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Il est maintenant largement reconnu que la plupart des patients souffrant de schizophrénie éprouvent des difficultés cognitives, et que la présence de graves déficits cognitifs interfère avec leur capacité à s’engager dans un traitement psychosocial, dont les résultats sont d’ailleurs mitigés (Green, 1996 ; Silverstein et al., 1998). Bien qu’un certain nombre d’interventions de réhabilitation cognitive aient été développées pour la schizophrénie, leurs effets dans la plupart des cas sont minimes (à l’exception de l’étude de Bell et al., 2003). À ce jour, aucune de ces techniques ne s’est révélée efficace avec les patients les plus gravement atteints sur le plan cognitif (Silverstein et Wilkniss, 2004). Par exemple, des patients dans l’étude de Bell et al., (2003) étaient des patients ambulatoires qui pouvaient participer à un programme de réhabilitation occupationnelle. Même si les techniques décrites dans les articles précédents aident à créer un environnement simplifié au sein duquel les conséquences positives et négative des comportements sont plus immédiates et fréquentes qu’à la normale, les patients avec des déficits cognitifs graves en bénéficient moins que les autres patients. Il est donc essentiel que pour ces derniers, un focus important de leur traitement soit l’amélioration de leur capacité de retenir l’information qui leur est présentée, et de participer pleinement à leur traitement.

Dans cet article, nous décrivons plusieurs techniques que nous et d’autres chercheurs estimons utiles pour atteindre cet objectif avec cette population. Il est important de noter que les patients peuvent être inattentifs pour différentes raisons, soit à cause d’un déficit attentionnel soutenu, d’une faible motivation, des médicaments sédatifs, ou de la distraction due aux hallucinations ou aux pensées troublantes. Dans la discussion, nous mettons l’emphase sur le traitement de l’inattention, occasionnée par des symptômes primaires ou des secondaires négatives ou positifs.

Procédures pour améliorer la capacité d’attention et la participation en groupe

Pour des patients sévèrement handicapés avec un empan attentionnel très court, des techniques reposant sur le principe comportemental de façonnement ont démontré leur efficacité pour accroître la capacité d’attention, et favoriser l’apprentissage de nouvelles habiletés. Le façonnement consiste en l’application de plusieurs techniques fondamentales d’apprentissages pour mener vers un nouveau comportement, ou modifier un aspect d’un comportement existant. En tant que tel, on peut voir le façonnement comme une méthode pour parvenir à un conditionnement opérant, où l’attention est la réponse ciblée. La première technique impliquée est le renforcement différentiel des approximations successives. Au lieu d’attendre l’apparition du comportement intégral (par exemple, une durée d’attention de 20 minutes) avant d’offrir le renforcement, on délivre ce renforcement pour des approximations ou des étapes vers le comportement final. Lorsque l’on a renforcé l’étape initiale en direction d’un comportement (par exemple, quatre minutes d’attention continue) et qu’elle ait été réalisée assez régulièrement, on passe au critère de renforcement de la prochaine étape (cinq minutes d’attention continue). Cette séquence de renforcement, qui implique le changement des critères du renforcement, d’affaiblir les renforçateurs des versions antérieures du comportement et de les limiter au comportement remplissant le nouveau critère, est alors répétée jusqu’à ce que le comportement ressemble à la réponse finale désirée. Une force du façonnement est de permettre des techniques d’apprentissage spécifiques pour affermir un comportement qui ne se présente pas normalement, ou qui survient très peu fréquemment. Cette caractéristique la rend appropriée pour le traitement de patients dont les empans attentionnels gravement altérés les empêchent de participer activement à d’autres formes de traitement psychosocial, dont les nombreuses formes de remédiation neurocognitive.

Les procédures de façonnement peuvent viser la forme, l’intensité, ou la durée d’un comportement. Isaacs et al. (1960) ont fourni un exemple de la forme d’un comportement. Il s’agissait du comportement verbal de deux patients souffrant d’une schizophrénie, et qui étaient restés mutiques depuis plus de 14 ans. Le renforçateur était du chewing-gum, utilisé pour renforcer successivement le mouvement des lèvres au départ, suivi d’une simple vocalisation (initialement des grognements), ensuite des verbalisations compréhensibles (« gum »), et finalement des réponses verbales à des questions. Pour renforcer l’intensité du comportement, ces chercheurs auraient pu renforcer des verbalisations qui s’approchaient graduellement d’un volume spécifié. Par exemple, ils auraient pu débuter par offrir un renforcement pour un chuchotement, et demander graduellement des verbalisations plus fortes jusqu’à ce qu’ils aient seulement renforcé les verbalisations d’un volume conversationnel raisonnable. La durée est souvent une cible des procédures de façonnement dirigées vers le fonctionnement cognitif, en particulier de la fonction d’attention. Dans de tels cas, le comportement d’intérêt est la durée de temps d’attention dirigée vers une tâche particulière. Nous décrirons ci-dessous plusieurs formes d’entraînement de l’attention par façonnement. Elles sont toutes applicables en salle de classe avec environ sept patients au maximum. Cependant, les deux premières procédures décrites impliquent des patients qui travaillent séparément. Les deux dernières procédures impliquent l’intégration du façonnement de l’attention au sein même du groupe existant.

