Corps de l’article

1. Introduction

Depuis plus de dix ans, c’est-à-dire depuis la parution en 2006 d’un article de journal (Robitaille, 2006a) annonçant les grandes lignes d’un nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada au secondaire, l’enseignement de l’histoire au Québec a fait l’objet de débats souvent houleux. La passion engendrée par ce débat provient, premièrement, de ce que les programmes d’études ou les manuels scolaires reproduisent des valeurs au moins autant qu’ils diffusent des connaissances factuelles ou techniques (Apple, 1979 ; Apple et Christian-Smith, 1991 ; Bourdieu et Passeron, 1970 ; Mounier, 2001) et de ce que, deuxièmement, les controverses en sciences humaines et sociales exigent une professionnalisation et une spécialisation moins poussées que celles en sciences pures, ce qui permet à davantage d’intervenant⋅e⋅s d’y participer et d’y importer leurs préoccupations, intérêts et attentes (Gingras, 2014). Les questions soulevées étant larges et la foule des participante⋅s étant nombreuse et disparate, les polémiques ont tendance à s’éterniser et à s’envenimer. Il convient de comprendre les controverses non pas comme un débat entre des intervenant⋅e⋅s qui cherchent à se convaincre les un⋅e⋅s les autres de la pertinence de leurs arguments, mais bien comme une confrontation qui se donne en spectacle dans le but de convaincre le jury (le public qui assiste à la controverse par le biais des interventions dans les médias, par exemple) en disqualifiant les arguments de l’autre (Lamy, 2015).

La présente contribution cherche à comprendre comment se sont déployées les history wars au Canada anglais et au Québec en prenant pour cadre d’analyse le modèle développé par Chateauraynaud (2011). Selon cet auteur, l’importance d’une cause sociale ne peut s’expliquer uniquement en fonction de l’efficacité ou de l’inefficacité des réseaux de communication de ses partisan⋅ne⋅s ou par le contexte général. On doit en effet tenir compte des éléments globaux et locaux pour comprendre le degré d’appui du public à une cause, les stratégies de ses défenseur⋅se⋅s et les changements apportés à une structure donnée. Le tableau 1 présente les six phases de l’émergence d’une cause sociale selon Chateauraynaud (2011). Bien que ce dernier reconnaisse lui-même que les phases ne se déroulent pas toujours de cette façon, il nous semble pertinent de nous référer à ce modèle pour mieux comprendre et situer les interventions du débat et les objectifs des parties.

Tableau 1

Phases de la trajectoire d’une cause selon Chateauraynaud (2011)

Phases de la trajectoire d’une cause selon Chateauraynaud (2011)

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En nous servant du cadre de référence élaboré par Chateauraynaud (2011), nous souhaitons retracer les étapes des débats à propos de l’enseignement de l’histoire au Québec et au Canada sous de nouveaux angles. Cette démarche exploratoire se veut complémentaire à celle d’autres chercheur⋅se⋅s qui ont étudié les enjeux de la controverse (Lemieux, 2019), les évènements marquants des premiers moments de celle-ci (Bouvier, 2008) ou encore les arguments des protagonistes (Boutonnet, Cardin et Éthier, 2011). Elle ne vise pas non plus à recenser tous les écrits publiés dans le cadre de ce débat. De nombreux ouvrages collectifs et monographies font état de débats sur l’enseignement de l’histoire un peu partout dans le monde (Carretero, Asensio et Rodriguez-Moneo, 2012 ; Davies, 2011 ; Nakou et Barca, 2010 ; Nash, Crabtree et Dunn, 1997 ; Schissler et Soysal, 2005 ; Taylor et Guyver, 2012). Avec l’appui de ces écrits, nous relevons des points de comparaison qui permettront d’éclairer certains aspects des controverses canadienne et québécoise.

Notre objectif est donc de présenter la trajectoire des controverses entourant l’enseignement de l’histoire du Canada et de celle du Québec dans l’intention de donner un sens à la séquence des évènements et de mieux comprendre pourquoi la controverse au Québec a été soulevée avec plus de force qu’au Canada. Nous exposons d’abord les contours de la controverse au Canada, puis de celle du Québec, pour conclure par une discussion sur les constats à tirer de la comparaison entre les deux.

