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Chez les personnes qui ont un trouble psychiatrique sévère (schizophrénie, trouble schizoaffectif, trouble bipolaire ou dépression majeure), les taux d’obésité sont alarmants, et généralement supérieurs à ceux rencontrés dans la population générale. Aux États-Unis, Fagiolini et al. (2005) ont rapporté un taux d’obésité de 45 % chez 171 patients qui ont un trouble bipolaire. Chez les personnes qui souffrent de schizophrénie, le taux d’obésité serait estimé entre 40 et 60 % pour ceux qui prennent une médication (Wirshing, 2004), ce qui représente un taux au moins deux fois plus élevé que dans la population générale. Ces constats sont préoccupants compte tenu des nombreuses complications médicales qui sont associées à l’obésité telle que les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, l’arthrose, l’apnée du sommeil, certains types de cancers et le diabète de type 2 (NHLBI, 1998). En plus de ces complications médicales, l’obésité est fréquemment associée à la présence du syndrome métabolique (Organisation mondiale de la Santé, 2003). Ce syndrome, aussi connu sous le nom de syndrome X, correspond à un regroupement de cinq facteurs (obésité abdominale, taux de triglycérides élevé, taux de cholestérol HDL faible, tension artérielle élevée, glycémie à jeun élevée) qui peuvent augmenter les risques de développer une maladie cardiovasculaire ou un diabète de type 2. La présence du syndrome métabolique est confirmée si un individu présente au moins trois critères (Adult Treatment Panel III, 2001). La littérature scientifique a associé la schizophrénie et les troubles de l’humeur à la présence du syndrome métabolique (Czobor et al., 2002 ; Fagiolini et Roy Chengappa, 2007 ; Meltzer et al., 2003 ; Umbricht et al., 1994).

Les patients psychiatriques sont plus à risque de développer l’obésité, la dyslipidémie et le diabète de type 2 que la population générale (Fenton et Chavez, 2006 ; McIntyre et al., 2005 ; Newcomer, 2006). Plusieurs facteurs exercent une influence sur le développement et le maintien de l’obésité (Wildes et al., 2006), et sur les troubles métaboliques fréquemment rencontrés chez les patients psychiatriques. Ils sont liés à la maladie psychiatrique elle-même, à l’hérédité familiale, à des facteurs sociaux et environnementaux (une plus grande incidence d’habitudes alimentaires malsaines, de sédentarité et de manque d’exercice physique). Ils sont aussi liés aux perturbations métaboliques, qui sont fréquemment associées à la prise de médicaments psychotropes (antipsychotiques atypiques, stabilisateurs de l’humeur et antidépresseurs).

En effet, un gain de poids significatif est associé à l’utilisation des antipsychotiques atypiques, des stabilisateurs de l’humeur et des antidépresseurs employés seuls ou en combinaison (Aronne et Segal, 2003 ; Roy et al., 2002 ; Nemeroff, 2003 ; Zimmermann et al., 2003). Par ailleurs, depuis plusieurs décennies, la polypharmacie grandissante en psychiatrie (utilisation concomitante de plusieurs psychotropes qui ont un potentiel « métaboligène ») accroît le risque du syndrome métabolique chez ces patients.

Plusieurs avenues sont à l’étude afin de limiter ou de prévenir le gain de poids chez les patients psychiatriques et leurs conséquences. Les bénéfices de la perte de poids sont bien documentés ; même une perte de poids modeste de l’ordre de 10 % est suffisante pour réduire significativement les risques associés à l’excès pondéral (NHLBI, 2000). Pour y parvenir, des approches pharmacologiques et non pharmacologiques ont été développées (Bushe et al., 2005).

Une grande variété d’agents pharmacologiques a été étudiée afin de réduire les effets attribuables à la médication psychotrope sur le poids. Les résultats des études sont variables. Par exemple, des résultats positifs sont observés pour la nizatidine (Atmaca et al., 2003 ; Atmaca et al., 2004), la reboxetine (Poyurovsky et al., 2003), l’amantadine (Deberdt et al., 2005) et le topiramate (Ko et al., 2005). Par contre, des résultats contradictoires pour la sibutramine (Henderson et al., 2005 ; Weiden et al., 2003) et négatifs pour la famotidine (Poyurovsky et al., 2004) et la fluoxetine (Bustillo et al., 2003 ; Poyurovsky et al., 2002) sont observés. L’interprétation des résultats est limitée, puisque les études sont de courte durée et incluent de petits échantillons dans leurs analyses. Généralement, de faibles pertes de poids sont rapportées, mais les évidences actuelles sont insuffisantes pour prioriser une approche pharmacologique en particulier (Henderson et al., 2005 ; Hester et Thrower, 2005 ; Schwartz et al., 2004). En résumé, il y a peu de données qui supportent l’utilisation générale de la pharmacologie dans le contrôle du poids chez les patients atteints de troubles psychiatriques sévères (Faulkner et Cohn, 2006).

