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Le présent ouvrage s’inscrit dans la mouvance des ouvrages de synthèse destinés à une population généralement jeune, avide de renseignements brefs, factuels et immédiats, libres de toute interprétation ou évaluation critique approfondie. Mis à part cette collection de la maison Hurtubise, riche à ce jour d’une vingtaine de titres portant sur une variété empirique de sujets (les mythologies, l’architecture, le cerveau, les religions, Einstein, Stephen Hawking, Léonard de Vinci, etc.), on retrouve ainsi sur le marché, à titre d’exemples, l’immensément populaire série d’origine américaine « Pour les nuls » ainsi que, plus spécifiquement pour le Québec, la série non annoncée de la maison d’édition Nota Bene basée sur le principe des « 100 meilleurs », le nombre pouvant évidemment varier : Les best-sellers au Québec de 1970 à aujourd’hui (1994); Les100 romans qu’il faut lire (1994 et 2004); Les 100 films québécois qu’il faut voir (1995); 100 pièces du théâtre québécois qu’il faut lire et voir (2002), etc.

Simple en apparence et en théorie, cet ouvrage n’a cependant été ni pensé ni préparé par des néophytes. Auteur d’une quinzaine de romans historiques, Jean-Pierre Ferland, professeur de didactique de l’histoire à l’Université de Montréal jusqu’en 2014, a déjà signé chez Septentrion Une histoire du Canada contemporain : de 1850 à nos jours (2007), lequel servit sans doute de canevas au présent ouvrage. Également issue du monde de la didactique de l’histoire, Sabrina Moisan a, pour sa part, publié avec régularité sur des sujets reliés aux perspectives d’enseignement de divers aspects de l’histoire, dont l’Holocauste, la notion de citoyenneté et, bien sûr, l’histoire du Québec elle-même.

L’on ne se surprendra donc pas de percevoir, dans ce recueil de 55 événements considérés par les auteurs comme primordiaux pour la connaissance du Québec actuel, la présence d’une notion pédagogique qui, sans être ouvertement affirmée, reconnaît et favorise dans sa sélection le populaire aux dépens du seul politique. C’est ainsi que, si l’on accorde évidemment une place à la Conquête, à la Rébellion des patriotes, à la Révolution tranquille, à la Loi 101 et aux référendums, on s’intéresse également à des aspects souvent plus négligés des livres d’histoire traditionnels : la grande migration d’Asie et les premières sociétés résidentes, l’absolutisme royal de Louis XIV auquel étaient soumis les habitants de la Nouvelle-France, les difficultés de la vie en ville pour la classe ouvrière à partir du milieu du 19e siècle, les médias de masse au tournant et dans la première moitié du 20e siècle, l’exposition universelle montréalaise de 1967 et, plus près de nous, la récente déconfessionnalisation des écoles et la question des accommodements raisonnables.

Abondamment illustré, et présenté dans une mise en page et une reliure de qualité, chaque événement est représenté sur deux pages, celle de gauche se voyant divisée en deux colonnes : une première proposant un condensé de « 3 secondes » (une phrase résumant la thématique générale) et une proposition de réflexion, dite de « 3 minutes ». La seconde colonne, plus élaborée, présente pour sa part un texte « en 30 secondes » résumant l’événement sélectionné. La page de droite est quant à elle réservée aux illustrations, un mélange de photographies, cartes, dessins et documents d’époque.

L’histoire du Québec en 30 secondes propose également huit profils de personnalités, dont l’identité surprendra quelquefois, et dont la philosophie ramène aux notions de populaire et de contemporain relevées précédemment. Ainsi, pour la période de la Nouvelle-France, l’une des sept périodes définies ici, les auteurs ont choisi de s’attarder non pas sur un Jacques Cartier, un Champlain ou un Jean Talon, mais plutôt sur une femme commerçante mère de 14 enfants, Marie-Anne Barbel, et sur une ursuline généralement méconnue de la population, Eulalie Durocher. Le curé Antoine Labelle, « l’apôtre de la colonisation », est par ailleurs préféré à l’évêque de Montréal, Ignace Bourget, pour représenter l’origine de la Réaction religieuse dont les effets se feraient pourtant sentir jusqu’à la Révolution tranquille. Pour la période 1887-1939, on choisit la Bolduc plutôt que Nelligan, et pour celle allant de 1939 à 1976, la politique est encore une fois oubliée au profit du génie inventif d’un Québécois, Joseph-Armand Bombardier. Seules les deux dernières biographies, celles de René Lévesque et de Pierre Elliott Trudeau, peuvent être considérées comme des ajouts logiques qui iraient de soi dans toute tentative de mise en perspective rapide de l’histoire du Québec.

Malgré la première impression d’un contenu strictement factuel et historique, on reconnaît rapidement dans cet ouvrage, en cela fort original, un désir pédagogique de communication avec un lectorat plus jeune qu’on ne peut intéresser qu’en rejoignant ses intérêts et son quotidien.