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1. Introduction

L’industrie des traitements de surface (TS) constitue un secteur important, non seulement de l’économie française, mais également de l’économie européenne. En France, la Franche-Comté fait partie des trois premières régions en ce qui a trait aux activités TS. Le traitement de surface est, en effet, un secteur d’excellence franc-comtois, caractérisé par de nombreuses petites structures industrielles de type PME/PMI.

Le principal problème environnemental auquel est confrontée la filière TS est celui de la forte charge métallique des effluents issus de leurs procédés industriels. Ce sont les bains de dépôts et de rinçage qui posent problème car ils donnent naissance à des effluents complexes et fortement chargés d’un cocktail d’éléments traces métalliques. Une partie des substances indésirables est entraînée par les pièces traitées dans les bains de rinçage successifs et une autre partie est évacuée avec les bains de procédés usés qui sont éliminés lorsqu’ils ne contiennent plus suffisamment d’éléments actifs. Ces bains acides et/ou basiques contiennent essentiellement un mélange d’éléments traces métalliques (Ni, Zn, Pb, Cr, Cu, Fe, As, etc.), des cyanures libres et/ou complexés, du bore et du fluor, de la turbidité, et une charge organique composée de matières en suspension et/ou dissoutes et de nature chimique variée, sels, solvants (trichloroéthylène, pentachlorobenzène, trichlorobenzène, nitrotoluène, chloroforme, etc.), huiles, ou encore dégraissants et complexants organiques.

Lorsqu’elles sont présentes dans les rejets, ces substances sont libérées dans le milieu sous des formes assez facilement assimilables par la faune et la flore. Certaines de ces substances sont connues pour être toxiques pour l’homme et l’environnement. Elles peuvent s’accumuler dans les organismes et présenter des phénomènes de bio-magnification tout au long des réseaux trophiques (SERPAUD et al., 1994).

Il existe de nombreuses méthodes physico-chimiques pour séparer les éléments traces métalliques de l’eau dans les effluents industriels et les récupérer avant le rejet dans le milieu aquatique (BLAIS et al., 1999; CRINI et BADOT, 2007). Le tableau 1 présente les principales méthodes physiques et chimiques potentiellement utilisables dans le traitement des eaux contaminées issues de la filière TS. Certaines méthodes comme l’échange d’ions, l’osmose inverse ou l’électrocoagulation sont efficaces. Cependant, la plupart des méthodes décrites dans le tableau 1 ne sont pas utilisées à l’échelle industrielle pour des raisons à la fois technologiques et économiques. En effet, pour les petites structures industrielles, les techniques de traitement comme la filtration membranaire ou les méthodes électromembranaires représentent des coûts en investissement et en fonctionnement incompatibles avec leur équilibre économique. Ceci oblige donc les industriels, notamment les PME/PMI, à s’intéresser à de nouvelles méthodes d’épuration qui doivent être plus efficaces sans être plus onéreuses.

Tableau 1

Principaux procédés et technologies d’épuration utilisés par la filière traitement de surface en matière d’enlèvement des métaux des effluents.

Main recovery processes and technologies used by the surface-treatment industry for metal removal from effluents.

Principaux procédés et technologies d’épuration utilisés par la filière traitement de surface en matière d’enlèvement des métaux des effluents.

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La précipitation chimique (technique de l’insolubilisation) est encore actuellement le procédé le plus largement utilisé pour l’enlèvement des éléments traces métalliques des effluents industriels, suivis des techniques d’adsorption. Pour respecter les réglementations en vigueur, la filière TS met souvent en oeuvre un système d’épuration en deux étapes pour abattre les pollutions métallique, colloïdale et organique. La première étape est un pré-traitement spécifique (déchromatation, décyanuration) suivi d’une neutralisation. La seconde étape consiste à insolubiliser les éléments traces métalliques par alcalinisation; cette étape est suivie d’une floculation par des polymères synthétiques, en général anioniques. Une étape de décantation permet ensuite de séparer l’eau épurée et la boue chimique qui est envoyée dans un centre de décharge ou d’enfouissement contrôlé. Ce traitement chimique est parfois, mais rarement, complété par un traitement de finition par filtration sur sable ou adsorption sur matériau adsorbant (charbons actifs ou résines organiques commerciales).

