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1. Introduction

Le chrome est utilisé dans diverses applications industrielles, telles que la production de l’acier inoxydable et résistant à haute température, la production de matériaux réfractaires comme la brique et le mortier et la fabrication de pigments. Il sert également au traitement des surfaces métalliques, au tannage du cuir, à la préservation du bois, et dans l’industrie chimique, on l’utilise comme oxydant, et dans la fabrication d’autres composés du chrome (Mohanet al., 2006a; Parckeret al., 2001; Quilntanaet al., 2001; Smithet al., 2002). Les effluents de ces industries peuvent contenir de 10 à 100 mg•L-1 de Cr (VI) (Nakano et al., 2002). Ce produit transporté par les eaux, outre sa toxicité pour la faune et la flore, présente la particularité de s’accumuler, notamment dans les écosystèmes aquatiques; il est donc l’un des métaux polluants majeurs (Park et Jung, 2001; Yonget al., 2006a). Si l’appréciation de la qualité des eaux doit prendre en compte la teneur globale en métaux lourds, le Cr (VI) demeure l’un des facteurs principaux de cette qualité et son élimination s’impose dans sa totalité.

L’augmentation de la demande en eau et l’évolution de la législation sur les rejets industriels nécessitent le développement de nouveaux procédés de traitement des eaux résiduaires, plus efficaces et moins coûteux. Les procédés actuellement appliqués dans industrie pour éliminer le chrome (VI) sont essentiellement la réduction suivie de la précipitation, la flottation d’ions, l’échange d’ions, l’électrolyse ou l’adsorption sur charbon actif (Montielet al., 2000a; Rawat et Singh, 1992). De tous ces procédés, l’adsorption est la technique la plus prometteuse (Blaiset al., 1999; Montielet al., 2000b). Avec sa grande surface spécifique et sa porosité importante, le charbon actif est considéré comme un adsorbant potentiel pour le Cr (VI) (Anbalaganet al., 2004a; Babel et Kurmiawan, 2003a; Baileyet al., 1999). Cependant, l’utilisation du charbon actif commercial n’est pas rentable à cause de son coût élevé. Par conséquent, il est nécessaire de produire un adsorbant pour le chrome (VI) à base de matériaux accessibles et bon marché tels que : les boues résiduaires, la lignine, l'hydroxyde de fer, les coquilles de noix, la paille, la sciure, l’écorce de bois, etc. (Babel et Kurmiawan, 2003b; Demirbas, 2004; Mohanet al., 2006b).

La lignine est un polymère intégré aux parois cellulaires de toutes les plantes vasculaires et représente de 20 à 40 % de la matière ligneuse (Wuet al., 2008). Sa production mondiale, par l’industrie papetière, est d’environ 50 millions de tonnes par an, dont 10 % seront utilisées. Le reste de la lignine est souvent déversé dans les cours d’eau provoquant de sérieux problèmes à l’environnement. La lignine comporte différents groupements fonctionnels tels que : méthoxyl, hydroxyle, phénolique, carboxyle, aromatique, alcool, aldéhyde, etc. (Sakanen et Luding, 1971) qui font d’elle un adsorbant potentiel pour éliminer les métaux lourds des eaux résiduaires.

La présente étude consiste à éliminer le Cr (VI) des solutions aqueuses par la lignine sulfatée issue de la cuisson de l’alfa grass. Les paramètres de l’isotherme d’adsorption, de la cinétique et de la thermodynamique sont analysés ainsi que les facteurs influençant l’adsorption tels que : le pH, la dose de l’adsorbant, la température et la concentration initiale du chrome.

2. Matériel et méthodes

2.1 Préparation de l’adsorbant et méthodes d’analyses

La lignine est obtenue à partir de la liqueur noire produite par la cuisson sulfate de l’alfa grass (Stipa tenacissima) dans un digesteur de laboratoire de 5 litres de volume. La liqueur noire de concentration de 25 - 30 % est acidifiée jusqu'à pH = 2 - 3 à l’acide sulfurique de 30 % de concentration. Après transfert de la suspension dans un bécher, la lignine est séparée de la liqueur noire à la température de 80 - 90 °C pendant une heure, par la suite, filtrée sous vide à la pression de 0,04 - 0,05 MPa et lavée avec de l’eau distillée de température 55 - 60 °C, jusqu'à pH = 7. La lignine est étuvée à la température de 45 - 50 °C pendant 24 heures et elle sera activée avec de l’eau oxygénée (H2O2 de 30 %) avec un rapport de 1 :10 (p:v) en présence d’un catalyseur, le NaWO4 pendant 10 min, puis sera carbonisée à 300 °C dans un four à débit d’azote de 300 mL•min-1 pendant deux heures, ensuite refroidie avec maintien du même débit d’azote (Mazourovaet al., 2003). La lignine activée sera soumise à l’étude de l’adsorption du Cr (VI).

