener activement les parties en conflit à atteindre elles-mêmes leur propre accord en formulant des propositions de leur propre initiative.

Cette distinction est cependant liée au droit français, figurant dans les Codes. Dans d'autres contextes, la conciliation peut être jugée aussi plus active que la médiation. Dans le cadre nord-américain, en particulier, la distinction entre médiation et conciliation est généralement effacée, parfois au profit d'autres caractérisations des pratiques, par exemple suivant un critère de diversité (Kolb et Williams, 2001) ou de type de problème ou de relation (Folger et Jones, 1994).

Tedeschi et Lindskold (1976) reconnaissent au médiateur certains avantages : il modifie la signification perçue des concessions; il amène les deux parties à modifier leurs niveaux d'aspiration; il permet à l'une ou l'autre ou aux deux parties de sauver la face et il introduit des normes d'équité et de justice dans les processus.

Dans la réalité, les modes de règlements alternatifs des conflits (ADR) se mettent la plupart du temps en place selon des modalités complexes, voire hybride. Tel est le cas du programme de la porte ouverte d'IBM étudié ici où, bien que le tiers intervenant utilise des compétences de médiation, il dispose d'un pouvoir de décision (donc d'arbitre) à la fin de la procédure. En outre, se déroulant totalement dans l'entreprise, il s'agit d'une médiation-arbitrage interne, à la différence du cas où le médiateur ou arbitre est un tiers à l'organisation.

La justice organisationnelle

Thibault et Walker (1975) mettent en évidence l'importance de la justice procédurale, indépendamment de la justice distributive au sein de l'entreprise. Dans les deux cas, il s'agit de justice organisationnelle, terme introduit par Greenberg (1987). Celle-ci correspond à la perception des individus quant à la justice dans la répartition des ressources (au sens large – rémunération, promotion, temps de travail, évaluation, reconnaissance, etc.) au sein de l'entreprise. Pour autant, les notions de justice distributive et procédurale correspondent à des réalités différentes. Le principe de justice distributive correspond au fait que, dans une relation d'échange, l'individu attend que ses récompenses soient proportionnelles à l'investissement dans son travail. Celle-ci a notamment été étudiée sous l'impulsion des travaux d'Adams (1963). Le concept de justice procédurale, quant à lui, s'attache aux mécanismes à travers lesquels des décisions sont prises, qu'il s'agisse d'attribuer des ressources, de trancher des litiges, d'arbitrer des différences, de sanctionner des comportements positivement ou négativement. Il s'oppose au concept de justice distributive qui s'attache aux résultats de fait de ces décisions et aux critères sur lesquels elles sont basées. En d'autres termes, la justice procédurale a trait à la perception du caractère juste, équitable ou correct des procédures utilisées pour arriver à des décisions et la justice distributive concerne la perception du caractère juste, équitable ou correct de la substance, du contenu et des conséquences de ces décisions.

Roberts et Gleason (1994 : 78) distinguent six dimensions de la justice procédurale : la première dimension correspond à la représentativité. Elle réfère à l'occasion qui est offerte au salarié de pouvoir influencer la décision au cours du processus. Lorsque la décision est prise par une tierce partie, il peut s'agir pour le salarié du fait de pouvoir présenter ses arguments et points de vue à cette tierce partie, avant que la décision ne soit prise. La seconde dimension est celle de la cohérence du traitement. Celle-ci correspond à la conformité du traitement de l'individu avec ce qui est habituel. Ainsi, elle peut être mesurée par le sentiment qu'a le salarié d'être traité d'une manière similaire à la manière dont les autres salariés auraient été traités dans les mêmes circonstances. Elle peut également être mesurée par rapport à l'expérience passée de l'individu dans des circonstances jugées similaires. La troisième dimension correspond à la convenance éthique. Elle correspond au fait que la décision est prise selon une procédure où le salarié est reconnu dans sa dignité et ses valeurs individuelles. Il a le sentiment que le décideur n'a pas traité son cas avec négligence, indifférence ou manque de respect et que ses droits sont pris en compte. La quatrième dimension est l'impartialité. Elle fait référence à l'impartialité et l'honnêteté de la part de celui qui prend la décision pour considérer le cas de manière objective et non dans le cadre de préjugés ou stéréotypes qui seraient sources de comportement discriminatoire. La cinquième dimension est celle de la fidélité. Elle concerne le fait que le décideur dispose d'une information suffisante pour pouvoir prendre une décision juste. Elle correspond à la perception de l'effort du décideur pour rassembler suffisamment d'informations assez précises, assez complètes, pour avoir une base sérieuse de décision. Enfin, la sixième dimension est appelée rectification. Elle correspond à l'existence d'une possibilité d'appel, ou tout au moins de modification ou de correction d'une décision une fois qu'elle a été formulée.

