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Le Trouble d’anxiété généralisée (TAG) constitue un des troubles anxieux les plus répandus. Une vaste enquête épidémiologique américaine, le National Comorbidity Survey, rapporte que 5,1 % des gens âgés entre 15 et 45 ans ont déjà souffert d’un TAG au cours de leur vie (Wittchen et al., 1994). Ce trouble se caractérise par la présence d’anxiété et d’inquiétudes excessives et incontrôlables présentes plus d’un jour sur deux et ce, depuis au moins six mois. Elles doivent concerner un certain nombre d’événements ou d’activités et interférer avec le fonctionnement quotidien de l’individu. Finalement, le diagnostic requiert la présence de trois symptômes somatiques parmi les six suivants : nervosité ou surexcitation, tendance à être facilement fatigué, difficultés de concentration ou trous de mémoire, irritabilité, tensions musculaires et difficultés de sommeil (DSM-IV ; APA, 1994).

Les conséquences du TAG sont bien documentées et se présentent sous diverses formes. Premièrement, celui-ci est associé à un taux de dépression élevé, à la démoralisation, au cancer, au diabète, ainsi qu’à une probabilité importante de développer un trouble cardio-vasculaire (Craske et al., 1992). Brown et Barlow (1992) soulignent aussi que les patients ayant un TAG sont vulnérables à l’apparition d’autres troubles anxieux. D’un point de vue social, le TAG semble être responsable d’un nombre important de consultations médicales et d’absences répétées au travail (Bradwejn et al., 1992). Les enquêtes épidémiologiques indiquent que 25 % à 50 % des patients aux prises avec un TAG prennent régulièrement une médication pour leurs symptômes anxieux et ce, généralement sur de longues périodes (Wittchen et al., 1994).

Parmi les agents pharmacologiques disponibles pour le traitement du TAG, les benzodiazépines constituent un des types de médicaments les plus efficaces (Casacalenda et Boulenger, 1998 ; Feinstein, 1999 ; Lydiard et al., 1996 ; Russakoff, 1999). Leur action rapide fait en sorte qu’elles sont souvent privilégiées par les médecins de famille et les psychiatres afin d’aider les gens à gérer leurs symptômes anxieux. Les études indiquent qu’environ 30 % des patients ayant un TAG utilisent une benzodiazépine sur une base régulière pour gérer leurs symptômes (Gosselin et Ladouceur, 2001).

Malgré l’efficacité reconnue des benzodiazépines, la plupart des auteurs recommandent de limiter leur utilisation aux traitements à court terme (2 à 8 semaines). Westra et Stewart (1998) mentionnent qu’aucune donnée scientifique n’appuie l’utilisation seule des anxiolytiques, notamment les benzodiazépines, pour les interventions à long terme. Ce traitement devrait donc être limité aux utilisations situationnelles à court terme afin de ne pas inciter les patients à utiliser indûment cette médication pour éviter la confrontation de leurs problèmes et de leur anxiété (Russakoff, 1999). Plusieurs études contrôlées confirment qu’une utilisation régulière et prolongée des benzodiazépines entraîne une dépendance pharmacologique importante (voir Miller, 1995 pour une recension des études). Conséquemment, plusieurs symptômes marqués sont associés au sevrage des benzodiazépines dont une anxiété de rebond, des symptômes gastro-intestinaux, une humeur dépressive, des problèmes de sommeil, des tremblements et des maux de tête (Ashton, 1991 ; Busto et Sellers, 1991).

La reconnaissance des problèmes liés à la dépendance et aux symptômes de sevrage a incité plusieurs chercheurs à évaluer l’efficacité des interventions visant à faciliter la cessation des benzodiazépines (Rickels et al., 1999 ; Spiegel, 1999). Fait à noter, les patients qui réussissent à cesser de prendre leur benzodiazépine après une utilisation prolongée ressentent paradoxalement moins d’anxiété et moins de symptômes dépressifs (Miller, 1995 ; Rickels et al., 1999). La thérapie comportementale et cognitive, utilisée en complémentarité avec un sevrage médicamenteux graduel, favorise la cessation des benzodiazépines auprès de patients ayant un diagnostic de trouble panique (Otto et al., 1993 ; Spiegel et al., 1994) et d’insomnie (Baillargeon et al., 1998 ; Morin et al., 1995). Ce type d’intervention diminuerait le taux de rechute et favoriserait l’abstinence à long terme (Bruce et al., 1999). Pour que celles-ci soient efficaces, elles doivent tenir compte de trois sources d’échec potentielles pour le sevrage (Spiegel, 1999). Premièrement, elles doivent fournir aux patients des outils pour faire face aux symptômes reliés à l’arrêt graduel, incluant les symptômes de sevrage, d’anxiété et de rebond. Deuxièmement, elles doivent permettre aux patients de cibler les appréhensions engendrées par le fait de mettre fin à un traitement duquel ils dépendaient psychologiquement. Troisièmement, elles doivent habiliter les patients à composer efficacement avec les exacerbations des symptômes ou troubles ciblés par la médication. Un protocole efficace se doit donc d’être adapté aux caractéristiques propres à chacun des troubles nécessitant la prescription de la médication.

Les patients aux prises avec un TAG représentent une population à haut risque de développer des problèmes reliés au sevrage des benzodiazépines. L’étiologie et les facteurs de maintien du TAG font en sorte qu’il tend à se manifester de façon chronique (Gosselin et Laberge, 2003). Ceci amène donc la majorité des patients à prolonger l’utilisation de benzodiazépine sur plusieurs mois, voire même plusieurs années (Schweizer, 1995). La majorité des patients maintiennent même le recours à leur médication après avoir reçu un traitement psychologique entraînant chez eux un niveau de fonctionnement élevé (Gosselin et Ladouceur, 2001). La présente étude vise à évaluer l’efficacité d’une intervention combinant une thérapie comportementale et cognitive et un sevrage médicamenteux graduel pour faire l’arrêt de la benzodiazépine chez les patients aux prises avec un TAG. La première hypothèse suppose que l’intervention combinée sera efficace pour réduire la prise de benzodiazépine. La deuxième hypothèse postule que l’intervention combinée favorisera le maintien de l’abstinence à long terme. Finalement, la troisième hypothèse suppose que l’intervention combinée entraînera des gains cliniquement significatifs dans la condition psychologique des patients.

