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La schizophrénie est une maladie grave et complexe qui touche environ 1 % de la population. Les premiers symptômes de la schizophrénie surviennent habituellement à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte, ce qui inaugure une existence d’incapacités et de limitations (Morrison, 1991). La maladie se manifeste à une période où l’individu doit faire des choix importants touchant son développement vocationnel. Les institutions d’enseignement régulier s’avèrent souvent incapables de répondre aux besoins de cette clientèle compte tenu de leurs déficits et incapacités. La schizophrénie implique des perturbations dans différentes sphères de la vie des personnes : la cognition, l’affect et les émotions, de même que le fonctionnement de la vie familiale et sociale.

Nous présentons ici, la problématique générale reliée à la désinsertion sociale, conséquence des difficultés de scolarité suivie d’un bref rappel historique d’un projet d’école montréalaise destinée à une telle clientèle, un projet exploratoire de recherche concernant la clientèle qui fréquente cette école. Les résultats préliminaires sont discutés dans le contexte d’une meilleure compréhension du profil clinique et fonctionnel de cette clientèle et de l’expérience pratique des intervenants. La généralisation des résultats est cependant difficile dans la mesure où il s’agit d’une recherche exploratoire sur un projet en soi pilote. Néanmoins, cette expérience suggère la nécessité d’une collaboration et propose des pistes de solutions.

Désinsertion

Les patients souffrant de schizophrénie sont sans emploi pendant de longues périodes et ils abandonnent souvent l’école de façon précoce. Le dysfonctionnement cognitif semble être un facteur plus important que les symptômes cliniques relativement aux habiletés requises pour le maintien d’une activité de travail ou d’une formation académique. Une relation entre les déficits cognitifs et le statut du travail a été mise en évidence par McGurk et Meltzer, (2000). Dans cette étude, les patients atteints de schizophrénie employés à temps plein ont obtenu une meilleure performance que les patients sans emploi sur des mesures neurocognitives de fonctions exécutives, de mémoire de travail et de vigilance. Ils se sont aussi avérés plus performants que les patients détenant un emploi à temps partiel sur les mesures de fonctions exécutives et de vigilance. Cette étude suggère que le faible fonctionnement prémorbide, les symptômes négatifs et le dysfonctionnement cognitif sont associés avec le fait d’être sans emploi dans la schizophrénie.

Dysfonctionnement cognitif

Des déficits neuropsychologiques touchant la mémoire, l’attention, les fonctions exécutives et le langage, font partie du tableau clinique de la schizophrénie (Heinrichs et Zakzanis, 1998 ; Kuperberg et Heckers, 2000). Ces déficits ne représentent pas une entité globale, mais sont plutôt spécifiques à des sous-fonctions cognitives. Actuellement, il est bien documenté que 85 % des patients souffrant de schizophrénie présentent des déficits cognitifs. Malgré la découverte récente des neuroleptiques atypiques qui permettent d’améliorer les habiletés cognitives de ces patients, des déficits considérables subsistent. Les thérapies de remédiation cognitive contribuent également à un meilleur fonctionnement, mais ne permettent souvent pas de récupération complète.

À ces déficits, qui entravent en eux-mêmes les performances scolaires s’ajoutent les symptômes positifs : qui consistent en des excès (par exemple, hallucinations, délire, troubles de la pensée) et les symptômes négatifs qui se distinguent par des comportements déficitaires : apathie, alogie, anhédonie et affect plat.

Difficultés scolaires

L’une des meilleures études de cohorte en Finlande a examiné 10 581 patients recevant des soins psychiatriques (âges 16-29) et tentant de terminer leur scolarité (Isohanni et al., 2001). Les résultats de cette étude ont révélé que les patients ayant un trouble psychiatrique survenant à un âge précoce ont tendance à stagner à un niveau scolaire secondaire. C’est la schizophrénie qui serait responsable du plus fort taux d’échec à atteindre le niveau post secondaire (6 fois plus élevé que dans la population normale). L’insuccès à compléter un plus haut niveau de scolarité contribue à renforcer l’exclusion sociale. De plus, cela engendre une situation d’handicaps qui rend plus difficile l’exercice du rôle de travailleur et l’atteinte des avantages sociaux et économiques qui en découlent.