2. Controverse de l’enseignement de l’histoire du Canada

Lorsque la polémique sur l’enseignement de l’histoire au Canada est déclenchée à la fin des années 1980, des débats semblables ont cours dans différents endroits du monde. L’émergence d’un tel débat aux États-Unis accompagne la formulation de standards nationaux pour l’enseignement de l’histoire au début des années 1990. Pour Nash, Crabtree et Dunn (1997), la controverse est liée à l’opposition entre la gauche et la droite, qui s’affrontent sur le terrain de l’histoire depuis plus de 100 ans. Pour les trois chercheur⋅se⋅s, quel que soit le terrain sur lequel se déroule cet affrontement, que ce soit les musées, les écoles ou les universités, ce type de controverse est le symptôme d’une remise en question de l’identité nationale. Avant même la publication de standards nationaux, la presse conservatrice n’avait-elle pas dénoncé le document préparatoire dans lequel, s’insurgeait-on, George Washington ne faisait qu’une « brève apparition » (Nash, Crabtree et Dunn, 1997, p. 3)  ? De même, au Royaume-Uni, la controverse a émergé au moment de la révision générale des programmes d’études et a connu maints revirements depuis les années 1990, au fil de l’élection de gouvernements d’allégeances identitaires et idéologiques diverses. Dans ce pays aux identités éclatées, c’est la définition de la « britannicité » qui pose problème (Guyver, 2012).

Signe que les craintes canadiennes s’inscrivent dans l’air du temps, les origines de l’émergence de la cause de l’enseignement de l’histoire du Canada reprennent les motifs états-uniens et britanniques. La petite histoire raconte que Charles Bronfman, ému et impressionné de côtoyer plusieurs grands personnages canadiens lorsqu’il reçoit l’Ordre du Canada en 1982, décide de mettre sur pied la Fondation Charles Rosner Bronfman, qui voit le jour en 1986 (Cameron, 1995). L’objectif de cette fondation est de mettre en valeur l’identité et l’histoire du Canada. C’est elle qui produit les Minutes du patrimoine quelques années plus tard et deviendra une actrice centrale du débat sur l’enseignement de l’histoire. Des universitaires s’inquiètent aussi de l’état de l’enseignement de l’histoire au Canada. Quelques années plus tard, l’historien Bliss (1991) lance un pavé dans la mare en dénonçant l’abandon par la communauté des historien⋅ne⋅s canadien⋅ne⋅s de l’histoire politique et des grands thèmes nationaux, suscitant ainsi l’intérêt de cette communauté et du grand public.

Nourrissant la controverse, certain⋅e⋅s historien⋅ne⋅s donnent la réplique à Bliss (1991) en affirmant que l’histoire régionale est essentielle pour comprendre le grand ensemble qu’est le Canada (Cuthbert Brant, 1992), pour rappeler que l’idée d’une histoire canadienne centralisée tient son origine et ses appuis surtout, sinon exclusivement, dans le sud de l’Ontario (Dickinson, 1996) et pour préciser que le mythe de l’histoire canadienne unifiée n’offre pas d’outils pertinents pour expliquer l’histoire du Canada (Francis, 1997). L’éminent historien Cook (2000) ajoute que le concept des « identités limitées » reste un meilleur vecteur par lequel comprendre l’histoire du Canada. En somme, plusieurs historien⋅ne⋅s canadien⋅ne⋅s donnent la réplique à Bliss (1991) dans le cadre de ce qui a toutes les apparences d’une controverse scientifique. Aux reproches de Bliss (1991), elles⋅ils opposent des considérations méthodologiques et historiques pour défendre et justifier les recherches menées en histoire depuis les années 1960.

C’est pourtant un autre historien qui fait passer la cause dans une phase de dénonciation. Avec son ouvrage grand public Who killed Canadian history?, Granatstein (1998) adresse une série de reproches aux historien⋅ne⋅s, aux éducateur⋅rice⋅s et aux politicien⋅ne⋅s concernant la transmission et l’enseignement de l’histoire canadienne et lance un appel à l’uniformisation de l’enseignement de l’histoire à travers le Canada. Par son ton dénonciateur et son succès en librairie, cet ouvrage ouvre une nouvelle phase de la cause de l’enseignement de l’histoire du Canada. Certain⋅e⋅s historien⋅ne⋅s et éducateur⋅rice⋅s donnent la réplique à Granatstein (1998). Osborne (1999) écrit qu’une réelle unité nationale canadienne ferait émerger un enseignement de l’histoire unifié, mais que l’enseignement de l’histoire n’a pas le pouvoir de créer ladite unité. Létourneau (2000) écrit que l’imposition d’un récit historique pancanadien uniforme tient de l’affabulation, tandis que Seixas (2002) met en perspective d’autres visées de l’enseignement de l’histoire, axées sur le développement de la pensée historienne. À ce moment, la controverse dépasse la communauté des historien⋅ne⋅s et des didacticien⋅ne⋅s, les idées de Granatstein (1998) étant reprises et soutenues dans les pages des quotidiens canadiens-anglais comme le National Post et le Globe and Mail (Osborne, 2003), et un sondage de 2001 montre que 80 % des Canadien⋅ne⋅s seraient favorables à un programme d’histoire pancanadien (Lanoix, 2007).