Entraînement de l’exécution continue d’un travail

L’objectif de cette intervention est d’augmenter la durée de temps pendant lequel un patient peut prêter attention à une tâche pré-professionnelle. Nous recommandons, par semaine, une séance quotidienne relativement courte (au moins trente minutes), avec un ratio patients/personnel de 3 pour 1. Au cours de chaque séance d’entraînement, les participants exécutent une tâche simple de manipulation de papiers : pliage, découpage, agrafage, classement, etc. Nous établissons au début de chaque séance les temps cibles pour chaque patient, à partir d’une évaluation individualisée d’exécution continue d’un travail. Le moniteur apporte d’un bout à l’autre de la séance un feedback verbal, des incitations, et des compliments. Dans une étude de Spaulding et al. (1996), sept sur neuf sujets ont fini leur entraînement, en ayant atteint en cinq séances consécutives, des scores de performance à un travail continu de 30 minutes. Il est important de noter qu’il y avait une variabilité considérable dans les réponses au traitement des patients, avec un temps pour atteindre la qualification s’étalant de 12 séances pour l’un à plus de 250 séances pour un autre. Dans ce dernier cas, le traitement a duré presque deux ans.

Le façonnement de la durée d’un travail en classe

En utilisant des prescriptions de tâches crayon papier qui visent des habiletés aux mathématiques et au langage pratique, on peut intégrer au sein de l’environnement de la classe des procédures de façonnement de l’attention. Les cours devraient avoir lieu souvent, trois fois par jour, les jours de semaine. Les temps pour le comportement sur la tâche sont initialement assez faibles (30-60 secondes), et on demande généralement 2-3 épreuves par séance. Cela signifie que la durée de temps lors du cours augmente au fur et à mesure que les patients accroissent la durée de leur comportement sur la tâche. Deux membres du personnel dirigent cette intervention. L’un mène la classe et l’autre, l’agent de changement, se centre sur l’attention du patient. Les individus reçoivent tout au long de la séance des incitations verbales et des encouragements, autant que nécessaire. Pour l’accomplissement réussi de chaque épreuve ils reçoivent des éloges verbaux spécifiques, une carte de façonnement (voir plus bas), un snack, et une incitation qui précise les demandes pour la prochaine épreuve, de la part de l’agent de changement. On gratifie d’un jeton de participation chaque accomplissement réussi de la dernière épreuve. Les jetons permettent d’acheter, au magasin de jetons de l’unité, divers produits ou des privilèges : snacks, café, sorties sur le terrain de l’hôpital, temps de télévision, etc. Au fur et à mesure que les participants réussissent chaque cible pendant plusieurs séances, on augmente progressivement les cibles, habituellement des prolongations de 30-60 secondes, jusqu’à ce que le participant accomplisse deux épreuves consécutives de 10 minutes.

Menditto et al. (1991) ont utilisé cette procédure de façonnement pour augmenter la durée d’attention de sept patients souffrant de schizophrénie, grave et persistante, ou d’un trouble schizo-affectif, qui étaient à la fois judiciarisés et hospitalisés. Leur moyenne de séjour était de 10,4 ans, et on considérait ces patients comme les plus malades, les moins répondants au traitement. Après 12 mois d’entraînement, six d’entre eux démontraient des améliorations substantielles dans leur fonctionnement attentionnel, dont quatre qui grimpèrent dans des classes scolaires plus traditionnelles sur l’unité. Ils ont continué à avoir de bonnes performances dans ces classes, puisqu’au terme d’une année de suivi, ils réussissaient leurs devoirs scolaires à 84 % du temps. Des résultats semblables ont été rapportés par Bellus et al. (1998) en utilisant des procédures similaires à celles de Menditto et al. (1991) et par Silverstein et al. (1998b).

Intégrer les procédures d’entraînement aux habiletés et le façonnement — Technique I

Silverstein et al. (1999) ont identifié la caractéristique des comportements d’inattention de chaque patient et utilisé des techniques de façonnement pour améliorer ces comportements, et faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances et habiletés lors de séances de groupe. Ils ont utilisé les étapes suivantes dans cette procédure :

  1. Échantillonnage de la ligne de base : On identifie le comportement d’inattention, non verbal ou verbal, le plus problématique. Les comportements non verbaux (yeux ouverts, tête relevée, contact visuel avec l’orateur, etc.) sont cotés chaque minute en utilisant des procédures d’échantillonnage par intervalle, alors que les comportements verbaux (répondre dans les cinq secondes, faire spontanément des commentaires judicieux, proférer des commentaires non pertinents, etc.) le sont à l’aide des procédures d’échantillonnage des événements. Un ou deux observateurs extérieurs enregistrent les comportements cibles individualisés, et notent leur fréquence par intervalles de 15 minutes, soit quand le responsable du groupe fait une pause pour permettre que le feedback soit rapporté. Dans Silverstein et al. (1999), les objectifs du patient reflètent initialement la moyenne d’une ligne de base sur quatre semaines, soit une performance de pré-façonnement.

  2. Introduction de la procédure de façonnement : Après l’initiation des procédures de façonnement, pour chaque période de révision de 15 minutes, les patients qui atteignent ou dépassent leur objectif (tête relevée durant 60 % de cette période) reçoivent un carton de stade de façonnement. Les patients changent leurs cartons à la fin du groupe et reçoivent un jeton, ou une autre prime comme 25 cents, pour chaque carton gagné.