Comme les résultats sur l’efficacité de la médication de contrôle de poids sont contradictoires, les méthodes non pharmacologiques représentent un traitement prometteur (Anderson et al., 2001). La modification des habitudes de vie est une approche globale qui est basée sur la psychoéducation et/ou les stratégies comportementales et cognitives. Elle permet la gestion du poids et la réduction des facteurs de risque du syndrome métabolique par la pratique d’exercices physiques, et la modification des habitudes alimentaires.

La modification des habitudes alimentaires comprend une restriction modérée de l’apport calorique qui permet une perte de poids à court terme. Elle comprend aussi une restriction en gras, en gras saturé et en cholestérol qui permet de diminuer le taux de cholestérol sanguin. L’activité physique joue un rôle prépondérant au sein d’un programme de gestion de poids ; les recommandations sont de 30 à 45 minutes par jour, trois à cinq jours par semaine (NHLBI, 2000). Bien que l’augmentation de l’activité physique contribue de façon modeste à la perte de poids (Zimmermann et al., 2003), elle est essentielle pour le maintien de la perte de poids à long terme (Anderson et al., 2001). L’exercice physique est bénéfique puisqu’il permet de diminuer le périmètre abdominal et d’augmenter les capacités du système cardiorespiratoire (Zimmermann et al., 2003). La pratique d’activités physiques permet donc de diminuer les risques associés aux maladies cardiovasculaires (NHLBI, 2000). De plus, l’exercice physique aide à normaliser les taux de triglycérides et à augmenter les taux de cholestérol HDL (Stone et Saxon, 2005).

Chez les patients psychiatriques, quelques programmes non pharmacologiques de gestion de poids axés sur la modification des habitudes de vie ont enregistré des résultats prometteurs. Ces programmes comprennent des composantes psychoéducatives et/ou des interventions axées sur l’exercice physique et sur l’alimentation. L’objectif de la présente étude est de détailler l’impact de ces programmes sur différentes mesures d’effets rapportées dans les travaux précédents.

Méthode

Une revue de la littérature des études publiées entre 1990 et 2011 a été réalisée en utilisant les moteurs de recherche Medline et Pubmed. Les mots-clés utilisés sont « bipolar disorder », « schizophrenia », « weight gain », « intervention », « program ». Sont incluses dans la présente revue les études publiées en langue anglaise qui évaluent l’efficacité de programmes non pharmacologiques de gestion de poids, et qui utilisent le poids comme principale variable. Les programmes retenus comprennent des composantes psychoéducatives et/ou des composantes d’intervention qui touchent l’alimentation et l’exercice physique. Les programmes peuvent être offerts en format individuel ou de groupe. Les échantillons sont composés de patients qui présentent un diagnostic de trouble de l’humeur ou de trouble psychotique. Les études qui n’incluent pas de groupe contrôle recevant les soins usuels sont exclues, de même que les programmes qui comportent des interventions peu élaborées (p. ex. référence en nutrition). Un total de 17 études respectant les critères d’inclusion a été recensé[1]. La durée totale des programmes varie entre 10 semaines et 18 mois. Certains programmes incluent des mesures de suivi post-traitement, la durée variant grandement d’un programme à l’autre. Le changement de poids moyen à l’issue de chaque programme de gestion de poids, et le changement de poids moyen à la suite de la dernière mesure de suivi post-traitement sont rapportés dans un tableau disponible auprès des auteurs sur demande[2]. Une description des autres variables d’effet mesurées par chaque programme y est incluse. Il faut noter que pour la section « Résultats », les données compilées ont été recueillies à la dernière mesure de suivi des différentes études, à l’exception de l’étude de Jean-Baptiste et al. (2007) et de celle de Mauri et al. (2008)[3].