La phase de mobilisation politique s’est déroulée parallèlement à la controverse et à la dénonciation. Alors que s’amorcent la production et la diffusion des premières Minutes du patrimoine au début des années 1990, des groupes et des individus s’organisent pour créer une série d’organismes dont la vocation est de valoriser l’histoire et l’identité canadiennes (Lanoix, 2007). La Canada’s National History Society voit le jour en 1994 et se donne pour mandat d’aider les Canadien⋅ne⋅s à célébrer leur histoire. Elle accomplit cette mission à travers des programmes comme le prix Pierre Berton, les prix de la⋅du Gouverneur⋅e général⋅e pour l’excellence en enseignement de l’histoire et la publication de la revue The Beaver. Le Dominion Institute est créé en 1997 et vise à sensibiliser les Canadien⋅ne⋅s à l’importance de valoriser et d’apprendre l’histoire du Canada. Près de la moitié des revenus de cet organisme proviennent de fonds publics. Au fil des années, cet institut mène la charge pour l’instauration d’un enseignement de l’histoire qui favoriserait l’unité nationale. Pour ce faire, il commande des enquêtes qui mettent en évidence le fait que les Canadien⋅ne⋅s sont largement ignorant⋅e⋅s de leur histoire. Les questions factuelles posées dans ces enquêtes visent surtout la période postconfédération et le gouvernement central (Beauchemin, 2005). En publiant les résultats jugés choquants de ces enquêtes – seulement 40 % des Canadien⋅ne⋅s savent que John A. Macdonald est le premier premier ministre du Canada (Canadian Broadcasting Corporation News, 2009), par exemple – le Dominion Institute cherche à attirer l’attention du public sur l’enjeu de l’enseignement de l’histoire du Canada.

Puisque l’éducation est de juridiction provinciale au Canada, les phases de mobilisation politique et de normalisation prennent une forme différente dans ce cas précis. En effet, même les plus ardente⋅s défenseur⋅se⋅s d’un enseignement de l’histoire au service de l’unité canadienne comprennent qu’il est presque impossible d’amener les provinces à uniformiser ou même à harmoniser leurs programmes d’études en histoire. Elles⋅ils se tournent donc vers d’autres moyens pour s’adresser aux élèves en particulier et aux citoyen⋅ne⋅s en général.

Le premier de ces moyens est la production et la diffusion des Minutes du patrimoine par la Fondation Charles Rosner Bronfman, qui devient, plus tard, la Fondation Historica. Ces capsules d’environ 60 secondes mettent en valeur des moments glorieux et jugés importants de l’histoire du Canada. La première série de ces Minutes est diffusée à la télévision et au cinéma durant toutes les années 1990. Il est estimé qu’en 1998, 46 heures de Minutes du patrimoine étaient diffusées chaque semaine et que 23 millions de Canadien⋅ne⋅s visionnaient les capsules chaque année (Boone, 1998). Les capsules sont accompagnées d’un vaste matériel pédagogique qui facilite et encadre leur utilisation en classe d’histoire (Lanoix, 2007).

Le deuxième de ces moyens est la série Le Canada, une histoire populaire diffusée sur les ondes de Canadian Broadcasting Corporation/Radio-Canada à l’automne 2000. La série de 32 heures compte 17 épisodes et offre un récit global de l’histoire canadienne, de l’installation des Premiers Occupants à nos jours. Il est estimé que 1,6 million de Canadien⋅ne⋅s ont écouté la série chaque semaine (Friesen, 2003). La série est aussi accompagnée de ressources pédagogiques, car elle ambitionne d’agir sur la représentation que les Canadien⋅ne⋅s ont de leur histoire en passant, entre autres, par la salle de classe. Côté (2014) écrit que le récit consensuel qu’elle propose vise à accroitre « la cohésion sociale de la société canadienne » (p. 399).

À défaut de modifier les programmes d’études en histoire des différentes provinces, manquant ainsi d’atteindre la phase de normalisation, la controverse de l’enseignement de l’histoire du Canada a débouché sur la création de contenus historiques destinés à tous les publics, incluant le public scolaire. Cette approche, qui a nécessité l’investissement de fonds publics et privés très importants, même si elle a été l’oeuvre d’un groupe assez restreint de personnes et d’organismes, qui gravitaient notamment autour de la Fondation Historica, a eu un impact qu’il est aujourd’hui difficile de mesurer. Si elle a probablement conscientisé un certain nombre de citoyen⋅ne⋅s, on ne peut dire avec certitude combien d’enseignant⋅e⋅s ont utilisé les ressources disponibles, comment elles⋅ils les ont utilisées ou l’influence que cela aurait pu avoir sur leurs élèves.