Méthode

Participants et procédure

Recrutement et sélection

Les participants volontaires, âgés entre 18 et 65 ans, ont contacté notre unité de traitement suite aux annonces parues dans les médias et les contacts faits auprès des médecins de la région de Québec. Ceux-ci ont été évalués selon trois étapes, soit (a) une évaluation téléphonique, (b) une évaluation psychologique et (c) une évaluation médicale.

Évaluation téléphonique initiale

Cette première étape, d’une durée d’environ 30 minutes, a été réalisée par un psychologue. Les gens étaient questionnés par rapport à leur(s) motif(s) de participation, la présence potentielle d’inquiétudes excessives et incontrôlables et la présence de symptômes d’autres troubles anxieux (trouble panique, phobie sociale, trouble obsessionnel-compulsif). De plus, des informations étaient recueillies sur les médicaments utilisés (la durée d’utilisation, le dosage et le motif de la prescription). Au total, quarante-cinq participants ont été évalués lors de cette première étape. Les participants qui semblaient rencontrer les critères d’inclusion de l’étude ont ensuite été invités à la deuxième étape d’évaluation.

Évaluation psychologique

Lors de cette deuxième étape d’évaluation d’une durée approximative de 90 minutes, les participants étaient rencontrés en entrevue individuelle avec un psychologue. Chaque participant a alors été évalué à l’aide d’une entrevue semi-structurée, l’Anxiety Disorders Interview Schedule for DSM-IV (ADIS-IV, Brown et al., 1994) (voir section Instruments), afin de confirmer la présence/absence de troubles anxieux et de diagnostics psychiatriques associés. Les différents questionnaires de l’étude ont alors été remis aux participants en fin d’entrevue afin qu’ils puissent les remplir à la maison et les remettre au médecin lors de la troisième étape d’évaluation. Au total, vingt-quatre participants ont été rencontrés afin de confirmer la présence du TAG et de vérifier leur éligibilité selon les critères d’inclusion et d’exclusion de l’étude. Chaque entrevue a été enregistrée sur cassette audio afin qu’un deuxième psychologue confirme le diagnostic établi. Le pourcentage d’accord obtenu est de 100 %.

Évaluation médicale

Quinze participants ont également complété l’entrevue médicale avec le médecin. Cette troisième étape d’évaluation d’une durée de 40 minutes avait pour but de relater l’histoire médicale des participants ainsi que d’établir leur condition médicale actuelle. Des informations détaillées sur le(s) type(s) de médication(s) utilisé(s), le dosage, la fréquence et la durée d’utilisation ont été recueillis. Le nom des médecins traitant était également noté afin d’obtenir leur accord et solliciter leur collaboration (avec le consentement des participants).

Critères d’inclusion et d’exclusion

Pour être inclus dans l’étude, chaque participant devait rencontrer les critères suivants : (a) être âgé entre 18 et 65 ans et présenter un diagnostic primaire de TAG ; (b) prendre une benzodiazépine pour ses effets anxiolytiques plus de trois jours par semaine et ce, depuis plus de 12 mois ; (c) être intéressé à diminuer graduellement sa prise de benzodiazépine et à rencontrer un psychologue et un médecin sur une base hebdomadaire et (d) garder sa médication stable durant les huit semaines précédents le début du traitement. Les critères d’exclusion suivants ont été utilisés : (a) présence d’intentions suicidaires ou d’épisode de dépression majeure sévère ; (b) présence d’épisode psychotique (actuel ou passé), de trouble bipolaire ou de trouble mental lié à une affection médicale organique et (c) présence de trouble d’abus de substance relié à l’alcool ou aux autres drogues et (d) changement dans la fréquence d’utilisation et le dosage de ses autres médicaments durant la durée du traitement. Si un trouble psychiatrique concomitant était diagnostiqué (par exemple, un autre trouble anxieux), celui-ci devait être d’une sévérité moindre lorsque comparé au TAG (écart de deux points dans la sévérité à l’ADIS-IV). Au total, huit participants rencontraient les critères d’inclusion de l’étude et cinq ont finalement accepté de commencer le traitement. Le principal motif d’exclusion des participants était l’absence d’un diagnostic primaire de TAG (trouble concomitant plus important ou d’une sévérité égale). Les diagnostics les plus fréquemment rencontrés, outre le TAG, étaient : trouble panique avec/sans agoraphobie (63 %), insomnie (58 %) et phobie sociale (50 %).

La patiente 1 est une femme célibataire de 64 ans à la retraite. Ses principales inquiétudes concernaient sa santé physique et psychologique (risques d’accidents), les conflits avec ses proches et le futur en général. À l’évaluation initiale, elle présentait un diagnostic primaire de TAG (sévérité 5/8), un trouble panique (sévérité 3/8) et une insomnie (sévérité 3/8) secondaires ainsi qu’un problème d’ostéoporose sévère. Depuis six ans, elle prenait quotidiennement 15 mg d’oxazépam (Sérax®) pour son anxiété. Madame rapporte avoir eu des difficultés d’adaptation avec humeur dépressive dans le passé suite à une mastectomie pour un cancer du sein. Elle précise que ses tentatives antérieures pour réduire sa dose d’oxazépam entraînaient à chaque fois une recrudescence des symptômes anxieux.