  3. Lorsque les patients commencent à dépasser durablement leurs objectifs, il y a élévation des critères pour faciliter un progrès continu.

Silverstein et al. (1999) ont démontré l’efficacité de cette approche intégrative de l’entraînement des habiletés/façonnement. Tous les participants ont démontré des améliorations du comportement attentif par cette procédure. De plus, les auteurs ont montré que l’on pouvait tailler sur mesure la méthode d’intervention pour satisfaire les besoins individuels. Comme un individu ne répondait pas initialement au planning de renforcement des quinze minutes, ils ont ajusté la procédure de façonnement pour l’accommoder à son niveau sévère de déficit d’attention. Ils ont mis en oeuvre un barème de renforcement continu dans lequel ils lui donnaient cinq cents et un bonbon chaque fois que la personne ouvrait les yeux. Ceci a éventuellement conduit à des augmentations de 10 % à 80 % et plus du temps pendant lequel l’individu conservait les yeux ouverts, avec une participation et une spontanéité plus grande par la suite, et des réponses plus en rapport au groupe.

Intégrer les procédures d’entraînement aux habiletés et le façonnement — Technique II

Cette technique définit les mêmes critères pour chaque patient, sauf que la durée d’attention requise pour gagner des cartons de façonnement est variée. Un nombre aussi réduit que deux membres du personnel suffit pour conduire ce groupe : l’un agit comme animateur, et l’autre comme agent de changement. Vu le développement récent de cette technique, et son utilisation répandue dans le Programme Seconde Chance, nous décrirons ses procédures en détails. Dans le tableau 1 figure la description des termes utilisés et le matériel nécessaire pour la classe de façonnement.

Tableau 1

Définition des termes et du matériel

Définition des termes et du matériel

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Agent de changement (co-thérapeute) : L’agent de changement est un membre du personnel qui observe les patients durant le groupe, les invite à être attentif lorsqu’ils ne le sont pas et leur offre éloge verbal et jeton de façonnement lorsque leur cible partielle est atteinte.

Les Procédures pour commencer la séance de classe peuvent se diviser en plusieurs étapes :

  1. Annoncer que la classe commence et inviter les patients à venir dans la salle.

  2. Accueillir chaque patient avec quelques paroles aimables, et leur donner un jeton de présence s’ils arrivent dans les 2 minutes du temps de début désigné. Les remercier de venir en classe, les féliciter de leur ponctualité, et préciser qu’ils reçoivent un jeton de présence pour être à l’heure.

  3. Passer en revue avec les patients qu’en plus d’apprendre les habiletés de [thème du groupe] dans la classe, un autre objectif est d’aider chacun à améliorer ses capacités d’attention. Le thérapeute devrait se référer à trois panneaux fixés au mur. Sur ceux-ci sont décrits des comportements qui font partie du fait de porter attention, de participer, et de ne pas faire attention. L’information sur ces panneaux devrait se présenter sous le format présenté dans le tableau 2.

Tableau 2

Information des panneaux

Information des panneaux

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  1. Devant le groupe, passer en revue les objectifs de chaque patient pour le groupe. On devrait écrire ces objectifs sur un tableau, une grande feuille de papier sur un chevalet ou quelque autre support visuel. Pendant que le thérapeute rappelle au patient son objectif, celui-ci devrait faire référence à la représentation visuelle de l’objectif du patient (« Martin — objectif d’attention — 5 minutes d’attention constante »). Par exemple, le thérapeute pourrait dire « Martin, bien joué pour être à l’heure à notre cours. Aujourd’hui, votre objectif est d’être capable de prêter attention pendant 5 minutes sans être distrait. Si vous pouvez le faire trois fois, vous gagnerez un autre jeton afin de pouvoir acheter de la pâte après la classe. Avez-vous des questions ? » Il devrait y avoir aussi un espace sur le tableau/chevalet pour enregistrer quand un patient a atteint une cible partielle ou une cible de classe (voir ci-dessous).

  2. Commencer la présentation du matériel du groupe.

  3. L’agent de changement (un co-thérapeute) renforce, par des éloges verbaux et une carte de façonnement, chaque patient à chaque fois qu’il atteint une cible partielle. Lorsque l’on donne un carton de façonnement, il est rappelé aux patients les cibles partielles qu’ils viennent juste d’atteindre. Par exemple, « Joan, ça fait six minutes en continu que vous faites attention. Bon travail ! Puisque c’est l’un de vos objectifs aujourd’hui, vous obtenez une carte de façonnement. Rappelez-vous que si vous pouvez prêter attention six minutes de plus, vous atteindrez votre objectif de deux périodes de six minutes, et vous aurez alors un jeton à la fin de la classe. » Quand un patient atteint un objectif en classe, on le remarque aussi. Par exemple, « Tim, vous avez fait attention pendant 5 minutes — le chemin à faire ! C’est la troisième fois que vous avez fait ça, ce qui était votre objectif en classe. Aussi, vous gagnez aujourd’hui un jeton à la fin de la classe. » Toutes les fois qu’un patient atteint une cible partielle ou une cible de cours, le thérapeute ou (le co-thérapeute ou agent de changement) devrait le noter sur le tableau, ou le chevalet. Cela rappelle verbalement et visuellement le succès du patient. Bien entendu, ce renforcement de l’agent de changement (co-thérapeute) peut brièvement interrompre le groupe.