Problématique de recherche et méthodologie

Questions de recherche

Notre problématique consiste à nous interroger sur l'impact de l'existence d'un dispositif de médiation/arbitrage interne au sein de l'entreprise sur les relations du travail. Notamment, nous nous posons les questions suivantes :

  • Dans quelle mesure ces dispositifs sont-ils connus et utilisés par les salariés ?

  • Correspondent-ils à une gestion de conflits exceptionnels ou quotidiens ?

  • Quel est leur impact sur la justice procédurale ?

  • Engendrent-ils des craintes et réticences ?

  • Ces dispositifs de résolution alternative des conflits influencent-ils la relation entre les salariés et leur encadrement ?

L'enjeu de ces questions est important car à partir du moment où la médiation et l'arbitrage ont un impact sur la justice procédurale et sur la relation entre le salarié et son supérieur hiérarchique, alors le recours à tel dispositif interne ne constitue pas seulement un mode de gestion des conflits mais un outil de gestion du personnel en tant que tel permettant de répondre aux besoins d'équité, d'autonomie et de responsabilités des salariés.

Un certain nombre d'auteurs (Stimec, 2003 ; Ury, Brett et Goldberg, 1988 ; Le Flanchec et Rojot, 2007) se sont penchés sur l'impact du recours à la médiation ou à l'arbitrage dans les relations du travail. À l'appui de ces travaux, on peut penser que ces modes alternatifs de résolution des conflits sont susceptibles d'engendrer des inquiétudes par rapport à la neutralité du médiateur, des craintes en termes de sanctions en cas d'utilisation du dispositif (peur de ne pas évoluer dans sa carrière, d'être mal perçu par son supérieur hiérarchique, etc.) ainsi qu'un poids des usages qui conduit à ne pas « oser » utiliser un dispositif qui n'est pas ou peu courant dans les relations du travail. Quoi qu'il en soit, les dispositifs de médiation et d'arbitrage peuvent également susciter des attentes fortes. Ainsi, et bien qu'il existe relativement peu de travaux sur ce thème, une étude antérieure (Le Flanchec et Rojot, 2007; Le Flanchec, 2006) fait apparaître qu'un dispositif de médiation interne peut favoriser le sentiment perçu de justice procédurale et le climat social au sein de l'entreprise à travers une autre étude de cas. Nous formulons donc les hypothèses suivantes :

  • H1 : le programme de la porte ouverte est source de justice procédurale;

  • H2 : la « porte ouverte » est source d'amélioration du climat social;

  • H3 : le programme de la porte ouverte suscite des inquiétudes et réticences (neutralité du médiateur, poids des usages, information, craintes de sanction en cas d'utilisation du programme);

  • H4 : la « porte ouverte » modifie la relation entre le salarié et son supérieur direct.

Notons que pour tester l'hypothèse H1, nous retiendrons les différentes dimensions de la justice procédurale énoncées par Roberts et Gleason (1994 : 78) et décrites précédemment.

La porte ouverte d’IBM

Les questions de recherche énoncées précédemment sont testées à travers le cas du programme dit de la « porte ouverte » d'IBM, qui existe de longue date et qui permet au salarié, s'il s'estime traité de manière inéquitable, de saisir un tiers (salarié de l'entreprise) pour lui faire examiner son grief. Les conditions sont les suivantes :

  • La demande doit concerner des faits tels que les mesures disciplinaires, les rémunérations, la carrière, la note PBC[1], le harcèlement et autres. Sont exclus les orientations techniques, les avantages sociaux et autres.

  • La difficulté doit avoir été soumise au préalable à l'examen des supérieurs hiérarchiques N + 1 et N + 2 du salarié et rester non résolue.

  • Enfin, la demande doit être formulée dans les 90 jours suivant le fait générateur contesté.