La patiente 2 est une femme mariée de 43 ans, qui occupe un emploi de secrétaire à temps complet. Elle demeure avec son mari et ses 2 enfants. Ses principales inquiétudes portaient sur sa situation financière, ses enfants, sa relation avec son conjoint, sa santé psychologique (incluant l’abus de médicament) et l’avenir en général. L’entrevue diagnostique a alors révélé un diagnostic primaire de TAG (sévérité 6/8), une phobie sociale (sévérité 4/8), un trouble panique avec agoraphobie (sévérité 4/8), un trouble de stress posttraumatique (sévérité 4/8) et une dysthymie (sévérité 4/8). Elle prenait quotidiennement 4 mg de clonazépam (Rivotril®) pour son anxiété et ce, depuis quatre ans. Avant cela, elle dit avoir pris du lorazépam (Ativan®) et d’autres types de benzodiazépines (depuis l’âge de 24 ans). Elle rapporte aussi avoir eu une dépendance importante à l’alcool dans le passé et avoir essayé à maintes reprises de cesser sa prise de benzodiazépines, mais sans succès.

Le patient 3 est un jeune homme célibataire de 27 ans, étudiant universitaire à temps complet. Il rapportait souffrir d’inquiétudes excessives et incontrôlables à propos de ses études, de sa santé personnelle, de ses relations sociales (notamment avec les filles), de son apparence et de l’avenir en général. L’évaluation diagnostique a confirmé un diagnostic primaire de TAG (sévérité 6/8), un trouble panique avec agoraphobie (sévérité 4/8) et un diagnostic d’insomnie (sévérité 4/8). Il prenait quotidiennement 30 mg de témazépam (Restoril®) depuis environ quatre ans. En 1996, soit, un an avant la prise de témazépam, Monsieur prenait du bromazépam (Lectopam®) au besoin. Il rapporte avoir déjà essayé de diminuer sa dose de témazépam, mais être revenu à la dose initiale étant donné des effets importants sur la qualité de son sommeil.

La patiente 4 est une jeune femme célibataire de 22 ans, étudiante universitaire à temps complet. Ses inquiétudes portaient principalement sur ses études, son avenir, sa mère et sa santé personnelle. Elle présentait un diagnostic primaire de TAG (sévérité 7/8) ainsi qu’une dépression majeure (sévérité 5/8) et une insomnie (sévérité 5/8) secondaire. Elle prenait quotidiennement 5 mg d’alprazolam (Xanax®) depuis un an pour contrôler ses symptômes anxieux qui auraient augmenté suite au décès soudain de son père. Peu avant la prise d’alprazolam, elle rapporte avoir essayé le clonazépam (Rivotril®) pendant quelques temps.

Le patient 5 est un homme célibataire de 59 ans, architecte de métier. Il a un fils d’âge adulte né d’une précédente relation de couple qu’il voit à l’occasion. Il rapportait s’inquiéter principalement par rapport à sa santé, ses finances, son emploi et sa difficulté à trouver une compagne de vie. Il présentait un diagnostic primaire de TAG (sévérité 7/8), une dysthymie (sévérité 5/8) et des troubles physiques reliés à sa condition médicale (anévrisme à l’aorte abdominale et hypertension artérielle) pour lesquels il était suivi régulièrement par un médecin. Il prenait alors quotidiennement 1 mg d’alprazolam (Xanax®) depuis 7 ans. Avant cela, Monsieur a pris du lorazépam (Ativan®) pendant plus de dix ans. Il mentionne avoir essayé d’arrêter les benzodiazépines à cinq reprises dans le passé, mais sans succès étant donné une recrudescence des symptômes anxieux.

Le tableau 1 présente la demi-vie des benzodiazépines utilisées ainsi que le dosage quotidien initial équivalent des participants (par rapport au diazépam/Valium®). Ce dernier a été calculé à partir du tableau d’équivalence des benzodiazépines d’Ashton (2001).

Tableau 1

Équivalence du dosage quotidien initial des benzodiazépines des participants et demi-vie

Équivalence du dosage quotidien initial des benzodiazépines des participants et demi-vie

Note : Équivalence calculée à partir du tableau d’équivalences des benzodiazépines d’Ashton (2001). Celles-ci proviennent d’études cliniques de sevrage avec changement au diazépam.

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Protocole expérimental

Le protocole expérimental utilisé dans cette étude est un plan d’intervention à cas uniques avec niveaux de base multiples (Kazdin, 1998 ; Ladouceur et Bégin, 1980). Celui-ci a été retenu afin de contrôler les effets dus à la maturité et aux événements de vie en démontrant que les améliorations observées chez les patients coïncident avec l’application du traitement.

Niveaux de base

Trois niveaux de base différents, assignés de façon aléatoire à chaque participant, ont été utilisés (décalage d’une semaine dans l’application des interventions). Les patientes 1 et 2 ont débuté l’intervention après une semaine d’évaluation continue, les patients 3 et 4 après deux semaines et le patient 5 après trois semaines. Les rencontres réalisées pendant la prise du niveau de base avaient comme objectifs (a) d’explorer l’origine et le développement des inquiétudes des participants, (b) d’établir leur contexte familial et social et (c) de répondre aux questions portant sur les carnets d’auto-enregistrements et les étapes d’évaluations précédentes. L’intervention était administrée seulement si les patients présentaient un niveau de base stable ou illustrant une pente contraire à celle de l’effet de diminution attendu.

Suivis des participants

En plus de l’évaluation post-traitement réalisée deux semaines après la fin de l’intervention, les participants ont été contactés et réévalués trois et six mois après la fin du traitement (suivis 3 et 6 mois). Afin de limiter les biais dus à l’expérimentateur, les entrevues effectuées lors de ces trois phases d’évaluation ont été réalisées par un clinicien indépendant entraîné dans l’utilisation de l’ADIS-IV.

