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L’histoire n’est pas une discipline neutre, et la question de son enseignement suscite régulièrement la polémique, comme en témoigne le nouveau programme québécois d’histoire nationale au deuxième cycle du secondaire (2016). L’ouvrage collectif Quel sens pour l’histoire?, cosigné par six didacticiens et enseignants, propose une lecture critique du programme en question, et, sur la base de celle-ci, un manifeste en faveur d’un enseignement de l’histoire en tant que science.

En premier lieu, Yelle et Déry présentent un état de question des principales études en didactique de l’histoire. Il s’agit de montrer la pertinence de placer la pensée historienne au centre de l’enseignement de l’histoire afin de problématiser les savoirs et permettre aux élèves de mener une démarche d’enquête (p. 47). Éthier et Lefrançois dressent ensuite un inventaire exhaustif des programmes québécois d’histoire nationale depuis les années 1960-1970 en explicitant leurs visées citoyennes et méthodologiques. À cela succède une analyse du contenu du plus récent d’entre eux par Boutonnet qui met en exergue la distance qui existe entre le rapport Beauchemin/Fahmy-Eid, plutôt équilibré quant à l’acquisition de connaissances et de compétences, et le programme actuel, essentiellement tourné vers les premières. Enfin, Demers s’intéresse aux ambitions que celui-ci renferme en s’interrogeant sur la dialectique nation-mémoire-identité.

En ce qui concerne le contenu du nouveau programme, si le fait de retrouver une chronologie continue sur deux ans peut être perçue comme bénéfique au regard des redondances issues de l’ancienne mouture, on ne peut que s’interroger, à l’instar des auteurs, sur le retour à un récit essentiellement national(iste), peu inclusif, car centré sur le destin de la nation canadienne-française, et non sur l’histoire de la société québécoise dans son ensemble.

L’histoire devrait-elle être enseignée avant tout comme une science afin de remédier au paradigme de l’histoire-récit et ses défauts ataviques? S’il s’agit d’accorder une plus grande place à l’apprentissage de la méthode historique et à sa pratique, cela semble plus que nécessaire. L’enseignement de l’histoire peut s’appuyer sur une dialectique histoire-problèmes/histoire-récits – et non l’inverse – qui permet l’acquisition de compétences méthodologiques, de connaissances et d’un esprit critique. Cela suppose l’accompagnement d’enseignants capables d’inscrire cette pratique dans une narration historique globale, plurivoque, ce qui est certainement déjà le cas, malgré le paradigme national du nouveau programme. L’apprentissage ne peut plus reposer sur le seul récit dont la capacité à susciter l’intérêt et à transmettre des connaissances est largement surestimée, voire idéalisée. La quête de l’autonomie intellectuelle, pourvu qu’elle ne se transforme pas en un relativisme excessif envers les savoirs et leurs méthodes, devrait être un objectif majeur de l’apprentissage de l’histoire.

On ne peut que saluer la démarche des auteurs qui permet d’enrichir et de clarifier un débat public parfois enclin aux raccourcis. Voilà une lecture stimulante pour les maîtres d’histoire, présents et à venir!