  4. Alors que l’on distribue les cartes de façonnement en classe pour les cibles partielles atteintes, on remet les jetons à la fin du groupe seulement. Au moment de la distribution, le thérapeute ou son collègue les remet dans la main des patients, et il passe en revue les raisons de ce gain, toujours dans un contexte d’éloge verbal. Par exemple, un thérapeute pourrait dire ce qui suit en donnant un jeton : « Bon travail aujourd’hui, Marie ! Vous avez été capable de remplir vos objectifs de faire attention deux fois pendant dix minutes. Puisque vous avez atteint vos buts pour la classe d’aujourd’hui, vous avez gagné un jeton ». En outre, il convient d’informer le patient du niveau de participation requis pour gagner un jeton lors du prochain cours. Par exemple : « La prochaine fois que vous viendrez à ce cours, Marie, pour gagner un jeton de participation, vous devrez faire attention pendant trois périodes de dix minutes. »

  5. Même dans le cas où aucun jeton n’est gagné, les thérapeutes devraient néanmoins féliciter les patients pour quelque chose de positif dans ce qu’ils ont fait dans ce cours. Ils devraient aussi clarifier pourquoi ils n’ont pas gagné de jeton. Le thérapeute devrait aussi leur rappeler la date de la prochaine rencontre, et leur dire qu’ils auront une autre chance d’améliorer leur durée d’attention, et de gagner un jeton dans ce cours. Par exemple, « Jean, vous n’avez pas gagné de jeton aujourd’hui parce que vous n’avez pas pu atteindre votre objectif de maintenir votre attention pendant cinq minutes de suite. Cependant, nous avons remarqué que vous avez fait de gros efforts aujourd’hui, et répondu correctement à quelques questions. C’était super, et nous espérons vous entendre davantage dans les prochaines classes. Rappelez-vous que notre prochain cours est demain à neuf heures. Demain vous aurez une autre chance de travailler sur votre attention maintenue pendant cinq minutes d’affilée, et de gagner un jeton que vous pourrez utiliser en dehors de la classe. Nous vous verrons alors. »

Procédures de façonnement

  1. À partir de ce que l’on sait du client, établir une cible partielle initiale (commencer bas afin de maximiser la réussite).

  2. Ces cibles initiales ne devraient probablement pas être inférieures à 30 secondes, de préférence pas inférieures à 2 minutes, mais pas plus de 10 minutes. Typiquement, les clients peuvent débuter à 3-5 minutes. Pour les patients qui ne peuvent atteindre le critère de 30 secondes, il est souhaitable d’utiliser des procédures de réponse aux demandes (RAD) (voir ci-dessous).

  3. Dans l’éventualité d’un comportement qui interfère avec la participation, la cible partielle est immédiatement considérée comme « non atteinte ». Lorsque ce comportement cesse, un nouvel essai commence (le délai recommence dès que le patient tente d’atteindre une cible partielle). Ceci devrait être rendu limpide au patient par la « séquence incitation négative incitation positive » décrite plus bas.

  4. Les cibles partielles sont systématiquement augmentées après deux cours consécutifs réussis au niveau actuel, et diminuées après deux échecs consécutifs. On accède alors aux jetons de ce niveau de cibles partielles si on les réussit. Le barème classique de cibles partielles est : 30 secondes, 1 minute, 2 minutes, et ainsi de suite jusqu’à 10 minutes (cf. le tableau 3 pour un barème standard utilisé par les auteurs).

  5. De plus, les premières cibles en cours devraient être petites (1 ou 2 essais d’attention soutenue), et croître progressivement. Habituellement, nous élevons les cibles partielles avant les cibles en cours. Le tableau 3 présente une séquence typique d’interventions de façonnement de l’attention.

Tableau 3

Séquence typique d’intervention de façonnement de l’attention

Séquence typique d’intervention de façonnement de l’attention

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Documentation

La progression dans l’atteinte des cibles de performance comportementale individualisée est maintenue à jour en utilisant une feuille des cibles de façonnement, qu’il serait souhaitable de conserver dans un presse-papier à l’intention du co-thérapeute.

Les instructions pour compléter la feuille des cibles de façonnement sont :

  1. Au moment où le thérapeute commence le cours, les temps ciblés des patients pour ce cours devraient déjà figurer sur celle-ci. Mettre la date dans l’espace en haut de la colonne qui comporte les objectifs à atteindre pour ce cours.

  2. À la fin de la séance, consulter cette feuille. Si le patient a réussi ses critères de cible, alors entourez la lettre « R » (réussi), dans le cas contraire (cible manquée), la lettre « M » (manqué). Si le patient ne s’est pas rendu à la classe pour quelque raison, barrer alors d’une ligne les « R M ».

  3. Vérifier la performance du patient lors des deux dernières séances. S’il a réussi la M ME cible deux fois en un seul trait, alors prévoir une cible plus élevée pour lui vers le niveau supérieur. Inscrire cette cible dans la colonne de la prochaine période de classe. Si le patient a manqué la M ME cible deux fois de suite, diminuer la cible du patient au niveau inférieur précédent. Écrire la cible dans la colonne pour la prochaine période de classe. Si le patient a manqué la classe pour une raison quelconque, repartir avec le même objectif. Inscrire l’objectif dans la colonne de la prochaine période de classe.