Surtout alimentée par le contexte politique des années 1990, marquées par la crise constitutionnelle, la cause de l’enseignement de l’histoire du Canada n’a pas connu de relance importante après le début des années 2000. Certes, le Dominion Institute et la Fondation Historica (qui forment maintenant l’organisme Historica Canada) poursuivent leurs activités, mais n’obtiennent plus la même attention médiatique. Le gouvernement fédéral s’est intéressé au renforcement de l’enseignement de l’histoire du Canada au début des années 2010 dans la foulée de la préparation du 150e anniversaire du Canada (Croteau, 2013) sans que cette démarche permette la réémergence de la cause. La diffusion de la série Canada: The story of us (Naworynski, Wolochatiuk et Bartlett, 2017) n’a pas non plus relancé la cause. Il faut dire qu’elle n’était offerte qu’en anglais, ce qui neutralisait toute prétention rassembleuse qu’elle aurait pu avoir. De plus, elle a été critiquée de toutes parts pour avoir négligé l’histoire de plusieurs groupes, dont les Acadien⋅ne⋅s, les Autochtones et les francophones (Bélair-Cirino, 2017 ; Lachance, 2017 ; Mercier, Caumartin, Turcot et Leclerc, 2017).

On peut dire de la controverse de l’enseignement de l’histoire du Canada qu’elle est très située dans le contexte de crise constitutionnelle des années 1990. Comme d’autres qui ont porté cette cause par le passé (Lanoix, 2007), ses partisan⋅e⋅s ont cherché à appliquer une solution éducative au problème politique de l’effritement réel ou perçu de l’unité canadienne. Les valeurs qu’elle espère produire par la diffusion de récits de l’histoire canadienne sont centrées sur l’unité canadienne et influencées par les « paramètres des valeurs matricielles du libéralisme » (Côté, 2014, p. 16). À défaut d’avoir engendré la modification d’un quelconque dispositif éducatif, cette cause laisse derrière elle une vaste quantité de contenu audiovisuel, toujours offert, et des ressources didactiques. On peut aussi dire qu’elle a alimenté, malgré elle, la controverse de l’enseignement de l’histoire du Québec.

3. Controverse de l’enseignement de l’histoire du Québec

La cause de l’enseignement de l’histoire du Québec suit une trajectoire moins continue que la cause canadienne. Elle connait plusieurs rebondissements qui l’amènent à passer d’une phase à l’autre et à être relancée à de nombreuses reprises. L’émergence de la cause de l’enseignement de l’histoire du Québec est marquée par la publication d’un article daté du 27 avril 2006 (Robitaille, 2006a) qui présente les grandes lignes du projet du programme d’Histoire et éducation à la citoyenneté. À partir de ce moment, plusieurs observateur⋅rice⋅s lancent un vif débat à propos du programme d’études envisagé par le ministère de l’Éducation.

On doit cependant remonter un peu plus loin dans le temps pour se rendre compte que la défense de la cause de l’enseignement de l’histoire du Québec couvait déjà, en réaction aux organismes qui tentaient de défendre et de valoriser l’enseignement de l’histoire du Canada. Dès sa diffusion, la série Le Canada, une histoire populaire a été critiquée pour l’interprétation qu’elle proposait de certains évènements comme la Conquête (Côté, 2014). Le Conseil de la souveraineté du Québec (2006), pour sa part, produit le document Parlons de souveraineté à l’école, qui se présente comme une réponse aux « nombreux documents pédagogiques envoyés directement aux établissements scolaires par le gouvernement fédéral » (p. 14). D’ailleurs, l’argument selon lequel il faut contrer l’action des organismes qui défendent la cause de l’enseignement de l’histoire du Canada est évoqué par les fondateur⋅rices de la Coalition pour l’histoire (Vallée, 2009).

C’est donc dire qu’en avril 2006, l’enseignement de l’histoire fait déjà partie des préoccupations de certains groupes et individus qui s’inquiètent de le voir investi par des organismes qui veulent valoriser l’identité canadienne. Lorsqu’une version de travail du programme Histoire et éducation à la citoyenneté est rendue publique, la cause est immédiatement propulsée sur la place publique et transformée en controverse. Il s’en suit une série de publications qui dénoncent l’approche du programme et lui reprochent de négliger le récit historique de la nation québécoise (Bock-Côté, 2006 ; Bouvier et Lamontagne, 2006) ou qui défendent l’approche préconisée, en partie parce qu’elle aborde diverses perspectives sur l’histoire du Québec (Cardin, 2006 ; Laville, 2006 ; Létourneau, 2006). Pour Lemieux (2019), cette controverse éclate en partie à cause d’un décalage entre les attentes des acteur⋅rice⋅s de l’enseignement de l’histoire et les prescriptions des documents officiels.

Dès le départ, la controverse est lancée en mode dénonciation. Les articles écrits par des didacticien⋅ne⋅s, historien⋅ne⋅s, enseignant⋅e⋅s et chroniqueur⋅se⋅s se répondent les uns les autres dans les pages des quotidiens et attaquent les fondements des positions adverses, voire les personnes qui les défendent. Submergé de critiques, le ministre de l’Éducation de l’époque, Jean-Marc Fournier, se retrouve sur la défensive (Robitaille, 2006b) et annonce que des ajustements seront apportés au programme pour tenir compte des commentaires. Dès l’automne 2006, une version rectifiée du programme circule. Cela constitue déjà une forme de normalisation, seulement quelques mois après l’émergence de la cause.