Résultats

Variables anthropométriques

Poids (kg). Le poids est la mesure d’effet la plus communément rapportée pour évaluer l’efficacité des programmes de modification des habitudes de vie. Douze études suggèrent que les programmes de modification des habitudes de vie auraient un impact significatif sur le poids des patients psychiatriques (70,6 %) des groupes expérimentaux. Des pertes de poids entre 0,03 kg et 3,94 kg ont été rapportées chez les participants de 10 de ces programmes. Seuls Evans et al. (2005) et Alvarez-Jimenez et al. (2006) ont rapporté un gain de poids chez les participants (respectivement de 2,0 kg et 4,1 kg). Il faut noter que dans ces deux études, les participants entreprenaient un nouveau traitement pharmacologique. L’objectif des programmes n’était donc pas la perte de poids, mais la prévention d’un gain de poids associé à un médicament. Cela démontre que le gain de poids attendu a pu être limité. En contrepartie, 5 études recensées ne rapportent pas de différence significative sur le poids (29,4 %). Pour trois d’entre elles (60,0 %), une perte de poids entre 2.0 kg et 2.5 kg a été enregistrée chez les participants aux programmes de modification des habitudes de vie. En résumé, les différentes études suggèrent que les programmes de modification des habitudes de vie auraient un impact positif sur le poids des participants. Ceux-ci permettraient des pertes de poids modestes à court ou moyen terme, ou encore une prévention du gain de poids.

Tension artérielle. L’impact de la modification des habitudes de vie sur la tension artérielle systolique et diastolique des participants a été testé dans cinq programmes (29,4 %). Une seule étude (20,0 %), Menza et al. (2004), rapporte des réductions significatives des pressions systolique et diastolique dans leur groupe de participants. Toutefois, il n’y a pas de données disponibles à cet effet dans le groupe contrôle, ce qui limite les conclusions. Brar et al. (2005) ont rapporté un impact positif de leur programme sur la pression systolique des participants du groupe expérimental, mais non sur la pression diastolique, qui demeure inchangée dans les deux groupes. Finalement, trois études ne rapportent pas de changement cliniquement significatif pour la pression sanguine au terme de leur dernière mesure de suivi (60,0 %). Il faut souligner que les auteurs de l’étude de Kwon et al. (2006) indiquent que la pression systolique des participants de leur programme a diminué contrairement à celle des patients qui reçoivent les soins usuels, cette différence n’étant toutefois pas significative.

Profil lipidique. Cinq études ont inclus le profil lipidique comme mesure d’effet (29,4 %). Seule l’étude de Poulin et al. (2007) relève un impact différentiel de leur programme sur le profil lipidique des patients. Après 18 mois, leurs résultats démontrent une amélioration du profil lipidique de leurs participants en ce qui a trait au cholestérol total, du cholestérol LDL et HDL et sur le taux de triglycérides. Par ailleurs, deux études ne rapportent pas de changement significatif du profil lipidique de leurs participants entre le temps de base et leur dernière mesure de suivi. Une autre étude n’a pas observé de différence significative pour le profil lipidique entre les groupes expérimental et contrôle, bien qu’elle ait noté que le ratio LDL/HDL a diminué chez un pourcentage plus important de patients dans le groupe expérimental. Finalement, une dernière étude a rapporté uniquement les résultats pour le profil lipidique chez les participants ayant perdu du poids. Il n’y a pas de comparaison avec le groupe contrôle.

Glucose sanguin. Le glucose sanguin est une mesure d’effet rapporté dans 5 études (29,4 %). Malheureusement, il n’y a pas de données disponibles pour l’étude de Weber et Wyne (2006) en post-test. De plus, Jean-Baptiste et al. (2007) ont rapporté les résultats pour le glucose sanguin uniquement chez les participants ayant perdu du poids. Il n’y a pas de comparaison avec le groupe contrôle. Deux des trois études restantes ont pu démontrer un impact positif de leur programme sur le taux de glucose sanguin des patients (66,6 %).

Variables cliniques

Symptômes psychiatriques. Sept études recensées (41,2 %) ont évalué l’impact d’un programme de modification des habitudes sur les symptômes psychiatriques des participants. De façon générale, les résultats ne permettent pas d’isoler un impact significatif des programmes sur les symptômes psychiatriques. En effet, aucune étude ne rapporte d’amélioration significative des symptômes psychiatriques à la suite d’un programme de modification des habitudes de vie. Lorsque les résultats du groupe expérimental sont analysés de façon indépendante, trois études rapportent que leurs participants sont restés stables sur le plan clinique (42,9 %), deux études rapportent des améliorations significatives sur certaines mesures de symptômes psychiatriques (28,6 %), alors qu’une étude indique une détérioration de l’état mental chez 7 % des participants (14,3 %). Par ailleurs, une étude ne rapporte pas de données à ce sujet (14,3 %). Il faut noter que les études recensées ont utilisé différents instruments de mesure pour évaluer les symptômes psychiatriques.