Traitement

Une intervention individuelle composée d’un sevrage médicamenteux graduel combiné à une thérapie comportementale et cognitive (TCC) pour l’anxiété a été administrée sur une base hebdomadaire. Ces deux volets étaient planifiés de manière à ce que chacun des participants rencontre le médecin responsable du sevrage et le psychologue en charge de la TCC à l’intérieur d’une même visite. Au total, douze rencontres combinées de 90 minutes étaient prévues. Les participants étaient néanmoins informés que le nombre maximum de rencontres pouvait être ajustés selon leurs besoins. Trois patients (1, 3, 5) ont désiré une rencontre supplémentaire, fixant le nombre moyen de rencontres effectuées à 12,6. Un montant de 50 dollars était remis aux participants à chacun des suivis (suivis 3 et 6 mois) en guise de compensation pour leur temps investi et les frais de stationnement.

Le sevrage médicamenteux graduel

Ce premier volet d’intervention visait principalement à encadrer les participants dans la diminution graduelle de leur benzodiazépine à travers de brèves rencontres avec le médecin (20 à 25 minutes). La procédure utilisée consistait à diminuer leur dose quotidienne de benzodiazépine de 25 % à intervalle de deux ou trois semaines et ce, pendant les douze semaines de traitement. Cette progression par intervalle de deux semaines concordent avec la durée moyenne des symptômes de sevrage rapportée dans la littérature, soit de 5 à 7 jours pour les benzodiazépines à courte durée d’action et de 9 à 11 jours pour celles possédant une longue durée d’action (Miller, 1995). Lors de la première rencontre, les participants étaient informés de la procédure (consignes générales, comment réduire la dose) et de la possibilité de ressentir momentanément certains symptômes de sevrage. Par la suite, ils définissaient, avec le médecin, un plan de sevrage précisant les diminutions de dosage en fonction du nombre de rencontres et de la médication utilisée. Un graphique était alors réalisé afin d’illustrer les objectifs visés et atteints pour chaque semaine d’intervention.

Les rencontres ultérieures visaient à (a) évaluer la prise de benzodiazépine de la dernière semaine, (b) identifier les difficultés rencontrées par les participants, (c) évaluer la présence de symptômes de sevrage, (d) compléter le graphique de diminution illustrant le dosage prévu et atteint et (e) fixer le dosage pour la semaine suivante. Bien qu’un soutien constant et des encouragements à poursuivre le plan de sevrage pouvaient être prodigués de la part du médecin, celui-ci ne devait fournir aucune recommandation comportementale et cognitive ayant pour but d’aider le participant à réduire ses inquiétudes. Les participants devaient viser l’abstinence à la fin des douze rencontres. Afin de s’adapter à chacun d’eux, des variations pouvaient survenir dans le temps requis pour atteindre l’arrêt complet. Ceux ne réussissant pas à diminuer complètement leur benzodiazépine étaient invités à revenir à la dose précédente jusqu’à l’atteinte d’un niveau de confort acceptable.

La thérapie comportementale et cognitive

Les douze séances de thérapie psychologique de 55 minutes avaient pour objectifs de fournir aux participants des outils leur permettant de mieux gérer leur anxiété et de réduire leurs inquiétudes excessives et incontrôlables. Les composantes d’intervention utilisées proviennent du protocole de traitement du Trouble d’anxiété généralisée développé par Dugas et Ladouceur (2000). Ces composantes étaient abordées en cinq principaux blocs de rencontres.

Le bloc 1 (une rencontre) avait pour but de réviser les objectifs du traitement, les caractéristiques des interventions utilisées et les éléments essentiels à la réussite de la démarche thérapeutique (implication active, pratiques fréquentes). Des éléments de base permettant de mieux comprendre l’anxiété étaient également présentés. Finalement, les patients étaient amenés dès la première rencontre à prendre conscience de leurs inquiétudes au quotidien en (1) précisant l’enchaînement des conséquences appréhendées et (2) en les distinguant en deux catégories soit les inquiétudes qui découlent d’un problème actuel et celles ne découlant pas d’un problème actuel (éventualités).

Le bloc 2 (deux rencontres) avait pour objectif de préciser la compréhension des inquiétudes et de l’anxiété en introduisant le concept clé d’intolérance à l’incertitude. Les participants étaient alors invités à pendre conscience du rôle de ce facteur de développement et de maintien des inquiétudes en plus d’identifier ses manifestations dans leurs comportements quotidiens. Une emphase importante était alors mise afin que les participants exécutent différentes actions comportementales (exposition) visant à augmenter leur tolérance à l’incertitude.

Le bloc 3 (trois rencontres) visait principalement le traitement des inquiétudes découlant de problèmes présents dans la vie des patients. Plus précisément, ceux-ci étaient amenés à identifier les problèmes (à partir de différents indices) à la base de leurs inquiétudes. Ensuite, des interventions de restructuration cognitive et d’entraînement à la résolution de problèmes étaient introduites afin d’améliorer leurs habiletés de résolution, tout en favorisant encore une fois l’action comportementale et en dénonçant les effets négatifs de l’inaction.

Le bloc 4 (trois rencontres) ciblait le traitement des inquiétudes ne découlant pas de problèmes actuels (appréhension d’éventualité) à travers l’entraînement à l’exposition cognitive. Pour ce faire, les gens devaient utiliser l’enchaînement des conséquences provenant de leurs inquiétudes (introduite durant le bloc 1) et rédiger un court scénario d’exposition. Celui-ci était ensuite enregistré sur un disque compact remis aux participants. L’inquiétude la plus dérangeante faisait l’objet de la première séance d’exposition. Les blocs d’interventions 3 et 4 pouvaient être interchangés dépendamment du type d’inquiétudes majoritaire entretenu par le participant. Si celui-ci présentait davantage d’inquiétudes découlant de problèmes actuels, le bloc 3 était abordé en premier. À l’inverse si le patient était davantage préoccupé par des conséquences possibles ne découlant pas de problèmes actuels (éventualité), le bloc 4 était premièrement introduit.