Les données accumulées à ce jour laissent supposer que les déficits cognitifs pourraient restreindre le fonctionnement psychosocial des patients souffrant de schizophrénie (Dickerson et al., 1996 ; Dickerson, 1999 ; Velligan et al., 2000). Dans une revue portant sur les déficits neurocognitifs comme prédicteurs du fonctionnement dans la schizophrénie, Green (1996) tente d’identifier les déficits qui limitent les patients dans l’apprentissage d’habiletés. Les corrélations suivantes ressortent de cette revue : 1) la mémoire verbale et le fonctionnement quotidien ; 2) la vigilance et la résolution de problèmes sociaux, ainsi qu’avec l’acquisition d’habiletés ; 3) les fonctions exécutives et le fonctionnement dans la communauté. Cette étude suggère que la mémoire verbale et la vigilance constituent des pré-requis essentiels pour l’acquisition d’habiletés dans un programme de réadaptation et de réhabilitation sociale.

Les déficits cognitifs associés à la schizophrénie ont des répercussions sur le fonctionnement et empêchent les patients d’atteindre une adaptation optimale. Selon Green et al. (2000), il est possible que la relation entre les déficits neurocognitifs et le fonctionnement psychosocial dans la schizophrénie soit très fortement reliée au potentiel d’apprentissage. Les facteurs cognitifs et émotionnels ont habituellement un impact considérable sur les processus d’apprentissage. En revanche, les symptômes psychotiques, plus particulièrement les symptômes négatifs ne sont pas associés au fonctionnement.

La motivation aurait une implication importante dans l’apprentissage entre autres dans l’utilisation de stratégies et la qualité de l’expérience émotionnelle pendant l’apprentissage (Schiefele, 1991). Selon cet auteur, les individus ayant un haut niveau d’intérêt ont tendance à s’engager d’une manière plus intensive et mieux orientée dans la lecture d’un texte que les individus ayant un faible niveau d’intérêt (Schiefele, 1990).

La motivation serait un facteur primordial à considérer dans la prédiction de la réussite scolaire dans le contexte d’études de niveaux secondaires (Corbière, 1997). À partir d’une approche multidimensionnelle de la prédiction de la réussite scolaire, cet auteur a démontré que l’intérêt relié aux matières scolaires serait le meilleur prédicteur de la réussite académique des étudiants normaux. La motivation constitue une difficulté majeure chez les patients souffrant d’une maladie mentale grave. Il s’avère donc essentiel de tenir compte de ce facteur dans le développement et l’emploi de méthodes d’apprentissage adaptées à cette clientèle.

Le concept des perceptions de soi académique réfère aux jugements que la personne a de ses capacités à organiser et exécuter le cours des actions nécessaires pour atteindre un objectif. Ce concept et la satisfaction des élèves au sujet de l’établissement joueraient également un rôle dans le succès scolaire (Corbière, 1997). Le concept de perception de soi scolaire serait un bon prédicteur des choix académiques et reliés au travail, ainsi que de la performance scolaire (Lent, 1997 ; Lent et al., 1994). Les individus agissent habituellement en basant leur jugement sur ce qu’ils croient qu’ils sont capables d’accomplir.