La matière minérale de la lignine activée est déterminée après calcination dans un four à moufle à 600 °C. Les éléments C, H et N sont déterminés par combustion sèche dans un autoanalyseur CHN-2400 Perkin Elmmer. La mesure de la densité des particules s’effectue à l’aide d’un pycnomètre à hélium (ACCUPYC 1330 TC). La surface spécifique est déterminée par un porosimètre multigaz ASAP2010M. La mesure est basée sur l’application de la méthode Brunauer, Emmet et Teller (B.E.T). La détermination du volume total des pores repose sur la mesure du volume d’azote adsorbé jusqu'à P/P0 = 0,98. Le modèle de calcul DTF (théorie de la fonctionnelle de la densité) permet de déterminer la distribution de taille des pores, et, par conséquent, leurs volumes (micro et macro). Concernant l’étude des groupements fonctionnels à la surface des pores de la lignine activée, on utilise le spectrophotomètre infrarouge FT/IR-4100-A. Les pastilles sont préparées au préalable en mélangeant 1 mg d’échantillon avec 100 mg de KBr.

La concentration de Cr (VI) est déterminée par un spectrophotomètre UV/visible (UV 240 mode Shimadsu) en utilisant 1-5 diphénylcarbazide comme agent de complexe, dans un milieu acide, à la longueur d’onde 540 nm.

2.2 Dispositif expérimental

Le dispositif expérimental est constitué d’un bécher de 1 000 mL de capacité et d’une résistance thermostatée dotée d’un agitateur magnétique, muni d’un régulateur permettant d’ajuster la vitesse d’agitation de 180 tours par minute. Le potentiel d’hydrogène est mesuré à l’aide d’un pH-mètre Accumet Basic de marque AB-15 équipé avec électrodes Ficher-biolock C90411 et la température avec une sonde ALPH-PT 100. La solution mère du Cr (VI) est préparée par la dissolution de 2,5688 g de bichromate de potassium séché au préalable (pureté 99,99 %) dans 1 000 mL d’eau distillée. Cette solution est utilisée pour obtenir les solutions diluées aux concentrations demandées. Les solutions de 0,5 N de HCl et de NaOH sont utilisées pour l’ajustement du pH. Après chaque essai, l’adsorbant est séparé de la solution sur un filtre à papier (0,45 µm).

L’effet des différents paramètres sur le processus d’adsorption est observé en faisant varier le temps de contact, t (30, 60, 80,120,180 et 280 min), la concentration initiale, C0 (50, 100, 150, 200, 250 et 280 mg•L-1), la concentration d’adsorbant, W (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 g•L-1), le pH initial (0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8) et la température, T (20, 25, 30 et 40 °C). Le volume de la solution (V) est maintenu constant (300 mL). L’étude d’isotherme d’adsorption a été effectuée avec différentes doses allant de 0,5 à 5,5 g•L-1 tout en maintenant la première concentration du chrome de 180 mg•L-1. Pour augmenter la précision des données, chaque expérience a été répétée trois fois.

Le pourcentage d’élimination du chrome (%) à n’importe quel temps de contact est déterminé par l’équation suivante :

où C0 et Ct sont les concentrations du chrome initiales et à un temps de contact t respectivement (mg•L-1).