Le répit est de courte durée puisque les opposante⋅s au programme ne sont pas satisfait⋅e⋅s des modifications apportées et opèrent une relance qui prend la forme, notamment, d’un numéro spécial du Bulletin d’histoire politique dirigé par Bouvier (2007), dans lequel opposant⋅e⋅s et partisan⋅e⋅s du programme Histoire et éducation à la citoyenneté font valoir leurs arguments. L’application obligatoire du nouveau programme d’études, dans les mois qui suivent, calme quelque peu la controverse. Celle-ci n’est ravivée qu’en 2009, sous l’impulsion de la Coalition pour l’histoire (2010), un organisme dont le mandat est de « faire la promotion de l’enseignement de l’histoire à tous les ordres d’enseignement pour permettre aux jeunes Québécois de toutes origines d’acquérir une meilleure connaissance de l’histoire du Québec, du Canada et de l’histoire du monde occidental et non occidental » (p. 1).

Relançant la cause, la création de la Coalition pour l’histoire la porte sur le terrain de la mobilisation politique. Entre 2010 et 2012, cette coalition et ses partenaires mènent une série d’études et d’enquêtes qui visent à mettre de la pression sur les décideur⋅se⋅s politiques et à faire la démonstration au public que l’enseignement de l’histoire du Québec est, sous plusieurs aspects, déficient. Elles⋅ils s’attaquent tour à tour à l’enseignement de l’histoire au collégial (Laporte et D’Arcy, 2010), à la recherche universitaire en histoire (Bédard et D’Arcy, 2011) et à la formation initiale des enseignant⋅e⋅s (Lavallée, 2012). Pour soutenir sa cause, la Coalition pour l’histoire (2011) commande des sondages qui montrent, comme c’était le cas des sondages commandités par le Dominion Institute, que les Québécois⋅es ne connaissent pas assez l’histoire et que la population est insatisfaite de l’état de l’enseignement de l’histoire dans les écoles (Coalition pour l’histoire, 2012b). Enfin, la Coalition pour l’histoire (2012a) lance une pétition soutenue par Marie Malavoy, députée du Parti québécois, pour réclamer une réforme en profondeur de l’enseignement de l’histoire du Québec à tous les niveaux.

Ces nombreuses actions et publications soulèvent à nouveau la controverse. La démarche de la Coalition pour l’histoire est critiquée sur le ton de la dénonciation (Cardin, Demers, Éthier et Lefrançois, 2013 ; Éthier, 2013 ; Létourneau, 2011). Avec l’élection du Parti québécois en 2012, qui avait inscrit une réforme de l’enseignement de l’histoire dans sa plateforme électorale, le rapport de force s’inverse. Arrivé en poste, le nouveau gouvernement entreprend des consultations pour revoir l’enseignement de l’histoire à tous les niveaux, mais en priorité au secondaire. Il commande un rapport qui devra baliser une telle réforme et celui-ci est déposé en 2014 (Beauchemin et Fahmy-Eid). Malgré la défaite électorale du Parti québécois en 2014, la réforme du programme se poursuit selon les recommandations de Beauchemin et Fahmy-Eid (2014). À partir de 2015, la normalisation souhaitée par la Coalition pour l’histoire (2014) et les opposant⋅e⋅s au programme Histoire et éducation à la citoyenneté s’amorce, alors qu’est développé, expérimenté et mis en application le programme d’Histoire du Québec et du Canada. Plus compatible avec la vision de la Coalition pour l’histoire (2014), ce nouveau programme opère un certain retour au cadre de référence national comme fil conducteur de l’histoire.

Si le rapport de force est inversé à partir de ce moment, la controverse n’est pas pour autant résolue. On assiste en effet à une relance de la cause de l’enseignement de l’histoire du Québec alors que plusieurs dénoncent les orientations du cours Histoire du Québec et du Canada. Les reproches qu’on adresse à ce programme, alors qu’il en est encore à l’étape de projet, ressemblent en plusieurs points aux reproches adressés au cours Histoire et éducation à la citoyenneté du deuxième cycle, en 2006. Dès le début des consultations sur la réforme du programme, l’Association québécoise pour l’enseignement de l’univers social craignait que le programme soit réécrit « selon une idéologie », tandis que la Coalition pour l’histoire répondait que c’était le cours Histoire et éducation à la citoyenneté qui était orienté (Gervais, 2013). L’ Association précise ses griefs à l’endroit du projet de programme d’études, en ajoutant qu’elle anticipe une « version historique orientée tant politiquement qu’idéologiquement » du programme d’histoire qui serait influencé par la Coalition pour l’histoire, qui souhaiterait un retour de l’histoire nationaliste et évènementielle (Proulx, Beaudoin, Rouillard et Decelles, 2013).

