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Sociologue et professeur émérite de l’Université Laval, l’auteur s’est penché sur l’histoire de cette nouvelle communauté monastique. Il raconte le projet de sa fondation, la création de la communauté et fait le récit de son épopée dans un contexte où le catholicisme n’occupe plus la première place dans les consciences et dans l’espace public.

L’avant-propos explique ses motivations personnelles. Parce qu’il aime les monastères et qu’il dispose de temps, l’auteur propose un jour aux Petits frères de la Croix (PFC) de combler l’absence de documentation au sujet de la communauté perchée sur les hauteurs de Charlevoix en rédigeant leur histoire selon les exigences académiques, mais en produisant un livre accessible au grand public. Le livre repose donc sur un travail rigoureux d’analyse des sources documentaires et sur des rencontres avec les moines et leurs proches, mais aussi avec des spécialistes des religions et des communautés nouvelles au Québec. Deux parties composent le livre : une première (trois chapitres) relate le passé des PFC, et une seconde explore leur vie présente (quatre chapitres). La conclusion donne la parole aux Petits frères sur leur avenir et sur les défis de leur communauté.

Le premier chapitre présente le fondateur de la communauté Michel Verret. Au fil du texte se dessine une volonté de plus en plus forte chez ce dernier de répondre à l’appel de fonder une communauté monastique nouvelle avec quelques compagnons inspirés par la spiritualité de Charles de Foucauld. La vie de solitude et de prière allait conduire cet homme de feu à fonder les PFC.

Le second chapitre relate les difficiles débuts de la communauté naissante à Valcartier et les principaux défis qu’elle eut à relever. L’auteur rapporte très concrètement l’organisation matérielle de cette vie : qui est choisi, où on loge et comment on subvient aux besoins matériels. À cela s’ajoute le quotidien de la prière et de la formation. Déjà germe l’idée de s’établir dans Charlevoix. Mais le financement et la construction d’un monastère exigent beaucoup d’énergie et la jeune communauté doit déjà déployer bien des ressources pour s’organiser.

Le chapitre intitulé « Sainte-Agnès, enfin » relate l’enthousiasme de l’installation dans Charlevoix et le rayonnement de la jeune communauté monastique. L’auteur rapporte aussi comment l’AVC du père Michel à la fin de 1993 et son décès en 1997 ont causé de fortes turbulences dans la communauté jusque vers 2007, moment où la vie du monastère atteint selon l’auteur un équilibre fragile.

Le chapitre ouvrant la seconde partie du livre offre un portrait de la communauté au printemps 2013. L’auteur insiste sur le caractère évolutif des communautés religieuses et brosse un tableau fascinant de la mobilité des entrées et des sorties des moines. Cette évolution constante de la communauté pose la question de savoir ce qu’est une communauté religieuse, car outre les moines se dessine un cercle rapproché de femmes et d’hommes qui fréquentent assidument le monastère. Environ 2000 personnes, constituant un second cercle plus large, fréquentent en effet le monastère et le soutiennent par leur bénévolat, par leurs visites à l’hôtellerie du monastère ou par leurs dons.

Le cinquième chapitre explore le charisme des PFC. La vie et la spiritualité de Charles de Foucauld y sont brièvement abordées, ainsi que l’intégration de certains aspects de cette spiritualité par les moines de Sainte-Agnès. On y découvre aussi les raisons pour lesquelles le rite et l’iconographie de type byzantin, qui frappent les visiteurs de l’église de la Croix glorieuse, soutiennent leur vie religieuse.

Le chapitre six évoque la vie quotidienne d’un moine au 21e siècle. Si le charisme de la communauté marque le coeur d’une vie monastique, le quotidien oscille entre le ora et labora de la grande tradition. L’auteur décrit ce quotidien selon trois axes temporels : 1) l’horaire d’une journée et d’une semaine type; 2) le rythme de cette vie au fil d’une année; 3) et enfin le parcours religieux de la vie des moines. Il aborde aussi les conseils évangéliques et décrit les relations qu’entretient le monastère avec l’extérieur (radio, journaux, internet, vacances). L’auteur souligne enfin l’atmosphère ou l’énergie particulière qui se dégage du monastère.

Le septième chapitre, plus prospectif, annonce la conclusion. Il aborde les défis des communautés religieuses au Québec, les communautés nouvelles plus particulièrement, puis énonce les défis actuels des communautés monastiques québécoises. La conclusion redonne la parole aux moines de Sainte-Agnès qui regardent lucidement, mais avec confiance, ces défis qui les attendent et qui sont ceux auxquels sont également confrontées les autres communautés chrétiennes (défi démographique, défi de l’internationalisation et de la mixité apostolique/contemplatif, défi de la participation des laïcs et de la mixité homme/femme, défi de la formation à la prêtrise et du leadership de la communauté). Selon l’auteur, malgré leur fragilité, les moines occupent une position intéressante « pour aider à la croissance des nouveaux germes du catholicisme qui poussent discrètement dans la région de Québec et ailleurs au Québec » (p. 165).

Ce livre révèle à un public curieux l’existence, le quotidien et le projet des PFC. L’épopée, très bien documentée, narre par le menu le déploiement d’un projet et sa réalisation. On peut y voir une recherche ethnographique et sociologique, tellement le matériel est mis à la disposition du lecteur et le souci d’expliquer et d’informer est grand. Certes, vouloir mieux comprendre de l’intérieur l’aventure spirituelle des PFC serait l’objet d’un autre livre à teneur plus théologique ou religieuse. Mais les perspectives assumées par l’auteur et la structure chronologique du livre, la rigueur du traitement de la documentation, les sources, les photos, les tableaux, les annexes en font un ouvrage introductif incontournable pour mieux comprendre le fait qu’encore aujourd’hui certains décident de tout quitter pour suivre le Maître.