Les industries TS rencontrent différents problèmes dans l’épuration de leurs effluents. Les méthodes classiques de neutralisation/insolubilisation ne permettent pas d’abattre la totalité de la charge polluante. En outre, les procédés de traitement utilisés pour réduire les impacts environnementaux des filières TS constituent eux-mêmes une source de préoccupations car ils présentent deux principaux inconvénients, à savoir l’utilisation au cours des étapes de précipitation/floculation de produits chimiques et polymères synthétiques (polyacrylamides, polyacryliques) potentiellement toxiques (BOLTO, 1995; BRATBY, 2007), et une production importante de boues chimiques qui sont des déchets qu’il faut mettre en centre d’enfouissement contrôlé. La filtration sur sable pose quant à elle le problème du colmatage des filtres, ce qui décourage souvent les industriels. Les performances épuratoires des différents procédés d’adsorption sont variables. Elles sont très liées aux procédés industriels et à leur variabilité qui modulent la nature et la complexité chimique (présence d’un cocktail d’éléments traces métalliques et d’autres substances organiques et/ou minérales) des eaux usées. De plus, les adsorbants classiques tels que les charbons actifs et polymères organiques présentent l’inconvénient de se saturer assez rapidement. Il faut donc les renouveler régulièrement, ce qui constitue également un coût financier important. Dans tous les cas, l’utilisation de ces adsorbants représente un coût environnemental élevé puisque des dépenses énergétiques importantes sont consenties pour les produire ou les régénérer. Il existe donc un besoin de développer de nouveaux systèmes adsorbants plus performants du point de vue de l’abattement de la pollution métallique et restant économiquement viables. La bioadsorption semble être une voie prometteuse (CRINI, 2005; IQBAL et al., 2009; JIANG et al., 2009; PEJIC et al., 2009).

La bioadsorption sur des matériaux non conventionnels a été proposée comme une option intéressante, particulièrement lorsque l’adsorbant employé est naturel, abondant et peu onéreux. On peut citer les biomasses algales (AKSU, 2005), la tourbe (McKAY, 1996) ou encore les déchets issus de l’industrie du bois (FISET et al., 2000). L’amidon fait également l’objet de nombreuses études dans la littérature. L’adsorption d’éléments traces métalliques sur des amidons réticulés a été étudiée et discutée par GUO et al. (2009), YIN et al. (2008), ou encore XING et al. (2006). Cependant, il faut souligner que la plupart des études ont été réalisées sur des échantillons standards ne contenant qu’un ou deux polluants. Il existe, en effet, très peu de travaux sur les mélanges industriels complexes.

Depuis plusieurs années, notre laboratoire développe de nouvelles méthodes de biofloculation et de bioadsorption visant à abattre la charge polluante des effluents industriels issus des filières papetières, textiles ou bois, tout en s’inscrivant dans un cadre d’éco-technologie environnementale centrée sur le respect de la qualité des milieux aquatiques (ADAM et al., 2009; CRINI, 2005; RENAULT et al., 2008). Nous avons ainsi breveté un nouveau matériau biodégradable à base d’amidon réticulé capable de complexer divers polluants dont les dérivés benzéniques, les phénoliques, et les colorants présents dans des rejets industriels (CRINI, 2006). La présente étude décrit les propriétés d’adsorption de ce nouveau biopolymère vis-à-vis des éléments traces métalliques présents dans les rejets issus d’une station de traitement d’une filière traitement de surface. Les résultats ont été obtenus en utilisant la méthode d’adsorption dite en batch. Les paramètres temps de contact, masse de biopolymère utilisée et l’influence de la charge polluante présente dans le rejet sont étudiés et discutés. Des tests écotoxicologiques ont été également réalisés sur les effluents non traités et traités.

2. Matériel et méthodes

2.1 Bioadsorbant

Le bioadsorbant à base d’amidon, obtenu à partir d’un sous-produit de farine de blé, a été préparé en deux étapes (CRINI, 2006; RENAULT et al., 2008) : la première consiste à réticuler les chaînes macromoléculaires d’amidon en milieu basique en utilisant un réticulant de type époxy (1,4-butanediol diglycidyléther) en présence d’ammoniaque; dans une seconde, le matériel subit une étape de carboxyméthylation par de l’acide chloroacétique. Les caractéristiques du matériau utilisé dans cette étude sont les suivantes : taille des particules = 150-250 µm, surface spécifique BET des billes = 70 m2•g-1 et degré de substitution en groupements carboxyméthyles = 0,2.

