Corps de l’article

1. Introduction et problématique

Depuis l’adoption de la charte d’Ottawa en 1986, l’Organisation mondiale de la Santé reconnaît que l’acquisition de compétences permettant de faire des choix qui favorisent la santé doit se faire dès l’entrée à l’école. Selon de nombreux auteurs, l’école joue un rôle déterminant dans le développement de saines habitudes de vie chez les enfants, parce que le comportement acquis en bas âge dicte souvent la conduite de l’adulte (Hopper, Munoz, Gruber et Nguyen, 2005 ; Rivard et Beaudoin, 2005 ; Rivard et Trudeau, 2006 ; Virgilio, 1996). En 2004, l’Organisation mondiale de la Santé réaffirmait l’importance de la place de l’école en matière de santé et de promotion de saines habitudes de vie :

[…] l’école influence la vie de la plupart des enfants. Elle devrait donc protéger la santé des enfants en les informant, en leur inculquant des notions de base concernant la santé et en s’attachant à promouvoir une alimentation saine et l’exercice physique, au même titre que d’autres comportements sains

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Ces orientations mondiales ont conduit des organisations de divers pays à développer, au cours des deux dernières décennies, différentes initiatives scolaires dédiées à la santé. En tête de liste figurent le Réseau européen d’écoles en santé (selon Rowan, Vanier et Léry, 2003), ainsi que l’Approche globale de la santé en milieu scolaire au Canada (Association canadienne pour l’éducation à la santé, 1993) et les Coordinated School Health ou Comprehensive School Health Programs en Australie et aux États-Unis (Lynagh, Perkins et Schofield, 2002 ; St-Leger et Nutbeam, 2000).

Ces initiatives s’inscrivent d’ailleurs dans le cadre de la réussite éducative des jeunes. De fait, certaines conclusions de recherches ont révélé que sans la santé, les enfants et les adolescents ne peuvent profiter pleinement de leur scolarité et devenir des adultes productifs dans le monde de demain (Fetro, 1998). À ce sujet, l’équipe de Arcand, Daigle, Lapointe, Moreau et Rodrigue (1998, p. 1) souligne que […] l’éducation contribue au maintien de la santé et la santé maintient les conditions nécessaires à l’apprentissage. En effet, un élève en santé réussira mieux à l’école et sa scolarisation contribuera au maintien de sa santé future (Kann, Collins, Pateman, Small, Ross et Kolbe, 1995). Aussi, des chercheurs ont observé des liens positifs entre l’alimentation, l’activité physique et la performance scolaire des adolescents (Sigfusdottir, Kristjansson et Allegrante, 2007). À titre d’illustration, le petit déjeuner, particulièrement négligé par les jeunes, semble avoir un impact positif sur leurs résultats scolaires (Glewwe, Jacoby et King, 2001), leurs aspirations scolaires (Rampersaud, Pereira, Girard, Adams et Metzl, 2005) et leurs apprentissages (Pollitt et Mathews, 1998). De même, la pratique régulière d’activité physique et sportive est associée à de meilleurs résultats scolaires, particulièrement chez les enfants de 7 à 11 ans. L’influence de l’activité physique sur la réussite éducative s’expliquerait, en partie du moins, par l’amélioration de l’estime de soi et de la santé physique de l’élève (Tremblay, Inman et Willms, 2000) ainsi que par son lien d’attachement envers son école (Trudeau et Shephard, 2008).

Malgré ces résultats qui mettent en relation l’éducation et la santé, et l’essor sans précédent d’initiatives en santé dans les milieux scolaires, plusieurs conclusions de recherche révèlent que ces initiatives sont limitées par plusieurs obstacles (Rowan et collab., 2003). Ces derniers sont liés principalement au morcellement des interventions éducatives destinées aux jeunes, à l’essoufflement des acteurs engagés en promotion et prévention, ainsi qu’au manque de cohérence dans l’ensemble des actions éducatives en santé menées par divers groupes d’acteurs (Deschesnes, Martin et Jomphe-Hill, 2003 ; Rowan et collab., 2003). De fait, divers acteurs comme les éducateurs, les parents et les membres de la communauté sont de plus en plus interpellés dans les activités d’éducation à la santé en milieu scolaire (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005, 2007). Récemment, une vaste étude de type macroscopique, faisant appel à des questionnaires, des entretiens téléphoniques et des analyses documentaires liées aux politiques publiques en matière de saines habitudes de vie, s’est penchée sur l’état de la situation relative à la diffusion de l’Approche école en santé dans 190 écoles primaires et secondaires du Québec (Deschesnes, Couturier, Laberge, Trudeau, Kébé, Campeau, Bernier et Bertrand, 2008). Cette étude a permis d’identifier des obstacles liés notamment au dialogue et à la collaboration au sein des instances décisionnelles (par exemple, les comités scolaires), de même qu’au sein des ministères concernés par le déploiement proprement dit de l’Approche école en santé. À notre connaissance, aucune étude de type microscopique n’a examiné en profondeur, dans un milieu donné, les perceptions spécifiques de chacun des groupes d’acteurs (élèves, parents, membres du personnel scolaire et de la communauté) engagés dans le déploiement de ladite approche.

Dans le cadre de cet article, nous avons choisi de nous attarder aux parents, considérés comme des acteurs clés, voire des partenaires incontournables, dans la réussite éducative des enfants et des adolescents (Deslandes, 2005 ; Deslandes et Bertrand, 2001 ; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005). Que pensent-ils de l’éducation à la santé à l’école ? Comment perçoivent-ils leur rôle en matière de santé ? Que font-ils pour y contribuer, et comment s’engagent-ils au sein de l’Approche école en santé ? Voilà quelques questions auxquelles nous tentons de trouver des éléments de réponse à travers les variables perception et engagement, afin de mieux comprendre l’état actuel de la collaboration école-famille (Christenson et Sheridan, 2001), jugée indispensable en particulier en éducation à la santé (Beaudoin, 2010 ; Ma et Zhang, 2002 ; Mérini, 2010). Les informations qui émergeront nous permettront de dégager des pistes de recommandations pour guider les instances concernées dans le processus d’implantation de l’Approche école en santé afin de promouvoir des relations école-famille productives, jugées cruciales pour le succès et la pérennité d’une approche de telle envergure.