3. Résultats et discussion

3.1 Caractéristiques de l’adsorbant

Les résultats des analyses effectuées sur la lignine (Tableau 1) montrent qu’elle retient 10 % d’humidité et sa teneur en éléments : C, 85,6 %; H, 3,1 %; N, 0,04 %; O, 14,1 % et en cendre, 1,3 %. Le volume total de ses pores est égal à 1,83 cm3•g-1 et leur surface spécifique est de 1 023 m2•g-1. La surface spécifique totale est importante comparée à celle des adsorbants obtenus par Yonget al. (2006b) avec de la lignine activée par K2CO3, Yasinet al. (2007) avec les coquilles de noix de coco et Demirbaset al. (2004) avec les coquilles d’amandes et les noyaux d’abricots. Les spectrogrammes infrarouges de la lignine activée sont présentés sur la figure 1. La fréquence 3 385,49•cm-1 est dominée par la vibration O-H des structures aromatiques et aliphatiques. Les spectres ont également montré des bandes définies à 1 700,71 et 1 613,66•cm-1 pouvant être assignées aux vibrations C = C de la structure aromatique. La bande remarquée à la fréquence 1 214,22•cm-1 est attribuée à la vibration C-O-C de l’éther d’aryle-alkyl. Ainsi, celle qui apparaît autour de 1 076,96•cm-1 indique la présence du groupement Si-O. Ces résultats révèlent, à la surface de la lignine activée, la présence de divers groupes fonctionnels renfermant en majorité de l'oxygène.

Tableau 1

Propriétés physiques et chimiques de la lignine activée.

Physical and chemical properties of activated lignin.

Propriétés physiques et chimiques de la lignine activée.

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Figure 1

Les spectres FT/IR de la lignine.

FTIR spectra of lignin.

Les spectres FT/IR de la lignine.

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3.2 Effet du pH

Le pH de la solution joue un rôle important dans l’adsorption des ions métalliques à la surface de l’adsorbant (Srivaslavaet al., 1994). Pour optimiser le pH, une étude de l’adsorption du Cr (VI) en fonction de la variation du pH allant de 0 à 8 est réalisée avec une concentration initiale de 100 mg•L-1 et une dose de l’adsorbant de 2 g•L-1. Les résultats de cette étude (Figure 2) montrent que l'évolution du pourcentage d’élimination du Cr (VI) passe par deux étapes successives : croissance et décroissance avec l’augmentation du pH dans la plage indiquée. Avec la croissance du pH initial de 0 à 2, le taux de réduction du Cr (VI) augmente jusqu'à 92,36 % et la valeur optimale du pH est entre 2 et 3. Il chute au-delà de pH = 4 et atteint un taux de réduction de 42,3 % à pH = 8. L’adsorption maximale de Cr (VI) autour de pH = 2,8 est expliquée par la protonation de l’adsorbant et la forme sous laquelle existe le Cr (VI). À bas pH, la concentration des protons est élevée et les charges négatives à la surface des pores de l’adsorbant se neutralisent et de nouveaux sites seront développés avec des charges positives (Sanchez-Polo et Rivera-Ultrilla, 2002). Selon Britoet al. (1997a), Cottonet al. (1972), le Cr (VI) en solution existe sous différentes formes ioniques : chromate (CrO4-2), dichromate (Cr2O7-2), hydrogénochromate (HCrO4-) ou acide chromique (H2CrO4) conformément à l’équation 2. Les molécules de l’ion HCrO4- sont les plus nombreuses dans la solution par rapport à celles de Cr2O7-2 à pH = 2 - 6 et les ions de HCrO4- sont de plus petite taille que ceux de l’ion Cr2O7-2 ( Britoet al., 1997b). Par conséquent, les ions monovalents HCrO4- se diffusent et s’adsorbent plus facilement et en plus grande quantité à la surface des pores que ceux de Cr2O7-2. À pH <1, la forme moléculaire H2CrO4 prédomine dans la solution en tant qu’espèce anhydride polycyclique difficilement adsorbable par les pores (Babu et gupta, 2008a).

Figure 2

Effet du pH sur le taux de réduction du Cr (VI) par la lignine (100 mg de chrome dans 1 L d’eau, T = 20 °C et temps de contact = 90 min).

Effect of pH on Cr (VI) adsorption onto lignin (Cr 100 mg in 1 L of water, T = 20°C, contact time = 90 min).

Effet du pH sur le taux de réduction du Cr (VI) par la lignine (100 mg de chrome dans 1 L d’eau, T = 20 °C et temps de contact = 90 min).