2.2 Effluents industriels

Les effluents industriels ont été fournis par la société de traitement de surface Zindel de Devecey (Doubs, France). Ce sont des eaux de rejets issus de la station de décontamination décrite dans la figure 1. Pour décontaminer ses eaux usées, l’industriel utilise un traitement physico-chimique en continu qui consiste à épurer les deux différents effluents (concentrés alcalins et concentrés chromiques) au fur et à mesure de leur production et à les rejeter à débit permanent. Les eaux usées chromées subissent d’abord un pré-traitement spécifique de déchromatation pour réduire le chrome hexavalent en chrome trivalent moins toxique et insolubilisable; ces eaux traitées sont alors ajoutées aux eaux basiques du procédé pour subir l’étape d’insolubilisation (neutralisation/précipitation par la chaux); enfin, l’étape de floculation/décantation permet de séparer l’eau et les hydroxydes métalliques (Figure 1). Une étape de finition sur filtration sur sable est parfois utilisée pour compléter le traitement mais ce traitement se heurte souvent à des problèmes de colmatage. Une fois contrôlées, si les valeurs réglementaires sont respectées, les eaux sont alors rejetées dans le milieu aquatique. Les débits d’entrée en eau usée contaminée et de sortie en eau épurée dans la station de traitement sont de l’ordre de 8 m3•h-1.

Figure 1

Station de traitement physico-chimique utilisée dans l’entreprise Zindel pour l’enlèvement des métaux des effluents industriels (Devecey, Doubs, France).

Physico-chemical treatment plant used at Zindel Industry for metal removal from industrial effluents (Devecey, Doubs, France).

Station de traitement physico-chimique utilisée dans l’entreprise Zindel pour l’enlèvement des métaux des effluents industriels (Devecey, Doubs, France).

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Afin d’étudier l’influence de la composition initiale en charge polluante présente dans les rejets industriels, cinq prélèvements réalisés à cinq dates différentes en entrée et en sortie de station de traitement ont été réalisés. Les caractéristiques physico-chimiques de ces cinq effluents sont décrites dans le tableau 2. Les effluents d’entrée de station contiennent à la fois une pollution colloïdale (turbidité), une charge organique (DCO), et un mélange de différents éléments traces métalliques. Pour chaque effluent, les concentrations en Fe, Zn, Cu, Ni, Cd et Pb ont été mesurées et sont reportées dans le tableau 2. Ces valeurs montrent que la charge métallique présente dans les eaux usées est non négligeable et surtout variable en fonction du prélèvement. Par exemple, les quantités de zinc varient de 6,33 mg•L-1 (entrée station pour effluent 3) à 15,9 mg•L-1 (entrée station pour effluent 5). Les teneurs en charge organique mesurée par le paramètre DCO varient également quotidiennement. Ceci peut s’expliquer par les différents bains provenant des chaînes de production du procédé industriel. Cette variation journalière n’est pas maîtrisable car elle dépend des aléas de la production industrielle, et le traitement physico-chimique en continu utilisé à la station de traitement ne tient pas compte de ces différences de charge polluante. Cette variation de charge métallique et de pollution organique se traduit dans les rejets en sortie de station. Les quantités de zinc varient de 2,41 mg•L-1 (sortie station pour effluent 3) à 4,85 mg•L-1 (sortie station pour effluent 5).

Tableau 2

Caractéristiques physico-chimiques des effluents issus de la station de décontamination de l’entreprise Zindel (Devecey, Doubs, France).

Physico-chemical characteristics of effluents from Zindel Industry (Devecey, Doubs, France) treatment plant.