Techniques de rééducation

La connaissance des habiletés et des déficits neurocognitifs des patients peut servir à guider la réadaptation psychosociale et l’intégration scolaire. Par exemple, les déficits de mémoire verbale associés à la schizophrénie pourraient être compensés par la répétition des directives par l’instructeur ou alternativement par la présentation du matériel à un rythme ralenti. Le principe d’apprentissage en faisant le moins d’erreur possible, est aussi une méthode qui favorise la réadaptation scolaire (Kern et al., 1996). Cette méthode d’entraînement permet de minimiser les erreurs durant l’acquisition des habiletés en augmentant progressivement les niveaux de difficultés à travers une série de stades de plus en plus complexes. Elle met l’emphase sur l’aspect procédural de l’apprentissage. Selon Wykes et al. (1999), cette méthode de remédiation neurocognitive serait efficace pour réduire les déficits cognitifs associés à la schizophrénie et améliorer le fonctionnement social.

Les techniques françaises de rééducation en psychiatrie de l’enfance, d’une manière très schématique, stipulent que les moyens utilisés par l’orthopédagogue pour aider l’élève sont de deux ordres, soit les moyens techniques et les moyens relationnels (Mazet et al., 1993). L’éducateur propose d’abord des activités qui vont permettre à l’enfant de découvrir ses habiletés. La relation qui s’établira entre l’éducateur, l’enfant et les parents sera déterminante de la réussite de la rééducation. Il importe qu’un climat affectif et relationnel de bonne qualité s’installe entre eux. Selon Mazet et al. (1993), cette relation bien que difficile à définir doit reposer sur certains critères : la grande disponibilité du thérapeute ; l’absence d’a priori ; le désir de comprendre avant celui de guérir ; la capacité du thérapeute d’analyser ses propres attitudes et ses sentiments. Il est indéniable de considérer que la relation thérapeutique entre tout éducateur et ses élèves aura une influence directe sur l’apprentissage de ces derniers.

Plusieurs autres types de facteurs peuvent être reliés à l’amélioration du fonctionnement académique. Les résultats scolaires d’un groupe d’enfants ayant des problèmes psychiatriques inscrits dans un programme de traitement de jour, étaient associés aux variables suivantes : les problèmes de comportements, le quotient intellectuel, la fréquence du stress familial et le fonctionnement général (Grizenko et al., 1990). Une autre étude réalisée avec des enfants inscrits dans le même genre de programme révèle que les habilités langagières seraient en lien étroit avec la performance scolaire (Kotsopoulos et al., 1996).

L’estime de soi et la problématique narcissique constituent des composantes psychologiques essentielles au cours de l’évolution de la rééducation (Mazet et al., 1993). Certains enfants présentant une organisation narcissique et l’élaboration d’une estime de soi défaillante éprouvent aussi des difficultés d’apprentissage précoces. Dans ces cas, il s’agit de restaurer l’estime de soi en redonnant confiance à l’enfant et il s’ensuivra une amélioration du fonctionnement académique. Certaines rééducations trop prolongées où il n’y a pas le moindre progrès dans l’évolution peuvent être très problématiques car elles entraînent un sentiment d’échec chez l’élève. Dans cette situation, une pause dans le cheminement scolaire peut être bénéfique.

Nécessité de classes spécialisées

Le traitement de la schizophrénie suppose une approche multimodale de type biopsychosocial. La réadaptation doit s’imbriquer au traitement médicamenteux dès les premières phases de la maladie car comme le souligne Bachrach, (1992) elle permet la restauration et le développement des capacités de la personne en vue d’une amélioration de sa qualité de vie et une meilleure intégration socioprofessionnelle. Les équipes qui prennent en charge globalement les jeunes adultes atteints de schizophrénie au niveau clinique et réadaptatif prennent conscience de la nécessité d’intégrer dans leur programme de réadaptation un volet réadaptation vocationnelle incluant le retour à l’école. Les patients atteints de schizophrénie ont un fonctionnement cognitif relativement pauvre et du fait même nécessitent un besoin additionnel de support pédagogique pour réaliser des études secondaires et maintenir leur insertion dans le programme scolaire. Comme le souligne Anthony (1990) la réadaptation doit en plus de favoriser le développement d’habiletés, permettre de compenser certains déficits résiduels en favorisant l’adaptation au milieu.

