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1. Introduction

Nos connaissances de l’océanographie de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent se sont grandement améliorées au cours des dernières décennies. Plusieurs processus clés, tels que la circulation et le mélange associés aux marées, aux vents, à l’eau douce et aux résurgences d’eaux profondes, ont été identifiés et analysés (ex., BOURGAULT et KELLEY, 2003; GRATTON et al., 1988; KOUTITONSKY et BUGDEN, 1991; SAUCIER et CHASSÉ, 2000; SAVENKOFF et al., 1997, et d’autres). Toutefois, ces processus sont encore difficilement départagés quant à leurs rôles respectifs sur la circulation moyenne. Ces difficultés sont imputables à la variabilité de la circulation qui est aussi importante que déterminante à plusieurs échelles spatiales et temporelles, incluant la dissipation de fortes marées en provenance de l’Atlantique, une topographie complexe avec des bancs, des chenaux, mais surtout des seuils qui restreignent l’écoulement (la tête du chenal Laurentien, par exemple), la circulation à mésoéchelle et de forts cycles saisonniers caractérisés par une couverture de glace hivernale extrêmement dynamique. À ces complications, nous devons ajouter la variabilité de la circulation atmosphérique à la surface des eaux du Saint-Laurent. Ainsi, la circulation moyenne, en général plus faible que la circulation instantanée, demeure toujours grandement insaisissable par des observations ponctuelles dans le temps ou l’espace. Par exemple, depuis EL-SABH (1976), nous n’avons pas pu quantifier la circulation moyenne ou encore relier sa réponse aux variations observées dans les forçages.

Une question particulièrement difficile, commune aux estuaires en général et d’une grande importance pour l’habitat marin du Saint-Laurent, concerne le rôle de la variabilité dans les apports d’eau douce, surtout du fleuve en amont, sur l’extraction vers la surface des eaux salées depuis les couches plus profondes, c’est-à-dire l’intensité de la circulation estuarienne. En effet, les débits des grands tributaires du Saint-Laurent fluctuent largement sur des périodes de quelques jours à plusieurs décennies (voir ENVIRONNEMENT CANADA, 2002). La question fondamentale, posée par NEU (1970) et abordée plus tard par REID (1977), est qu’arrive-t-il de la circulation estuarienne quand le débit fluvial change, s’il est modifié, par exemple, par la crue des barrages pour la production hydroélectrique ou la diversion des eaux douces, la déforestation sur le bassin versant, ou encore le réchauffement climatique (MORSH et QUINN, 1996)? Plus généralement, quels sont les mécanismes qui gouvernent la circulation estuarienne et comment répond-elle à ces changements? Ces questions sont fondamentales car les réponses déterminent le taux de renouvellement des eaux salées du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent et ainsi la qualité des habitats marins et la variabilité et la prédictibilité du climat général des eaux.

Il est devenu évident que le problème en est un de détectabilité d’un signal relativement faible déterminé par l’interaction entre des courants forts et extrêmement variables. La nécessité d’intégrer ces processus avec les observations disponibles à l’aide des principes physiques et des techniques de simulation numérique est une conclusion à laquelle sont arrivés plusieurs auteurs (ex. : EL-SABH et MURTY, 1990; KOUTITONSKY et BUGDEN, 1991). Cette approche méthodologique est utilisée ici pour décrire de manière générale la circulation et le climat du Saint-Laurent. Elle intègre des observations, souvent difficiles à combiner autrement, avec les équations de conservation du mouvement, de la chaleur, du sel et de l’énergie turbulente, en tenant compte de la topographie et des échanges aux frontières avec le continent, l’atmosphère et l’océan. Nous examinons la circulation estuarienne en utilisant deux simulateurs. Le premier, avec comme seuls forçages la marée et les apports d’eau douce, permet d’examiner les processus de mélange tidal à la tête du chenal Laurentien et dans l’estuaire moyen sur des périodes estivales et printanières. Il s’agit en effet d’une région unique où le mélange turbulent prend plusieurs formes et est maximum par rapport aux autres régions du Saint-Laurent. Le second, incluant l’ensemble des forçages sur le golfe, permet d’examiner l’effet de l’eau douce, des vents et des cycles saisonniers sur la circulation générale dans l’estuaire et le golfe. Nous présentons les principaux axes de développement et de validation de ces simulateurs et, pour la première fois, leurs prédictions sur la sensibilité de la circulation estuarienne à l’intensité des vents et aux apports d’eau douce du fleuve Saint-Laurent. Les résultats suggèrent que deux régimes dominent. Le premier, au cours du printemps et de l’été (forte stratification près de la surface), s’apparente à un estuaire classique pour lequel l’augmentation de débit est corrélée positivement avec l’intensité de la circulation estuarienne, celle-ci étant surtout limitée à la remontée de la couche intermédiaire (couche de surface hivernale) du golfe du Saint-Laurent. Le deuxième prévaut durant l’hiver où la circulation estuarienne mobilise cette fois les eaux plus profondes du chenal Laurentien. Une augmentation de débit produit dans ce cas l’effet contraire, soit de diminuer la circulation estuarienne.

2. Matériels et méthodes

Nous ne reverrons pas de manière exhaustive les différents développements dans la simulation numérique de la circulation du Saint-Laurent. Ces informations sont publiées ailleurs et nous concentrons cette section sur les développements plus récents qui ont permis d’en arriver à des simulateurs suffisamment précis pour montrer une sensibilité aux apports d’eau douce, notamment à l’intérieur de simulations pluriannuelles pronostiques du golfe validées avec des observations.

Les deux configurations du simulateur sont illustrées sur la figure 1. Une première (400 m de résolution horizontale et 35 couches sur la verticale de 5 m ou plus), ignorant les échanges avec l’atmosphère, est utilisée pour examiner avec une meilleure définition la circulation estuarienne et la diffusion turbulente verticale du sel (ou de l’eau douce) à la tête du chenal et dans l’estuaire moyen au cours de l’été. Ce simulateur a d’abord été décrit par SAUCIER et al. (1999) et SAUCIER et CHASSÉ (2000) et reçoit ici les améliorations décrites ci-après. Ces simulations nous permettront de revoir la circulation tidale 3D à la tête du chenal Laurentien et de quantifier la sensibilité du flux vertical turbulent de sel à un changement dans le débit fluvial. Il s’agit d’illustrer les mécanismes d’extraction de la couche intermédiaire froide du golfe du Saint-Laurent dans cette région. La deuxième configuration (5 km de résolution horizontale et 73 couches sur la verticale de 5 m ou plus) servira à simuler la circulation générale dans l’ensemble du golfe en incluant l’ensemble des forçages aux frontières. Elle nous permettra d’examiner la sensibilité à des changements dans le débit fluvial et la contrainte du vent sur des périodes pluriannuelles.

Figure 1

Présentation des deux domaines du simulateur : golfe (ligne tiretée) et estuaire (ligne tiretée avec point). Sections clés pour le calcul des transports dans le golfe du Saint-Laurent : Section A : Pointe-des-Monts; B : détroit d’Honguedo; C : détroit de Jacques-cartier; D : détroit de Belle-Isle; E : détroit de Cabot. Identification des endroits cités : IA : Île d’Anticosti; CN : Chenal nord; CS : Chenal sud; IR : Île Rouge; Sag : Rivière Saguenay.