Le bloc 5 (3 rencontres) avait finalement pour objectif de consolider l’application des différentes stratégies d’intervention. Un arbre décisionnel résumant les notions et les techniques présentées était alors remis aux participants. Finalement, un bilan des acquis était effectué et des objectifs personnels à réaliser à court, moyen et long terme étaient fixés.

Afin de faciliter l’acquisition de nouvelles habiletés chez les participants, des exercices standardisés devaient être réalisés à chaque semaine en vue d’appliquer les éléments abordés lors des rencontres. Chaque participant recevait aussi un document résumant les notions abordées à la fin des différents blocs de rencontres. Lorsqu’un patient présentait des inquiétudes concernant le sevrage de sa benzodiazépine, celles-ci étaient mises en lien avec les composantes du traitement. Il est à noter que même si la correction de croyances erronées concernant l’utilité des inquiétudes ne faisait pas partie intégrante d’un bloc de rencontres, celles-ci étaient abordées tout au long du traitement en tant qu’obstacles aux actions comportementales.

Thérapeute et intégrité du traitement

Le traitement comportemental et cognitif a été administré par un psychologue clinicien (le premier auteur) possédant quatre années d’expériences dans le traitement comportemental et cognitif des troubles anxieux. Afin d’assurer l’intégrité du traitement prodigué, un manuel détaillé décrivant les techniques d’intervention et les exercices à réaliser a été mis à la disposition du thérapeute. De plus, quelques semaines avant l’implantation du traitement, celui-ci a reçu une formation de cinq rencontres portant spécifiquement sur le traitement utilisé afin d’améliorer sa maîtrise des outils thérapeutiques. Des périodes de supervision ont également eu lieu à chaque semaine pendant toute la durée du traitement avec le deuxième auteur, un psychologue possédant plus de 25 années d’expériences en thérapie comportementale et cognitive et en recherche clinique sur les troubles anxieux. À la fin de chaque rencontre de traitement, le thérapeute devait comptabiliser, sur une grille d’intégrité, les interventions effectuées et les thèmes abordés. Finalement, les rencontres ont été enregistrées sur des cassettes audio et 25 % d’entre elles (trois rencontres par participants choisis au hasard) ont été écoutées par un évaluateur indépendant préalablement formé pour évaluer l’intégrité du traitement. Plus précisément, celui-ci devait vérifier que chaque rencontre suivait le plan établi et qu’aucune intervention autre que celles permises n’était présente. Le pourcentage d’accord d’intégrité s’élève à 97 %.

Le sevrage graduel a pour sa part été dirigé par un médecin généraliste possédant plus de dix années d’expérience en santé mentale. L’écoute de 25 % des rencontres effectuées par un évaluateur indépendant démontre également que les rencontres respectent le plan établi.

Instruments

Mesures diagnostiques

L’Anxiety Disorders Interview Schedule for DSM-IV (ADIS-IV) (Brown et al., 1994) est une entrevue semi-structurée développée principalement afin d’évaluer la présence des troubles anxieux. Elle contient aussi des questions visant à évaluer d’autres troubles de l’axe I du DSM-IV (APA, 1994), soit les troubles de l’humeur, les troubles somatoformes, les troubles d’abus de substances, les troubles psychotiques et les troubles du sommeil. L’administration est effectuée par un professionnel préalablement formé et prend environ une heure et demie. La sévérité des troubles identifiés est évaluée sur une échelle de 1 à 8. Les études effectuées avec cette version de l’ADIS-IV démontrent une bonne entente interjuge entre les thérapeutes (Dugas et Ladouceur, 2000).

Mesures de la prise de benzodiazépine

La prise quotidienne de benzodiazépine des participants a été évaluée à l’aide d’un agenda d’auto-enregistrements. Plus précisément, ceux-ci devaient noter la fréquence quotidienne de leur prise de benzodiazépine, le dosage total ingéré pour la journée et l’heure à laquelle ils ont eu recours à leur médication.

Mesures des symptômes du TAG

Le Questionnaire sur l’Inquiétude et l’Anxiété (QIA) (Dugas et al., 2001) comporte six items développés afin d’évaluer les critères diagnostiques du TAG (DSM-IV ; APA, 1994). Une première question demande aux gens de rapporter leurs principaux thèmes d’inquiétude. Par la suite, chacun des critères diagnostiques est évalué par une question sur une échelle de sévérité en neufs points. Le QIA présente une spécificité et une sensibilité adéquates et fait preuve d’une fidélité test-retest satisfaisante (9 semaines ; accord = 79 %) (Dugas et al., 2001).

Le Questionnaire sur les Inquiétudes de Penn State (QIPS) (Meyer et al., 1990 ; Gosselin et al., 2001) comprend 16 items évaluant la tendance générale à s’inquiéter chez les adultes. La cotation s’effectue sur une échelle de type Likert en cinq points. La traduction française montre une excellente fidélité test-retest (quatre semaines ; r = 0,86), une très bonne consistance interne (α = 0,92) et une excellente validité convergente (Gosselin et al., 2001).

Le Questionnaire des Domaines d’Inquiétudes (QDI) (Tallis et al., 1992 ; Dugas et al., 1995) se compose de 30 items mesurant différents thèmes d’inquiétude. La cotation s’effectue sur une échelle de type Likert en cinq points. La version française du questionnaire présente une excellente cohérence interne (α = 0,93) et une bonne fidélité test-retest (quatre semaines ; r = 0,85) (Dugas et al., 1995).

Mesures des variables ciblées par le traitement (processus de maintien du TAG)

Le Questionnaire d’Intolérance à l’Incertitude (QII) (Freeston et al., 1994b) mesure la tendance d’une personne à considérer inacceptable l’incertitude associée aux situations de la vie de tous les jours. Il comprend 27 items dont la cotation s’effectue avec une échelle Likert en cinq points. Le QII présente une très bonne validité, une excellente cohérence interne (α = 0,91) (Freeston et al., 1994b) ainsi qu’une stabilité temporelle très satisfaisante (cinq semaines ; r = 0,78) (Dugas et al., 1997).