2. Contexte théorique

2.1 Influence des parents sur les habitudes de vie de leur enfant

2.1.1 Pratique d’activité physique

Plusieurs résultats de recherche mettent en évidence l’existence d’un lien étroit entre les habitudes d’activité physique des jeunes et celles de leurs parents. Par exemple, l’enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 2000-2001 a révélé que les adolescents dont les parents sont inactifs ont davantage tendance à l’être également (Carrière, 2003). Dans le même sens, lorsque les parents sont sédentaires, seuls 36 % des enfants sont actifs et lorsqu’il y a au moins un parent actif dans la famille, 64 % des enfants de 5 à 14 ans sont eux-mêmes actifs (Kremarik, 2000). Outre le processus d’imitation, d’autres facteurs peuvent expliquer l’existence de cette relation : le soutien apporté par les parents, leur engagement envers leurs enfants dans la pratique d’activité physique de ces derniers (Gustafson et Rhodes, 2006 ; Sallis, Prochaska et Taylor, 2000), ainsi que la communication avec eux (Trost, Sallis, Pate, Freedson, Taylor et Dowda, 2003). À partir des travaux de Hoover-Dempsey, Walker, Sandler, Whetsel, Green, Wilkins et Closson (2005), Czaplicki (2009) a mis en lumière l’influence des parents quant aux saines habitudes de vie des enfants et des adolescents, tout particulièrement par le biais des encouragements (par exemple, renforcements positifs) et de l’enseignement (par exemple, discussions portant sur les effets bénéfiques des saines habitudes de vie sur la santé globale, entre autres).

2.1.2 Alimentation

Différentes études révèlent que les parents jouent également un rôle important en ce qui a trait à l’alimentation de leurs enfants. Leur disponibilité et la préparation des repas, leurs comportements alimentaires, leurs interactions avec leurs enfants durant les repas et leur soutien comptent parmi les facteurs les plus influents (International Society for Behavioral Nutrition and Physical Activity, 2005). Au Québec, l’étude de Carrière (2003) fait aussi ressortir l’existence de liens positifs entre la consommation de fruits et légumes des adolescents et celle de leurs parents. La recherche de Schwartz (2007) montre également que de simples invitations à prendre un fruit de la part du parent entraînent une augmentation de la consommation de fruits chez son enfant.

Bref, qu’il soit question de pratique d’activité physique ou d’alimentation, les parents exercent une influence certaine sur les habitudes de vie de leurs enfants et adolescents, comme en témoignent les participants d’une récente recherche réalisée dans la région de la Mauricie (Trudeau, Czaplicki, Laurencelle, Deslandes, Rivard et Blais, 2008). Menée auprès de 600 élèves et de leurs parents, cette recherche consistait à étudier les effets potentiels du programme de promotion VAS-Y, implanté par le gouvernement du Québec en 2004, qui concernait les saines habitudes en alimentation et en activité physique des jeunes d’âge scolaire et de leurs parents, ainsi que les interactions jeunes-parents à propos de ces deux mêmes habitudes de vie. Les résultats indiquent que le père a une plus grande influence sur la pratique d’activités physiques, alors que la mère agirait davantage au regard d’une saine alimentation. Ces résultats seraient d’ailleurs plus marqués chez les élèves fréquentant l’école primaire.

2.2 Collaboration école-famille et promotion de saines habitudes de vie

La collaboration entre l’école et la famille a été étudiée sous de nombreux angles : la réussite scolaire, les aspirations scolaires, la prévention du décrochage scolaire, l’ajustement socioscolaire, etc. (Deslandes, 1996, 2005 ; Deslandes et Jacques, 2004). Pour Christenson et Sheridan (2001), la collaboration école-famille serait au coeur des apprentissages d’ordre scolaire, social et affectif des enfants et des adolescents. L’engagement et les croyances des parents à l’école et à la maison, voire les perceptions positives à propos de l’importance des buts d’éducation et de la collaboration, figurent parmi les indicateurs de cette collaboration. Toutefois, seulement quelques études ont combiné la collaboration école-famille et la promotion de la santé (Ciliska, Miles, O’Brien, Turl, Tomasik, Donovan et Beyers, 2000 ; Cramer et Iverson, 1999 ; Ornelas, Perreira et Ayala., 2007 ; Power, 2003). En outre, Ma et Zhang (2002, p. 83) précisent : […] la collaboration étroite avec les parents constitue une stratégie importante que peut utiliser le personnel de l’école afin de promouvoir des résultats et des comportements liés à la santé qui soient positifs chez les étudiants. Dans la même veine, selon Denman (1998), de nombreux intervenants scolaires voient les parents comme des collaborateurs essentiels en matière d’éducation à la santé à l’école. De plus, Cramer et Iverson (1999) signalent que les parents sont intéressés par ce qui se fait en matière de santé à l’école, et estiment que l’enseignant est une personne qui peut aider les élèves à adopter un mode de vie sain et actif. Les perceptions des enseignants et des parents semblent également complémentaires dans le rôle que chacun a à jouer en matière de promotion de la santé. En effet, chaque protagoniste voit l’autre comme un collaborateur en la matière. Enfin, des travaux indiquent que l’engagement parental apparaît comme essentiel dans la mise en oeuvre de stratégies visant non seulement la promotion de l’activité physique (Ornelas et collab., 2007), mais aussi celle de bonnes habitudes alimentaires chez les enfants d’âge scolaire (Ciliska et collab., 2000).

Malgré ces quelques preuves, Power (2003) considère que la recherche sur les relations école-famille en promotion de la santé auprès des jeunes en est encore à un stade embryonnaire. En effet, les mécanismes et les interactions qui composent la collaboration école-famille restent encore peu documentés en ce qui concerne la promotion de saines habitudes de vie auprès des élèves d’âge scolaire (Inchley, Muldoon et Currie, 2006). Ces chercheuses ont suivi quatre écoles primaires et secondaires dans leurs initiatives visant particulièrement la saine alimentation des élèves. Leur approche, essentiellement qualitative, et comportant des groupes de discussion ainsi que des observations directes, a mis en évidence le défi que constitue la collaboration des parents dans le cadre de ce type d’initiatives, un défi plus marqué pour les parents d’adolescents. En guise de piste de solution, Inchley et ses collaboratrices (2006) suggèrent la mise sur pied d’un regroupement de parents comme le School Nutrition Action Groups, dans le but d’améliorer leur engagement et la communication avec les partenaires scolaires. Ces constats nous incitent à examiner non seulement les perceptions des parents quant à l’importance accordée à la santé à l’école et à leur rôle en matière de santé, mais également leur engagement dans le cadre du déploiement d’une démarche structurante comme l’Approche école en santé.