Dans cet exemple (tableau 4), remarquer que la colonne A contient la performance de chaque patient pour le cours qui s’est tenu le 29/7 (cours du jour habituel). La colonne B contient la cible de chaque patient pour la prochaine fois que le cours Habiletés Sociales aura lieu. Dans toutes les colonnes à la droite de la colonne « Nom/Date », le premier chiffre fait référence à la cible du cours et le second à la durée de la cible partielle. Ainsi « 4x10 » signifie une cible de cours de quatre intervalles de 10 minutes de participation ; avec des cibles partielles de 10 minutes.

[Remarquer que les dates et les cibles (3 x 5) sont dactylographiées ; cependant celles-ci devraient s’écrire à la main sur une feuille de cibles de façonnement réelle. De même, sur un formulaire réel, les lettres soulignées ici devraient être barrées ou encerclées.]

Tableau 4

*

Le souligné indique si réussi ou manqué

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Le tableau 5 illustre comment remplir les colonnes B et C lors des nouvelles rencontres de cours.

Posons l’hypothèse que le cours des habiletés sociales recommence le 31/7. [Les patients se comportent comme suit lors de ce cours :

Jérémie réussit son critère cible.
George manque son critère cible.
Milo réussit son critère cible.
Clotilde réussit son critère cible.
André manque son critère cible.

En tenant compte de ces informations, la Colonne B devrait indiquer si chaque patient a réussi son critère ou non lors du cours du 5/8. Ensuite, en utilisant l’information des 2 derniers cours, réfléchir à quel critère chaque patient devrait être au prochain cours et le faire figurer dans la colonne C. La feuille des cibles de façonnement complétée devrait ressembler au tableau 5.

Tableau 5

Feuille de cibles de façonnement

Feuille de cibles de façonnement

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Réponse aux demandes (RADs)

On utilise les procédures RAD pour les patients qui présentent les handicaps les plus sévères, avant d’établir des cibles de temps (avant les procédures de façonnement classiques). L’objectif sous-jacent des RADs est de provoquer des réponses chez des patients qui ne répondent généralement pas. Nous leur demandons de s’engager dans un comportement simple. Normalement, dans les thérapies de groupe, ces comportements impliquent de manifester une réponse sociale de base (répétition d’une phrase, répétition d’une phrase en gardant les yeux ouverts, etc.). Nous définissons des buts à atteindre assez bas comme le comportement désiré à une ou deux occasions, et les élevons progressivement (à 5 RADs consécutifs). Dans la plupart des cas, l’agent de changement incite verbalement le patient au RAD, alors que l’animateur du groupe conduit ce dernier (quoiqu’il peut aussi initier un RAD). Lorsque le thérapeute croit que le patient répond suffisamment au point de pouvoir maintenir un comportement sur une tâche pendant 30 secondes, à l’intérieur d’un groupe mené selon les procédures de façonnement, le patient peut alors rejoindre le type d’intervention que nous venons juste de décrire. Ainsi, après la « qualification » du traitement RAD, les patients commencent les procédures de façonnement décrites ci-devant, et se voit prescrire des cibles de temps.

Principes généraux du groupe de façonnement

  1. Chaque séance de groupe devrait comporter au moins un thérapeute, en plus de l’agent de changement. Pour les groupes de jeux de rôle, il est préférable d’avoir un co-thérapeute. L’agent de changement ne devrait pas être utilisé comme co-thérapeute car il s’éloignera de son rôle d’observateur et de renforcement des patients. Cet agent distribue les cartes de façonnement au cours de la séance.

  2. Les animateurs du groupe devraient faire du coaching, encourager, et faire des éloges verbaux (même en dehors du temps de distribution des cartes de façonnement).

  3. Pour juger si un patient a atteint la cible partielle, un thérapeute peut avoir à prendre en considération de petites interruptions du comportement. Par exemple, un patient qui a maintenu son attention en continu, conformément à la durée de sa cible partielle, peut s’être détourné de l’orateur pendant plusieurs secondes pour lacer ses chaussures. Puisqu’il est impossible de catégoriser tous les comportements potentiels qui peuvent se produire, il est demandé aux thérapeutes d’utiliser une norme « à caractère raisonnable » pour apprécier si la cible partielle a été atteinte. Ainsi, par exemple, on ne devrait pas considérer des changements appropriés et momentanés du comportement comme des exemples de comportements interférant avec la participation.

  4. Lorsque des sujets s’engagent dans un comportement qui interfère avec la participation, les animateurs du groupe devraient énoncer une incitation négative suivie d’une incitation positive (voir l’exemple à la fin du paragraphe). Il convient d’ignorer un comportement qui interfère avec la participation continue, à moins qu’il ne soit si perturbateur qu’il handicape de façon significative la capacité des autres à participer. Dans un tel cas, on doit demander à l’individu de quitter le groupe. Lorsque le comportement est corrigé et que l’individu revient sur la tâche, il convient d’en faire l’éloge verbal. Cette séquence peut se répéter, mais seulement une fois que l’individu renoue avec une participation convenable. Toutes les incitations devraient englober la spécification des comportements et la référence au renforçateur pour parvenir aux cibles du cours — par exemple « Bob, vous êtes en train de parler bruyamment sur le matériel sans rapport avec notre discussion. Si vous continuez à faire comme ça, vous ne pourrez pas gagner votre jeton de participation/tasse de café/dollar/etc. Si vous pouvez revenir et vous impliquer dans notre discussion, vous pourrez encore gagner ce jeton/café/etc. »

  5. Quand des patients s’engagent dans un comportement qui interfère avec la participation, ils sont automatiquement considérés ne pas remplir l’objectif partiel sur lequel ils travaillaient. Ainsi, par exemple, si un patient a pour objectif de rester 10 minutes sur sa tâche, et qu’il pose sa tête sur le bureau après 9 minutes, alors nous considérons qu’il n’a pas atteint son objectif, et la nouvelle période de 10 minutes commence dès la prochaine évidence d’une participation active et/ou attention focalisée sur le cours.