Caractéristiques physico-chimiques des effluents issus de la station de décontamination de l’entreprise Zindel (Devecey, Doubs, France).

aarrêté préfectoral

bà 20 ± 0,1 °C

cen NTU

ddemande chimique en oxygène en mg•L-1

een mg•L-1

fen µg•L-1

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Les rejets de l’entreprise Zindel doivent être conformes aux valeurs réglementaires suivantes (arrêté préfectoral) : 200 mg•L-1 pour la DCO, 5 mg•L-1 pour le fer, 3 mg•L-1 pour le zinc, 2 mg•L-1 pour le cuivre, 2 000 µg•L-1 pour le nickel, 500 µg•L-1 pour le plomb et 200 µg•L-1 pour le cadmium. Les résultats du tableau 2 montrent que les rejets de l’entreprise Zindel sont conformes à la réglementation, exceptés pour le zinc où parfois il est difficile d’atteindre la nouvelle réglementation de 3 mg•L-1 (valeur réglementaire depuis janvier 2009). Ceci explique l’intérêt de l’industriel à développer une nouvelle méthode susceptible d’être utilisée en traitement de finition pour abattre davantage d’éléments traces métalliques, et principalement le zinc. L’objectif principal de cette étude sera ainsi de montrer que la bioadsorption en tant que traitement de finition permet de diminuer fortement les teneurs en charge polluante, et notamment la pollution en éléments traces métalliques.

2.3 Méthode dite en batch

La méthode en mode cuvée dite en batch consiste à agiter, pendant une durée déterminée, une masse fixée d’adsorbant dans un volume donné d’une solution aqueuse de contaminant de concentration connue. Le protocole utilisé consiste à mettre en contact, dans un tube à hémolyse, 100 mg de bioadsorbant et 100 mL d’effluent industriel dont la composition a été préalablement déterminée. La solution est placée sur un banc vibrant puis agitée pendant un temps de 1 heure à température ambiante (22 ± 1 °C). Elle est alors filtrée ou centrifugée, et le surnageant dosé par photométrie. Connaissant les concentrations en métaux, en turbidité et en charge organique, le pourcentage d’abattement, qui décrit l’efficacité de la bioadsorption, est alors calculé. Trois mesures sont réalisées pour chaque échantillon et la moyenne des trois mesures est alors calculée. La méthode en mode cuvée est une méthode de décontamination simple, facile à mettre en oeuvre, et parfaitement reproductible, couramment utilisé en milieu industriel, qui donne des résultats facilement interprétables. De plus, dans les systèmes en mode cuvée, les paramètres de la solution comme la masse d’adsorbant ou le temps de contact peuvent être ajustés et/ou contrôlés.

2.4 Paramètres physico-chimiques mesurés

Les paramètres physico-chimiques mesurés sont la turbidité (turbidimètre Aqualytic PCCompact, Dortmund, Allemagne), la demande chimique en oxygène (photomètre COD Vaxio, Aqualytic PCCompact, Dortmund, Allemagne) et le pH (model 3110, WTW, Alès, France). Les éléments traces métalliques mesurés par photométrie (modèle portable spectroflex 6100, WTW, Alès, France) sont le zinc, le cuivre et le fer. La méthode consiste à utiliser des kits de tests standards ou des solutions standards, et de mesurer chaque paramètre (Zn, Fe, et Cu), soit directement dans le micro-tube, soit dans des cuves en utilisant des méthodes préprogrammées. Pour étalonner le photomètre spectroflex et vérifier les mesures, une solution standard de référence certifiée a été utilisée (matrice de référence ERM-CA011, LGC Promochem, Molsheim, France). Les seuils de détection sont les suivants : 0,025 mg•L-1 pour le zinc, 0,005 mg•L-1 pour le fer et 0,02 mg•L-1 pour le cuivre. Pour les valeurs les plus faibles ou inférieures aux seuils de détection obtenus sur le spectroflex, un dosage par spectrométrie d’absorption atomique flamme (Varian 240FS) a été réalisé afin de confirmer les résultats. Les concentrations en plomb, cadmium et nickel sont mesurées par spectrométrie d’absorption atomique électrothermique à correction Zeeman (Varian 240Z, Ullis, France). La même solution standard de référence a été utilisée pour étalonner l’appareil. Pour le plomb, nous avons utilisé une ultra-lampe pour obtenir une meilleure sensibilité.