2.3 L’Approche école en santé au Québec

L’Approche école en santé découle d’une entente de complémentarité entre les ministères de la Santé et de l’Éducation. Ainsi, elle en réunit des objectifs qui favorisent la réussite éducative (Ministère de l’Éducation du Québec et Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003). Issue de cette entente, la démarche structurante de l’Approche école en santé prend notamment ancrage dans le système éducatif par le biais des Programmes de formation de l’école québécoise (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2004 ; Ministère de l’Éducation du Québec, 2001). L’Approche école en santé est une avenue jugée prometteuse, notamment parce qu’elle repose sur une conception globale et concertée (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005). En effet, on qualifie cette dernière de globale, car elle touche six facteurs clés du développement des jeunes selon deux ordres : l’ordre individuel et l’ordre environnemental. En ce qui concerne l’ordre individuel, la conception touche : 1) l’estime de soi (par exemple, satisfaction personnelle), 2) la compétence sociale (par exemple, avoir des relations sociales de qualité), 3) les comportements sains et sécuritaires (par exemple, dans les loisirs et les sports), 4) les saines habitudes de vie (par exemple, activité physique). En ce qui concerne l’ordre environnemental, elle touche : 1) les environnements scolaire (par exemple, aménagement comme environnement physique), familial (par exemple, rapports avec l’école) et communautaire (par exemple, services et ressources du quartier) ainsi que 2) les services préventifs (par exemple, services de santé et services sociaux) (Figure 1). De plus, cette conception peut être qualifiée de concertée, car elle interpelle les différents acteurs gravitant autour de la formation de l’élève, les membres du personnel de l’école, de la famille et de la communauté. En somme, au carrefour des réseaux de l’éducation et de la santé, cette approche repose sur l’importance de faire appel à divers partenaires afin de favoriser la réussite éducative, la santé et le bien-être du jeune (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005).

Figure 1

L’Approche école en santé (inspiré du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005, p. 25)

L’Approche école en santé (inspiré du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005, p. 25)

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2.4 Modèles théoriques

Le modèle de Christenson et Sheridan (2001) et celui de l’Approche école en santé (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005) constituent les deux points d’assise théorique servant de guide pour la bonne conduite de l’étude, autant sur les plans théorique et méthodologique que pour l’analyse des résultats. Dans leur modèle, Christenson et Sheridan (2001) présentent les éléments clés pour optimiser les relations école-famille. Les auteures mettent l’accent sur un processus de partenariat représenté par quatre A : approche, atmosphère,actions et attitudes. Sous la rubrique de l’approche se retrouvent des indicateurs tels que le partage de buts communs, les croyances dans les buts visés en éducation et les bénéfices d’un travail en partenariat. C’est sous cette rubrique que s’insèrent les perceptions des parents examinées dans la présente étude. Il importe de connaître les croyances, les attentes et les rôles attendus de chacun, afin d’être au diapason et de développer une synergie axée sur une conception concertée, comme celle définie par l’Approche école en santé. Sous la rubrique de l’atmosphère sont considérés l’accueil réservé aux divers acteurs ainsi que les stratégies de communication visant à informer, à échanger et à mettre en place des mécanismes d’écoute et des occasions pour apprendre les uns des autres. C’est aussi sous cette rubrique que s’inscrivent les stratégies de communication des parents, associées dans la présente étude à la variable engagement parental. Sous la rubrique des actions, sont envisagés les dispositifs mis en oeuvre pour développer une responsabilité partagée entre les acteurs concernés. C’est là que s’insèrent les pratiques parentales exercées à l’école et à la maison, reliées également à la variable engagement des parents. Seule la rubrique attitudes n’a pas été retenue dans cette étude, car nous avons jugé prématurée l’analyse de ces manifestations (par exemple, confiance/méfiance), compte tenu du stade d’avancement du processus d’implantation de l’Approche école en santé. En effet, la relation de confiance se construit au fil des expériences et du temps.

De son côté, l’Approche école en santé s’inspire des théories écosystémiques qui postulent que l’enfant est influencé par les environnements multiples dans lesquels il vit (par exemple, Bronfenbrenner, 1986). Bien que cette approche soit globale (six facteurs clés) et concertée (différents acteurs), il appert que sa mise en oeuvre concrète sur le territoire québécois s’est effectuée de façon très graduelle jusqu’à ce jour, et n’a touché que certains établissements scolaires volontaires. Dans ce contexte, il paraîtrait audacieux de regarder le déploiement de ladite approche dans son ensemble. Considérant la présente étude dans un programme de recherche plus large, il nous semble plus réaliste d’examiner ici, de façon plus pointue, deux facteurs clés, dont l’un lié aux individus, soit les habitudes de vie spécifiques à l’activité physique et à l’alimentation, et l’autre, lié aux environnements scolaire et familial, notamment les parents, qui sont particulièrement concernés par le déploiement de l’approche.

Les objectifs poursuivis consistent donc à 1) examiner les perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé et 2) identifier de quelles façons ils s’engagent dans le déploiement de l’Approche école en santé à travers les environnements scolaire et familial.

3. Méthodologie

La méthodologie utilisée s’appuie sur les principes de recherche de l’étude de cas (Merriam, 1998 ; Yin, 2003). Un échantillonnage intensif (en profondeur), plutôt qu’extensif, constitue le mode approprié pour ce type de recherche (Beaugrand, 1988). L’étude du phénomène dans son contexte naturel et l’arrimage de données quantitatives et qualitatives permettront de mieux saisir la complexité et la richesse de la collaboration école-famille en matière de promotion des saines habitudes de vie dans le contexte de l’Approche école en santé au Québec. C’est ainsi que, dans le présent article, nous examinons le cas d’une école primaire de la Mauricie déployant l’Approche école en santé depuis l’année scolaire 2007-2008.