Domain simulated: gulf (dashed line), estuary (dashed-dotted line). Key sections for transport calculations in the Gulf of St. Lawrence: Section A: Pointe-des-Monts; B: Honguedo Strait; C: Jacques-Cartier Strait; D: Strait of Belle-Isle; E: Cabot Strait. Cited sites : IA : Anticosti Island, CN : North trough, CS: South trough, IR: Rouge Island, Sag: Saguenay River.

Présentation des deux domaines du simulateur : golfe (ligne tiretée) et estuaire (ligne tiretée avec point). Sections clés pour le calcul des transports dans le golfe du Saint-Laurent : Section A : Pointe-des-Monts; B : détroit d’Honguedo; C : détroit de Jacques-cartier; D : détroit de Belle-Isle; E : détroit de Cabot. Identification des endroits cités : IA : Île d’Anticosti; CN : Chenal nord; CS : Chenal sud; IR : Île Rouge; Sag : Rivière Saguenay.

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La simulation d’un cycle saisonnier complet pour le golfe et l’estuaire a été rendue possible grâce aux développements décrits initialement par SAUCIER et al. (2003). Les développements plus récents furent décrits dans SAUCIER et al. (2004). Ces développements incluent un modèle de niveau 2.5 pour le mélange vertical turbulent (BURCHARD et BOLDING, 2001; SMITH et al., 2006b), un schéma 3D à correction de flux pour le transport des scalaires (ZALEZAK, 1979) et un modèle dynamique et thermodynamique de glace de mer (HUNKE et DUKOWICZ, 1997; SEMTNER, 1976). La diffusion de l’énergie cinétique turbulente (TKE) dans la verticale s’est avérée une clé nécessaire au développement de la couche hivernale ainsi qu’à sa persistance au cours de l’été. L’importance de la diffusion verticale de l’énergie cinétique turbulente (TKE) fut démontrée par SIMPSON et al. (1996). Dans SAUCIER et al. (2003), une erreur lors de la mise à jour du niveau d’eau dans le calcul du transport était responsable des faibles salinités obtenues près de la surface.

Une embûche majeure dans la compréhension de la circulation dans l’estuaire maritime et le golfe était la limitation imposée par notre capacité à décrire la circulation atmosphérique. Depuis février 1997, nous avons accès à des analyses suffisamment précises issues du simulateur météorologique opérationnel canadien GEM (Global Environmental Multiscale Model) dans sa configuration régionale. Ces analyses incluent les champs atmosphériques importants dans le contrôle des échanges de chaleur, d’eau douce et de mouvement entre l’atmosphère et l’océan tels que la couverture nuageuse et, près de la surface, les vents, les précipitations, l’humidité relative et la pression. Les champs sont disponibles à une résolution horizontale initiale de 35 km et, à partir du 15 septembre 1998, à une résolution de 24 km. La fréquence de trois heures des champs atmosphériques permet la résolution du cycle diurne. Les autres conditions aux frontières sont décrites dans SAUCIER et al. (2003) et comprennent le débit quotidien observé de 28 tributaires, le débit mensuel moyen du fleuve à la hauteur de Québec et les conditions de température et de salinité observées en profondeur aux détroits de Cabot et de Belle-Isle. Une climatologie est utilisée plus près de la surface aux embouchures du golfe.

Les simulations obtenues du golfe du Saint-Laurent sont généralement comparées avec réalisme aux données in situ disponibles, ce qui montre que ces développements permettent de simuler la variabilité climatique avec un niveau d’exactitude sans précédent. Le simulateur du golfe est maintenant complètement conservateur pour les scalaires et le mouvement. Il est aussi couplé au simulateur GEM pour la prévision opérationnelle au Centre météorologique canadien (PELLERIN et al., 2004), et régulièrement utilisé pour piloter des simulations de cycles biogéochimiques de manière entièrement pronostique (sans assimilation ou correction de flux ou de champs) (ex. CHIFFLET et al., 2004, 2005; LEFOUEST et al., 2005, 2006; SOURISSEAU et al., 2006). Le simulateur du golfe nous permet de reproduire plusieurs années consécutives de la circulation générale et peut ainsi se réajuster dynamiquement et trouver de nouveaux équilibres – ou un nouveau climat – sous l’influence de modifications permanentes ou ponctuelles imposées aux frontières. Un tel simulateur doit être insensible aux conditions initiales et permettre aux processus les plus lents de s’ajuster. Une façon de s’en assurer est d’obtenir des simulations suffisamment longues pour complètement renouveler les eaux du système. Toutefois, certains problèmes demeurent : notamment, les échelles de déformation et la dispersion horizontale dans l’estuaire sont encore mal représentées à cause de la définition horizontale trop faible de 5 km.

Le noyau mathématique du simulateur de l’estuaire a reçu les mêmes modifications que celui du golfe ou de la baie d’Hudson (voir SAUCIER et al., 2004). Il produit des états stables aux échelles de plusieurs cycles de vives-eaux et de mortes-eaux et permet d’examiner la circulation estuarienne et les conditions de mélange turbulent vertical en fonction de changements dans le débit du fleuve. Nous utilisons ce simulateur pour réaliser une analyse de sensibilité au débit d’eau douce.

Nous procédons d’abord à deux expériences avec le simulateur de l’estuaire, l’une correspondant aux conditions estivales en juillet 2002 (avec un débit fluvial correspondant à la moyenne annuelle de 11,4 x 103m3s‑1) et une seconde avec un débit augmenté de 30 % (situation de crue printanière). Nous complétons ensuite notre analyse en réalisant trois expériences à l’aide du simulateur du golfe dans lesquelles nous modifions le débit du fleuve Saint-Laurent et l’intensité du vent. Nous cherchons des expériences simples et théoriques qui nous permettent d’isoler l’influence de ces facteurs sur la circulation moyenne et générale du golfe. Nous avons d’abord choisi de diminuer le débit de 20 % et de 40 % de façon constante durant toute la simulation. Une diminution de 20 % est choisie de manière qualitative pour représenter l’ordre de grandeur associé à des variations interannuelles déjà observées ou éventuellement prédites pour le futur (ex., ENVIRONNEMENT CANADA, 2002; MORTSCH et QUINN, 1996). Une diminution de 40 % nous indique si les effets sont linéaires ou non. Pour la dernière expérience, l’intensité du vent est réduite de 20 % de façon uniforme sur le golfe. Nous examinons les différences obtenues à partir des simulations dites témoins en imposant un seul changement permanent à la fois. Les résultats et les faits saillants de nos expériences témoins s’appuient sur des simulateurs qui ont fait l’objet d’une validation exhaustive qui déborde du cadre de notre étude. Pour plus de détails sur les incertitudes qui en découlent, nous référons le lecteur aux publications citées dans la présente et prochaine section. Nous présentons tout de même de nouveaux éléments de comparaison avec des données observées qui complémentent l’effort de validation.