2.5 Tests écotoxicologiques

Des tests écotoxicologiques normalisés ont été réalisés sur les effluents industriels de rejets et sur les rejets traités par bioadsorption. L’espèce végétale utilisée est la laitue Lactuca sativa (test de germination AFNOR N° NF X 31-201). La méthode consiste à déposer 4 mL de solution à tester dans une boîte de Pétri recouverte de deux disques de papier filtre (papier sans cendre). Quinze graines de laitue sont disposées dans chaque boîte et placées à l’obscurité et à température constante de 24 °C pendant 15 jours. Trois réplicats pour chaque solution ont été réalisés. À l’issue du test, on compte le nombre de graines germées et le taux de germination est calculé par rapport à celui des graines non exposées à l’effluent (témoin). Un test statistique de Wilcoxon a été réalisé.

3. Résultats et discussion

3.1 Influence du temps de contact

La figure 2 montre l’influence du temps de contact sur le pourcentage d’abattement en zinc par le bioadsorbant pour les cinq effluents étudiés. Pour ces expériences réalisées à température ambiante, la masse d’adsorbant utilisée est maintenue constante. L’adsorption est rapide et uniforme pour chaque effluent, et le pourcentage augmente rapidement avec le temps, ce qui confirme des interactions chimiques fortes entre le matériau et le zinc présents dans les effluents. Le maximum d’abattement est obtenu à partir de 30 min de contact. Au-delà de cette durée, la concentration résiduelle en zinc reste constante. Des courbes similaires ont été obtenues pour les autres métaux (Fe, Cu, Ni, Cd et Pb). Un temps de contact d’une heure a été choisi pour les expériences suivantes.

Figure 2

Influence du temps de contact sur le % d’abattement en zinc par le matériau bioadsorbant (conditions : masse d’adsorbant 100 mg, volume de solution 100 mL, température 22 °C).

Influence of contact time on the % removal of Zn by biosorbent material (conditions: adsorbent mass 100 mg, volume of the solution 100 mL, temperature 22°C).

Influence du temps de contact sur le % d’abattement en zinc par le matériau bioadsorbant (conditions : masse d’adsorbant 100 mg, volume de solution 100 mL, température 22 °C).

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3.2 Influence de la masse d’adsorbant

L’adsorption du zinc sur le bioadsorbant a été étudiée en changeant la quantité d’adsorbant présente dans le batch tout en maintenant le volume de solution, le temps de contact et la température identiques. Les résultats, décrits dans la figure 3, montrent que le pourcentage d’abattement augmente avec la masse d’adsorbant utilisée pour atteindre une valeur d’équilibre à partir de 100 mg d’adsorbant. L’augmentation de l’adsorption avec la dose d’adsorbant peut être attribuée à l’augmentation de la surface de contact, et au fait qu’il y ait davantage de sites d’adsorption disponibles. Des courbes similaires ont été obtenues pour les autres métaux : 100 mg d’adsorbant sont suffisants pour atteindre l’équilibre.

Figure 3

Influence de la masse d’adsorbant sur le pourcentage d’abattement en zinc par le matériau bioadsorbant (conditions : temps de contact 1 heure, volume de solution 100 mL, température 22 °C).

Effect of adsorbent mass on the percentage removal of Zn by biosorbent material (conditions: contact time 1 h, volume of the solution 100 mL, temperature 22°C).

Influence de la masse d’adsorbant sur le pourcentage d’abattement en zinc par le matériau bioadsorbant (conditions : temps de contact 1 heure, volume de solution 100 mL, température 22 °C).

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3.3 La bioadsorption comme traitement de finition

Les performances en ce qui a trait à l'efficacité d’abattement de la charge polluante présente dans un effluent donné ont été étudiées en utilisant les conditions expérimentales préalablement établies, à savoir 100 mg d’adsorbant pour 100 mL de solution et un temps de contact d’une heure. Pour chaque effluent, les paramètres turbidité, DCO et quantité d’éléments traces métalliques ont été mesurés avant et après adsorption et comparés (Tableau 3). Les résultats démontrent une diminution significative des pollutions colloïdale, organique et métallique pour chaque effluent traité par bioadsorption. Le traitement par bioadsorption se traduit notamment par une très forte chute des concentrations des différents métaux présents dans les mélanges.