3.1 Sujets

L’école ciblée pour l’étude accueille environ 400 élèves (environ 200 familles) de la 1re année à la 6e année, et est cotée 3/10 du point de vue de l’indice de défavorisation calculé par le ministère de l’Éducation du Québec (2003). Mentionnons que, selon ce ministère (2003), le tiers de l’indice calculé repose sur la proportion de parents inactifs sur le plan de l’emploi, alors que les deux tiers correspondent à la proportion de mères sous-scolarisées.

Les critères suivants ont servi à la sélection des parents : parents d’enfants répartis sur les six niveaux d’enseignement, parents des deux sexes et autorisation signée et formelle à participer à l’étude. Sur les 120 parents qui ont retourné le questionnaire, l’échantillon final compte 74 parents, distribués comme suit : parents d’enfants répartis de la 1re année à la 6e année (enfants dont l’âge varie de 6 à 12 ans), majoritairement de sexe féminin (90,5 %) et âgés de 28 à 63 ans, avec une moyenne de 37 ans. Bien qu’un taux de participation plus équilibré selon le sexe aurait été souhaitable, ce pourcentage correspond à celui habituellement rencontré pour ce genre d’étude (Trudeau et collab., 2008). Près de 68,9 % des parents font partie d’une famille traditionnelle ; 16,2 %, d’une famille recomposée et 13,5 %, d’une famille monoparentale. Le nombre moyen d’enfants par foyer est de deux, avec une majorité d’entre eux comprenant de un à trois enfants (97,3 %). Le recrutement des parents en vue de l’entretien de groupe qui réunissait entre six et huit personnes (Kitzinger et Barbour, 1999) s’est fait au hasard en fonction des mêmes critères de sélection ; six des 74 parents ont été retenus.

3.2 Instrumentation et déroulement

Les données traitées dans le présent article proviennent d’un questionnaire administré en l’an 1 de la recherche (2007-2008) et d’un entretien de groupe, conduit en l’an 2 (2008-2009). Signalons ici que le questionnaire et le canevas de l’entretien de groupe sont disponibles sur demande écrite à la première auteure. Nos données visent à décrire les perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et leur engagement dans le déploiement de l’Approche école en santé. Le questionnaire a l’avantage de rejoindre un grand nombre de participants qui ont l’occasion de répondre librement à un sujet précis (Fink et Kosecoff, 1998). Quant à l’entrevue de groupe, elle constitue un outil complémentaire qui permet d’approfondir les variables à l’étude, et de faire ressortir la dimension sociale concernant ces mêmes variables (Kitzinger et Barbour, 1999 ; Savoie-Zajc, 2003).

3.2.1 Questionnaire

Le questionnaire s’inspire d’abord du modèle de Christenson et Sheridan (2001), déjà utilisé dans l’étude de Trudeau et ses collaborateurs (2008), et repris en partie par Czaplicki (2009). Dans l’étude de ce dernier, les items référant aux pratiques parentales avaient obtenu une cohérence interne élevée (α de Cronbach de 0,725). Le questionnaire prend également assise sur le cadre de l’Approche école en santé (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005). Le questionnaire couvre les six facteurs clés du développement de l’enfant ou de l’adolescent, comme le propose l’approche, tout en prenant particulièrement en compte certaines grandes préoccupations des éducateurs à l’égard de leurs élèves : 1) les habitudes de vie spécifiques à l’activité physique et à l’alimentation et 2) aux environnements scolaire et familial. Avant la passation dudit questionnaire, celui-ci a été vérifié par deux experts universitaires du domaine de l’éducation à la santé et administré ensuite auprès de six parents (1 parent/niveau), afin d’assurer la compréhension des énoncés par les participants et d’estimer la durée de passation, finalement d’une vingtaine de minutes. Quelques corrections, surtout au niveau de la terminologie, ont été apportées avant l’envoi des questionnaires à l’hiver 2008, et ce, par l’intermédiaire de l’agenda des élèves.

Le questionnaire comportait les six grandes sections : votre profil sociodémographique (par exemple, Vous êtes un homme ou une femme) ; votre quartier (par exemple, Votre quartier est-il sécuritaire pour votre enfant ? Oui ; Plus ou moins ; Non) ; l’école et votre enfant (par exemple, Avez-vous l’impression que la santé de votre enfant est importante à l’école ?Oui ; Plus ou moins ; Non) ; l’école et vous (par exemple, Aimeriez-vous participer davantage aux activités de l’école de votre enfant ?Oui ; Non ; Je ne sais pas) ; l’école et la santé (par exemple, Pour vous, la prise en charge de la santé à l’école est : Très importante ; Importante ; Peu importante ; Pas importante du tout) ; et enfin votre enfant et la santé (par exemple, Est-ce que vous encouragez votre enfant à adopter de saines habitudes de vie ?). Seule la section sur le quartier, soit l’environnement communautaire, n’a pas été retenue pour cet article, car elle aurait nécessité une analyse de cet environnement de l’enfant, ce qui dépassait largement les paramètres ciblés dans le présent article. Précisons que le questionnaire comprend des questions fermées, dont les choix de réponses varient entre 2 et 4 points sur une échelle de Likert, ainsi que des questions ouvertes, permettant d’approfondir certains énoncés (par exemple, Pourquoi ?Expliquez.).