Il existe peu de programmes académiques spécialisés pour les patients souffrant de troubles psychiatriques graves comme la schizophrénie. Il y a un besoin croissant d’instaurer de tels programmes et d’en évaluer l’efficacité pour mieux les adapter aux populations cliniques spécifiques. Historiquement, les études ayant évalué l’efficacité des programmes déjà mis sur pied auprès d’enfants présentaient plusieurs lacunes méthodologiques telles qu’un plan d’étude rétrospective, des instruments d’évaluations non standardisés, un manque de groupe contrôle et de suivi, ou une description inadéquate du programme et la population (Hendren, 1993 ; Kiser, 1991).

Milin et al. (2000) ont évalué l’impact d’un programme de traitement Adolescent Day Treatment Unit (ADTU) auprès d’adolescents souffrant d’un trouble mental. Le programme comprenait deux classes situées dans une école secondaire. Les objectifs de ce programme étaient la recherche d’un meilleur fonctionnement dans la communauté psychiatrique et académique ainsi que la préparation à un éventuel retour aux classes normales. Des améliorations ont été notées dans les comportements, les niveaux académiques et le fonctionnement général. De plus, les patients et les parents ont manifesté un haut niveau de satisfaction du programme. Il est important d’étudier les jeunes adultes comme une population distincte puisqu’ils se situent souvent dans une période précoce de la maladie.

Historique

Depuis déjà quelques années, les professionnels de la Clinique Jeunes Adultes (CJA) de l’hôpital Louis-H. Lafontaine ont créé des liens de partenariat étroit avec les projets PART (Programmes d’activités de retour au travail). Dans le cadre de leur programmation, un cours intitulé Service de formation et d’intégration sociale (SFIS) utilisant le français comme outil de formation était offert. Les patients de la CJA inscrits à cette formation abandonnaient souvent après quelques mois disant aimer le contexte d’apprentissage, mais déplorant l’absence d’une reconnaissance académique réelle.

Il a vite été établi qu’une demande d’accréditation du cours était nécessaire. On prit alors connaissance d’une expérience singulière originaire du dynamisme du père Emmett Johns (POPS) à Montréal de l’école de Dans la rue. Ce dernier avait réussi à faire créditer le travail scolaire de jeunes marginaux qui participaient à un programme pilote d’école. Une visite et des échanges avec les intervenants furent réalisés. Un comité de travail composé de représentants des projets PART, du Centre de ressources éducatives et pédagogiques (CREP) de la Commission scolaire de Montréal (CSM) et de la CJA fut formé. Après plusieurs rencontres, un programme d’études secondaires comprenant deux volets fut instauré : « formation générale académique » (FGA) et « service de formation en insertion sociale » (SFIS). L’objectif principal de ce programme est de faciliter le retour à l’école et l’intégration socio-professionnelle d’adultes ayant des problèmes de santé mentale graves. Dans le volet FGA, les étudiants reçoivent un enseignement individualisé en français et en mathématiques de niveau secondaire dispensé par deux orthopédagogues. Les classes sont composées d’un maximum de 14 étudiants inscrits pour un minimum de 10 heures et un maximum de 20 heures par semaine. Un enseignement de l’informatique est aussi offert. Le volet SFIS vise à développer certaines habiletés essentielles à l’apprentissage scolaire dont : les habiletés à la résolution de problèmes, les habiletés personnelles et sociales, les habiletés de communication, la gestion du quotidien, les habiletés cognitives et la gestion du stress.

Nous avons pu, cette année, recueillir des données auprès de cette population scolaire particulière afin d’avoir un portrait susceptible de nous aider à formuler des stratégies d’adaptation au programme. L’objectif de ce recueil de données est de dresser un portrait du fonctionnement cognitif et clinique de cette clientèle. De plus, cette collecte avait pour but de préparer la mise en place d’un focus group afin de déterminer l’établissement de nature plus quantitative dont le construit serait tributaire d’une confrontation à des variables déjà bien établies (échelle de besoins, échelle de satisfaction, échelle clinique, mesures cognitives) au sein du focus group.