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3.3 Effet de la concentration initiale

Selon Baralet al. (2008); Devaprasath et al. (2007a), l’adsorption du chrome est considérablement influencée par sa concentration initiale dans les solutions aqueuses. Pour cette étude, on a fait varier la concentration initiale dans la plage de 50 à 280 mg•L-1 en maintenant la dose de l’adsorbant à 2 g•L-1, la température à 20 °C et le pH à 2. Les résultats de la figure 3 montrent l’effet de la variation de la concentration sur le taux d’élimination du Cr (VI) et l’adsorption spécifique de la lignine. On constate que le taux d’élimination du Cr (VI) diminue de 98,2 à 12,58 % tandis que l’adsorption de la lignine augmente de 23,49 à 95,42 mg•g-1 quand la concentration initiale augmente de 50 à 280 mg•L-1. La quantité de Cr (VI) adsorbée par un gramme de lignine augmente rapidement de 22,5 à 85,6 mg•g-1 lorsque la concentration initiale du Cr (VI) varie de 50 à 250 mg•L-1. Au-delà de cette dernière concentration, elle n’augmente que légèrement. Par contre, à des concentrations allant de 50 à 100 mg•L-1, le pourcentage d’élimination du Cr (VI) décroît peu, mais à des concentrations au-delà de 100 mg•L-1, il chute et atteint 23,49 % avec la concentration du Cr (VI) de 280 mg•L-1. La diminution du taux du chrome éliminé est probablement due à l’augmentation du nombre des ions du Cr (VI) dans la solution pour le même nombre de sites et la même surface d’adsorbant. L’augmentation de la quantité de Cr (VI) adsorbée par unité de masse de la lignine est le résultat de l’occupation de la surface et des sites libres, inaccessibles à de faibles concentrations du Cr (VI) dans la solution. La figure 3 montre également que les courbes de la capacité d’adsorption et le pourcentage de réduction du Cr (VI) se croisent à un point qui représente le compromis entre la capacité d’adsorption maximale et le pourcentage maximal d’élimination du Cr (VI). Par conséquent, la concentration initiale du Cr (VI) est déterminée à environ 180 mg•L-1 pour permettre une adsorption optimale.

Figure 3

Effet de la concentration initiale sur l’adsorption du Cr (VI) sur la lignine (2 g de lignine dans 1 L d’eau, T = 20 °C, temps de contact = 90 min, pH = 2).

Effect of initial concentration on Cr (VI) adsorption onto lignin (lignin: 2 g in 1 L water, T = 20°C, contact time = 90 min, pH = 2).

Effet de la concentration initiale sur l’adsorption du Cr (VI) sur la lignine (2 g de lignine dans 1 L d’eau, T = 20 °C, temps de contact = 90 min, pH = 2).

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3.4 Effet du temps de contact

Les expériences de l’étude de la cinétique d’adsorption sont réalisées sur une solution à concentration initiale en Cr (VI) de 100 mg•L-1 au pH = 2, avec une dose d’adsorbant de 1 g•L-1 et à différentes températures (20, 25, 30 et 40 °C). À intervalles de temps distincts, des échantillons sont prélevés et filtrés avant dosage spectrophotométrique. Les courbes caractéristiques de la cinétique d’adsorption des quatre différentes températures sont présentées sur la figure 4, où nous constatons deux phases d’adsorption dont la première est rapide, tandis que la seconde est lente. Ce type d’adsorption diphasique est également observé dans d’autres études (Doganet al., 2004; Khraishehet al., 2002). L’adsorption rapide dure environ 35 min pour toutes les températures étudiées. On note que la lenteur de l’adsorption vers la fin est due probablement à la résistance au transfert de matière à l’intérieur des particules de l’adsorbant. En effet, l’équilibre est atteint au bout de 80 min de temps de contact. Ces résultats rejoignent ceux obtenus précédemment par Arivoliet al. (2008); Devaprasathet al. (2007b), Nameniet al. (2008) et Wenget al. (2008a). Les résultats de la figure 4 montrent également que l’équilibre est atteint plus rapidement à haute température et la capacité d’adsorption à l’équilibre augmente de 33,5 à 51,6 mg•g-1 en augmentant la température de 20 à 40 °C. Ils concordent avec ceux obtenus par Abul-Hussainet al. (2005) sur l’adsorption du Cr (VI) par les feuilles de thé noir et par Wenget al. (2008b) sur l’adsorption du Cr (VI) par l’argile épuisée activée. Selon la littérature, il semble que la capacité d’adsorption augmente avec la hausse de température pour certains intervalles, puis diminue par la suite. Une augmentation de la capacité d’adsorption avec la température peut être expliquée par désolvatation des espèces métalliques et un accroissement du taux de diffusion particulaire, alors que la diminution est attribuable à une destruction des sites d’adsorption.

Figure 4

Effet du temps de contact sur l’adsorption du Cr (VI) sur la lignine à différentes températures.