Le Questionnaire d’Attitude face au Problème (QAP) (Gosselin et al., 2001a, 2001b) comprend 12 items évaluant l’attitude cognitive des gens à l’égard des problèmes de la vie de tous les jours. La cotation de chacune des questions se fait à l’aide d’une échelle Likert en cinq points. Le QAP possède une très bonne structure factorielle, une excellente cohérence interne (α = 0,90), une très bonne validité convergente et discriminante ainsi qu’une excellente stabilité temporelle (quatre semaines ; r = 0,86) (Gosselin et al., 2001b).

Le Questionnaire d’Évitement Cognitif (QEC) (Gosselin et al., 2002) se compose de 25 questions évaluant cinq types de stratégie d’évitement cognitif. La cotation des questions se fait à l’aide d’une échelle Likert en cinq points. Le QEC possède une excellente cohérence interne (α = 0,95), une validité satisfaisante et une très bonne stabilité temporelle (quatre semaines ; r = 0,81) (Gosselin et al., 2002).

Le Questionnaire « Pourquoi S’inquiéter », version 2 (PSI-II) (Gosselin et al., sous presse) comprend 25 items permettant d’évaluer cinq croyances erronées que les personnes souffrant d’un TAG entretiennent à l’égard de leurs inquiétudes. La cotation se fait sur une échelle Likert en cinq points. L’instrument présente une excellente validité, une excellente cohérence interne (α = 0,93) et une très bonne stabilité temporelle (quatre semaines ; r = 0,81) (Gosselin et al., sous presse).

Mesure de variables associées (généralisation)

L’Inventaire d’Anxiété de Beck (IAB) (Beck et al., 1988 ; Freeston et al., 1994a) comporte 21 items évaluant l’intensité des symptômes anxieux cognitifs, affectifs, et somatiques, ressentis au cours de la dernière semaine. La version française du questionnaire possède une très bonne cohérence interne (α = 0,93) et une fidélité test-retest adéquate (quatre semaines ; r = 0,63). La validité convergente, discriminante, de même que la structure factorielle ont été étudiées auprès d’échantillons de la population clinique et non clinique (Freeston et al., 1994a).

L’Inventaire de Dépression de Beck-II (IDB-II) (Beck et al., 1996) est la version révisée de l’Inventaire de Dépression de Beck (BDI) (Beck et al., 1979) évaluant les symptômes de dépression majeure selon les critères du DSM-IV (APA, 1994). Il comprend 21 items dont la cotation s’effectue sur une échelle en quatre points. Il fait preuve d’une validité adéquate, d’une excellente cohérence interne (α = 0,92) et d’une excellente stabilité temporelle (une semaine ; r = 0,93) (Beck et al., 1996 ; Dozois et al., 1998).

Prises de mesure

L’ADIS-IV, les mesures de symptômes du TAG, les mesures de processus ciblées par le traitement et les mesures de variables associées ont été administrées lors des évaluations psychologiques pré (avant la prise du niveau de base et l’implantation du traitement) et post-traitement ainsi qu’aux suivis 3 et 6 mois. La prise de benzodiazépines a quant à elle été comptabilisée à chaque jour pendant l’évaluation du niveau de base des participants, durant l’intervention combinée, pendant les deux semaines suivant la fin du traitement ainsi que durant les deux semaines précédant les suivis 3 et 6 mois.

Résultats

Changements dans la prise de benzodiazépines

Tous les patients inclus dans l’étude ont complété les douze semaines de traitement en plus des deux suivis prévus, à l’exception de la patiente 2 qui ne s’est pas présentée au suivi 3 mois. Les raisons évoquées étaient un horaire trop chargé ainsi qu’une baisse de motivation. La figure 1 illustre la prise de benzodiazépine des participants pour chaque étape du protocole selon le pourcentage d’utilisation par rapport au dosage moyen comptabilisé au niveau de base. À l’évaluation post-traitement, deux patients sur cinq avaient complètement cessé leur médication alors que deux autres prévoyaient terminer le sevrage durant les jours suivants. Ceci fut confirmé lors du suivi 3 mois puisque quatre patients sur cinq avaient terminé leur sevrage. Les résultats obtenus au suivi 6 mois démontrent que l’arrêt de la benzodiazépine est maintenu chez ces quatre patients. La patiente 2 a réussi à diminuer son dosage de 51 % comparativement à celui présenté lors du niveau de base. Elle attribue l’échec d’un sevrage complet à de nombreux problèmes non résolus au niveau familial et conjugal (frustration, anxiété).

Changements dans la condition psychologique

Les entrevues diagnostiques semi-structurées réalisées lors des évaluations post-traitement indiquent que les cinq participants ne rencontrent plus les critères diagnostiques du TAG. Plusieurs diagnostics concomitants semblent s’être aussi résorbés. La patiente 2 conserve uniquement un diagnostic de phobie sociale (sévérité 3) et de trouble de stress post-traumatique (sévérité 3), tandis que les patients 3 et 5 présentent respectivement un diagnostic d’insomnie (sévérité 4) et de dysthymie (sévérité 4). Trois mois plus tard, aucun diagnostic n’est identifié auprès des quatre participants présents au suivi. Finalement, les entrevues diagnostiques réalisées 6 mois après la fin de l’intervention identifient une dépression majeure (sévérité 4) chez le patient 3 et une recrudescence des difficultés de sommeil (insomnie – sévérité 4) chez la patiente 4.