La cause passe ainsi dans une nouvelle phase de controverse, qui donne parfois dans la dénonciation. Les partisan⋅e⋅s du cours Histoire du Québec et du Canada répliquent à l’Association québécoise pour l’enseignement de l’univers social qu’elle fait preuve de « dogmatisme pédagogique », ce qui constitue une autre forme de détournement de l’enseignement de l’histoire (Bédard et Bouvier, 2013). Certain⋅e⋅s considèrent que le nouveau programme d’histoire est le résultat du lobbyisme de la Coalition pour l’histoire, même s’il ne risque pas de changer la façon dont l’histoire est enseignée dans les faits (Létourneau, 2014a). La phase de consultation qui entoure l’élaboration du nouveau cours d’histoire donne cependant lieu à un certain nombre d’interventions, dont certaines sont des mémoires adressés au comité, qui visent plutôt à présenter une conception de l’enseignement de l’histoire qu’à critiquer la position des adversaires. C’est le cas d’articles publiés dans la revue Traces (Bédard, 2014 ; Éthier, 2014) et des mémoires recueillis dans le collectif dirigé par Stan (2015). La dénonciation se poursuit néanmoins par le biais des médias et des quotidiens où des défenseur⋅se⋅s du programme Histoire et éducation à la citoyenneté tentent de préserver certains éléments de celui-ci dans le prochain programme tout en dénonçant son orientation anticipée (Laville et Dagenais, 2014 ; Létourneau, 2014b).

Malgré les critiques émises envers le programme Histoire du Québec et du Canada concernant la place qu’y occupent certains groupes de la société comme les Autochtones (Valiante, 2016b) et les anglophones (Valiante, 2016a), sa mise en application ne relance pas la controverse québécoise de l’enseignement de l’histoire. Un ouvrage collectif jetant un regard critique sur le programme est publié (Éthier, Boutonnet, Demers et Lefrançois, 2017), mais la dynamique de controverse et de dénonciation s’efface avec la normalisation que représente la mise en application obligatoire du cours, complétée en septembre 2018.

La cause de l’enseignement de l’histoire du Québec est une lutte pour le choix des visées et des contenus qui doivent être inclus dans un programme d’histoire. Pour les un⋅e⋅s, l’enseignement de l’histoire doit d’abord viser le développement d’habiletés intellectuelles, tandis que pour d’autres, la cohésion sociale favorisée par la transmission du récit historique national doit être prioritaire. Comme l’affirme Apple (1979 ; Apple et Christian-Smith, 1991), il s’agit d’une lutte pour la sélection des savoirs jugés légitimes par la société québécoise du tournant du 21e siècle. À ce titre, le conflit entre deux identités perçues comme concurrentes – l’une étant canadienne et l’autre, québécoise – est au centre des échanges.

Comme dans le cas de la controverse canadienne de l’enseignement de l’histoire, la controverse québécoise est engagée par un nombre restreint de personnes et d’organismes qui gravitent au Québec autour de la Coalition pour l’histoire. Par contre, la controverse québécoise se déroule au sein d’une entité politique qui dispose des pleins pouvoirs en matière d’éducation, ce qui rend la normalisation du dispositif éducatif possible ; cette normalisation est accomplie avec l’implantation du cours Histoire du Québec et du Canada.

Au contraire de la cause de l’enseignement de l’histoire du Canada, dont l’émergence est ancrée dans le contexte politique, la cause de l’enseignement de l’histoire du Québec est propulsée à l’avant-plan par un évènement émanant de la sphère éducative. Dans les deux cas, la mise en valeur d’une identité donnée est l’objet de la cause défendue. Au Canada, la cause vise le renforcement de l’unité nationale face à ce qui est perçu comme une fragmentation des identités et des perspectives historiques. Au Québec, ce sont deux visions de l’identité québécoise qui, sans être toujours définies, entrent en concurrence.

4. Discussion

La présentation des trajectoires respectives des controverses de l’enseignement de l’histoire au Canada et au Québec est instructive en ce qu’elle permet de mettre en évidence les différences dans ces trajectoires, différences qui peuvent nous en apprendre sur leurs caractéristiques et leurs origines. Comme nous l’avons déjà souligné, notre contribution est complémentaire à celle d’autres chercheur⋅se⋅s qui ont fait une analyse approfondie des arguments soulevés par les divers protagonistes (Boutonnet, Cardin et Éthier, 2011 ; Lemieux, 2019). Au fil de la discussion, nous proposons quelques comparaisons avec des controverses semblables qui se sont déroulées ailleurs dans le monde, lorsque cela peut jeter un éclairage supplémentaire sur les controverses canadienne et québécoise.