  6. Les premières séances en groupe ne devraient probablement pas excéder 20 minutes. Cependant, au fur et à mesure que les patients améliorent leur empan d’attention, les séances peuvent durer plus longtemps. Même si la période d’attention continue la plus longue que l’on renforcerait par les procédures de façonnement est de 40 minutes (une cible partielle de 4 x 10 minutes, voir plus haut), les séances de cours ne devraient pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour renforcer cette durée d’attention.

Interventions cognitives individualisées

Cas : Réduire la détresse et l’inattention causées par des hallucinations auditives persistantes

Certains patients ont des difficultés cognitives qui sont mieux abordées dans une prise en charge individuelle. Souvent, on doit concevoir une intervention spécifique pour le patient. Nous décrivons dans ce qui suit une étude de cas reflétant une telle tentative. Le patient avait été choisi pour une réhabilitation cognitive, et plus spécifiquement, pour un entraînement à l’attention sélective, à cause de la distraction provoquée par des expériences hallucinatoires qui interféraient gravement avec sa capacité à maintenir son attention, son efficacité sociale, et sa capacité à tirer profit d’un traitement psychosocial. Les conséquences de ses hallucinations auditives persistantes englobaient une tendance à perdre l’objet de concentration, à se laisser envahir par des préoccupations internes, et à répondre à ses hallucinations par des verbalisations inadaptées ou des éclats de rire et un blocage de la pensée. Ces problèmes limitaient gravement sa capacité à suivre des entretiens et de là, ils nuisaient à une mise en placement résidentiel pour sortir de l’hôpital.

Dans un effort de maximiser ses chances de progresser vers une sortie, nous avons employé une stratégie de réhabilitation cognitive basée sur une procédure attentionnelle et utilisée par Spaulding et al. (1986). Nous avons adapté une tâche d’écoute dichotique de la recherche en psychopathologie expérimentale (Wishner et Wahl, 1974) pour le traitement clinique de la distraction. Dans une tâche d’écoute dichotique classique, la personne entend un enregistrement sur cassette à l’aide d’écouteurs, et on lui demande de répéter ce qu’il a entendu dans une oreille (par exemple, des nombres lus au rythme d’un par seconde) en ignorant dans le même temps une information analogue présentée à l’autre oreille. La capacité de bien exécuter cette tâche est vue comme un indicateur de capacités d’attention sélectives intactes. Des études antérieures, cependant, révèlent que des individus avec une schizophrénie tendent à faire des erreurs reflétant des « intrusions » de l’information provenant de l’autre oreille, c’est-à-dire de celle vers laquelle l’attention n’est pas tournée. Spaulding et al. (1986) ont démontré que l’on pourrait modifier la procédure d’écoute dichotique pour en faire une intervention thérapeutique pour les patients distraits par des hallucinations auditives. Plutôt que d’utiliser simplement cette tâche pour déterminer si une personne présente un « déficit d’attention sélective », ils ont régulièrement utilisé cette technique pour aider un patient schizophrène à mieux ignorer ses hallucinations auditives. Leur étude de cas a démontré qu’au fur et à mesure que la personne s’améliorait à la tâche d’écoute dichotique, sa capacité à « ignorer » ses hallucinations auditives, et son fonctionnement global, se sont raffermis.

Comme dans l’étude de cas de Spaulding et al. (1986), notre procédure d’écoute dichotique a été spécifiquement conçue pour s’adresser aux handicaps attentionnels sévères dus à des hallucinations auditives mandatoires. Cependant, comme nous le décrivons dans le cas ci-dessous, nous avons développé une procédure qui touche à une gamme plus large de conditions de distraction, et qui comprend des procédures de généralisation au sein d’une stratégie globale de traitement.

Jacques avait 36 ans. Espagnol et célibataire, il présentait un diagnostic de schizophrénie de type paranoïde depuis l’âge de 17 ans. Il avait une longue histoire d’hospitalisations, et son hospitalisation actuelle durait depuis presque deux ans. Il s’est présenté avec des voix qui lui commandaient de se tuer. Il présentait des hallucinations visuelles de « démons », des idées de référence avec le sentiment que les appareils de télévision et de radio lui parlaient directement, et des délires paranoïdes que les gens lui parlaient et riaient de lui. Il souffrait aussi d’un blocage de la pensée, avait des difficultés d’attention et de concentration, une désorientation temporelle, des rires et des sourires inappropriés. Bien qu’il niait toute idée habituelle de suicide, il avait fait quatre tentatives graves comme de se défenestrer d’un bâtiment, et de se jeter du haut d’un pont dans l’East River pour se noyer. Il se plaignait de dépression et ressentait une anxiété extrême durant son séjour hospitalier.