3. Résultats

3.1 La circulation tidale à la tête du chenal laurentien et dans l’estuaire moyen

La circulation barocline estuarienne et tidale en 3D fut décrite pour la première fois par SAUCIER et al. (1997), SAUCIER et al. (1999) et SAUCIER et CHASSÉ (2000). L’objectif de ces travaux était d’abord de produire un nouvel atlas des courants de surface pour la navigation (SAUCIER et al., 1997). Nous poursuivions aussi le tracé indiqué par DE BORNE-DEGRANPRÉ et EL-SABH (1981), GRATTON et al. (1988), MERTZ et GRATTON (1990) et d’autres. Nous cherchons ici à rationaliser les principaux processus baroclines propulsés par la marée semi-diurne (M2), la principale source de mélange dans cette région, et ainsi décrire les mélanges turbulents et la sensibilité de la circulation au changement dans le débit du fleuve.

Les faits saillants de la circulation sont présentés dans SAUCIER et CHASSÉ (2000) et seuls de nouveaux détails associés au mélange turbulent de sel sont ajoutés ici. La figure 2 montre la distribution de la salinité à la surface et au fond au cours d’un cycle de marée M2 en juillet 2002. À chaque cycle de marée semi-diurne M2, les eaux salées du chenal Laurentien sont forcées au-dessus des seuils de l’île Rouge et débordent dans le chenal Sud et dans le chenal Nord. Des contrôles hydrauliques internes se forment autant au flot qu’au jusant près des seuils à l’embouchure du Saguenay et à l’ouest de l’île Rouge. Une partie des eaux denses est bloquée par les seuils, le reste est entraîné au-dessus des seuils dans l’estuaire moyen et le fjord du Saguenay. Elles débordent aussi largement dans le chenal Sud (Figure 2d), formant une zone frontale marquée le long du talus du chenal Laurentien (INGRAM et EL-SABH, 1990). Le soulèvement des eaux relativement denses est forcé par la marée au-dessus de ces seuils. Dans la mesure où elles demeurent partiellement intactes (passant d’une salinité de 32 à 30 sous des eaux de salinité 18), les eaux qui se retrouvent dans le chenal Nord en amont du seuil coulent sur le fond vers le bassin de Charlevoix formant un courant gravitationnel (Figure 2d).

Figure 2

Salinité à la tête du chenal Laurentien : (a) en surface au jusant (0 h après la basse mer); (b) en surface durant le flot (4 h après la basse mer); (c) près du fond durant le jusant (basse mer); (d) près du fond durant le flot (6 h après la basse mer). Le marnage est de 4,3 m le 25 juillet 2002 et la phase de la marée est en référence à Les Escoumins.

Salinity at the head of the Laurentian Channel : (a) at the surface during ebb (0 hr after low water); (b) at the surface during flood (4 hr after low water); (c) near the bottom during ebb (low water); (d) near the bottom during flood (6 hr after low water). The tidal range is 4.3 m on July 25, 2002 and the phase is in reference to Les Escoumins.

Salinité à la tête du chenal Laurentien : (a) en surface au jusant (0 h après la basse mer); (b) en surface durant le flot (4 h après la basse mer); (c) près du fond durant le jusant (basse mer); (d) près du fond durant le flot (6 h après la basse mer). Le marnage est de 4,3 m le 25 juillet 2002 et la phase de la marée est en référence à Les Escoumins.

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Le saut hydraulique interne à l’embouchure du Saguenay fut décrit par SIEBERT et al. (1976) et SAUCIER et CHASSÉ (2000). Celui-ci aussi bien que le second (aussi décrit par SAUCIER et CHASSÉ, 2000) ont maintenant été observés à de nombreuses reprises à l’aide d’ADCP embarqué et de sondes de température et salinité lors des missions-stages annuelles des étudiants gradués de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski. En effet, près de ces deux seuils, le premier à 18 m de profondeur et le second à 30 m, le courant moyen sur la verticale (barotrope) devient suffisamment intense pour empêcher la propagation à contre-courant des ondes internes de mode 1. Cette condition, exprimée par un nombre de Froude interne excédant l’unité, même durant les plus faibles marnages observés, et atteignant 2,6 lors des plus forts marnages observés, donne lieu à des sauts hydrauliques internes dissipatifs où les eaux salées et les eaux saumâtres de surface sont partiellement mélangées. Ce mélange produit des intrusions intermédiaires dont la profondeur dépend des conditions préalables dans l’estuaire et le bassin externe du Saguenay. Ces sauts hydrauliques sont aussi caractérisés par des fronts intenses à la surface (variation de 4 en salinité sur moins de 4 km), des rideaux de bulles (allant jusqu’à 130 m de profondeur) et la formation d’ondes internes de forte amplitude (allant jusqu’à 50 m) qui sont relâchées lors des retours aux étales des courants. Il est remarquable que nous puissions relever ces processus à l’aide de simulations hydrostatiques bien qu’il soit difficile de prévoir l’exactitude des échanges dans les sauts hydrauliques. Néanmoins, l’effet de leur présence est bien prévu tel qu’observé.

3.2 Les mélanges à la tête du chenal Laurentien

Au cours de l’été, la masse d’eau froide associée à la résurgence et au mélange des eaux intermédiaires avec la couche de surface de l’estuaire à la tête du chenal peut s’étendre plus de 100 km en aval dans l’estuaire maritime (GRATTON et al., 1988). La région de la tête est bien connue pour ses forts mélanges turbulents contrôlant une forte production primaire pour toute la région d’influence de l’eau douce dans le golfe du Saint-Laurent (ex., LEVASSEUR et al., 1984; THERRIAULT et LEVASSEUR, 1985).

Le flux turbulent vertical de sel est un terme des plus importants car il détermine la quantité d’eau salée qui sera extraite du chenal Laurentien, diffusée vers le haut et mélangée aux eaux de surface qui sont expulsées vers le golfe du Saint-Laurent. On peut considérer ce terme comme équivalant à la diffusion d’eau douce vers le bas, créant un gradient de pression barocline qui force les eaux salées du chenal Laurentien vers l’estuaire. La figure 3 montre le flux turbulent de sel maximal sur la verticale et moyenné au cours d’un cycle de marée M2 (les valeurs en ms‑1 sont numéroquement très voisines des valeurs en kgm‑2s‑1). Nous voyons que la valeur de ce flux est importante là où la colonne d’eau dépasse 20 m. De plus, la région où cette valeur est maximale correspond au seuil le plus en aval du côté nord où il y a une combinaison de pente abrupte et un accès aux eaux denses en profondeur. La moyenne du flux vertical turbulent de sel sur la région montrée à la figure 3 est de 1,3 x 10‑3ms‑1. Le simulateur produit un cycle M4 avec des maximums qui atteignent 1,7 ± 0,1 x 10‑3ms‑1 aussi bien durant le flot, 5 h après la basse mer, que durant le jusant 11 h après la basse mer. Les minimums sont aussi à des niveaux comparables de 1,1 ± 0,1 x 10‑3ms‑1 environ 3 h et 9 h après la basse mer. Le cycle M4 est remarquablement régulier. Les instabilités dynamiques dominent durant le jusant. Durant le flot, le mélange associé aux instabilités dynamiques est aussi important en plus de celui associé aux sauts hydrauliques internes et à la circulation gravitationnelle dans l’estuaire moyen.