Tableau 3

Comparaison des caractéristiques physico-chimiques des effluents traités par la station de traitement (rejet station) de l’entreprise Zindel (Devecey, Doubs, France) et des mêmes rejets station traités par bioadsorption (rejet traité).

Comparison of physico-chemical characteristics of wastewater from Zindel Industry (Devecey, Doubs, France) before (discharge) and after biosorption (treated discharge).

Comparaison des caractéristiques physico-chimiques des effluents traités par la station de traitement (rejet station) de l’entreprise Zindel (Devecey, Doubs, France) et des mêmes rejets station traités par bioadsorption (rejet traité).

aà 20 ± 0,1 °C

ben NTU

cdemande chimique en oxygène en mg•L-1

den mg•L-1

een µg•L-1

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La figure 4 montre le pourcentage d’abattement supplémentaire obtenu avec la bioadsorption par rapport au procédé de traitement actuellement utilisé par l’industriel. Les résultats décrits dans cette figure ont été obtenus sur l’effluent 3, mais des résultats similaires ont été obtenus pour les autres effluents. En général, des gains de 5-25 % en DCO, 5-15 % en turbidité, et de 35 à 100 % pour les éléments traces métalliques ont été mis en évidence. De très bons résultats de décontamination ont été ainsi obtenus pour le cuivre, le cadmium et le fer, et le procédé de bioadsorption permet de tendre actuellement vers le rejet zéro pour ces métaux. Pour le zinc, les résultats varient, certes, selon la composition de l’effluent, mais les teneurs finales de l’effluent traité par bioadsorption sont toujours largement inférieures à la valeur réglementaire de 3 mg•L-1 (Tableau 3). Par exemple, pour l’effluent 3, la concentration en zinc diminue de 2,41 à 0,083 mg•L-1 , ce qui représente un pourcentage d’abattement de 96,5, et celle en fer de 0,34 à 0, 089 mg•L-1 (73,8 % d’abattement). De plus, lorsque ces valeurs sont exprimées non plus en mg•L-1 mais en flux journalier (g•j-1), cela démontre que la bioadsorption permet une forte baisse de la quantité de chaque métal rejeté dans le milieu naturel (Tableau 4). La bioadsorption réduit fortement l’impact environnemental de ce type d’activités industrielles et permet ainsi de satisfaire les nouvelles exigences réglementaires.

Figure 4

Gain en matière d’abattement supplémentaire obtenus après bioadsorption pour les différentes caractéristiques physico-chimiques de l’effluent industriel (effluent 3).

Additional gain obtained after biosorption for the different physico-chemical characteristics of industrial effluent (effluent 3).

Gain en matière d’abattement supplémentaire obtenus après bioadsorption pour les différentes caractéristiques physico-chimiques de l’effluent industriel (effluent 3).

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Tableau 4

Comparaison des quantités de métaux exprimées en g•j-1 présents dans les effluents industriels traités (rejet traité) ou non (rejet station) par bioadsorption.

Comparison of amounts of metals in g·d-1 present in industrial effluent untreated (discharge) and treated by biosorption. (treated discharge).a

Comparaison des quantités de métaux exprimées en g•j-1 présents dans les effluents industriels traités (rejet traité) ou non (rejet station) par bioadsorption.

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Le procédé proposé est particulièrement efficace sur des effluents industriels présentant des contaminations complexes. Il présente un double avantage tant d’un point de vue quantitatif (abattement de pollution) que qualitatif (efficace sur des mélanges d’éléments traces métalliques). La bioadsorption a également un effet sur le pH de la solution. Nous remarquons, en effet, que le pH de la solution après adsorption diminue de pratiquement une unité (Tableau 3), ce qui évite d’alcaliniser le cours d’eau récepteur à l’aval du rejet.