Effect of contact time on Cr (VI) adsorption onto lignin at different temperatures.

Effet du temps de contact sur l’adsorption du Cr (VI) sur la lignine à différentes températures.

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3.5 Isotherme d’adsorption

L’isotherme d’adsorption est la courbe liant, à une température fixée, la quantité de produit adsorbée par masse initiale d’adsorbant à la concentration restant en phase fluide après équilibre d’adsorption. Il est employé pour établir la capacité maximale d’adsorption des adsorbats sur des adsorbants en mg•g-1 ou mmol•g-1. Pour exploiter les données de l’isotherme d’adsorption du Cr (VI) par la lignine à différentes températures, on a essayé les équations de Langmuir et de Freundlich sous leur forme linéaire qui sont les suivantes :

  • K: constante d’équilibre thermodynamique de Langmuir (L•mg-1);

  • qm : capacité d’adsorption maximale par unité de masse d’un adsorbant (mg•g-1);

  • qe : capacité d’adsorption à l’équilibre par unité de masse de l’adsorbant (mg•g-1);

  • Ce : concentration d’adsorbat à l’équilibre (mg•L-1).

  • KF et n : constantes caractéristiques de l’efficacité d’un adsorbant donné pour un soluté donné.

Les paramètres d’équilibre obtenus avec les représentations de Freundlich et de Langmuir sont portés sur le tableau 2. Les valeurs du coefficient de corrélation (r) sont plus élevées pour l’isotherme de Langmuir que pour l’isotherme de Freundlich, cela signifie que l’équation d’isotherme de Langmuir représente mieux le processus d’adsorption du Cr (VI) par la lignine. Ceci est probablement dû à la distribution uniforme des sites actifs à la surface de la lignine. La capacité maximale d'adsorption de Langmuir (qm) augmente de 42,73 à 75,75 mg•g-1 en augmentant la température de 20 à 40 °C. La constante thermodynamique d’équilibre d’adsorption (KL) décroît de 0,1403 à 0,0786 L•g-1 avec l’augmentation de la température dans la plage étudiée.

Tableau 2

Valeurs des constantes de Langmuir et de Freundlich à différentes températures et pH = 2.

Values of Langmuir and Freundlich adsorption constants for adsorption of Cr (VI) onto lignin at different temperatures and pH = 2.

Valeurs des constantes de Langmuir et de Freundlich à différentes températures et pH = 2.

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Le facteur sans dimension (RL) est calculé par l’équation suivante :

Il indique que le processus d’adsorption est effectif quand il prend des valeurs entre 0 et 1 (0<RL<1), il est nul quand il prend des valeurs supérieures à 1 (RL>1) et pour RL = 0, l’adsorption est irréversible, et enfin, quand RL = 1, la représentation isotherme est linéaire (Babu et Gupta, 2008b).

Les valeurs de RL de 0,0601 à 0,818 pour les différentes températures étudiées indiquent que le processus d’adsorption du Cr (VI) par la lignine est efficace. Ces résultats concordent avec ceux obtenus avec des travaux antérieurs (Anbalaganet al., 2004b; Babu et Gupta, 2008c).

3.6 Évaluation thermodynamique du processus d’adsorption

La capacité d’adsorption du Cr (VI) augmente en augmentant la température de 20 à 40 °C. Les paramètres thermodynamiques d’isotherme d’adsorption : l’énergie libre (∆G°), l’enthalpie (∆H°) et l’entropie (∆S°), déterminés selon les équations 6 et 7 ci-dessous, et dont les valeurs sont présentées dans le tableau 3, expliquent le mécanisme du processus d’adsorption du Cr (VI) par la lignine.

  • T : température en degrés Kelvin;

  • R : constante de gaz parfait (8,314 J•mol-1•K-1);

  • ∆ H° : enthalpie standard (kJ•mol-1);

  • ∆S° : entropie standard (kJ•mol-1•K-1);K0 : coefficient de distribution de sorption (L•g-1).

Tableau 3

Paramètres thermodynamiques de l’adsorption du Cr(VI) par la lignine.

Thermodynamic parameters for adsorption of Cr (VI) onto lignin.

Paramètres thermodynamiques de l’adsorption du Cr(VI) par la lignine.