Nous avons progressivement ajusté sa prescription médicamenteuse en une combinaison de fluphénazine, carbonate de lithium, paroxétine, gabapentine, et nefazadone. Avec l’addition de la clozapine, Jacques a remarqué une diminution de ses hallucinations auditives mandatoires. Plus tard, nous avons ajouté de la donepezil pour potentialiser l’effet de la clozapine, parce qu’il avait présenté une hépato toxicité aux doses supérieures de cette dernière molécule. Cependant, il a continué à avoir des hallucinations auditives, et parfois les voix lui ordonnaient de se tuer. Au moment de l’évaluation pour l’entraînement à l’attention sélective, Jacques exprimait une idéation paranoïde que les autres pourraient entendre les voix, et qu’ils pourraient les entendre rire de lui ; et il souriait fréquemment et riait improprement. À mi-conversation, son regard fixait souvent l’espace, distrait par ses préoccupations internes, et répondait parfois spontanément « Quoi ? » alors qu’aucune question ou commentaire n’avait été posé(e). Le personnel qui l’accompagnait aux entretiens signalait que ses hallucinations auditives interféraient tellement, que parfois il ne réussissait pas à répondre aux questions ou à répondre du tout.

Jacques a exprimé un intérêt authentique pour un transfert dans une résidence communautaire. Cependant il a signalé qu’il devenait « trop paranoïde et anxieux… apeuré qu’autrui entende les voix » durant les entretiens. Lors des premières interviews avec le personnel de la résidence, il se serait raidi et aurait fixé le plafond les yeux roulant de bas en haut. Lorsque nous lui avons proposé pour la première fois un entraînement à l’attention sélective, il a beaucoup hésité avant d’accepter. Il a exprimé à plusieurs reprises une anxiété extrême vis-à-vis de l’entraînement, et en raison de son hésitation, nous avons programmé des séances d’exposition pour réduire son niveau d’anxiété. Ces séances de pré entraînement lui ont permis de voir le laboratoire expérimental, d’essayer l’équipement (par exemple, une démonstration de l’utilisation du magnétophone et des écouteurs), et d’exprimer ses inquiétudes. Aborder ses craintes anxieuses telles qu’il en faisait l’expérience s’est avéré utile, parce que la nature de ses problèmes de voix devint plus apparente à mesure que nous progressions dans l’évaluation. Par exemple, il a occasionnellement révélé que sa paranoïa était liée aux hallucinations auditives qui lui donnaient l’ordre de faire des avances sexuelles à son thérapeute. Après que rôle de l’entraîneur, intitulé et finalité des séances d’attention sélective aient été explicitement passés en revue, il a été utile d’informer Jacques et de rappeler que ses interactions devaient rester dans des limites strictement « professionnelles ». De plus, le test de la réalité (par exemple, lorsqu’il exprime le sentiment que le thérapeute pourrait entendre ses voix, lui renvoyer aussitôt que ce n’est pas vrai), a aussi contribué à une diminution significative du niveau d’anxiété.

Pour notre tâche d’écoute dichotique, nous avions enregistré quatre pistes séparées sur une bande comportant un enregistrement avec une piste cible, et trois pistes sonores « de distracteurs ». L’entretien de ligne de base a révélé que parmi ses expériences hallucinatoires, Jacques trouvait les voix féminines particulièrement apaisantes ou réconfortantes, et aussi que certaines voies parlaient en espagnol. Par conséquent, nous avons choisi les pistes sonores en s’appuyant sur des critères pertinents au contexte. Elles sont décrites dans le tableau 6.

Tableau 6

Sélection des pistes sonores

Sélection des pistes sonores
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(Klaxon de voiture, pleurs de bébé, chants d’oiseaux, cloches, rires, etc.)

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Nous avons présenté à Jacques les tâches d’écoute comme des exercices pour l’aider à mieux ignorer ses voix, et nous avons enregistré les données qui ont permis une mesure longitudinale de sa progression. Quand les exercices d’écoute dichotique ont commencé, Jacques a atteint une performance exempte d’erreur lors de l’utilisation d’une piste unique en 2 séances. Par la suite, le format général de l’entraînement s’est présenté comme suit : Chaque fois qu’une performance sans erreur était accomplie sur un ensemble de pistes, nous en avons ajouté une. La piste nouvelle se présentait initialement à un faible volume, et nous l’augmentions progressivement pour correspondre à celui des autres pistes. Le jugement clinique, qui déterminait le taux d’augmentation du volume, prenait pour base la performance du client et son niveau d’anxiété. Une fois que la performance avec la nouvelle piste commençait à s’améliorer jusqu’à être presque sans erreur, la source de sons distracteurs était basculée d’une oreille à l’autre (l’oreille de distraction fournissait progressivement l’oreille cible). Cette procédure a fourni un entraînement supplémentaire de l’attention sélective à l’information pertinente. Chaque fois que nous accroissions le niveau de difficulté par l’ajout d’une piste, Jacques faisait plus d’erreurs, mais avec la pratique, il atteignait constamment une performance exempte d’erreur. Il a participé à 25 séances sur une période de 8 semaines. À partir d’une auto-évaluation de la fréquence des hallucinations, il a indiqué que la fréquence de ses voix allait d’une moyenne de 8 (« fréquemment chaque heure ») à une moyenne de 5 (« souvent dans la journée »). Il a qualifié son humeur de relativement stable au cours du temps. Bien que la fréquence de ses hallucinations auditives n’ait pas diminué, il est apparu plus tard qu’il répondait moins aux stimuli internes, était d’une plus grande efficacité sociale, avait un niveau d’anxiété moindre, et de meilleures habiletés en entretien.