Afin d’évaluer la présence de changements cliniquement significatifs au niveau des mesures de symptômes du TAG, de processus de maintien et de variables de généralisation, deux calculs ont été effectués. Premièrement, un score critère a été calculé pour chaque instrument à partir de la formule mathématique présentée par Jacobson et Truax (1991). Ce score permet dans un premier temps d’établir si les résultats obtenus par un participant se situent dans l’étendue clinique (supérieurs aux scores critères donc sans changement significatif) ou dans la zone non clinique fonctionnelle. Deuxièmement, des indices objectifs de changement (traduction libre de Reliable Change Index) ont été calculés afin d’établir la pertinence du changement lorsque les patients s’amélioraient sans pour autant atteindre la zone non clinique fonctionnelle. Cette méthode, proposée par Jacobson et al. (1984) puis précisée par Christensen et Mendoza (1986), se veut donc complémentaire à la précédente puisqu’elle tient compte de l’ampleur du changement et non seulement de la zone dans laquelle il se situe. Les indices supérieurs à 1,96 représentent un changement cliniquement significatif (Jacobson et al., 1984). Le tableau 2 illustre les résultats obtenus aux questionnaires pour chaque étape d’évaluation (pré/post/suivi 3 et 6 mois) ainsi que les scores critères calculés.

Figure 1

Prise de benzodiazépine des participants en fonction de chaque étape du protocole

Prise de benzodiazépine des participants en fonction de chaque étape du protocole

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Les résultats obtenus lors de l’évaluation post traitement permettent de constater que les cinq patients présentent un score se situant dans la norme non clinique aux trois mesures de symptômes du TAG. Les gains cliniquement significatifs se maintiennent aux suivis 3 et 6 mois pour tous les participants. En ce qui concerne les processus de maintien du TAG, la patiente 2 présente des changements cliniquement significatifs aux mesures d’intolérance à l’incertitude (QII), d’attitude négative aux problèmes (QAP) et d’évitement cognitif (QEC). Le patient 3 présente quant à lui des changements cliniquement significatifs aux mesures d’intolérance à l’incertitude (QII), d’attitude négative aux problèmes (QAP) et de croyances erronées (PSI-II). La patiente 4 rapporte des résultats demeurant dans l’étendue clinique, mais présente toutefois un changement cliniquement significatif à la mesure d’évitement cognitif (QEC). Finalement, les patients 1 et 5 obtiennent des résultats demeurant dans la norme non clinique aux quatre mesures de processus. Lors des suivis 3 et 6 mois, seul le patient 3 présente un score se situant dans la zone clinique à la mesure de croyances (PSI-II), alors que la patiente 4 rapporte un score clinique à la mesure d’évitement cognitif (QEC). Les coefficients de changement calculés révèlent toutefois des améliorations cliniquement significatives pour ces deux mesures. Quant aux mesures de généralisation, quatre patients sur cinq (patients 2, 3, 4 et 5) présentent une amélioration clinique significative lors de l’évaluation post-traitement. Seuls les patients 4 et 5 conservent un score clinique à l’inventaire de dépression (IDB-II). La patiente 1 affiche pour sa part peu de changements lors de l’évaluation post-traitement et présente un score clinique à l’IDB-II. Au suivi 3 mois, les patients 3 et 4 maintiennent leur état stable alors que les patients 1 et 5 obtiennent un score clinique à l’inventaire d’anxiété (IAB). Finalement, les résultats du suivi 6 mois suggèrent des gains de généralisation cliniquement significatifs chez tous les patients. Les patients 3 et 4 présentent un score clinique à l’IDB-II, malgré une amélioration significative à cette variable.

Tableau 2

Résultats aux questionnaires en fonction des phases d’évaluation

Résultats aux questionnaires en fonction des phases d’évaluation

Tableau 2 (suite)

Résultats aux questionnaires en fonction des phases d’évaluation

* : Changement cliniquement significatif

a : Bien que le résultat demeure dans l’étendue clinique, l’indice de changement calculé démontre une diminution clinique réelle (p < 0,05)

b : Résultat déjà dans l’étendue non clinique avant l’intervention

ns : Changement non significatif

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Changement dans le niveau de fonctionnement global des patients

Afin d’obtenir un indice du fonctionnement global, un score composé a été calculé à partir des résultats obtenus aux évaluations post-traitement de même qu’aux suivis 3 et 6 mois. Les critères utilisés étaient (a) un arrêt complet de la benzodiazépine, (b) une absence de diagnostic TAG et (b) un résultat non clinique aux mesures de symptômes (QIA, QIPS, QDI, IAB, IDB-II). L’échelle suivante a été utilisée afin de déterminer le niveau de fonctionnement des participants : niveau faible (0 à 2 critères rencontrés), niveau modéré (3 à 5 critères rencontrés) et niveau élevé (6-7 critères rencontrés).

À l’évaluation post traitement, les patients 1 2 et 3 présentent un niveau de fonctionnement élevé avec une cote de 6. Les patients 4 et 5 obtiennent quant à eux un niveau de fonctionnement modéré avec une cote respective de 3 et 5. Trois mois plus tard, le patient 3 élève sa cote à 7 alors que la patiente 4 améliore sa cote à 5. Ceci suggère une légère amélioration sans toutefois changer leur cote de niveau de fonctionnement global. Étant donné l’absence de la patiente 2 au suivi 3 mois, son niveau de fonctionnement global n’a pu être calculé. Finalement, les résultats du suivi 6 mois révèlent un niveau de fonctionnement élevé chez les patients 1, 2 et 5, avec une cote respective de 7, 6 et 7. Les patients 3 et 4 présentent un niveau de fonctionnement modéré avec une cote de 5. Ces résultats suggèrent une augmentation du fonctionnement pour la patiente 1 et le patient 5 et une légère diminution de fonctionnement pour le patient 3.