Le salarié notifie alors sa demande par écrit auprès du tiers de son choix au sein de l'entreprise. Celui-ci dispose d'un délai de 45 jours pour mettre en oeuvre une enquête, recueillir le point de vue du salarié, de deux gestionnaires minimum et d'autres personnes en cas de besoin et, enfin, prendre une décision qu'il notifiera au salarié et à sa hiérarchie. Il bénéficie pour cela du soutien du « coordinateur » de la porte ouverte, personne nommée par le PDG, gardien des principes d'équité et de confidentialité de la porte ouverte. Dans la mesure du possible, la « porte ouverte » doit être traitée personnellement par celui auquel elle a été adressée. En cas d'impossibilité, il peut cependant proposer de déléguer l'enquête à une autre personne qualifiée, nommée « enquêteur ». Cet enquêteur doit être situé en dehors de la ligne hiérarchique directe du salarié et ne pas être impliqué dans le problème. Enfin, à l'issue de la procédure, il existe une possibilité d'appel de la décision.

La politique de la « porte ouverte » a été décrite par Ewing (1989). Selon ce dernier « la porte ouverte d'IBM a commencé avec Sr Thomas Watson qui était le premier dirigeant d'IBM. Watson avait l'habitude de visiter les établissements et les usines et d'écouter tous les salariés et y compris lorsqu'ils avaient des revendications. « Si vous ne pouvez pas régler le problème avec votre supérieur direct, allez voir son propre supérieur hiérarchique et si le problème n'est toujours pas réglé, ma porte vous est toujours ouverte » avait-il l'habitude de dire. Ces paroles devirent sa politique. Nombre de salariés saisirent son offre et allèrent jusqu'à son bureau pour lui exposer leurs griefs […]. Puis, à partir des années 1950, au fur et à mesure que la main-d'oeuvre d'IBM s'accroissait, au point de dépasser les 40 000 salariés, la procédure s'est formalisée grâce à l'aide d'assistants administratifs – IBM les nommait les AAs. Ces derniers prenaient en charge les investigations nécessaires à la compréhension des conflits formulés, mais Watson prenait la décision finale. Dans les trois dizaines d'années qui suivirent, avec l'augmentation de la main d'oeuvre jusqu'à 400.000 salariés, la procédure de la « porte ouverte » c'est institutionnalisée. Sur le fond, la philosophie est la même, tout salarié, s'il s'estime lésé par son supérieur hiérarchique, peut solliciter n'importe quel salarié de l'entreprise, à quelque niveau hiérarchique que ce soit, pour faire examiner son grief. Licenciements, transferts, augmentations salariales, évaluation des performances – toutes ces questions et bien d'autres encore peuvent faire l'objet d'une porte ouverte » (Ewing, 1989 : 149–150).

Notons qu'il ne s'agit pas de médiation au sens strict du terme mais d'un système hybride de médiation/arbitrage interne. En effet, le programme de la « porte ouverte » met en oeuvre des compétences de médiation, mais il laisse la possibilité d'un arbitrage en fin de processus si les parties n'en viennent pas d'elles-mêmes à résoudre leur différend.

Une méthodologie quantitative

L'étude s'appuie sur la diffusion d'un questionnaire auprès du personnel d'IBM. Ainsi, 1000 questionnaires ont été diffusés à un échantillon aléatoire de salariés d'IBM France entre novembre et décembre 2006. Le taux de retour a été d'environ 20 % conduisant à un échantillon de 203 personnes sur lequel se base cette étude (cela correspond au nombre de questionnaires exploitables retournés par les salariés). La population totale d'IBM France étant d'environ 10 000 salariés, cela représente un échantillon de 2 % de la population totale, ce qui induit une validité externe relativement limitée de l'étude. Néanmoins, un certain nombre d'enseignements peuvent être tirés. Les questions posées sont la plupart du temps (à l'exception de quelques questions nominales et d'une question libre en fin de questionnaire) exprimées sous la forme d'échelles de Likert en six points et sans point neutre (de « tout à fait d'accord » à « pas du tout d'accord »).