Figure 3

Flux vertical turbulent de sel (ms‑1) maximal sur la colonne d’eau et moyenné sur le cycle M2 illustré à la figure 2. Les isobathes de 20 (ligne de tiret) et de 30 m (ligne pointillée) ont été ajoutées sur la figure.

Maximum vertical turbulent salt flux (ms‑1) through the water column and averaged over the M2 tidal cycle shown on Figure 2. The 20 (dashed line) and 30 m (dotted line) isobaths have been drawn on the figure.

Flux vertical turbulent de sel (ms‑1) maximal sur la colonne d’eau et moyenné sur le cycle M2 illustré à la figure 2. Les isobathes de 20 (ligne de tiret) et de 30 m (ligne pointillée) ont été ajoutées sur la figure.

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Le mélange tidal dans l’estuaire peut s’apparenter en partie au modèle d’étirement de marée proposé par SIMPSON et al. (1990). Le mécanisme de base du mélange des eaux douces et salées est la friction entre les couches d’eau qui génère des instabilités dynamiques de type Kelvin-Helmholtz (BOURGAULT et al., 2001). Durant le flot, la stratification diminue en général et la pycnocline se redresse vers la verticale. Les instabilités sont alors en général limitées par le manque de cisaillement vertical. Le mélange est alors maximal dans les sauts hydrauliques internes près de l’île Rouge et à l’embouchure du Saguenay. Durant le jusant, la circulation est fortement barocline et augmente la stratification aussi bien que le cisaillement vertical. Le mélange entre les eaux douces et salées est alors maximum. Le même modèle est essentiellement proposé par REID (1977) qui base son analyse sur le même processus examiné à partir du nombre de Richardson.

Le courant de densité sur la pente interne de l’estuaire moyen entraîne aussi des mélanges turbulents. Enfin, le mélange diapycnal horizontal ainsi que le déferlement d’ondes internes sur les rivages (BOURGAULT et KELLEY, 2003, BOURGAULT et al., 2005, BOURGAULT et al., 2007) sont d’autres mécanismes qui doivent encore être quantifiés de façon plus précise. Le stress du vent, dont les effets seront abordés avec le simulateur du golfe, est en général important et peut aussi modifier substantiellement la circulation de surface.

La simulation dans laquelle le débit fluvial est augmenté de 30 % (15 x 103m3s‑1), simplement dans le but de comparer les conditions estivales simulées ci-haut avec les conditions printanières rencontrées en avril et mai, montre que le flux vertical turbulent de sel augmente de 10 %. La différence entre les deux simulations augmente de manière monotone et l’état d’équilibre est atteint après environ trois semaines. Ainsi, au contraire de REID (1977), nos résultats suggèrent que la circulation estuarienne est intensifiée lors d’une augmentation dans le flux de flottabilité. Ces résultats sont aussi cohérents avec les résultats ci-après utilisant le simulateur du golfe pour examiner la circulation estuarienne. Le flux turbulent de sel augmente en moyenne partout et tout autant durant le flot que le jusant au cours du cycle M2. Le signal est toutefois complexe avec des diminutions locales importantes, notamment au début du flot près de l’île Rouge (incluant la région du seuil) et le chenal Sud. En effet, l’importance des sauts hydrauliques internes diminue dans ces régions durant le flot avec l’augmentation du débit, mais le flux turbulent augmente en général.

L’extraction d’eau salée augmente avec le débit fluvial durant les périodes de forte stratification. Au cours de l’été, la couche intermédiaire froide occupe la région entre la couche de surface et la couche profonde (approximativement entre 30 m et 150 m). Dans la simulation témoin, la vitesse moyenne vers la tête du chenal au cours du mois, moyennée latéralement dans l’estuaire maritime, est maximale à environ 60 m de profondeur et de l’ordre de 10 cms‑1. La couche profonde circule aussi vers l’amont mais à une vitesse plus faible d’environ 1 cms‑1. Si l’on examine la différence dans la circulation de ces couches vers l’amont en soustrayant les résultats de la simulation témoin de ceux de la simulation perturbée, on constate une augmentation de la vitesse de la couche intermédiaire froide mais une diminution de la vitesse des eaux plus profondes. Ce dernier résultat est a priori surprenant. L’augmentation de la circulation de la couche intermédiaire en fonction du débit est une situation normale pour un estuaire. Toutefois, la diminution de la circulation de la couche profonde suggère que l’augmentation de la stratification impute un blocage plus important des eaux les plus denses et une réponse inverse au débit. Pour examiner plus attentivement l’extraction sélective des couches plus profondes, nous passons maintenant au simulateur du golfe dans lequel les échanges atmosphère-océan de même que les cycles saisonniers sont résolus.

3.3 Le cycle saisonnier dans le golfe du Saint-Laurent

Nous présentons maintenant les résultats de simulations qui utilisent la configuration à 5 km de résolution horizontale pour l’ensemble du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent. D’autres publications contiennent les résultats de la même simulation et illustrent d’autres champs importants telle la circulation moyenne par couche (SOURISSEAU et al., 2006). Nous examinons d’abord la circulation et le climat produits par le simulateur du golfe pour la période de 1997-2003. L’objectif est d’estimer les transports à travers des sections importantes du golfe (Figure 1), notamment à l’embouchure de l’estuaire maritime à la hauteur de Pointe-des-Monts (section A), pour ensuite examiner la réponse de ces transports à un changement dans le débit du fleuve Saint-Laurent et à l’intensité des vents. Nous basons notre étude de la circulation sur des simulations d’une durée de plus de six ans entre la fin 1996 et le milieu de 2003. Cette période est en effet suffisamment longue pour évacuer complètement les eaux du golfe dont les propriétés initiales furent généralisées à partir d’observations de profils de température et de salinité acquis à l’automne 1996 (voir SAUCIER et al., 2003).

La figure 4 montre les profils moyens de salinité et de température sur l’ensemble du golfe obtenus à partir de la simulation témoin, de même que le volume de glace de mer simulé et observé. Le cycle saisonnier domine dans les premiers 150 m de profondeur, avec une couche mélangée de surface de 10 à 30 m d’épaisseur au printemps et à l’été, et l’épaississement de cette couche jusqu’à 120 à 150 m de profondeur dès le début de l’hiver (en janvier) avec un maximum atteint en mars. La figure 4b montre la formation et l’érosion de la couche de surface hivernale, ainsi que des rectifications importantes dans la couche profonde associées à des événements météorologiques intenses durant l’automne et l’hiver. La variabilité interannuelle de ces profils se compare bien avec les observations de température et de salinité colligées par Pêches et Océans Canada. L’erreur moyenne pour la température horaire observée par un réseau de 22 thermographes côtiers fonctionnant durant la saison estivale est de 0,6 ± 1,7 oC. La figure 4c montre le volume de glace de mer (en km3) simulé et observé quotidiennement par le Service canadien des glaces (ENVIRONNEMENT CANADA). En général, le simulateur reproduit relativement bien le cycle saisonnier et la variabilité interannuelle dans le volume observé. Toutefois, le simulateur tend à sous-estimer la couverture de glace dans la région du nord-est du golfe.