Ce recueil de données pourrait aboutir à un devis de recherche mixte combinant un aspect qualitatif autour d’un focus group ; l’approche quantitative évoluant vers un devis à une mesure transversale sur les besoins, satisfactions, performances scolaires et a mesures répétées sur les variables cognitives et cliniques.

Méthodologie

Pour la partie évaluative du fonctionnement des patients, nous avons effectué un examen clinique en utilisant une échelle de mesure des symptômes, une échelle de mesure de la subjectivité cognitive, une batterie de dépistage de déficits neuropsychologiques reliés à plusieurs domaines cognitifs. Ces examens étaient réalisés sur place à l’école. Les étudiants constituaient donc un échantillon de convenance. De plus, nous avons réalisé plusieurs rencontres entre l’équipe des intervenants scolaires, cliniques et l’équipe de recherche afin de recueillir des informations qualitatives sur cette expérience pilote au niveau des difficultés rencontrées et des nouveautés en comparaison à des expériences d’enseignement plus traditionnelles. Enfin, nous avons utilisé le questionnaire sur la perception de soi en milieu scolaire (Corbière).

Évaluation clinique et cognitive

Dans un échantillon de convenance, onze patients souffrant de maladie mentale grave (8 hommes et 3 femmes) inscrits dans les classes des projets PART ont été évalués cliniquement. La moyenne d’âge du groupe était de 25.72 ± 5.5. Un examen clinique a été effectué à l’aide du Positive and Negative Syndrome Scale (PANSS), du Repeatable Battery for Assessment of Neuropsychological Status (RBANS), du Subjective Scale to Investigate Cognition in Schizophrenia (SSTICS) et d’un questionnaire sur la perception de la motivation et de la difficulté de l’étudiant.

La PANSS est une échelle d’évaluation de la symptomatologie, plus spécialement des symptômes positifs et des symptômes négatifs ainsi que des symptômes psychiatriques généraux non spécifiques. Le RBANS consiste en une mini-batterie de tests cognitifs (durée : 30 minutes) comprenant douze sous-tests regroupés sous formes d’indices de mémoire immédiate, d’attention, de langage, de visuo-construction et de mémoire différée. Le RBANS est un test qui a été validé. La SSTICS constitue une échelle de plaintes subjectives comportant des questions sur le fonctionnement mnésique dans la vie quotidienne (durée : dix minutes) (Stip, 2001).

Résultats

Rôles des intervenants

Un travail de concertation et de collaboration étroit s’est maintenu entre les différents partenaires tout au long de l’année. Le CREP a donné aux étudiants l’accès au laboratoire informatique et à un matériel scolaire adapté en plus d’apporter un soutien technique pour la mise en place du projet. Les enseignants ont démontré beaucoup de dynamisme et d’implication en proposant de nouvelles approches pédagogiques pour susciter l’intérêt des étudiants et les motiver davantage. De plus, ils ont favorisé le développement chez l’étudiant de nouvelles stratégies d’apprentissage ou compensatoires pour les aider à surmonter certains déficits cognitifs et symptômes résiduels. Le rôle de l’intervenante des Projets Part, est de faire le lien entre les enseignants, l’étudiant et les personnes qui réfèrent. Elle rencontre les étudiants régulièrement afin d’assurer un soutien, une écoute, travailler certains objectifs en lien avec le projet scolaire et faire de l’éducation et de l’intervention face aux problèmes de consommation, de gestion de l’horaire ou du quotidien. L’intervenante de la CJA supervise l’équipe de travail, donne une formation pour affronter certains problèmes particuliers et discute des attitudes à adopter avec quelques étudiants. Elle note des observations apportées par les intervenants du milieu et ajuste ses interventions cliniques au besoin. De plus, elle participe activement au comité tripartite formé afin d’assurer le maintien et le développement de ce projet.