3.2.2 Entretien de groupe

Rappelons que six parents (un parent/niveau scolaire ; F = 5, H = 1) ont été recrutés parmi ceux qui avaient répondu au questionnaire et qui avaient accepté de participer à l’entretien de groupe. Nous avons élaboré le canevas de l’entretien à partir des faits saillants issus des questionnaires et sur lesquels les membres de l’équipe école souhaitaient voir les chercheuses se pencher plus attentivement. Le processus de validation de contenu du canevas d’entretien s’est inspiré de celui pour le questionnaire et, au final, il était constitué de cinq sections : 1) l’introduction ; 2) la santé et l’école ; 3) la santé et la famille ; 4) la santé et la communauté et 5) une courte conclusion. Cela représentait en tout une douzaine de questions. Dans le cadre de cet article, nous ne traiterons que les sections concernant la santé et l’école (par exemple, Selon vous, c’est quoi l’Approche école en santé ici à l’école X ? Expliquez un peu), de même que la santé et la famille (par exemple, À titre de parents, quelles sont les pratiques que vous privilégiez pour encourager ou éduquer votre enfant sur tout ce qui touche la santé ? Avez-vous des exemples précis ?) L’entretien de groupe a eu lieu à l’école même, le 17 novembre 2008, et a duré environ 90 minutes, de 19 h à 20 h 30. L’entretien a été enregistré sur bande sonore afin d’en faciliter la transcription. La rencontre avait été préparée par des étudiants de 1er et 2e cycles inscrits en Enseignement de l’éducation physique et à la santé ainsi qu’en Sciences de l’activité physique, à l’Université du Québec à Trois-Rivières, et elle a été animée par ceux du 1er cycle. Tous avaient préalablement reçu une formation pour intervenir dans le cadre de groupes de discussion.

Rappelons que les deux outils de collecte de données visent à décrire les perceptions et l’engagement des parents sous l’angle des habitudes de vie liées à l’activité physique et à l’alimentation, à travers les environnements scolaire et familial.

3.3 Méthode d’analyse des données

Les données qualitatives issues des réponses ouvertes du questionnaire et de l’entretien de groupe ont été analysées à partir de la méthode d’analyse de contenu mixte de L’Écuyer (1990). Cette procédure consiste à faire appel à des catégories prédéterminées dans les écrits scientifiques, tout en laissant place à l’apparition de nouvelles catégories. L’utilisation du logiciel Atlas-ti (version 5.0) permet de travailler au découpage, au codage et au regroupement des unités de sens, à l’émergence de typologies et à l’analyse des similitudes et divergences entre les propos des différents participants de l’étude. Quant aux réponses fermées issues du questionnaire, elles ont été analysées à l’aide du logiciel SPSS (version 13.0), surtout pour réaliser des analyses statistiques descriptives simples, comme les fréquences et les pourcentages, mais aussi des tests du χ2 servant à détecter une hétérogénéité dans les distributions de fréquences.

3.4 Considérations éthiques

À chacun des questionnaires envoyés à la maison à l’hiver 2008 était annexé un formulaire de consentement, qui présentait les grandes lignes de la recherche s’échelonnant sur trois ans et qui assurait surtout la confidentialité des résultats. Les participants ont été informés non seulement des normes de confidentialité qui assurent leur anonymat grâce à la dénominalisation utilisée lors de la collecte et de l’analyse des données, mais aussi des diverses formes de diffusion de l’étude. Ainsi, les parents ont rempli les questionnaires et les formulaires de consentement (an 1) et ils les ont retournés à l’école dans une enveloppe prévue à cet effet. Quant à ceux qui participaient à l’entretien de groupe (an 2), le recrutement par téléphone a été facilité par les informations fournies grâce aux formulaires de consentement, préalablement complétés en l’an 1, au moment de l’administration des questionnaires. Les données originales (questionnaires, formulaires de consentement, transcription des entretiens) sont entreposées au Laboratoire de recherche en intervention de l’activité physique, à l’Université du Québec à Trois-Rivières. La présente étude a déjà reçu l’aval du comité d’éthique de l’Université (Certificat d’éthique numéro 07-125-07.05).

4. Résultats

Fidèles aux objectifs de l’étude, les résultats sont présentés selon l’apport des données issues des questionnaires et de l’entretien de groupe. Ces résultats se divisent en deux sections : 1) les perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé ; 2) l’engagement des parents à travers les environnements scolaire et familial sous l’angle de leurs stratégies de communication avec les différents membres du personnel de l’école, ainsi que sous l’angle de leur participation aux diverses activités de l’école et aux activités familiales spécifiquement reliées à l’adoption de saines habitudes de vie de leur enfant.

4.1 Perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé

4.1.1. Perception des parents à l’égard de la santé à l’école

Interrogés par questionnaire sur l’importance qu’ils accordent à la prise en charge de la santé à l’école, les parents (n = 74) reconnaissent tous d’emblée l’importance de la santé à l’école (très important = 75,7 % et important = 24,3 %). Toutefois, l’importance de la prise en charge de la santé à l’école semble différer selon leur groupe d’âge : les parents âgés de 35 ans et moins y accordent une plus grande importance (χ² = 5,291 ; ddl=1 ; p = 0,021). De plus, presque tous les parents de notre échantillon (97,3 %) ont l’impression que la santé et le bien-être de leur enfant sont importants à l’école. C’est dans une grande majorité (91,9 %) qu’ils perçoivent justement cette école comme une école en santé (Selon vous, l’école de votre enfant est-elle une « École en Santé » ? Oui ; Plus ou moins ; Non) (Tableau 1). En entretien de groupe, les parents (n = 6) estiment que leur école est en santé, d’abord parce que des activités thématiques comme le soccer-o-thon (parties de soccer continues réunissant les enfants et les adultes lors d’une journée hors scolaire) figurent encore au programme. Ils indiquent aussi que les sorties scolaires sont en lien avec l’activité physique et que l’alimentation saine est valorisée tant au service de garde qu’à l’école. Les parents font également valoir que les activités À la découverte de produits santé chez un épicier du quartier, les deux heures d’éducation physique en moyenne par semaine, en particulier les périodes en plein-air, la valorisation du transport actif et les devoirs interactifs en remplacement des devoirs scolaires à raison d’une fois par mois contribuent à garder leur école en santé.

De plus, les parents interrogés par questionnaire reconnaissent la volonté de l’école de prendre en charge, dans l’environnement scolaire, les saines habitudes de vie et, en particulier, la pratique de l’activité physique. En effet, ils jugent que l’environnement scolaire de leur enfant est sécuritaire (93,2 %) et que la programmation offerte à l’école favorise la pratique d’activité physique en dehors des cours d’éducation physique et à la santé (91,9 %). Les parents interrogés sur ces mêmes sujets lors de l’entretien perçoivent leur école comme sécuritaire, notamment parce que les allergies, faisant l’objet de plusieurs communications entre l’école et  la famille, y sont largement démystifiées, et qu’une surveillance est omniprésente aux abords de l’école. Toutefois, malgré leur vision positive de la santé à l’école et des activités mises de l’avant, des participants à l’entretien de groupe ont également proposé de nouvelles pistes d’action visant l’amélioration de la santé des élèves à l’école, comme un plus grand nombre d’activités physiques et des récréations actives plus longues. Enfin, quelques parents suggèrent plus d’activités parents/enfants du type devoir interactif, qui ne revient qu’une seule fois par mois.