En ce qui concerne l'échantillon, notons globalement une surreprésentation des hommes par rapport aux femmes dans notre échantillon. Ainsi, 75 % des répondants sont des hommes contre seulement 19 % de femmes. Par ailleurs, la moyenne d'âge de notre échantillon s'élève à 45 ans. Ceci correspond sensiblement à la structure des âges de la population d'IBM France et représente une population « installée » dans la vie professionnelle. Ensuite, les salariés interrogés travaillent au sein du groupe IBM de longue date dans l'ensemble. Ainsi, la moyenne de la durée de travail au sein d'IBM s'élève à 18,5 ans. Ce chiffre semble relativement proche de la structure d'IBM en termes d'ancienneté puisque environ 40 % du personnel d'IBM a plus de 21 ans. On observe également que 43 % des répondants travaillent chez IBM depuis plus de 20 ans. Par conséquent, il s'agit d'un échantillon qui a l'habitude du fonctionnement de l'entreprise et il est donc pertinent par rapport à l'étude de la connaissance du dispositif de la « porte ouverte » qui existe de longue date au sein du groupe. Notons enfin qu'IBM est une entreprise syndiquée au sein de laquelle on trouve les principales organisations syndicales représentatives françaises.

Résultats de l’enquête

Nous présentons dans un premier temps quelques résultats descriptifs sur le dispositif de la « porte ouverte » dont, notamment, le niveau d'information des salariés à son égard et son degré d'utilisation. Nous testons dans un second temps, nos trois hypothèses H1 à H3.

Une information inégale par rapport au dispositif

Un premier constat est celui d'une information inégale des salariés vis-à-vis du programme de la porte ouverte. Bien que dans l'ensemble, une majorité de répondants (exactement 63 % avec 20 % de non-répondants) déclarent être au courant de l'existence de ce programme, cette information n'est pas jugée totalement satisfaisante puisque 53 % des personnes interrogées considèrent « qu'elles n'ont PAS suffisamment d'information sur la porte ouverte pour avoir un avis précis ». Ainsi, on a le sentiment que bien qu'une majorité de personnes ait connaissance de la procédure de la « porte ouverte », tous n'ont pas nécessairement le sentiment concret de connaître son contenu exact et son fonctionnement.

Il s'ensuit que la population totale se scinde en deux groupes en fonction de l'information des salariés vis-à-vis du programme de la « porte ouverte ». Un clivage à environ moitié-moitié se révèle entre ceux qui considèrent avoir assez d'information pour avoir un avis précis sur le programme (que nous qualifions de salariés « informés ») et ceux qui considèrent ne pas avoir suffisamment d'information pour avoir un avis précis (que nous qualifions de « sous-informés »). Si on regarde plus en détail, il apparaît tout d'abord que ceux qui ont des responsabilités d'encadrement sont nettement mieux informés que les autres salariés. Ensuite, les salariés de plus de 51 ans ont tendance à être plus informés que les autres. Enfin, les salariés les plus récemment embauchés (moins de 11 ans d'ancienneté) sont les plus « sous-informés » alors que les plus anciens (supérieur à 31 ans d'ancienneté) sont les mieux informés sur la « porte ouverte ».

Un recours au programme de la « porte ouverte » limité

Un second constat est celui de la faiblesse du nombre des recours effectifs au dispositif de médiation lui-même. Ainsi, seulement 12 % des répondants ont eu effectivement recours à la porte ouverte durant leur vie professionnelle au sein de l'entreprise (soit 25 personnes sur 203). L'enquête permet également de fournir une explication à cet état de fait : le faible recours à la médiation est largement lié à un manque d'occasion. Ainsi, ce faible recours au dispositif de la « porte ouverte » est lié pour 52 % des personnes interrogées à une « absence de besoin », pour 16 % des répondants à un « manque d'information » et pour 32 % au fait que « les conflits éventuels se règlent naturellement aux niveaux n + 1 à n + 3 de l'entreprise ». Il convient donc de noter que notre étude se situe dans une entreprise au climat social serein où la majorité des conflits sont considérés par la grande majorité des répondants comme se réglant d'eux-mêmes, soit qu'il n'y ait pas besoin d'une procédure, soit que la direction le fasse de façon satisfaisante. Les résultats sont donc à situer dans ce cadre.

Des différences dans la nature des différends concernés par le dispositif

La « porte ouverte » d'IBM est dans l'ensemble considérée comme adaptée à des conflits plus exceptionnels que quotidiens (voir la figure 1).