Observations des professeurs

Les deux enseignants ont fait plusieurs observations tout au long de l’année scolaire. Notamment, l’un de leur premier constat fut la différence de performance des élèves aux deux matières enseignées. Les élèves présentaient des difficultés marquées d’apprentissage en français, alors qu’en mathématique, ils montraient plutôt un ralentissement. L’enseignement du français implique l’assimilation de plusieurs concepts simultanément, ce qui nécessite des habiletés à intégrer l’information en un tout cohérent. Les problèmes de français des élèves se traduisaient par des difficultés de compréhension et de composition. Les élèves éprouvaient entre autre, des difficultés à trouver l’idée principale d’un texte.

L’une des techniques qui s’est avérée efficace en français consistait à donner d’abord un exemple concret et à donner la règle par la suite. La répétition des règles de français fait régulièrement par l’enseignant était essentielle. Dans ces classes, l’apprentissage était très lent en français, ce qui démotivait les étudiants. Toutefois, les progrès en mathématique avaient pour effet d’encourager. Cependant en mathématique, lorsque des problèmes de résolution de problèmes reliés à la vie quotidienne étaient posés, les élèves avaient des difficultés à en saisir le sens. L’enseignement des mathématiques se fait par une suite de modules qui sont souvent non reliées, ce qui semble être un facteur facilitant l’apprentissage avec ce type d’élèves.

Les enseignants ont également observé que les étudiants ont souvent tendance à rendre la médication responsable de leurs déficits d’apprentissage, passant sous silence leurs difficultés dans la gestion du quotidien. Certains élèves ont parfois l’habitude de se coucher très tard et de mal s’alimenter engendrant des conséquences néfastes directes sur l’apprentissage qui se traduisent par des problèmes de concentration ou de somnolence. Par exemple, il n’était pas rare de voir un élève s’endormir durant les heures de classe.

Un autre élément majeur favorisant la réussite scolaire serait la relation avec les pairs et les enseignants. Les enseignants ont remarqué qu’il est primordial de créer une alliance avec les élèves. Il importe que l’élève soit persuadé que l’enseignant l’aidera et l’encouragera tout au long de son cheminement. L’affectivité s’est avérée être un facteur aussi important que l’aspect cognitif pour la réussite dans ces classes spécialisées. Le manque d’initiative d’une grande majorité des élèves faisait en sorte que les enseignants devaient déployer des efforts pour attirer leur intérêt et les motiver. Les étudiants à temps partiel (environ 10 heures/ semaine) dû souvent à un état clinique plus instable démontraient davantage de démotivation. Ils éprouvaient aussi plus de difficulté à s’investir dans le projet scolaire et donnaient l’impression de stagner au lieu de faire des progrès. Ces derniers éprouvaient plus de difficultés à s’intégrer dans le groupe que les élèves à temps plein (20 heures/semaine).

En ce qui a trait aux ateliers SFIS, les ateliers de gestion de stress et d’habiletés cognitives (mémoire, concentration, attention) se sont avérés efficaces. La démarche de résolution de problèmes pour sa part n’a pas permis d’aider les élèves dans ce domaine cognitif complexe. Ces ateliers devaient être présentés sous forme de jeux pour susciter l’intérêt des élèves. L’une des stratégies efficaces pour la préparation de la passation des examens consistait à ne pas générer de stress. Ainsi, les enseignants tentaient de rassurer les élèves en revoyant les grandes lignes de la matière enseignée dans les jours précédant l’examen. De plus, les examens ont lieu dans une classe où l’élève est seul ce qui permet d’éliminer les distractions. Avant d’être éligible à un examen l’étudiant devait passer un pré-test pour vérifier ses connaissances acquises. En fait, il arrivait régulièrement que les élèves se représentaient leurs acquis de manière erronée, se croyant prêt pour un examen alors qu’ils ne l’étaient pas.