Si les controverses canadienne et québécoise émergent dans un même contexte politique, des évènements différents les déclenchent. Comme nous l’avons montré, la crise constitutionnelle des années 1980 et 1990 n’est pas étrangère à l’intérêt que certaines personnes et certains groupes portent à la défense des identités canadienne et québécoise. C’est le principal moteur qui lance la controverse canadienne. La controverse québécoise trouve par contre son origine dans un évènement précis, soit la réforme des cours d’histoire du Québec au secondaire. Si les actions d’organismes comme la Fondation Historica avaient attiré l’attention de plusieurs protagonistes sur les enjeux, entre autres identitaires, liés à l’enseignement de l’histoire, c’est la diffusion d’une version de travail du programme Histoire et éducation à la citoyenneté en avril 2006 qui sème la controverse. De ce fait, la controverse québécoise vise un objectif concret de normalisation, à savoir le remplacement du programme Histoire et éducation à la citoyenneté. La controverse canadienne porte sur un enjeu beaucoup plus global : la valorisation de l’identité canadienne par l’enseignement de l’histoire, un enjeu que des changements aux programmes d’éducation respectifs des provinces et des territoires ne pouvaient résoudre.

Lorsque l’on compare le Canada et le Québec à d’autres endroits du monde, on peut en tirer des observations supplémentaires. La controverse canadienne, lancée par des politicien⋅ne⋅s et des élites économiques, s’apparente à celle soulevée en Australie (Taylor, 2012) dans les années 2000, alors que des élu⋅e⋅s conservateur⋅rice⋅s avaient inscrit dans leur programme politique une réforme de l’enseignement de l’histoire, afin de remettre à l’avant-plan une histoire plus traditionnelle. Faute de support dans le réseau de l’éducation, cette proposition n’a pas débouché sur la normalisation espérée par les conservateur⋅rice⋅s. À l’opposé, les controverses au Royaume-Uni (Phillips, 1998) et en Argentine (Gonzalez, 2012) trouvent leur origine dans des changements apportés aux programmes d’études. Les débats qui en découlent sont vigoureux et engendrent un grand nombre de publications. L’Argentine doit même réformer son programme d’histoire quelques années plus tard.

Pour bien comprendre la trajectoire des controverses, on doit aussi s’intéresser aux cadres politique et légal dans lesquels elles émergent. La controverse canadienne se déroule dans le cadre d’un système politique fédéral où les États fédérés, comme le Québec, ont le contrôle en matière d’éducation. Les partisan⋅e⋅s d’un enseignement de l’histoire au service de l’unité canadienne ont bien cherché à influencer les perceptions du public et des décideur⋅se⋅s au sujet de l’uniformisation de l’enseignement de l’histoire, mais la réalité politique les a forcé⋅e⋅s à se rabattre sur la production de matériel qui pouvait être utilisé dans toutes les provinces et territoires du Canada. À l’opposé, la controverse québécoise se déroule dans une juridiction qui contrôle les programmes d’études. Ici, l’enjeu est beaucoup plus concret et la normalisation visée peut avoir un impact significatif. Le fait que l’objectif soit à leur portée explique sans doute une partie de la motivation des opposant⋅e⋅s au cours Histoire et éducation à la citoyenneté et le fait qu’elles⋅ils aient obtenu deux normalisations : en 2006, sous la forme d’ajustements à la première version du cours, et en 2018, sous la forme de son remplacement par le cours Histoire du Québec et du Canada.

Les controverses canadienne et québécoise ont en commun d’avoir été portées par des groupes restreints de personnes et d’organismes. Chacun dans leur contexte, ces groupes ont parfois adopté des méthodes semblables pour lancer ou relancer la controverse, comme les sondages d’opinion sur l’état de l’enseignement de l’histoire, la diffusion de leurs idées dans les quotidiens et revues spécialisées ou la production de matériel didactique faisant explicitement la promotion d’une identité nationale. Malgré la similitude de certains moyens employés, la controverse canadienne a stimulé la production de matériel télévisuel (les Minutes du patrimoine et Le Canada, une histoire populaire) à très grands frais, ce que la Coalition pour l’histoire et ses partenaires n’auraient pu se permettre. Même si, comme le rappelle Chateauraynaud (2011), il ne suffit pas de mesurer les moyens dont disposent les défenseur⋅se⋅s d’une cause pour comprendre le sens et l’impact des actions menées dans le cadre d’une controverse publique, ce que les exemples des controverses canadienne et québécoise sur l’enseignement de l’histoire montrent bien, les ressources mobilisées sont un facteur important dans l’évolution d’une polémique.

Enfin, la controverse québécoise a connu plusieurs relances, au contraire du cas canadien. Les immenses moyens financiers déployés ont maintenu en vie la controverse soulevée par Granatstein (1998) et alimentée par la Fondation Historica, mais celle-ci s’est effacée de l’espace public à mesure que de nouveaux enjeux politiques occupaient l’attention du public – la suspicion entourant tout investissement du gouvernement fédéral dans le domaine de la culture après l’éclatement du scandale des commandites ayant certainement contribué à décourager les tenant⋅e⋅s de ce genre d’entreprise. La controverse québécoise, au contraire, a connu plusieurs phases et quelques relances, peut-être parce que, comme l’explique Lemieux (2019), le fossé entre les attentes du milieu de l’éducation et les prescriptions du ministère de l’Éducation n’a pas été comblé avant le remplacement du programme Histoire et éducation à la citoyenneté.