4.1.2. Perception du rôle des parents en matière de promotion de la santé

Comme nous l’avons mentionné précédemment, les parents considèrent leur école en santé. Que perçoivent-ils de leur rôle au sein de l’école en matière de santé ? Les résultats issus des questionnaires révèlent que 70,3 % (au-delà du deux tiers) d’entre eux estiment qu’ils sont des acteurs clés en matière de santé à l’école (Pensez vous être un acteur clé en matière de santé à l’école ? Oui ; Non) et qu’ils encouragent leur enfant (Est-ce que vous encouragez régulièrement votre enfant à adopter de saines habitudes de vie ? Oui ; Plus ou moins ; Non) (Tableau 1). L’entretien de groupe a permis d’approfondir ces deux questions. Au total, 97,3 % des parents estiment jouer un rôle encore plus grand en contexte familial qu’en contexte scolaire. Montrer le bon exemple aux enfants est une de leurs grandes préoccupations, à tel point que des parents ont avoué avoir, à l’insu de leur enfant, des écarts de conduite, comme manger du chocolat en cachette, alors que d’autres s’interrogent sur la quête d’équilibre en matière d’éducation à la santé : Est-ce que j’exagère ?Est-ce que j’en fais assez pour mon enfant ? Ainsi, les parents perçoivent que leur rôle dans la promotion de l’éducation à la santé consiste surtout à fournir des encouragements et du modelage.

Tableau 1

Perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé

Perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé

* Pourcentage total inférieur à 100 % à cause de données manquantes.

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4.2 Engagement des parents à travers les environnements scolaire et familial

4.2.1 Stratégies de communication

Les parents ont été interrogés sur leur possibilité de communiquer, de façon générale, avec les différents membres du personnel de l’école. Selon la majorité d’entre eux, il est facile de communiquer avec l’enseignant ou le titulaire de classe de leur enfant (94,6 %), avec la direction de l’école (95,9 %), avec les intervenants du service de garde (90,5 %), avec le personnel de soutien (87,8 %), avec le personnel complémentaire (78,4 %), comme l’orthopédagogue ou la psychologue, et enfin avec les spécialistes (74,3 %), comme les enseignants en éducation physique et à la santé ou en anglais. De façon plus spécifique, 66,2 % disent que c’est l’école qui les sollicite au sujet de la santé de leur enfant.

À la sous-question portant sur les stratégies de communication à ce sujet, on retrouve en tête de liste les activités organisées par l’école (50,0 %) ; viennent ensuite les mémos (47,3 %) et les devoirs de l’enfant (40,5 %) (Tableau 2). Ces résultats, issus des questionnaires, indiquent que la communication entre le personnel de l’école et les parents ne semble pas constituer un obstacle dans les activités de collaboration école-famille en matière de santé, même si le Bulletin scolaire n’est pas le principal véhicule en matière de santé (16,2 %).

4.2.2. Engagement dans les activités scolaires et familiales

Une section du questionnaire concernait la participation des parents aux diverses activités de l’école. Les résultats montrent que la plupart des répondants participent aux rencontres parents-enseignants (94,6 %), et qu’il en va de même pour les activités en classes (86,5 %), comme en témoigne le tableau 2. Notons qu’on observe une différence significative en ce qui a trait à la participation parentale aux activités en classe selon le type de famille : traditionnelle (2 parents), reconstituée (2 adultes), monoparentale (1 adulte) ou famille d’accueil (χ² = 4,908 ; ddl=1 ; p = 0,027). En effet, la répartition des données semble indiquer que les parents de familles monoparentales ou reconstituées répondent moins aux invitations à participer aux activités dans les classes que ceux de familles traditionnelles. De plus, les parents participent aux activités familiales organisées par l’école dans une proportion de 71,6 %, ainsi qu’aux sorties scolaires à 55,4 %. Enfin, un peu plus d’un parent sur dix (14,9 %) fait partie de comités scolaires formels (par exemple, conseil d’établissement, organisme où la participation des parents est requise). À part la participation aux activités en classe différenciée selon le type de famille, on n’observe pas de différence significative pour les autres types d’activités scolaires, et ce, selon les autres variables, comme le sexe du parent répondant, son niveau de scolarité ou sa situation d’emploi. Il est intéressant de noter que près de la moitié des parents interrogés (44,6 %) désirent participer davantage aux activités de l’école (Aimeriez-vous participer davantage aux activités de l’école de votre enfant ? Oui ; Non ; Je ne sais pas) ; en entretien de groupe, des parents soulignent toutefois que leur emploi du temps ne leur permet pas d’y participer davantage.

Tableau 2

Type d’engagement des parents dans le déploiement de l’Approche école en santé à travers les environnements scolaire et familial

Type d’engagement des parents dans le déploiement de l’Approche école en santé à travers les environnements scolaire et familial

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Nous avons tenté de sonder l’engagement des parents lors de l’entretien de groupe : À titre de parents, quelles sont les pratiques que vous privilégiez pour encourager ou éduquer votre enfant sur tout ce qui touche la santé ? Avez-vous des exemples précis ? Les parents disent avoir plus d’occasions d’encourager leur enfant dans le milieu familial, puisque c’est le lieu idéal pour prêcher par l’exemple, en servant de modèles aux enfants lors de la pratique d’activités sportives avec eux, ou encore lors du partage de repas santé en famille. Ils ajoutent assurer un encadrement serré auprès de leur enfant, comme en témoigne un parent qui n’autorise l’utilisation de l’ordinateur que dans le cadre des travaux scolaires. Un parent raconte qu’il impose des activités physiques à chacun de ses enfants, même à sa fille moins sportive, qui pratique la peinture. Les autres interventions parentales concernent la mise en place d’un horaire fixe réservé aux repas, aux activités de loisirs actifs et aux devoirs.