Figure 4

Profils moyens horizontaux dans l’ensemble du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent : (a) salinité; (b) température (oC); (c) volume de glace de mer (km3). Les traits minces montrent les observations du Service canadien des glaces et les traits gras montrent les résultats de la simulation.

Laterally-averaged profiles of: (a) salinity; (b) temperature (oC); (c) sea ice volume (km3). Thin lines show the daily observations from the Canadian Ice Service and bold lines show results of the simulation.

Profils moyens horizontaux dans l’ensemble du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent : (a) salinité; (b) température (oC); (c) volume de glace de mer (km3). Les traits minces montrent les observations du Service canadien des glaces et les traits gras montrent les résultats de la simulation.

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La figure 5 montre la salinité près de la surface en moyennant les solutions horaires sur toute la durée de la simulation. Il s’agit de démontrer une pseudo climatologie de la salinité de surface qui illustre la région d’influence de l’eau douce. La comparaison de cette simulation avec plus de 4 900 profils observés dans l’ensemble du système sur une période de six ans montre une erreur moyenne de la salinité de surface inférieure à 0,5 pour chaque saison simulée. L’erreur demeure aussi relativement faible, de l’ordre de 0,25 pour chaque saison dans la couche entre 30 et 100 m de profondeur. Entre 100 et 200 m, une lente dérive de +0,5 est observée dans la salinité sur la période de simulation. Sous cette couche, l’erreur demeure en-dessous de 0,2.

Figure 5

Salinité moyenne de la couche de surface (5 m d’épaisseur) du golfe calculée en moyennant les solutions horaires de la situation témoin de sept ans.

Mean salinity in the surface layer (5 m thickness) of the Gulf of St. Lawrence computed by averaging hourly values from the seven-year simulation.

Salinité moyenne de la couche de surface (5 m d’épaisseur) du golfe calculée en moyennant les solutions horaires de la situation témoin de sept ans.

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La figure 6 montre le champ de température à la surface, d’une part moyenné pour l’hiver (Figure 6a) et d’autre part pour l’été (Figure 6b). Au cours de l’hiver, un fait saillant d’importance est la remontée vers la surface d’eaux relativement chaudes de la couche profonde à la tête du chenal Laurentien. Le même mélange tidal à la tête du chenal décrit ci-haut ainsi que les vents et la plus faible stratification sont responsables de cette remontée. La température près de la surface est en moyenne nettement plus élevée que le point de congélation et définit cette région comme une polynie de chaleur sensible (SAUCIER et al., 2003). La remontée hivernale des eaux profondes relativement chaudes (4 à 6 oC) dans l’estuaire maritime fut décrite par SMITH et al. (2006a) en utilisant des observations continues obtenues à l’aide d’un mouillage déployé dans le chenal Laurentien en face de Rimouski. Dans SMITH et al. (2006b), on démontre que le simulateur utilisé ici reproduit relativement bien cette circulation. Il s’agit de résultats importants concernant le cycle saisonnier du transport des masses d’eau intermédiaire et profonde dans l’estuaire maritime. Ils ont une importance clé pour caractériser le cycle saisonnier retrouvé dans la circulation estuarienne. Ces résultats complémentent des observations de INGRAM (1979), SMITH et al. (2006a, 2006b), et GALBRAITH (2006). On constate qu’au cours de l’automne et de l’hiver, la couche profonde remonte dans l’estuaire maritime jusqu’à une profondeur de moins de 60 m, occupant effectivement la place de la couche intermédiaire froide. Cette eau profonde se retrouve à la tête du chenal et peut alors être extraite vers la surface. Au cours du printemps, lors de la formation de la nouvelle couche de surface, la couche hivernale produite dans le golfe du Saint-Laurent est entraînée dans l’estuaire. Elle est continuellement renouvelée au cours de l’été et persiste dans l’estuaire, la région la plus stratifiée du golfe, jusqu’à l’automne. Elle est extraite en majeure partie à la tête du chenal Laurentien et, dans une moindre mesure, via une circulation d’Ekman entraînée par les vents dominants le long de la côte nord. À l’automne, lorsque la stratification diminue et les vents du secteur nord-ouest s’intensifient, le mouvement de surface diffuse vers la couche intermédiaire qui diminue en épaisseur pour laisser place à l’élévation et la circulation de la couche profonde.

Figure 6

Température moyenne à la surface du golfe (oC) pour les saisons d’hiver (janvier à mars) et d’été (juillet à septembre), obtenues en moyennant les solutions horaires de la solution témoin.

Mean sea surface temperature (oC) for winter (January to March) and summer (July to September), averaging hourly results from the control simulation.

(a)

(b)

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La figure 6b montre un patron mieux connu, soit celui des conditions d’une couche estivale de surface réchauffée par le rayonnement solaire et les masses d’air continentales. Tel qu’il est énoncé ci-dessus, la couche de surface est régulièrement écartée le long des côtes nord (et du sud de l’île d’Anticosti) par les vents pour laisser place à la résurgence d’eaux intermédiaires froides. À la tête du chenal Laurentien, la résurgence de la couche froide est assujettie à la diffusion verticale de sel ou plus généralement des masses d’eau décrites plus haut. L’entraînement et le mélange de la couche froide avec les eaux saumâtres de surface maintiennent un climat relativement froid pour l’ensemble de l’estuaire maritime. Ainsi, grâce aux développements décrits à la section 2, nous avons reproduit de manière relativement fidèle un pseudo climat du golfe du Saint-Laurent. Ceci nous permet de simuler son réajustement dynamique à long terme suite à des changements internes (paramètres) ou externes (conditions aux frontières).

3.4 La circulation estuarienne dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent

Maintenant que nous avons démontré la capacité de reproduire les éléments clés de la variabilité du climat du golfe et de l’estuaire sur des périodes de plusieurs années, nous focalisons sur la variabilité des transports des masses d’eau à travers des sections clés du golfe (Figure 1). La simulation produit une circulation cyclonique générale moyenne dans le golfe du Saint-Laurent de 0,58 ± 0,6 Sv, incluant 0,2 ± 0,6 Sv entrant en profondeur par le détroit de Cabot (Section E) et 0,34 ± 0,3 Sv entrant par le détroit de Belle-Isle (Section D) (1 Sv = 10m3s‑1, la variabilité est illustrée par l’écart-type par rapport à la moyenne en retenant les transports horaires filtrés pour éliminer l’effet de la marée). Environ 0,11 ± 0,17 Sv circule autour de l’île d’Anticosti (Section C) et s’ajoute aux apports d’eau douce de l’estuaire et de la côte nord pour donner lieu à un transport de 0,13 ± 0,18 Sv dans le détroit d’Honguedo (Section B).