Figure 1

Le sentiment perçu de justice procédurale engendré par la « porte ouverte » d’IBM

Le sentiment perçu de justice procédurale engendré par la « porte ouverte » d’IBM

-> Voir la liste des figures

Ainsi, seulement 51 % des salariés considèrent que le programme est adapté à tout type de conflits. Comparativement, 72 % considèrent qu'elle est adaptée aux cas de discriminations, 75 % aux procédures disciplinaires et 78 % au harcèlement. Il y a donc ici un clivage au sein des salariés d'IBM à ce niveau.

Le test des hypothèses H1 à H3

La « porte ouverte » est source de justice procédurale (H1)

Tout d'abord, pour la très grande majorité des salariés ayant répondu, le principe de l'existence de la « porte ouverte » est une garantie de justice et d'équité. Ainsi, par exemple, pour 71 % des répondants « la politique de la porte ouverte d'IBM favorise une plus grande justice au sein de l'entreprise ». De plus, pour 64,1 % des répondants, « l'existence du programme de la porte ouverte traduit la volonté d'IBM de gérer les différends ou conflits avec respect et équité ». Enfin, observons que 57,1 % des répondants considèrent qu'ils « accepteraient mieux une décision, même si elle leur est défavorable, après une porte ouverte ». Cela va dans le sens de notre hypothèse H1 selon laquelle la « porte ouverte » favorise la justice procédurale au sein du groupe IBM.

Il est également possible de préciser ces résultats à partir d'une analyse des différentes dimensions de la justice procédurale (voir le tableau 1).

Tableau 1

Les dimensions de la justice procédurale par catégorie de personnel chez IBM

Dimensions de la justice procédurale (Robert et Gleason, 1994)

Collaborateurs

Gestionnaires

Total

Contrôle de la représentation

58 %

95 %

62 %

Cohérence de traitement

57 %

82 %

60 %

Convenance éthique

59 %

89 %

62 %

Impartialité

48 %

82 %

52 %

Fidélité

56 %

100 %

61

Rectification

70 %

91 %

72 %

-> Voir la liste des tableaux

Il apparaît tout d'abord que la dimension « rectification » est la plus fortement perçue (72 %). Cela signifie que la « porte ouverte » est en premier lieu considérée comme une possibilité d'appel des décisions hiérarchiques. Son rôle premier est de pouvoir « discuter » une décision avec laquelle on n'est pas d'accord, avant de recourir à des procédures qui seraient judicaires (Prud'hommes[2]). Par ailleurs, la dimension « impartialité » est la plus faiblement ressentie (52 %), ce qui signifie que pour les salariés, les risques de préjugés et de stéréotypes dans la prise de décision ne sont pas totalement écartés. Ceci est sans doute à mettre en relation avec les craintes vis-à-vis de la neutralité du médiateur développées plus loin.

Lorsqu'on effectue une analyse par catégorie de personnel, il apparaît des différences notables. Ainsi, les salariés ayant des responsabilités d'encadrement perçoivent un impact plus fort de la « porte ouverte » sur la justice procédurale que les autres salariés. Ceci semble être l'expression d'inquiétudes et de réticences plus fortes de la part des salariés.

La « porte ouverte » est source d’amélioration du climat social (H2)

L'impact de la « porte ouverte » sur le climat social est considéré de manière mitigée par les personnes interrogées. En effet, 47 % des répondants considèrent que l'existence de la « porte ouverte » contribue positivement au climat interne de l'entreprise (contre 45 % qui répondent négativement). Par conséquent, les répondants qui perçoivent un impact sur le climat social sont sensiblement aussi nombreux que ceux qui n'en perçoivent pas.

Toutefois, une explication apparaît lorsqu'on croise cette variable avec le fait que les salariés considèrent la « porte ouverte » comme étant adaptée ou non à tout type de conflit ou uniquement à des conflits exceptionnels. Ainsi, ceux qui considèrent que la « porte ouverte » correspond uniquement à des événements exceptionnels (licenciements, harcèlement, discriminations) ont plus tendance que les autres à considérer que le dispositif n'a pas d'impact sur le climat social de l'entreprise. Ainsi, on trouve une relation significative entre la perception d'un impact de la porte ouverte sur le climat social et – par exemple – le fait qu'il s'agisse d'une bonne chose en cas de licenciement (Khi2 = 19,1; ddl = 1; p = 0,001).