Discussion

Le but de la présente étude était d’évaluer l’efficacité de la combinaison d’un sevrage médicamenteux graduel et d’une thérapie comportementale et cognitive pour réduire la prise de benzodiazépine des gens aux prises avec un Trouble d’anxiété généralisée. Le postulat de base était que la thérapie spécifique aux symptômes du TAG allait, en tant qu’outil de sevrage, faciliter l’arrêt de la benzodiazépine des participants. Deux patients, parmi les cinq rencontrés, avaient complètement cessé leur prise de benzodiazépine après les douze semaines de traitement alors que deux autres en étaient à la dernière étape de leur plan de sevrage. La cinquième patiente avait pour sa part diminué sa dose de 51 % et prévoyait continuer sa démarche avec l’aide de son médecin de famille. Quatre participants sur cinq ont donc pratiquement atteint leur objectif de sevrage pendant la durée de l’intervention, ce qui appuie le bien-fondé de la première hypothèse indiquant que la thérapie comportementale et cognitive combinée avec un sevrage graduel est efficace pour diminuer la médication. Les résultats obtenus à l’aide de l’ADIS-IV et des questionnaires confirment l’amélioration clinique significative des patients durant l’intervention.

Les résultats obtenus aux suivis 3 et 6 mois corroborent la seconde hypothèse de l’étude et suggèrent que l’intervention combinée favorise le maintien des gains thérapeutiques. Les quatre patients ayant complété leur plan de sevrage conservent une abstinence complète aux suivis 3 et 6 mois. Dans le même sens, ceux-ci démontrent un maintien des gains au niveau des symptômes psychologiques anxieux ponctué d’améliorations notables. Considérant le fait que le taux de rechute est sans contredit l’aspect du sevrage des benzodiazépines le plus problématique, ces résultats suggèrent une avenue clinique intéressante pour les patients désirant en faire l’arrêt.

Comment expliquer l’échec du sevrage de la patiente 2 ? Premièrement, il est possible que sa condition psychologique ait pu interférer avec son sevrage de même qu’avec le traitement de ses inquiétudes. Lors de l’évaluation pré-traitement, celle-ci présentait plusieurs diagnostics concomitants liés à son état anxieux. Puisque le programme de traitement permettait de cibler uniquement le TAG, les autres conditions psychologiques n’étaient pas ciblées directement. Celles-ci ont donc pu nuire à la diminution et faire paraître le sevrage plus difficile (symptômes des autres troubles anxieux confondus avec les symptômes du sevrage). Il est également possible que les troubles concomitants aient interagi en empêchant l’exposition aux incertitudes et en neutralisant le processus d’exposition et d’habituation aux inquiétudes. Notons que cette patiente présentait le plus haut niveau d’intolérance à l’incertitude parmi les cinq participants. Le fait de considérer inacceptable toute incertitude, si minime soit-elle, peut donc l’avoir amené à ignorer le plan de sevrage établi. Le dosage de la benzodiazépine et les modalités d’utilisation représentent également des explications plausibles. Dès l’introduction du sevrage, les patientes 2 et 4, qui affichaient les dosages les plus élevés et qui utilisaient leur médication au besoin, ont affiché une diminution caractérisée par de nombreuses fluctuations. Il est donc possible qu’un dosage élevé requiert un délai supérieur à douze semaines et qu’une attention particulière soit nécessaire lorsque la benzodiazépine est prise au besoin. Finalement, il est aussi possible que les antécédents de dépendance à l’alcool de la patiente 2 traduisent chez elle un profil de dépendance psychologique et d’abus de substance différent de celui des autres patients. Par exemple, il est possible que la dépendance aux benzodiazépines ait remplacé la dépendance à l’alcool étant donné ses effets relaxants. En ce sens, l’intervention combinée s’avère peut-être insuffisante lorsqu’un autre problème de dépendance et d’abus de substance est présent puisqu’elle vise à fournir aux patients des outils lui permettant de mieux gérer son anxiété et non de travailler directement la dépendance (à l’exception des consignes d’arrêt graduel).

Le protocole expérimental utilisé dans la présente étude comporte certaines limites inhérentes à la validité interne et à la généralisation des résultats. L’introduction simultanée du sevrage et de la thérapie fait en sorte qu’il est impossible de déterminer leur efficacité relative. Il est donc difficile d’établir avec certitude que la thérapie a joué un rôle thérapeutique nécessaire. Dans le même sens, il serait précipité de conclure que ce sont les ingrédients spécifiques du traitement comportemental et cognitif (les interventions et outils de l’approche) qui ont favorisé le sevrage. Ashton (2001) avance d’ailleurs à ce sujet que des encouragements fréquents et réguliers provenant d’une personne de l’entourage peuvent s’avérer aussi efficace qu’une thérapie psychologique. Aucune étude n’a cependant tenté de vérifier cette affirmation. Étant donné les échecs antérieurs des patients pour cesser leur benzodiazépine via un sevrage graduel en plus de leurs commentaires positifs concernant l’utilité des stratégies comportementales et cognitives et des gains psychologiques observés, il semble probable que le traitement effectué soit responsable des résultats obtenus.

En résumé, les résultats de la présente étude appuient les écrits scientifiques qui démontrent que la thérapie comportementale et cognitive s’avère utile dans le contexte du sevrage des benzodiazépines (Baillargeon et al., 1998 ; Morin et al., 1995 ; Otto et al., 1993 ; Spiegel et al., 1994). Malgré ces premiers résultats encourageants, d’autres études s’avèrent nécessaires afin de répondre aux interrogations soulevées. Notre prochain objectif consiste à vérifier l’efficacité de cette intervention en utilisant un devis de recherche expérimental avec groupe contrôle non spécifique. Cette démarche permettra de contrôler certaines failles à la validité interne et de vérifier si l’intervention combinée s’avère plus efficace qu’une intervention non spécifique (par exemple, un groupe de soutien). D’autres auteurs ont pour leur part commencé à explorer l’efficacité de ce type de protocole dans l’arrêt des ISRS (Whittal et al., 2001). Nos travaux actuels s’inscrivent dans cette perspective.