Observance à la médication. Kwon et ses collaborateurs (2006) sont les seuls à avoir documenté l’effet d’un programme de gestion de poids sur l’observance à la médication (5,9 %). Leurs résultats indiquent que 21 des 33 patients du programme expérimental (63,6 %) ont eu un taux d’observance supérieur à 80 % durant leur programme de 12 semaines, alors que c’est le cas de 14 des 15 patients (93,3 %) du groupe contrôle. La différence d’observance entre le temps de base et la dernière mesure de suivi n’est toutefois pas rapportée pour chacun des groupes, ce qui limite les conclusions quant à l’impact réel de ce programme sur l’observance à la médication.

Qualité de vie. La qualité de vie n’a pas été une mesure d’effet fréquemment rapportée ; seuls cinq groupes d’auteurs ont inclus cette variable dans leur protocole (29,4 %). De façon générale, les résultats sont mitigés pour l’impact des programmes de modification des habitudes de vie sur la qualité de vie du groupe expérimental. En effet, trois études ont mentionné des améliorations de la perception de la qualité de vie chez les participants du groupe expérimental (60,0 %). En résumé, l’impact de ces programmes sur la qualité de vie n’est pas clair. Le nombre d’études qui évaluent cette variable est limité et les conclusions divergent entre les auteurs. Les questionnaires utilisés varient d’une étude à l’autre, ce qui rend les conclusions difficiles : ce n’est pas nécessairement le même construit qui est évalué sous le terme « qualité de vie ».

Discussion

Importance des résultats

Les résultats des études démontrent que des patients ambulatoires atteints d’un trouble psychiatrique peuvent bénéficier d’un programme de gestion de poids basé sur la modification des habitudes de vie. La plupart des programmes recensés ont en effet eu comme résultat une perte de poids chez les participants. Toutefois, cette perte est modeste, et les pertes de poids enregistrées ne sont pas toujours significatives en comparaison des soins usuels. Ces résultats soulèvent des questions sur l’importance de l’impact des programmes.

Malgré leurs résultats modestes, les programmes sont essentiels car les bénéfices pour la santé d’une perte de poids modeste sont nombreux. Par exemple, une perte de poids pouvant atteindre 10 % de la masse corporelle initiale favoriserait un meilleur contrôle de la glycémie, en plus de faire diminuer la pression artérielle et le taux de cholestérol sanguin (Goldstein, 1992). Une méta-analyse conduite par MacMahon et al. (1987) démontre que pour chaque kilogramme de poids perdu, les tensions systolique et diastolique diminuent en moyenne respectivement de 0,68 mmHG et de 0,34 mmHG. De plus, dans le cadre du Diabetes Prevention Program Group, Hamman et al. (2006) ont démontré que la perte d’un kilogramme diminuait les risques de diabète de 16 %, tandis que la perte de cinq kilogrammes entraînait une réduction du risque de 55 %.

D’autres résultats appuient l’importance clinique des programmes. Par exemple, même si une perte de poids modeste oscillant entre 0,03 kg et 3,54 kg ne semble pas représenter un changement statistique important sur une période de quelques mois, elle peut réduire de façon cliniquement significative les risques de morbidité, et de mortalité précoce initiale chez les individus qui présentent des facteurs de risque associés au syndrome métabolique (Thomas, 1995). Autre résultat clinique important : les patients qui participent à des programmes de modification des habitudes de vie ne prennent pas de poids, tout en poursuivant un traitement pharmacologique couramment associé à des gains de poids. À ce sujet, l’OMS (2003) statue que même le maintien d’un poids stable sans augmentation constitue un résultat positif pour les programmes de gestion de poids qui s’adressent à des personnes souffrant d’obésité, sans lesquels une prise de poids aurait été enregistrée. Enfin, Alvarez-Jimenez et al. (2008) affirment qu’il est plausible de penser que même une perte de poids inférieure à 5 % de la masse corporelle initiale pourrait être associée à une réduction des risques de morbidité et de mortalité proportionnelle à cette perte de poids, si modeste soit-elle.

Dans la mesure où peu de données appuient l’utilisation d’une approche pharmacologique pour la gestion du poids (Faulkner et Cohn, 2006), les résultats appuient l’idée qu’il est essentiel pour une population à risque d’avoir accès à des mesures non pharmacologiques qui visent à limiter le gain de poids et les risques associés.