5. Discussion des résultats

Les objectifs de l’étude consistaient d’abord à examiner les perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé, puis à identifier de quelles façons ils s’engagent dans le déploiement de l’Approche école en santé à travers les environnements scolaire et familial. Nos résultats font émerger des intersections intéressantes entre l’école et les familles et nous invitent à explorer le processus de développement de relations constructives, jugées cruciales dans le déploiement optimal de l’Approche école en santé au primaire (Deschesnes et collab., 2008). C’est ainsi que les faits saillants, abordés au chapitre des résultats et se rapportant aux variables perception et engagement, sont discutés à la lumière des trois A du modèle de Christenson et Sheridan (2001) : l’approche, l’atmosphère et l’action.

5.1 Perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé

Les trois quarts des parents ont indiqué que la prise en charge de la santé à l’école était très importante. Ces résultats rejoignent ceux de Cramer et Iverson (1999), selon lesquels, pour les parents, l’école, plus particulièrement les enseignants, peuvent avoir une influence importante sur la santé des enfants. Fait à signaler, nos résultats révèlent des différences dans les croyances des parents en fonction de leur âge, les plus jeunes parents étant en faveur d’une plus grande prise en charge de la santé par l’école. Sans leur dénier des responsabilités à cet égard, il se peut que les plus jeunes familles croulent sous le fardeau de nombreuses responsabilités et sollicitations provenant de toutes parts (par exemple, mères qui travaillent à l’extérieur, performance exigée dans les milieux de travail, suivi scolaire et suivi lors d’activités parascolaires, etc.), et ressentent le besoin d’être épaulées dans ce sens. Il est possible également que les plus jeunes familles soient davantage sensibilisées au mandat scolaire à propos de la santé et à l’importance de prendre soin de celle-ci.

Presque tous les parents (97,3 %) pensent que la santé et le bien-être de leur enfant sont importants pour les éducateurs de l’école. Les parents semblent donc croire à un partage de buts communs comme ceux proposés dans la rubrique approche du modèle de Christenson et Sheridan (2001). Cette perception des parents semble traduire les intentions éducatives explicitées dans le plan de réussite de l’école, axé sur la santé globale de l’élève et, plus particulièrement, sur l’activité physique et l’alimentation. La perception des parents tient peut-être des types d’activités offertes à l’école, qui implante justement l’Approche école en santé à travers ces deux habitudes de vie. Ces résultats sont congruents, d’une part, avec ceux de la vaste enquête menée par Deschesnes et ses collaboratrices (2008) dans le réseau scolaire québécois et, d’autre part, avec plusieurs orientations ministérielles comme Pour un virage santé à l’école (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2007), puisque l’accent y est mis sur ces deux habitudes de vie que sont l’activité physique et l’alimentation.

Rappelons que plus des deux tiers des parents interrogés par questionnaire se voient comme des acteurs clés en matière de santé à l’école. D’ailleurs, ils reconnaissent leur responsabilité à cet effet, puisque 97,3 % d’entre eux encouragent régulièrement leur enfant à adopter de saines habitudes de vie, particulièrement en lien avec l’activité physique et l’alimentation. De plus, ces résultats concordent avec ceux d’études antérieures qui mettent de l’avant l’importance de la responsabilité parentale dans la promotion de saines habitudes de vie (Gustafson et Rhodes, 2006 ; Sallis et collab., 2000). En revanche, on peut se questionner sur le fait que les parents perçoivent leur rôle davantage dans l’environnement familial. Devons-nous comprendre que, pour bon nombre d’entre eux, l’éducation à la santé commence et se poursuit avant tout au sein de la famille ? Peut-on en conclure que certains membres du personnel scolaire et parents interviennent en vase clos dans leur environnement respectif, scolaire ou familial ? Si tel est le cas, comment alors assurer une cohérence et une complémentarité entre la famille et l’école ? Ne serait-il pas pertinent d’examiner les intersections possibles des milieux scolaire et familial en ce qui concerne l’éducation à la santé ? N’est-ce pas là le principal défi que doive relever l’Approche école en santé ou toute autre initiative de collaboration entre l’école et la famille ? Outre la nécessité d’une collaboration interministérielle découlant des grandes conclusions de Deschesnes et de ses collaboratrices (2008), nous estimons qu’à plus petite échelle, une des pierres angulaires du déploiement de l’Approche école en santé est justement la collaboration école-famille. À notre avis, ces questions méritent une attention particulière et constituent des pistes de recherche à explorer.

5.2 Engagement des parents à travers les environnements scolaire et familial

Les résultats ont révélé que la communication entre le personnel de l’école et les parents ne semble pas constituer un obstacle dans les activités de collaboration école-famille. Selon le modèle de Christenson et Sheridan (2001), l’atmosphère renvoie justement au climat de collégialité qui règne dans l’école lorsque des activités nécessitent la collaboration école-famille. Les relations entre l’école et la famille ne sont possibles que s’il existe un climat de confiance et un esprit de collaboration (Conseil de la famille et de l’enfance, 2000). Christenson et Sheridan (2001) soulignent qu’une atmosphère propice aux relations entre l’école et la famille se caractérise non seulement par une communication efficace, mais aussi par une volonté mutuelle de résolution de problème. Or, nos résultats révèlent qu’il est facile, pour les parents, de communiquer avec les différents membres du personnel de l’école. Toutefois, il serait intéressant de vérifier également si les parents se sentent à l’aise de communiquer à propos de certains aspects de la santé susceptibles d’en indisposer quelques-uns. Il serait également pertinent d’examiner de plus près les caractéristiques de leurs communications. À ce sujet, Goupil (1997) dégage plusieurs principes pour favoriser la communication avec les parents, tels que l’écoute active, la transmission de l’information, l’encouragement de l’expression ainsi que le maintien du contact.