La figure 7 montre le profil du transport de volume par unité de profondeur à l’embouchure de l’estuaire (section A de Pointe-des-Monts). D’abord, on note bien la circulation estuarienne, moyennée dans le temps à la figure 7b, ainsi que la très grande variabilité temporelle dans les transports (Figure 7a). Un transport net (intégré sur la verticale) de 17 ± 7 mSv correspond aux apports nets en eau douce dans l’estuaire. Les eaux de surface sont expulsées vers le golfe à un taux de 105 ± 82 mSv dans les premiers 30 m de la colonne d’eau. Le maximum d’entrée d’eau salée se retrouve à environ 70 m de profondeur; le transport entre 30 et 150 m est de 72 ± 62 mSv vers l’amont. Considérant un volume d’environ 865 km3 pour cette couche dans l’estuaire, les eaux y résident en moyenne 0,38 année. La couche profonde (plus de 150 m) circule vers l’amont à un taux de 17 ± 120 mSv. Elle prend donc 2,7 années pour circuler depuis le détroit de Cabot jusqu’à l’estuaire, et réside environ 1,2 année dans l’estuaire (en considérant un volume de 656 km3 pour l’estuaire maritime). Notons un écart-type sept fois plus important que la moyenne pour le transport des eaux profondes. La figure 7a illustre cette très forte variabilité dans les transports dominés par des événements synoptiques (systèmes météorologiques plus intenses) au cours de l’automne et de l’hiver.

Figure 7

Profil vertical du transport de volume d’eau intégré latéralement sur la section A (voir Figure 1) en m2s‑1 : (a) Série temporelle horaire filtrée pour enlever l’effet de la marée; (b) Moyenne temporelle sur la durée de la simulation.

Laterally-averaged volume transport profile through section A (see Figure 1) in m2s‑1: (a) De-tided profile time series; (b) Time-averaged profile over the simulation period.

(a)

(b)

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Nous examinons maintenant la sensibilité des transports aux variations dans le débit d’eau douce (avec un étiage d’environ 10 x 103m3s‑1 jusqu’à près de 20,0 x 103m3s‑1 pendant la crue) et l’intensité du vent (généralement dominant d’ouest en est). Examinons d’abord la corrélation entre les transports à l’embouchure de l’estuaire (section A, Figure 1) et ces variations du débit au cours de la simulation calculées sur une section du modèle près de Québec. Les coefficients de corrélation obtenus entre les séries temporelles des moyennes horaires du débit du fleuve et du transport, dans chaque couche sur toute la période de simulation, sont significatifs dans le sens où un test-t donne une probabilité de p < 0,001. La corrélation entre le transport dans la couche de surface et le débit est très faible en surface et même négative (r = -0,11), puis plus forte et aussi négative dans la couche intermédiaire (r = -0,35) et maximale dans la couche profonde, mais cette fois positive (r = 0,65). La corrélation négative pour la couche de surface suggère que la variabilité induite par le débit d’eau douce donne lieu à des variations synoptiques dans les modes de circulation du nord-ouest du golfe qui ont une importance sur les eaux qui arrivent à franchir Pointe-des-Monts (SOURISSEAU et al., 2006). La corrélation négative entre le transport intermédiaire et le débit est significative et démontre une intensification de la circulation estuarienne avec l’augmentation du débit, en accord avec les résultats obtenus plus haut. La corrélation positive et maximale dans la couche profonde est, a priori, plus surprenante. En effet, la simulation suggère la réduction de la circulation de la couche profonde lors d’une augmentation du débit. Ce résultat suggère qu’un autre mécanisme que la rencontre des eaux salées et douces à la tête du chenal Laurentien doit aussi être responsable de la circulation de la couche profonde. En effet, nous pouvons imaginer que si le débit tombait à zéro, la couche profonde ne pourrait continuer à accélérer vers l’amont sans qu’une autre cause l’y pousse.

Regardons ensuite la corrélation entre l’intensité du vent mensuel moyen dans l’axe de l’estuaire et les transports. Le tableau 1 montre les coefficients de corrélation pour la section de Pointe-des-Monts. D’abord, notons la cohérence plus élevée au cours de l’automne pour les couches de surface et de fond. On note la forte corrélation, toujours positive, entre le transport dans la couche profonde et l’intensité du vent. D’autre part, la circulation de la couche d’eau entre 30 et 150 m de profondeur est positivement corrélée avec le vent à l’automne et à l’hiver, et négativement au cours du printemps et de l’été. Ces résultats sont cohérents avec le cycle saisonnier de la circulation décrit dans SMITH et al. (2006a) et ouvrent la porte à une rationalisation de l’effet de l’eau douce sur la circulation estuarienne.

Tableau 1

Coefficient de corrélation entre le transport moyen mensuel des masses d’eau à la Section A (Pointe-des-Monts, voir Figure 1) et l’intensité moyenne mensuelle du vent dans l’axe du l’estuaire.

Correlation coefficient r between mean monthly transport through Section A (see Figure 1) in various layers, and mean monthly along‑channel wind intensity.

Coefficient de corrélation (p < 0,001)

Couche

Hiver

Printemps

Été

Automne

0-30 m

0,21

0,56

0,56

0,83

30-150 m

0,38

‑0,24

‑0,23

0,23

150-fond

‑0,39

‑0,34

‑0,34

‑0,68

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En examinant la circulation simulée, on voit donc émerger le fonctionnement de la circulation estuarienne. Au cours du printemps et de l’été, la couche intermédiaire froide est entraînée vers la tête du chenal Laurentien et une augmentation du débit entraîne une plus grande diffusion verticale de sel (ou d’eau douce) et une circulation estuarienne plus intense mais limitée en profondeur. Au cours de l’automne et de l’hiver, la couche de surface s’épaissit et les vents entraînent la couche intermédiaire vers le golfe. La couche profonde répond alors en pénétrant et s’élevant dans l’estuaire, propulsée par la réponse au vent. Une augmentation automnale ou hivernale de la stratification dans l’estuaire, induite par une augmentation dans le débit d’eau douce par exemple, tendrait à inhiber le mélange de ces eaux avec les eaux de surface.

Le tableau 2 montre les résultats généraux de l’analyse de sensibilité au débit du fleuve et à l’intensité du vent pour les transports dans différentes sections du golfe. Attardons-nous d’abord à la section de Pointe-des-Monts. Les simulations avec une diminution de débit confirment les résultats obtenus plus haut. La figure 8 montre le profil de l’écart dans les transports induit par la diminution du débit. On observe qu’une diminution du débit de 20 % correspond à une diminution de la circulation estuarienne dans la couche intermédiaire de 12 % et une augmentation de la circulation de la couche profonde de 10 %. La simulation avec une diminution du débit de 40 % montre une réponse quasi linéaire de la circulation estuarienne à la section de Pointe-des-Monts, les écarts étant essentiellement doublés, alors que les réponses sont plus complexes dans le golfe. La figure 9 montre l’écart obtenu dans la circulation de surface (en soustrayant la solution témoin de la solution perturbée). On observe la diminution nette de la circulation de surface vers le golfe et l’océan (ce qui n’est pas ressorti de la faible corrélation obtenue ci-haut). En examinant la figure 9 d’ouest en est, on note aussi les aspects particuliers suivants : les instabilités du courant de Gaspé sont moins fréquentes comme le montre une diminution des courants s’écartant vers le large dans le nord-ouest du golfe. Ce résultat est cohérent avec SHENG (2001) à l’effet que le transport d’eau douce depuis l’estuaire est favorable aux instabilités du courant de Gaspé. Ensuite, la diminution maximale est sentie dans le courant de Gaspé juste à la pointe de la Gaspésie. Finalement, on voit que la diminution du débit entraîne une diminution de la circulation cyclonique du golfe marquée par une diminution de l’entrée d’eau par le détroit de Belle-Isle (18 mSv ou 5 %) et une diminution de la sortie par le détroit de Cabot (21 mSv ou 6 %). Le tableau 2 montre combien ces changements dans le golfe sont non seulement relativement faibles, mais surtout petits face à la variabilité naturelle tant dans la solution témoin que dans les écarts entre les solutions. Les résultats sont toutefois cohérents pour le signe et l’intensité des différences de transport dans l’estuaire maritime et le long du chenal Laurentien.