Nous avons développé des prescriptions de tâches à domicile pour étendre la généralisation à l’environnement de l’unité. Jacques s’est impliqué dans le choix de ses propres techniques de distraction à utiliser, partout où les hallucinations auditives commençaient à interférer avec son fonctionnement quotidien. Après la fin des activités d’écoute dichotique, il a enregistré assez assidûment l’usage de ces stratégies de coping alternatives sur des feuilles de tâches quotidiennes. Ces stratégies comprenaient parler à un ami, s’engager dans une activité, et écouter de la musique sur une cassette. Nous avons aussi enregistré une bande personnalisée avec des stimuli cibles présentées à une oreille, et de la musique à l’autre pour son usage privé.

Après trois mois de cet entraînement, son coordinateur de traitement et un travailleur en santé mentale faisaient le commentaire qu’il « fait beaucoup mieux… il est concentré et répond aux questions (à l’entretien), prête attention (n’est pas préoccupé par des pensées internes). » Ils ont ajouté qu’il montrait de meilleures habiletés sociales que durant les entretiens antérieurs où ils ressentaient « être tellement anxieux… raide… incapable de répondre… silencieux et regardant ailleurs ». Jacques est allé suivre plusieurs entretiens, et nous avons assuré un suivi par des visites dans une résidence communautaire. Enfin, il lui a été offert un placement dans une maison de groupe dans la communauté.

L’objectif des tâches d’écoute dichotique était de faciliter la capacité de notre client à résister à la distraction due à des stimuli internes. Cet entraînement cognitif avait été mis au point pour viser les capacités d’attention sélectives de Jacques, pour accroître sa capacité à se concentrer, à rester sur une tâche, et à se comporter d’une façon plus socialement efficace.

Dans ce traitement, nous avons incorporé les principes de la réhabilitation psychiatrique à l’approche d’entraînement de l’attention. Lorsque Jacques était résistant à une participation en raison de l’anxiété et de la paranoïa, nous avons incorporé des techniques de désensibilisation pour réduire ses peurs non fondées et son anxiété extrême. La manière par laquelle nous lui avons présenté la procédure d’entraînement de l’attention a été échafaudée avec l’intention de développer son sentiment de maîtrise. Les exercices, lui avions-nous dit, l’aideraient à apprendre l’autorégulation et la gestion du stress. Avant que nous ayons commencé à prendre en charge son niveau attentionnel de fonctionnement, nous avons pratiqué une grande souplesse et beaucoup de patience, alors que nous transmettions nos espérances cohérentes qu’il s’agirait d’une intervention appropriée et bénéfique pour lui. Nous avons utilisé des primes extrinsèques comme le café et le temps de tête-à-tête en plus de motivations intrinsèques comme la personnalisation des tâches, l’alliance au travail, et la relation entre le thérapeute et le patient.

Nous avons aussi inclus des stratégies de généralisation (Spaulding et Sullivan, 1992). Une fois les exercices d’entraînement réduits, nous avons ajouté des prescriptions de tâche à faire chez lui. L’utilisation d’une bande magnétique personnalisée a permis au patient de pratiquer in vivo, les procédures d’entraînement de l’attention qu’il avait apprises dans le cadre du laboratoire. Nous avons remplacé les gratifications matérielles et les primes par des éloges verbaux pour l’application au travail chez lui, ou les bonnes nouvelles sur ses progrès lors des entretiens. Nous avons introduit des formes alternatives de techniques de distraction comme faisant partie de son travail personnel (par exemple, parler à un ami, écouter de la musique, etc). Elles ne se voulaient pas être un foyer au sens premier des procédures d’entraînement de l’attention, mais nous les avons plutôt incluses pour aider le patient à généraliser ses habiletés en élargissant son répertoire de stratégies de coping pour s’accorder à un milieu plus naturel.

Conclusion

Les déficits cognitifs chez la personne qui souffre de schizophrénie peuvent être sévères et lorsque c’est le cas, ils peuvent interférer avec les capacités de l’individu à s’engager dans un traitement, et à bénéficier d’une réhabilitation psychiatrique. Un certain nombre de techniques individualisées et de groupe ont été développées afin d’améliorer le fonctionnement cognitif en schizophrénie, et ces dernières ont été recensées dans d’autres études (Silverstein, 2000). Toutefois, pour plusieurs personnes souffrant de schizophrénie et réfractaires au traitement, qui ont passé des années dans les établissements psychiatriques publics, leurs déficits cognitifs attentionnels et autres sont tellement sévères qu’elles ont de la difficulté à s’engager dans un traitement. Pour de tels patients, nous recommandons l’utilisation des procédures de façonnement de l’attention, de même que le développement de techniques novatrices spécifiques au phénomène qui interfère avec l’attention (par exemple, les hallucinations). Nous avons trouvé que l’utilisation de ces interventions, de concert avec les techniques comportementales décrites dans les articles précédents, créent un environnement de traitement puissant au sein duquel mêmes les personnes les plus atteintes peuvent se voir comme étant capables de réussir. Cette lueur d’espoir est souvent suffisante pour accroître la motivation à s’engager plus loin dans les traitements, un facteur essentiel à des résultats positifs.