Les parents affirment participer en grande partie aux différentes activités de l’école. Un tel constat est prometteur, compte tenu que l’engagement des parents dans l’éducation à la santé des jeunes est un élément clé pour que ces derniers adoptent un mode de vie sain et actif (McKenzie, 2003). Comme le proposent Christenson et Sheridan (2001) dans leur modèle, l’action correspond à des activités et à des dispositifs mis en oeuvre pour développer des relations positives entre l’école et la famille, voire une plus grande collaboration école-famille. Les activités proposées doivent soutenir la famille, afin qu’elle puisse offrir à l’enfant un environnement familial propice aux apprentissages (Deslandes, 2005, Deslandes, Bastien, Lemieux et Fournier, 2006), et mettre l’accent sur des expériences de socialisation (Bempechat, Graham et Jimenez, 1999). En outre, les parents ne doivent pas être considérés comme des acteurs passifs, mais plutôt comme des agents actifs dans les relations de collaboration (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005). De plus, les parents interrogés dans le cadre de notre étude souhaitent davantage d’activités scolaires comportant un volet parent-enfant. À notre avis, il faudrait de nouvelles activités liées à la santé et réalisées entre parent et enfant, comme les devoirs interactifs en substitution aux devoirs scolaires traditionnels (Collet, Rivard et Blais, 2007), et qu’elles soient menées de façon régulière. Il pourrait également s’agir d’activités physiques en dyade de type parent-enfant, comme la marche, le vélo et d’autres activités liées à l’alimentation, comme la préparation d’un repas ou d’un mets favori.

Ainsi, la participation des parents aux diverses activités de l’école est essentielle et se décline de diverses façons. À l’instar de nombreuses études antérieures (Deslandes, 2001, 2005), les parents de familles traditionnelles participent davantage aux invitations dans les classes que ceux de familles monoparentales ou reconstituées. L’emploi du temps des parents semble faire obstacle à une plus grande participation aux activités de l’école. Ces constats rejoignent les résultats des travaux qui ont montré l’importance de tenir compte du mode de vie des familles et de leur disponibilité, dans le cadre d’invitations aux parents à s’engager dans la vie scolaire de leur enfant (Hoover-Dempsey et collab., 2005), notamment en matière de promotion de saines habitudes de vie (Inchley et collab., 2006). Ces préoccupations trouvent aussi ancrage dans la rubrique atmosphère du modèle de Christenson et Sheridan (2001), où il est question d’accueil et d’ouverture.

En résumé, l’Approche école en santé constitue la toile de fond de la collaboration école-famille. Quelle est l’approche privilégiée par l’école pour favoriser la collaboration école-famille ? À ce sujet, les écrits de recherche sont univoques : en tant qu’agents de socialisation essentiels au développement harmonieux de l’élève, l’école et la famille doivent collaborer (Deslandes, 2006). Toutefois, la nature, la qualité et la fréquence de leurs relations varient. Souvent, les relations entre l’école et la famille sont peu nombreuses et se limitent à des situations où l’élève éprouve des difficultés (Deslandes, 1996 ; Goupil, 1997). Pour favoriser la collaboration, les relations école-familles doivent être vues comme une priorité : les occasions de rencontres devraient être variées et permettre des échanges positifs (Deslandes, 2006).

6. Conclusion

Les objectifs de l’étude étaient de décrire comment les parents perçoivent la santé à l’école et de quelles façons ils s’y engagent à travers les environnements scolaire et familial. À l’issue d’un questionnaire administré à 74 parents et d’un entretien de groupe réalisé auprès de six d’entre eux, les résultats mettent en relief que les parents perçoivent de façon très positive les initiatives mises de l’avant par l’école pour favoriser la santé, le bien-être et la réussite éducative des élèves. Plus de la moitié d’entre eux se disent concernés en matière de santé ; certains souhaitent même l’être davantage, tandis que plusieurs estiment jouer un rôle plus important dans l’environnement familial. Les résultats montrent bien que les parents perçoivent la santé essentiellement au sens des habitudes de vie, en l’occurrence l’activité physique et l’alimentation. Il importe de dépasser le stade des habitudes de vie couramment mentionnées par les parents afin de s’inscrire dans une réelle démarche de santé globale, au sens de l’Approche école en santé.

Malgré des précautions visant à assurer une entière confidentialité des résultats et un climat de confiance lors du groupe de discussion, l’étude s’appuie essentiellement sur les perceptions des parents et échappe à une réalité que certains d’entre eux ne nous ont peut-être pas dévoilée. De plus, bien que des précautions méthodologiques aient été prises, l’effet de désirabilité chez les parents a peut-être teinté leurs opinions. Cela dit, cette étude de cas nous autorise à tracer un premier portrait et à dégager quelques tendances au sein de la collaboration école-famille, dans le contexte de l’Approche école en santé.

Certes, il importe de préciser que la présente étude portait sur un cas unique et ne cherchait donc pas à généraliser les résultats auprès de tous les parents québécois. Toutefois, l’apport d’autres groupes d’acteurs, tels que les membres du personnel de l’école, contribuera indubitablement à apporter un éclairage plus complet quant aux mécanismes et interactions qui composent la collaboration école-famille inhérente au déploiement de ladite approche. De même, une étude éventuelle permettrait d’observer les changements dans les rôles, les pratiques, les normes et les tensions qui surviennent dans le déploiement de toute nouvelle approche. Dans un tel contexte, l’étude des attitudes devient un incontournable pour développer une compréhension globale du phénomène et pour en assurer la pérennité. Par exemple, une étude longitudinale, faisant appel à des entrevues et à des observations en milieu naturel, permettrait d’examiner à plus long terme le développement d’une culture partenariale dans le contexte de ladite approche : la collégialité, les liens de confiance et l’expression des attentes entre les groupes d’acteurs. L’idée d’un regroupement formalisé de parents qui assume une responsabilité, par exemple de la qualité et du service des repas fournis à l’école (Inchley et collab., 2006) nous paraît également une piste sérieuse à envisager pour améliorer leur engagement et la communication avec les éducateurs scolaires.

Quoi qu’il en soit, la réunion des objectifs de deux grands réseaux québécois, éducation et santé, reste à raffiner, tant au point de vue idéologique qu’opérationnel. Enfin, de nouvelles conceptions de l’école en santé émergent au Québec et le présent numéro thématique apparaît comme une occasion privilégiée de partager et de consolider les savoirs entourant le développement optimal des enfants et des adolescents et, tout particulièrement, l’apport incontournable des parents dans le système éducatif contemporain.