Tableau 2

Transports moyens du volume d’eau sur la période de simulation à travers les sections du golfe montrées à la figure 1 en mSv (1 Sv = 10m3s‑1) et écarts par rapport à la simulation témoin pour les modifications indiquées dans le débit du Saint-Laurent et l’intensité du vent. La déviation standard est indiquée pour les valeurs horaires d’abord filtrées pour les marées.

Mean volume transports over the simulation period through sections shown on Figure 1 in mSv (1 Sv = 10m3s‑1) and differences with respect to the control simulation with the modifications indicated in the St. Lawrence runoff and the wind intensity. The standard deviation is indicated for de-tided hourly values.

Section

Net

0-30 m

30-150 m

150 m-fond

A

17 ± 7

105 ± 82

‑72 ± 62

‑17 ± 120

B

130 ± 178

172 ± 135

‑13 ± 103

‑34 ± 270

C

‑114 ± 166

‑19 ± 205

‑89 ± 123

‑6 ± 127

D

‑337 ± 309

‑147 ± 160

‑190 ± 151

0

E

370 ± 550

302 ± 182

207 ± 340

‑139 ± 405

Débit –20 %

Net

0-30 m

30-150 m

150 m-fond

A

‑2,2 ± 2

‑8,9 ± 8

8,8 ± 12

‑1,6 ± 13

B

‑1,1 ± 23

‑8,1 ± 18

7,8 ± 24

‑0,8 ± 30

C

0,1 ± 24

‑1,1 ± 18

2,2 ± 30

‑1,0 ± 22

D

18 ± 103

8,9 ± 52

8,9 ± 52

0

E

‑21 ± 248

‑12 ± 46

‑4,5 ± 139

‑4,1 ± 142

Débit –40 %

Net

0-30 m

30-150 m

150 m-fond

A

‑4,5 ± 2

‑19 ± 11

16,6 ± 16

‑2,3 ± 15

B

‑4,9 ± 27

‑19 ± 21

15 ± 27

‑0,8 ± 35

C

0,7 ± 28

0,1 ± 20

1,3 ± 32

‑0,7 ± 24

D

29 ± 113

15 ± 57

14 ± 56

0

E

‑34 ± 265

‑24 ± 52

‑7 ± 165

‑2,4 ± 141

Vent –2 0%

Net

0-30 m

30-150 m

150 m-fond

A

‑0,2 ± 3

‑2,2 ± 33

‑5,3 ± 32

7,2 ± 53

B

‑43 ± 79

‑22 ± 55

‑30 ± 55

9,3 ± 117

C

44 ± 74

8,1 ± 84

32 ± 66

3,8 ± 61

D

‑136 ±181

‑69 ± 91

‑67 ± 92

0

E

136 ± 445

9,5 ± 89

80,3 ± 176

46 ± 253

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Figure 8

Différence dans le profil du transport de volume d’eau intégré latéralement sur la section A (voir Figure 1) en m2s‑1 avec une diminution de 40 % dans le débit du fleuve Saint-Laurent : Moyenne temporelle sur la durée de la simulation.

Difference in the laterally-integrated volume transport through section A (see Figure 1) in m2s‑1 , with 40% reduction in St. Lawrence River runoff. Time-averaged profile over the simulation period.

Différence dans le profil du transport de volume d’eau intégré latéralement sur la section A (voir Figure 1) en m2s‑1 avec une diminution de 40 % dans le débit du fleuve Saint-Laurent : Moyenne temporelle sur la durée de la simulation.

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Figure 9

Différence dans les courants de surface (ms‑1) avec une diminution de 40 % dans le débit du fleuve Saint-Laurent.

Difference in surface currents (ms‑1) with a 40% reduction in the St. Lawrence River runoff.

Différence dans les courants de surface (ms‑1) avec une diminution de 40 % dans le débit du fleuve Saint-Laurent.

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Dans le but de confirmer l’effet du vent sur la circulation du golfe et de l’estuaire, le tableau 2 montre les écarts dans les transports sur différentes sections obtenus à partir d’une simulation dans laquelle l’intensité du vent est uniformément et constamment diminuée de 20 %. La réponse est complexe bien qu’en grande partie attendue, soit une diminution de la circulation estuarienne en profondeur dans le chenal Laurentien (des écarts positifs par rapport à la simulation témoin). La circulation simulée de la couche intermédiaire dans le détroit d’Honguedo (Section B) est fortement affectée par une diminution du débit de 20 %, passant de 13 mSv à moins de 5 mSv et même en s’inversant avec une diminution de 40 %. C’est-à-dire qu’une diminution du débit d’environ 20 à 40 % du fleuve entraîne un renversement net de la circulation intermédiaire dans le détroit d’Honguedo.

Parmi les autres faits saillants les plus importants, on observe l’effet déterminant des vents sur la circulation cyclonique du golfe et en particulier sur les échanges avec l’Atlantique. Avec une diminution de 20 % de l’intensité du vent, le transport dans le détroit de Belle-Isle (l’entrée d’eau) augmente de 40 % (compensée par une sortie équivalente dans le détroit de Cabot). Le transport autour de l’île d’Anticosti diminue de 40 %. Si l’on examine les différences dans le transport cyclonique barotrope dans le golfe, on réalise en particulier l’importance du vent dans la limitation de l’intrusion du courant du Labrador dans le golfe. En particulier, on se rend compte que la circulation généralement vers le nord-est le long de la côte ouest de Terre-Neuve peut s’inverser quand l’intensité des vents est réduite plus encore. Dans une simulation où la contrainte du vent est mise à zéro (non montrée) la circulation donne littéralement place à une nouvelle branche interne du courant du Labrador qui circule directement du détroit de Belle-Isle vers le détroit de Cabot. Les vents limiteraient donc en général l’intrusion d’eau par le détroit de Belle-Isle.