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Le coefficient de distribution de sorption (K0) peut être exprimé en matière d’enthalpie, d’entropie et de température comme le montre l’équation 9 suivante :

Les valeurs de ∆H° et de ∆S° peuvent être obtenues à partir de la droite représentant la variation de ln K0 en fonction de 1/T, où ∆H°/R est la pente et ∆S°/R l’origine. Les valeurs de la variation de l’énergie libre (∆G°) sont : -11,35, -11,41, -11,62 et -12,04 kJ•mol-1 pour l’adsorption à des températures de 20, 25, 30 et 40 °C respectivement (Tableau 3). Elles indiquent que le processus d’adsorption du Cr (VI) par la lignine est spontané. Avec l’augmentation de la température, les valeurs négatives de ∆G° augmentent. Ceci montre que les températures élevées, dans l’intervalle étudié, favorisent l’adsorption. L’énergie libre obtenue entre -11,35 et -12,04 kJ•mol-1, selon Wenget al. (2008c), explique que le mécanisme d’adsorption n’est pas dû aux échanges d’ions, mais à l’attraction des anions HCrO4- à la surface électropositive de la lignine à pH acide. La valeur positive de la variation de l’enthalpie +0,803 kJ•mol-1 indique que l’adsorption du Cr (VI) par la lignine est un processus endothermique. La faible valeur positive de l’entropie +0,041 kJ•mol-1•K-1 révèle, selon Wanget al. (2008), une interférence aléatoire accrue à l'interface solide/liquide pendant l’adsorption du Cr (VI) par la lignine.

3.7 Cinétique d’adsorption

Plusieurs modèles cinétiques sont utilisés pour expliquer le mécanisme du processus d’adsorption. L’équation du premier ordre, établie par Lagergren (Mohanet al., 2006c) pour analyser les données de la cinétique d’adsorption, est décrite comme suit :

où qe et qt sont respectivement la quantité de Cr (VI) adsorbée (mg•g-1) à l’équilibre et au temps « t » (min) et K1, la constante de vitesse (min-1). Après intégration et application de la condition initiale de q= 0 à t = 0, l’équation prend la forme suivante :

À partir de la représentation graphique de la variation de ln(qe - qt) en fonction de t, on peut déterminer K1 et qe. Le tableau 4 récapitule les valeurs des paramètres cinétiques de l’équation du premier ordre de Lagergren, à savoir : le coefficient de corrélation (r), la constante de vitesse (K1), l’adsorption à l’équilibre calculée (qe (cal.)) et l’adsorption à l’équilibre expérimentale (qe(exp.)). Ces résultats nous montrent que le coefficient de corrélation (r) prend la valeur la plus élevée (0,9862) à la température de 20 °C. Les valeurs de qe (exp.) augmentent en même temps que la température alors que celles de qe (cal.) reculent. L’évolution négative de qe (cal.) en fonction de la température prouve que l’équation du premier ordre est inadéquate pour obtenir une bonne cinétique d’adsorption du Cr (VI) par la lignine. En conséquence, l’équation du second degré de Lagergren (12) a été appliquée. L’intégration de cette équation à t = 0 et q= 0 prend alors la forme linéaire (13).

Tableau 4

Les valeurs de l’adsorption maximale du Cr (VI) et les paramètres de l’équation cinétique du premier degré à différentes températures.

Maximal adsorption values of Cr (VI) and pseudo-first-order equation.

Les valeurs de l’adsorption maximale du Cr (VI) et les paramètres de l’équation cinétique du premier degré à différentes températures.

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Les valeurs de K2 et qe ont été calculées à partir de l’origine et de la pente de la représentation graphique de la variation de t/qt en fonction de t. Le tableau 5 présente les données des K2, r, qe (cal.) et qe (exp.) en fonction de la température. Ces résultats montrent que le coefficient de corrélation (r) possède des valeurs supérieures à 0,999 et que les valeurs de qe (cal.) sont comparables à celles de qe (exp.) quelle que soit la température étudiée, ce qui confirme que la cinétique de sorption des ions du Cr (VI) par la lignine suit une expression de vitesse de sorption réversible du deuxième ordre. L’équation du second degré de la cinétique d’adsorption est basée sur l’hypothèse que l’étape limitant l’adsorption est la chimiosorption qui implique des forces et des échanges d’électrons entre l’adsorbant et l’adsorbat (Mohanet al., 2006d; Suhaset al., 2007). La cinétique de l’adsorption du chrome sur le son de riz cru a été décrite par l’équation du second-ordre (Oliveiraet al., 2005) de même que pour la sciure et l’écorce d'arachide modifiées (Liet al., 2007). Les valeurs de K2 sont 6,77•10-3, 7,20•10-3, 10•10-3 et 10,9•10-3•m-1 pour les températures de 20, 25, 30 et 40 °C respectivement. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Dakikiet al. (2002) sur l’élimination du Cr (VI) par différents adsorbants, à savoir : laine, 3,96•10-3•m-1; feuilles de cactus, 6,80•10-3•m-1; sciure de bois, 9,60•10-3•m-1; noyaux d’amandes, 8,80•10-3•m-1; noyaux d’olives, 8,99•10-3•m-1, à pH = 2 et température 30 °C. L’augmentation de la constante K2 en fonction de la température signifie l’augmentation de l’interaction entre les ions du chrome et la lignine. Cette relation peut être décrite par l’équation d’Arrhenius suivante :