Dit autrement, si la « porte ouverte » concerne uniquement des conflits exceptionnels et non quotidiens, elle n'a pas d'impact sur le climat social compris comme une ambiance de travail saine et non conflictuelle dans l'entreprise. En revanche, si le programme de la « porte ouverte » concerne les conflits quotidiens du travail alors son impact sur le climat social est plus fort parce qu'elle a un impact sur la vie quotidienne de l'entreprise.

La « porte ouverte » suscite également des inquiétudes (H3)

Des inquiétudes vis-à-vis de la neutralité du tiers intervenant. Il apparaît majoritairement une certaine crainte des salariés vis-à-vis de la neutralité du « tiers intervenant » dans la procédure de la porte ouverte, qui en dernier ressort peut trancher le conflit. Ainsi, 65,1 % des répondants sont « tout à fait d'accord » à « plutôt d'accord » avec l'affirmation selon laquelle « je pourrais craindre que le tiers qui tranche le différend favorise la direction à mes dépends ». De plus, 62,6 % des répondants sont en accord avec l'assertion suivante « je pourrais craindre que le tiers ne soit pas impartial ». Enfin, le pourcentage est légèrement moindre concernant la troisième et dernière question, mais les inquiets restent majoritaires : 51,2 % sont « tout à fait d'accord » à « plutôt d'accord » avec l'affirmation selon laquelle « je peux craindre que la personne qui tranche le différend ne soit pas véritablement neutre ».

Les craintes de sanctions en cas de recours au dispositif. Il apparaît également une certaine inquiétude par rapport à l'utilisation du programme de la « porte ouverte ». Ainsi 62,6 % des répondants sont « tout à fait d'accord » à « plutôt d'accord » avec l'idée selon laquelle « utiliser la porte ouverte pourrait constituer un frein à ma carrière ». De manière similaire, 61,1 % des répondants considèrent que « cela réduirait leurs chances d'évolution de carrière » et 72,8 % estiment qu'ils « pourraient craindre que cette démarche soit mal perçue et leur porte tort dans l'avenir ». Enfin, 58,6 % considèrent qu'elles « encourent des risques de sanctions si elles utilisent le programme ».

Le poids des usages. Malgré des avis partagés, on observe l'existence d'un certain poids des usages comme frein au recours au programme de la « porte ouverte ». Ainsi, 57,6 % des répondants sont « tout à fait d'accord à plutôt d'accord » avec l'assertion selon laquelle « recourir à la porte ouverte irait à l'encontre de leurs habitudes ». Les avis sont plus partagés sur d'autres questions. Par exemple, 48,3 % des répondants considèrent que « cette procédure n'est pas usuelle et que cela les gêne » contre 44,8 % qui pensent le contraire. De plus, 47,3 % des répondants considèrent que « recourir à cette procédure n'est pas quelque chose de classique et cela leur fait peur » contre 48,7 % qui pensent l'opposé. On peut en déduire qu'il y aurait deux populations opposées au sein de notre échantillon, de taille relativement semblable, qui auraient des avis contraire quant au poids des usages comme frein au recours à la médiation. Ceci nous invite à étudier différentes catégories de salariés qui pourraient percevoir un impact différent de la médiation.

Analyse comparée en fonction du degré d’information des salariés

Si on reprend notre typologie entre salariés « informés » et « sous-informés », il apparaît que les « sous-informés » sont aussi ceux qui expriment les craintes les plus fortes quant aux sanctions potentielles en cas d'utilisation du dispositif et les inquiétudes les plus élevées par rapport à la neutralité du tiers intervenant. Ils perçoivent aussi plus fortement le poids des usages comme un frein au recours à la porte ouverte. Ces « sous-informés » ressentent également un impact sensiblement plus faible de la porte ouverte sur la justice (tableau 2).

Tableau 2

La distinction en salariés « informés » et « sous-informés »

Informés

Sous-informés

Ils sont plus confiants dans le dispositif. Ils ressentent moins d’inquiétudes vis-à-vis de la neutralité du tiers intervenant et des sanctions potentielles en cas d’utilisation du programme.