4. Discussion

Selon les résultats de notre simulateur, nous avons vu que la circulation estuarienne dans le Saint-Laurent fonctionne selon deux modes en fonction de la saison et du débit fluvial du Saint-Laurent. Dans le premier mode, dominant au cours du printemps et de l’été, le débit fluvial entraîne une circulation estuarienne plus intense et limitée en profondeur dans l’estuaire maritime jusqu’à la base de la couche intermédiaire froide. Dans ce mode, la circulation estuarienne est dans le sens proposé par NEU (1970), au contraire de REID (1977), quand le débit fluvial augmente. Effectivement, NEU (1970) conclut que la circulation estuarienne est directement reliée au débit d’eau douce et REID (1970), pour sa part, suggère qu’il existe un seuil où l’augmentation d’eau douce supprimera le mélange. Dans le second mode, dominant au cours de l’automne et de l’hiver, une augmentation du débit fluvial accroît la stratification et limite la circulation estuarienne profonde. Les résultats suggèrent aussi que les vents gouvernent la circulation estuarienne dans le chenal Laurentien à l’échelle du golfe et que leur influence est importante sur la circulation cyclonique générale, en particulier sur l’intensité de l’excursion du courant du plateau du Labrador dans le golfe via les détroits de Belle-Isle et de Cabot.

Bien que résultant d’une mécanique intégrée, conservatrice et cohérente avec les observations, ces prédictions théoriques demeurent difficiles à vérifier, le problème de détectabilité in situ étant immense face à la variabilité naturelle du système. D’abord, le signal associé au débit est faible par rapport à la variabilité naturelle temporelle et spatiale. Ensuite, il faut admettre que peu d’instruments ont encore été mouillés, en particulier durant la période hivernale. Les prédictions obtenues sont toutefois cohérentes avec plusieurs observations. Notamment, l’augmentation moyenne du débit fluvial au cours du dernier siècle d’environ 15 % (PÊCHES ET OCEANS CANADA, 2008) et la diminution de la teneur en oxygène dissoute dans les eaux profondes du chenal Laurentien (GILBERT et al., 2005). Le modèle ci-haut suggère que le taux de renouvellement des eaux profondes dans le chenal Laurentien aurait en effet diminué au cours du dernier siècle. Le modèle suggère aussi qu’une diminution éventuelle dans le débit du Saint-Laurent, associée à un réchauffement climatique, entraînerait une diminution de la circulation de la couche intermédiaire vers l’estuaire et une augmentation de la circulation dans la couche profonde. Toutefois, si le débit diminuait en moyenne, il pourrait d’autre part augmenter au cours de l’hiver en raison de crues hivernales plus fréquentes ou intenses, et ainsi limiter la ventilation des eaux profondes au moment où elles sont effectivement extraites. D’autres expériences numériques sont bien sûr possibles pour tenter de mieux résoudre ces questions. Les résultats suggèrent aussi comment le système peut répondre aux aménagements hydroélectriques qui tendent à retenir la crue printanière et augmenter le débit hivernal. Notons les ouvrages qui ont modifié significativement le débit du Saint-Laurent : la régulation des Grands Lacs depuis 1952 puis celle de l’Outaouais (1963) contribuent à une augmentation du débit hivernal de l’ordre de 10 %, et une diminution de la crue printanière de l’ordre de 10 %. On doit aussi quantifier l’effet d’autres ouvrages tels que les barrages Manicouagan-Outardes construits entre 1961 et la fin des années 1970, d’autant que ces rivières coulent directement dans l’estuaire maritime.

La circulation à mésoéchelle dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent et ses liens avec les résultats obtenus demeurent toujours en grande partie inconnus. Les résultats pour le golfe du Saint-Laurent démontrent l’importance de mieux comprendre cette dynamique dans le contexte de la circulation générale estuarienne. En effet, une des incertitudes distinctives dans le simulateur du golfe est le rôle de la dispersion horizontale dans l’estuaire maritime. Dans plusieurs simulations qui ont été réalisées pour valider les résultats au cours des dernières années, il est apparu que le mélange est insuffisant dans l’estuaire en utilisant seulement une faible diffusion horizontale des scalaires (SAUCIER et al., 2003). Ainsi dans les simulations du golfe, le coefficient de diffusion horizontal des scalaires est augmenté dans les couches de surface (SOURISSEAU et al., 2006). Cette augmentation de la diffusion horizontale dans les couches de 0 à 50 m de profondeur joue un rôle important dans l’intensité de la circulation estuarienne moyenne (bien que n’affectant pas les conclusions sur les modes de fonctionnement de la circulation estuarienne en fonction du débit ou des vents). Une augmentation de la diffusion numérique donne lieu à une intensification de la circulation estuarienne. Nous ne savons pas encore comment expliquer ce résultat et s’il ne s’agirait pas d’une autre raison comme la sous-représentation du mélange vertical associé à des ondes internes dans le chenal Laurentien. Toutefois, on peut montrer que la dispersion horizontale des eaux dans l’estuaire, associée à des tourbillons, des instabilités ou des ondes, est importante et ne peut pas être représentée complètement dans le simulateur du golfe. Une résolution de 5 km est insuffisante pour résoudre les déformations baroclines associées à des rayons de déformation internes de Rossby de seulement quelques km. Notons, en particulier, le besoin de mieux comprendre le rôle de la circulation cyclonique en aval de l’île Rouge observée par REID (1977). EL-SABH et al. (1982) et LIE et EL-SABH (1983) ont aussi décrit des gyres de basses fréquences (périodes de 70 à 80 jours) entre Rimouski et la tête du chenal. Finalement, SAVENKOFF et al. (1997), KOUTITONSKY (1979), MARSDEN et GRATTON (1998) et d’autres ont aussi décrit des patrons de circulation à mésoéchelle dont l’importance dans la circulation estuarienne reste à déterminer.

5. Conclusion

Les résultats de nos simulateurs suggèrent que le Saint-Laurent répond aux forçages externes à l’instar d’un estuaire classique à deux couches lors des périodes de forte stratification (printemps et été), c’est-à-dire lorsque l’apport en eau douce entraîne une ventilation plus efficace de la couche intermédiaire froide du golfe jusqu’à une profondeur d’environ 150 m. D’autre part, lors des périodes de plus faible stratification (automne et hiver), un excès dans l’apport d’eau douce inhibe partiellement la ventilation des eaux profondes du chenal Laurentien (venant de plus de 150 m de profondeur), comme dans une mer marginale nordique. Selon nos résultats, bien qu’une diminution éventuelle de l’apport en eau douce du fleuve Saint-Laurent, associée au réchauffement climatique ou au développement, pourrait diminuer l’intensité de la circulation estuarienne au printemps et à l’été, une même diminution pourrait favoriser l‘extraction des eaux profondes durant l’hiver.

Ces prédictions offrent une réponse à la question posée par THERRIAULT (1991) : Le golfe du Saint-Laurent : petit océan ou grand estuaire? C’est-à-dire que le système répondrait comme un estuaire classique au cours de l’été, où l’eau douce propulse la circulation estuarienne entre 0 et 150 m, et comme une mer marginale nordique durant l’hiver, où l’eau douce inhibe la ventilation des eaux profondes.

Il reste plusieurs facteurs cruciaux à mieux comprendre et étudier à l’aide de nouvelles observations pour expliquer la circulation estuarienne, incluant par exemple la circulation à mésoéchelle dans l’estuaire maritime et le détroit d’Honguedo, ainsi que des effets potentiellement non hydrostatiques dans l’estuaire moyen.