  • T : température absolue (°K);

  • R : constante de gaz parfait (8,314 J•mol-1•K-1);

  • A : facteur préexponentiel (min-1);

  • Ea : énergie d’activation (kJ•mol-1).

Tableau 5

Les valeurs de l’adsorption maximale du Cr (VI) et les paramètres de l’équation cinétique du second degré à différentes températures.

Maximal adsorption values of Cr (VI) and pseudo-second-order equation parameters at different temperatures.

Les valeurs de l’adsorption maximale du Cr (VI) et les paramètres de l’équation cinétique du second degré à différentes températures.

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On peut calculer Ea et A à partir de l’origine et de la pente de la droite représentant la variation de lnK2 en fonction de celle de 1/T (Figure 5). Les valeurs trouvées pour Ea et A sont respectivement 18,19 kJ•mol-1 et 12,049•min-1. Selon Krishnan et Anirudhan (2003), cette dernière valeur indique que le processus d’adsorption implique une forte interaction entre le Cr (VI) et la lignine activée de même que la faible valeur de Ea montre que cette adsorption est rapide avec une contrainte d’énergie de faible potentiel.

Figure 5

Représentation graphique de la variation de lnK2 en fonction de 1/T pour l’adsorption du Cr (VI) sur la lignine.

The Arrhenius plot of lnK2 against 1/T for adsorption of Cr (VI) onto activated lignin.

Représentation graphique de la variation de lnK2 en fonction de 1/T pour l’adsorption du Cr (VI) sur la lignine.

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3.8 Comparaisons avec d’autres adsorbants

La capacité maximale d’adsorption (qmax) de la lignine activée déterminée par le modèle de Langmuir à 40 °C est comparée avec d’autres adsorbants de faible coût (Tableau 6). Ces données montrent que la lignine activée réalise de bons résultats d’adsorption du Cr (VI). Les différences significatives dans les capacités d'adsorption des ions du Cr (VI) peuvent être attribuées aux propriétés de l’adsorbant telles que la structure, les groupements fonctionnels et la surface spécifique. On peut estimer que l’adsorption du Cr (VI) sur la lignine représente une alternative efficace et écologiquement avantageuse.

Tableau 6

Comparaison de la capacité maximale d’adsorption (qmax) du Cr (VI) sur différents adsorbants.

Comparison of adsorption capacity (qmax) of Cr (VI) onto various adsorbents.

Comparaison de la capacité maximale d’adsorption (qmax) du Cr (VI) sur différents adsorbants.

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4. Conclusion

La lignine traitée au H2O2 (30 %) et carbonisée à 300 °C est considérée comme étant un adsorbant efficace d’ions de Cr (VI) des solutions aqueuses. L’augmentation de la température et de la concentration initiale de l’adsorbat dans la solution permet d’adsorber une quantité élevée d’ions de Cr (VI) par unité de masse de la lignine. Cette adsorption, qui dépend du pH, est spontanée et exothermique. Les données expérimentales de l’isotherme d’adsorption suivent le modèle de Langmuir et celles de la cinétique d’adsorption, l’équation du deuxième degré. L’étude montre l’existence d’un potentiel remarquable dans la lignine pour éliminer le chrome sous sa forme la plus toxique, à savoir le Cr (VI). Ce procédé peut être utilisé en le substituant au traitement des eaux chromiques par charbon actif commercial coûteux à l’origine et nécessitant un apport énergétique non négligeable pour sa fabrication, rendant ainsi très élevé le coût de traitement du mètre cube d’eau.