Impact sur les variables métaboliques

La présente recension ne dégage pas parmi les études un consensus sur l’impact des programmes quant à différentes variables métaboliques telles que la tension artérielle, le profil lipidique et le taux de glucose sanguin. Une minorité seulement des programmes recensés ont testé les effets de leurs interventions sur ces variables. De plus, les conclusions sont divergentes et la courte durée des études ne permet pas de dresser un bilan clair. Il est donc primordial d’inclure ces mesures dans de futures études étant donné que les patients psychiatriques sont plus à risque de développer l’obésité, la dyslipidémie et le diabète de type 2 que la population générale (Fenton et Chavez, 2006 ; McIntyre et al., 2005 ; Newcomer, 2006).

Par ailleurs, la présente recension ne permet pas de statuer sur l’impact des programmes de modification des habitudes de vie sur diverses variables cliniques. En effet, la qualité de vie, l’observance à la médication et les symptômes psychiatriques sont des mesures qui ont été peu étudiées au sein des différents programmes. Cela ne permet pas de dégager de conclusions claires sur l’effet de ces programmes sur les variables cliniques. De surcroît, lorsque ces variables ont été mesurées, les instruments de mesure utilisés différaient grandement d’une étude à l’autre ; ce n’est donc pas nécessairement le même construit qui est évalué sous le terme « qualité de vie » ou « symptômes psychiatriques ». Des conclusions plus précises pourraient être dressées en homogénéisant les instruments de mesure employés au sein des programmes de gestion de poids. Ce constat s’appliquerait également pour le choix d’une mesure d’observance à la médication, pour laquelle les mesures autorapportées et les méthodes objectives sont susceptibles de conduire à des résultats différents.

Le fait que plusieurs conséquences cliniques et psychologiques sont associées à des gains de poids chez les patients psychiatriques souligne l’importance d’élaborer des programmes incluant davantage ces mesures dans leur protocole de recherche. En effet, en plus d’être un facteur de risque pour l’obésité et le syndrome métabolique, le gain de poids associé à la médication psychotrope peut entraîner un sentiment de perte de contrôle, de démoralisation, d’inconfort physique et de stigmatisation sociale (Seidell, 1998), ce qui peut contribuer de façon importante à la non-observance à la médication (Kurzthaler et Fleischhacker, 2001 ; Perkins, 2002 ; Scott et Pope, 2002). Les taux d’observance sont préoccupants puisqu’une faible observance peut être associée à d’autres conséquences telles que l’aggravation des symptômes, avec rechutes et réadmissions, et un risque accru de suicide (Leucht et Heres, 2006).

La prise de poids est ainsi susceptible d’être associée à une diminution générale de la qualité de vie et de la satisfaction à l’égard de la vie des patients psychiatriques (Allison et al., 2003 ; Dubisar et al., 2004). Il est donc préoccupant de considérer l’ensemble de ces enjeux dans le développement d’un plan de traitement complet et approprié. Les études ultérieures devraient intégrer des mesures qui permettront de clarifier l’impact des programmes sur ces variables.

Recherches futures

En dépit des résultats intéressants obtenus par les études antérieures, plusieurs facteurs demeurent à examiner sur le plan de l’efficacité des programmes non pharmacologiques de gestion de poids.

Premièrement, les études devraient aussi inclure des patients qui souffrent d’un trouble de l’humeur et qui utilisent des stabilisateurs de l’humeur et/ou des antidépresseurs, seuls ou en combinaison. Ceux-ci sont aussi à risque de gain pondéral et de complications métaboliques que les patients avec un diagnostic de trouble psychotique, traités principalement avec des antipsychotiques atypiques (Aronne et Segal, 2003 ; Roy Chengappa et al., 2002 ; Nemeroff, 2003 ; Zimmermann et al., 2003).

Deuxièmement, une lacune importante des études recensées sur les programmes de gestion de poids non pharmacologiques est le temps du suivi qui est à court ou à moyen terme, rendant difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité à long terme de ces interventions (Álvarez-Jiménez et al., 2008). Les futures études devraient inclure des mesures de suivi qui s’échelonnent sur quelques années afin d’isoler les effets durables de ces programmes, et de documenter le niveau de maintien des saines habitudes de vie.

Conclusion

En l’absence de consensus sur les approches pharmacologiques, les approches de modification des habitudes de vie demeurent le traitement à privilégier. Ces programmes devraient être disponibles pour l’ensemble des patients psychiatriques à risque de gain de poids, en raison des effets secondaires connus de la médication psychotrope. Par ailleurs, en milieu clinique, la pratique idéale serait de faciliter l’accès à ces programmes dès la prescription d’un agent psychotrope, afin de prévenir le gain de poids au lieu d’en limiter les effets pour la santé.