Un autre point d’intérêt réside dans la régénération du matériau adsorbant proposé dans cette étude. En effet, le bioadsorbant peut être régénéré par un simple lavage au soxhlet en utilisant une solution alcoolique. Le matériau récupéré a été réutilisé et des performances d’adsorption similaires à celles décrites ci-dessus ont été obtenues (résultats en cours d’exploitation). Une fois saturés, les charbons actifs et les résines organiques synthétiques employés dans les systèmes tertiaires conventionnels sont soit incinérés, soit régénérés. Or, leur élimination par incinération en fin de vie peut générer des composés toxiques, alors que pour les composés d’origine biologique comme les biopolymères, l’élimination est plus « eco-friendly ». Les étapes de régénération des charbons et des résines sont également difficiles car les interactions chimiques entre les adsorbants et les polluants sont fortes. De plus, ces opérations représentent un coût important. Dans notre cas, la régénération est facilement réalisable et les boues produites (biopolymères + éléments traces métalliques) possèdent en outre un potentiel énergétique élevé. Ces co-produits pourraient être utilisés pour produire de l’énergie; les mâchefers résultant de cette valorisation énergétique pourraient quant à eux être utilisés comme des sources potentielles de métaux.

3.4 Tests préliminaires d’écotoxicologie

L’accumulation d’éléments traces métalliques par les plantes a fait l’objet de nombreux travaux (cf. par exemple par la revue de BABULA et al., 2008). De nombreux métaux sont indispensables à la croissance et au développement des organismes vivants car ils assurent la plupart des transferts d’électrons et sont impliqués dans la majorité des mécanismes d’oxydo-réduction à la base de tout système biologique. Cependant, si à l’état de traces les métaux sont indispensables à la vie, ils peuvent à plus fortes concentrations se révéler toxiques, ce qui est le cas pour le zinc et le cuivre (Di SALVATORE et al., 2008; LI et al., 2005; VALERIO et al., 2007; WANG et al., 1990). Il existe plusieurs tests écotoxicologiques comme la germination ou la croissance de graines de plantes pour mesurer l’impact de contaminants sur un organisme biologique.

Des tests écotoxicologiques de germination de graines de laitues (Lactuca sativa) ont été réalisés. Les résultats décrits dans le tableau 5 permettent d’observer un impact de l’effluent industriel de sortie sur la germination des graines de salades. En l’absence de traitement par bioadsorption, les taux de germination dans les lots de laitue exposés aux effluents sont inférieurs à ceux des témoins. La diminution peut dépasser 30 %. Cet impact est variable selon les effluents, ce qui peut être lié à leur composition chimique différente (concentrations en éléments traces métalliques et charge organique variables). Le traitement de ces effluents par bioadsorption permet de réduire significativement leur impact sur la germination des laitues (p - value = 7 744•10-6). Après le traitement de bioadsorption, les taux de germination tendent vers 100 %. Ce résultat est à rapprocher de celui obtenu en matière d’efficacité d’abattement de la charge polymétallique. Il est vraisemblable que les concentrations en éléments traces métalliques plus faibles qui sont observées dans les effluents traités par bioadsorption sont telles qu’elles n’exercent plus d’effets inhibiteurs sur la germination. On peut raisonnablement en inférer que les impacts environnementaux des rejets ainsi traités sont fortement réduits. D’autres tests écotoxicologiques sont en train d’être réalisés au laboratoire afin de confirmer, d’une part, ces premiers résultats et, d’autre part, d’étudier l’influence de différents paramètres physicochimiques comme la concentration, la température, l’oxygène ou le pH sur la germination (CÔME et CORBINEAU, 1998).

Tableau 5

Impact des effluents industriels de rejets non traités et traités par bioadsorption sur la germination de Lactuca sativa.

Impact on the germination of Lactuca sativa of untreated industrial discharges and of industrial discharges treated by biosorption.

Impact des effluents industriels de rejets non traités et traités par bioadsorption sur la germination de Lactuca sativa.

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4. Conclusion

Cette étude a permis de démontrer que la bioadsorption sur un matériau à base d’amidon réticulé en tant que traitement de finition permet de diminuer fortement les teneurs en charge polluante, et notamment la pollution en éléments traces métalliques présents dans des rejets industriels issus de la filière traitement de surface. Les études en mode cuvée réalisées au laboratoire ont montré que le biopolymère proposé permet de réduire fortement les pollutions colloïdale, organique et surtout métallique. D’excellents abattements ont été obtenus sur le zinc. La bioadsorption peut être une alternative intéressante pour traiter des eaux usées industrielles. La prochaine étape de ce travail consistera à valider ces résultats à l’échelle industrielle par la mise en place d’un réacteur de décontamination et par une étude plus détaillée des gains environnementaux liés à la mise en place de ce procédé.