Résultats scolaires

La scolarité complétée par les étudiants à l’admission se situait majoritairement à un niveau de secondaire III. Les enseignants ont remarqué que plus le temps d’inactivité académique avait été prolongé plus la période de récupération était longue à la reprise des études. Le volet FGA comprend des tests de classement pour déterminer le niveau de récupération requis. Il arrivait fréquemment que les élèves se classaient en secondaire I, si la période d’arrêt avait duré deux ans et plus.

On remarque que plus le maintien au programme est prolongé plus la capacité d’apprentissage est en progression. Il apparaît difficile de dissocier l’impact du SFIS de la réussite académique. En fait, les ateliers du SFIS, surtout ceux touchant les habiletés cognitives de concentration et de mémoire, aident beaucoup les élèves dans leur organisation cognitive. Ces formations favorisent l’accroissement de l’estime de soi, de la confiance, des contacts interpersonnels, de la capacité d’autonomie et d’initiative. Ces formations contribuent grandement au développement du volet académique. En mathématique, une évolution a été observée chez la majorité des élèves alors qu’en français des progrès ont été remarqués chez 75 % d’entre eux.

Deux élèves inscrits au programme ont été en mesure de réintégrer le système d’enseignement régulier. De plus, plusieurs examens du ministère ont été réussis par certains élèves (2 en français et 5 en mathématiques). (Tableau 1)

Tableau 1

Réussite des examens académiques

Réussite des examens académiques

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Volet clinique

Des comparaisons historiques ont été réalisées entre les résultats des élèves au RBANS et les données d’un groupe témoin (N = 59 patients souffrant de schizophrénie) présentées dans le manuel du RBANS. Les résultats révèlent que les élèves ont des déficits de mémoire immédiate, d’attention, et de mémoire différée car ils ont un écart significatif avec les données normatives auxquelles ils ont été comparés (voir Tableau 2). Les résultats montrent aussi que les patients ont obtenu un indice total significativement plus bas que la normale. Ils sont aussi sous la moyenne dans les sous-tests de langage, mais la différence n’est pas significative. Par contre, on remarque qu’ils ont une moyenne un peu plus élevée que les individus normaux sur l’indice visuo-constructif. Les scores moyens au PANSS sont légèrement plus élevés que la moyenne générale dans la population psychiatrique. Les résultats au SSTICS sont considérablement élevés suggérant que les élèves sont conscients de leurs déficits mnésiques.

Tableau 2

Comparaisons historiques des résultats au RBANS des élèves du projet PART avec un groupe témoin d’individus sains

Comparaisons historiques des résultats au RBANS des élèves du projet PART avec un groupe témoin d’individus sains

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La mise en corrélation des résultats aux RBANS et aux PANSS révèle que les symptômes négatifs sont associés aux indices de mémoire immédiate, de langage et total (voir Tableau 3). Comme le démontre le tableau 3, les symptômes positifs et les symptômes généraux ainsi que l’échelle globale du PANSS ne sont toutefois pas reliés à la performance cognitive estimée à partir des indices du RBANS. Les résultats au SSTICS ne sont pas corrélés avec le RBANS ou le PANSS.

Tableau 3

Corrélations entre les résultats aux PANSS et aux RBANS

Corrélations entre les résultats aux PANSS et aux RBANS

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Les résultats du questionnaire sur la perception de soi en milieu scolaire démontrent que les élèves ayant réussi la passation d’un examen de mathématique au cours de l’année scolaire croient qu’ils obtiennent des bonnes notes dans cette matière. De plus, ils soutiennent que c’est facile pour eux d’étudier les mathématiques. D’après les réponses aux questionnaires, les élèves qui ont réussi un examen de français durant l’année scolaire accordent significativement plus d’importance au fait de réussir leur cours de français et de mathématique que ceux n’ayant pas fait de passation d’examen de français de l’année. Les élèves qui n’ont pas abandonné les cours durant l’année scolaire sont ceux qui rapportent avoir toujours bien réussi en mathématique. On remarque quelques différences de genre sur la perception de soi en milieu scolaire. En comparaison des hommes, les femmes rapportent prendre plus de notes et continuer à étudier plus assidûment même s’il y a des activités plus intéressantes à faire. Elles poseraient également plus de questions que les hommes si elles ne comprennent pas la matière présentée en classe.