Ils ressentent plus d’inquiétudes vis-à-vis de la neutralité du tiers intervenant et des sanctions potentielles en cas d’utilisation du programme.

Ils subissent un poids des usages plus faible.

Ils subissent un poids des usages plus fort.

Ils perçoivent un impact plus fort sur la justice et l’équité.

Ils perçoivent un impact plus faible sur la justice et l’équité.

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Cette relative méconnaissance des détails par une forte proportion de l'échantillon et l'absence de données sur les conséquences du programme quand il est utilisé, hors expérience personnelle, expliquent sans doute les craintes nettes et majoritaires de l'ensemble de l'échantillon au sujet de la neutralité du tiers intervenant et des conséquences pour la carrière et le traitement futur. Quoi qu'il en soit, ces craintes sont plus faibles pour le sous-échantillon composé de salariés s'estimant suffisamment informés sur le dispositif, descendant même largement en dessous de la moyenne pour certaines questions.

Ainsi, par exemple, seulement 36 % des salariés que nous avons qualifiés « d'informés » considèrent que « cette procédure n'est pas usuelle et cela me gêne » contre 66 % des « sous-informés » (Khi2 = 21,6; ddl = 5; p = 0,001). Autre exemple, seulement 30 % des répondants « informés » répondent positivement à la question « j'encours des risques de sanction si j'utilise ce programme » contre 47 % des « sous-informés » (Khi2 = 4,6; ddl = 1; p = 0,03). Ou encore, seulement 55 % des salariés « informés » considèrent que « je pourrais craindre que le tiers qui tranche le différend favorise la direction à mes dépends », contre 77 % des salariés « sous-informés » (Khi2 = 18,1; ddl = 5; p = 0,001).

Parallèlement, ces différences s'expriment également par rapport au sentiment de justice puisque 58 % des « sous-informés » estiment que « l'existence de ce programme traduit concrètement la volonté d'IBM de gérer les différends ou conflits avec respect et équité », contre 69 % des « informés » (Khi2 = 18,1; ddl = 5; p = 0,003). On trouve aussi des liens significatifs entre le manque d'information et les différentes dimensions de la justice.

Ces résultats sont instructifs car ils montrent à quel point l'information est importante et qu'un manque d'information sur les conséquences concrètes du dispositif peut avoir un impact sur son utilisation future et le sentiment qu'il induit tant positivement (en termes de justice) que négativement (en termes d'inquiétudes).

Relation entre le salarié et sa hiérarchie (H4)

L'impact sur la relation entre le salarié et son supérieur hiérarchique est assez faible au sein d'IBM. Elle n'en est pas moins existante (tableau 3).

Tableau 3

Impact de la « porte ouverte » sur la relation salarié / hiérarchie chez IBM

 

Réponses positives

Sous-population « informée »

L’existence du programme « porte ouverte » modifie ma relation avec mon supérieur hiérarchique.

21 %

21 %

Grâce à la « porte ouverte » je peux poser plus facilement de questions à mon supérieur hiérarchique.

24 %

27 %

Grâce à la « porte ouverte » je me sens plus libre de mes opinions.

29 %

30 %

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Retour sur les études antérieures

Il peut être intéressant de comparer brièvement les résultats de l'étude IBM à ceux d'une étude antérieure des auteurs au sein de SFR Cegetel qui a mis en place en 2002, par accord collectif, un dispositif de médiation/arbitrage interne qui, tout en comportant des différences notables (notamment le médiateur n'est pas « choisi » par le salarié dans ce cas, les délais sont différents, etc.), reste relativement comparable dans l'ensemble.

Un questionnaire similaire à celui utilisé dans l'étude IBM avait été diffusé au sein de SFR Cegetel en 2003 et 2005. Il était apparu alors un fort impact sur la justice procédurale et le climat social (Rojot, 2006). On note même un impact perçu sur la justice procédurale plus fort chez SFR Cegetel que chez IBM au niveau global, ce qui n'est pas sans relation avec l'existence de craintes plus fortes chez IBM que chez SFR, notamment concernant la neutralité du médiateur. On note également un impact globalement positif sur le climat social dans les deux cas, mais il est plus important chez SFR Cegetel que chez IBM. Ceci semble être lié au fait que dans le premier cas, la médiation semblait être adaptée à tout type de différend (deuxième volet SFR) alors qu'il existe une division entre deux populations au sein de notre échantillon de salariés d'IBM, ceux qui considèrent que la médiation est adaptée à tout type de conflit et ceux qui considèrent qu'elle doit être exceptionnelle (licenciements, harcèlement, etc.). Or, chez IBM, ceux qui considèrent que la médiation n'est adaptée qu'aux circonstances exceptionnelles perçoivent également un impact moindre sur le climat social car il ne s'agit pas de gérer les conflits au quotidien dans l'entreprise mais seulement des situations extrêmes.