5. Conclusion

Lorsqu’une controverse publique éclate à propos de l’enseignement de l’histoire, la place et la représentation de la nation sont en général au coeur des discussions. Plusieurs intervenant⋅e⋅s cherchent à orienter la façon dont est transmis et enseigné le passé national avec l’objectif plus ou moins avoué de modeler les esprits d’une certaine façon. Ces débats impliquent des groupes et individus de divers horizons, qu’ellesils soient politicien⋅ne⋅s, journalistes, historien⋅ne⋅s ou éducateur⋅rice⋅s. Comme le rappelle Barton (2012), les artéfacts laissés par ces débats devraient être considérés comme des traces du climat politique, social et éducatif plutôt que comme des observations scientifiques sur l’état de l’enseignement de l’histoire d’une époque donnée.

En comparant les controverses canadienne et québécoise, on constate qu’elles se sont déroulées dans un contexte politique global semblable, celui de la crise constitutionnelle canadienne et des remises en question qui l’ont suivie. Les organismes qui s’affairent à renforcer l’identité canadienne par le biais de l’enseignement de l’histoire évoquent d’ailleurs cette crise. Là où les déroulements des crises diffèrent, c’est sur le point d’origine de la controverse, sur le moment déclencheur. Au Canada, la crise tient ses origines dans des publications savantes d’historien⋅ne⋅s et la prise de conscience par un riche philanthrope de l’état de fragmentation de l’identité canadienne. Or, au Québec, elle est tout de suite propulsée dans les médias de masse et porte sur un objet précis, le programme d’études en histoire du Québec au secondaire. On peut trouver, dans cet écart, une partie de l’explication des trajectoires et des points d’arrivée très différents des deux controverses.

Même s’ils n’ont pas été insignifiants, les moyens déployés sur les deux théâtres d’action ne permettent pas d’expliquer les divergences entre ce qui se passe au Canada en général et ce qui se passe au Québec en particulier. Si les deux controverses (fédérale et provinciale) ont mobilisé d’importantes ressources humaines, médiatiques et financières, les moyens dont disposaient des organismes comme la Fondation Historica sont sans commune mesure avec ceux, modestes, de la Coalition pour l’histoire. Malgré cela, les actions de la Coalition se sont révélées plus efficaces, ayant obtenu une normalisation du dispositif éducatif visé. Quant à l’impact des actions des défenseur⋅se⋅s d’un enseignement de l’histoire au service de l’unité canadienne, il est beaucoup plus difficile à mesurer.

On remarque en outre que les deux controverses entretiennent des rapports différents avec les identités nationales au coeur des échanges. La controverse canadienne cherche à rassembler les composantes d’une identité qui est déjà considérée comme diversifiée et fragmentée par plusieurs historien⋅ne⋅s (Cook, 2000 ; Francis, 1997). Plusieurs acteur⋅rice⋅s de la scène canadienne souhaitent par conséquent créer une identité rassembleuse, pour pallier le manque de cohérence nationale. À l’inverse, la controverse québécoise vise d’abord à préserver une identité déjà constituée, mais perçue par certain⋅ne⋅s comme menacée de fragmentation par l’imposition d’un nouveau programme d’études (Bouvier et Lamontagne, 2006). Les expériences canadiennes et québécoises laissent croire qu’il peut être plus facile de mobiliser l’opinion publique pour défendre et protéger une identité que pour en construire une nouvelle.

Il n’est pas surprenant de voir émerger, un peu partout dans le monde, des controverses à propos des programmes d’histoire. Pour mieux comprendre leur sens et leur origine, il est sans doute utile de revenir aux observations d’Apple (1979) qui affirmait que les choix curriculaires ne doivent pas être vus comme l’oeuvre d’un petit groupe de gestionnaires (« elite group of managers ») (p. 40) qui sélectionnent les savoirs à enseigner derrière des portes closes, mais bien comme le reflet des connaissances et valeurs dominantes d’une époque. Phillips (1998) faisait d’ailleurs remarquer, à propos de la controverse britannique sur l’enseignement de l’histoire des années 1990, qu’elle portait davantage sur le présent que sur le passé et que son objet réel était une bataille pour le contrôle de la transmission de culture et de valeurs. Les échanges (Lamy, 2015) issus de deux controverses au Canada et au Québec ont donné l’occasion au grand public de jauger la pertinence et la force des valeurs défendues par les protagonistes. Aussi, au-delà des moyens et des stratégies déployés, les effets des deux controverses peuvent nous indiquer à quel point ces valeurs ont trouvé une résonance dans le public.