Discussion

Ces résultats confirment les difficultés cognitives des personnes qui fréquentent le programme scolaire. En premier lieu, l’un des aspects les plus intéressants du projet est la collaboration pluridisciplinaire entre enseignants et cliniciens : du point de vue des cliniciens (parmi les auteurs), les observations des enseignants paraissent très riches en terme de déficits cognitifs et d’implication pour la vie quotidienne des personnes souffrant de psychose. Cela a déjà été discuté lors des rencontres communes et semble avoir été le moteur de ce projet de publication à Santé mentale au Québec pour continuer à provoquer un échange. Comme nous l’avons déjà suggéré, des résultats d’une étude exploratoire sur un projet pilote demeurent faibles quant à une généralisation. Cependant, plusieurs questions peuvent désormais être mises en place : Quelles sont les implications de cette étude pilote ? Quelles sont les recherches à entreprendre ensuite ? Peut-on déjà justifier certaines propositions ?

Au niveau des implications, il semble que la dissociation au niveau de la matière scolaire mathématique/français soit pertinente en terme de pronostic ou fonctionnement au sein du programme. Depuis le début du projet PART, plusieurs élèves ont réussi des examens du ministère, principalement en mathématique. Ces résultats sont encourageants, si l’on considère qu’aucune reconnaissance ne leur était accordée auparavant.

On remarque une concordance entre ce que les professeurs observent et ce que les élèves rapportent sur le fait que bien réussir en mathématique diminue les chances d’abandonner le programme d’étude. En effet, selon les réponses des élèves au questionnaire de perception de soi scolaire, ceux qui progressent en mathématique sont ceux qui n’abandonnent pas leur étude. Ce qui démontre l’importance de la réussite dans la poursuite du cheminement académique.

Au niveau de l’implication dans l’organisation du programme, il semble qu’il faudrait ré-évaluer les effets d’un ratio professeur/élèves ainsi que le statut temps plein/partiel de l’élève. L’évaluation de ces propositions de modification mériterait un nouveau devis de recherche pour mettre à l’épreuve deux conditions portant d’une part sur les ratio et d’autre part sur le statut. Dans notre étude, nous n’avons pas les moyens d’évaluer véritablement le statut temps partiel. Pour divers motifs dont l’aggravation des symptômes cliniques, plusieurs des étudiants ont de la difficulté à réellement se maintenir dans un programme d’étude à temps complet. Il semble cependant qu’un programme à temps partiel ne soit pas nécessairement la solution la plus appropriée pour tous puisque dans un tel programme les étudiants se sentent isolés par rapport aux autres. Il apparaît préférable que les élèves soient inscrits à temps plein, mais un ratio professeur/élèves de 1/10 serait plus adéquat. Ainsi, les professeurs seraient plus disponibles pour répondre aux besoins individualisés des élèves, ce qui aurait pour effet de les encourager et de faciliter leur apprentissage. Comme les professeurs l’ont remarqué, la qualité des rapports entre eux et les élèves est une condition primordiale au bon fonctionnement en classe.

Les résultats préliminaires montrent que la population du PJA présente une sévérité symptomatique non négligeable dont un déficit cognitif chez 85 % d’entre eux, surtout sur les tâches de mémoire et d’attention. Ces déficits prouvent également que les élèves de ces classes spécialisées requièrent un niveau d’encadrement et de soutien de la part des enseignants beaucoup plus soutenu que les élèves normaux. D’éventuels ajustements apportés au programme au cours de la dernière année, notamment dans les critères de sélection et les méthodes d’enseignement, devraient être discutés ou étudiés afin qu’il continue de présenter un avenir prometteur.