La médiation/arbitrage suscite plus d'inquiétude chez IBM que chez SFR (voir le tableau 4). Notons que les craintes et inquiétudes avaient fortement baissé au sein de SFR Cegetel entre nos deux études, l'une menée en 2003 (juste après la mise en place du dispositif) et l'autre menée en 2005. Cette chute des réticences était liée notamment à une forte réduction des inquiétudes des représentants syndicaux.

Tableau 4

Inquiétudes vis-à-vis du processus de médiation/arbitrage chez IBM et SFR Cegetel

 

IBM

SFR 2005

SFR 2003

Je pourrais craindre que le tiers qui tranche le différend favorise la direction à mes dépends.

65 %

19 %

40 %

Je pourrais craindre que le tiers ne soit pas impartial.

62 %

28 %

48 %

Je peux craindre que la personne qui tranche le différend ne soit pas véritablement neutre.

51 %

36 %

69 %

Utiliser la porte ouverte pourrait constituer un frein à ma carrière.

62 %

31 %

J’encours personnellement des risques de sanctions si j’utilise le programme.

58 %

19 %

Je pourrais craindre que cette démarche soit mal perçue et me porte tort dans l’avenir.

73 %

38 %

60 %

Recourir à la porte ouverte irait à l’encontre de mes habitudes.

57 %

19 %

Cette procédure n’est pas usuelle et cela me gêne.

48 %

24 %

48 %

Recourir à cette procédure n’est pas quelque chose de classique et cela me fait peur.

47 %

21 %

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Enfin, on constate un impact plus important de la médiation/arbitrage sur la relation entre le salarié et sa hiérarchie chez SFR que chez IBM (cet impact ayant fortement progressé entre les deux études menées en 2003 et 2005). Ainsi, en 2005, 51 % des personnes interrogées au sein de SFR considèrent « qu'elles posent plus de questions à leur supérieur depuis qu'elles ont connaissance de l'accord sur la médiation/arbitrage » et 43 % estiment « que le processus de médiation/arbitrage a modifié leurs relations avec leur supérieur direct ». Enfin, 46 % estiment « qu'il y a une meilleure communication entre leur supérieur direct et eux depuis cet accord ».

Une explication de ces différences peut être liée au fait que la « porte ouverte » est un dispositif ancien chez IBM, où la gestion a beaucoup évolué récemment de sorte que sa place peut être perçue comme moins évidente surtout par les salariés les moins anciens, alors que le dispositif interne à SFR Cegetel est un programme récent, mis en place en 2002 par accord collectif, qui est donc l'expression d'une politique volontaire récente et affirmée de l'entreprise. Il y aurait donc un impact plus fort sur la justice procédurale et la relation entre le salarié et sa hiérarchie dans ce cas. Ceci conduit également à penser que l'impact d'une telle procédure peut s'amenuiser dans le temps si elle n'est pas entretenue.

Conclusion

Le dispositif de la porte ouverte chez IBM est toujours présent dans l'entreprise, malgré les changements profonds qui se sont opérés au sein du groupe au cours des dernières décennies. Ceci tient en particulier à son impact positif sur l'équité et la justice procédurale dans un contexte où les salariés revendiquent une participation croissante aux processus de décision (« voice » au sens de Hirschman). Cette étude n'avait ni les moyens, ni l'objectif de relier la perception de la justice organisationnelle par le salarié à la performance de l'organisation ou à son implication individuelle. Cependant, des pistes de réflexion ont été ouvertes en ce sens (voir, par exemple, Lind et Tyler, 1988; Sheppard et Minton, 1986; Greenberg, 1987) et il serait intéressant de les explorer plus avant dans une phase ultérieure.