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Introduction

La transition vers l’âge adulte correspond à une période de vie critique sur les plans biologique, fonctionnel, financier et académique. Près de 75 % des troubles mentaux apparaissent avant l’âge de 24 ans1. Les jeunes possèdent de remarquables capacités pour s’adapter aux changements associés à cette période, mais des facteurs comme la pauvreté, les problèmes familiaux et la consommation abusive d’alcool peuvent nuire de façon importante à la croissance2. Bien qu’elle offre à l’individu la possibilité de grandes explorations sur le plan identitaire (travail, études, amour et valeurs), l’émergence adulte est une période de grande instabilité qui met à risque les individus les plus vulnérables.

Au Québec, les niveaux de détresse psychologique les plus importants sont observés entre 15 et 24 ans3. Dans une enquête menée dans huit établissements collégiaux, 35 % des étudiants affirmaient souffrir d’un très haut niveau d’anxiété et 17 % vivaient beaucoup ou énormément de détresse psychologique4. Un sondage canadien réalisé auprès de 30 000 étudiants de niveau postsecondaire révélait pour sa part que plus de 90 % s’étaient sentis complètement débordés durant la dernière année, plus de 50 % ont vécu des moments de désespoir et près de 10 % avaient sérieusement envisagé le suicide5. La situation apparaît tout aussi préoccupante dans plusieurs pays industrialisés6.

Impacts

Un problème de santé mentale vient affecter tous les aspects de la vie d’un étudiant, dont ses fonctions cognitives, son adaptation psychosociale, sa motivation et son rendement académique. La dépression s’associe à de nombreux problèmes de santé physique, à la consommation abusive d’alcool, à une baisse du système immunitaire et à des troubles du sommeil. Les symptômes agissent de façon insidieuse dans les relations sociales, familiales et amoureuses. Le développement d’un épisode de dépression augmente de trois fois le risque de développer un autre épisode de dépression dans le futur7 et accentue le risque de suicide8.

La demande d’aide pour des problèmes de santé mentale ne cesse d’augmenter dans les collèges et les universités. Le rapport annuel du Center for Collegiate Mental Health9 a enregistré une utilisation sept fois plus importante des services psychologiques en proportion du nombre d’étudiants depuis 1993, et une augmentation constante des demandes reliées à la dépression, aux troubles anxieux et aux idées suicidaires. Conséquemment, l’offre des services psychosociaux de la plupart des établissements d’enseignement postsecondaire n’arrive plus à répondre à la demande. Pourtant, et de façon tout à fait paradoxale, les études continuent de démontrer la sous-utilisation des services par la grande majorité des jeunes adultes en besoin, soit au sein de l’établissement soit dans la communauté10. Le phénomène serait encore plus marqué chez les hommes et auprès de différentes minorités culturelles11. Dans une autre étude, plus de 50 % des étudiants de niveau collégial qui avaient sérieusement envisagé le suicide n’avaient pas reçu d’aide à l’intérieur d’une période d’un an12. La raison la plus souvent évoquée chez ces étudiants à risque élevé de se suicider est l’impression que personne ne pourrait les aider13.

Interventions en prévention et en promotion

Pour ces raisons, il apparaît nécessaire d’agir en amont des problèmes de santé mentale. À ce titre, les initiatives qui ont pour but d’améliorer la santé mentale et le bien-être d’une population par le biais de prévention et de promotion offrent la possibilité de rejoindre un très grand nombre de jeunes. Il est maintenant bien démontré que ces initiatives, lorsque développées auprès d’enfants et d’adolescents, sont associées à une amélioration notable de la santé mentale et à une baisse du risque de développer des troubles14. La plupart des interventions répertoriées ciblent un groupe à risque et une thématique particulière reliée à la santé mentale (ex. : les agressions sexuelles, la violence, la consommation de drogues et d’alcool) et tiennent compte du contexte dans lequel elles ont pris place : elles fournissent des données reliées à la santé, aux composantes sociales, scolaires et économiques, aux possibilités d’implantation et à leur potentiel de dissémination15.

À cet effet, le milieu scolaire (qu’il soit de niveau primaire, secondaire ou postsecondaire) constitue le lieu idéal pour prévenir les troubles de santé mentale et intervenir dès l’apparition des premiers symptômes, puisque leurs effets se font habituellement sentir dans l’organisation de la vie étudiante, dans le rendement scolaire et dans les activités sociales et parascolaires16. Le milieu scolaire permet également de développer de nombreuses composantes essentielles en promotion de la santé mentale : la communication, le travail en équipe, le concept de soi positif, la responsabilisation, la résilience, les stratégies d’adaptation et de résolution de problèmes, etc.17 Après l’analyse de nombreuses études qui ciblaient des étudiants plus jeunes, Jané-Llopis et ses collègues15 ont conclu qu’un programme de prévention/promotion de la santé mentale en milieu scolaire, lorsqu’il a soigneusement été préparé et implanté en suivant une approche écologique, apporte de nombreux bénéfices au niveau de la santé mentale et physique, du rendement scolaire, de la régulation émotionnelle et du fonctionnement général.

La Commission de la santé mentale du Canada18 rejoint les orientations internationales de l’OMS et insiste sur l’importance de développer des initiatives en prévention et promotion de la santé mentale qui s’adressent aux collégiens et aux universitaires dans un cadre systémique, soulignant notamment les liens entre la santé mentale et le rendement académique. L’environnement postsecondaire apparaît particulièrement fécond en ce sens, car dans les meilleurs scénarios il se situe au confluent des études, de la vie sociale, du travail, des activités et des préoccupations des jeunes, nous permettant des possibilités tout à fait uniques d’intervenir auprès d’eux.

Mais comment concevoir et implanter un programme de prévention/promotion de la santé mentale dans les collèges et universités tout en maximisant son efficacité ? À quoi tient en fait l’efficacité des moyens de prévention et de promotion ? Le présent article propose une recension des méta-analyses et revues de littérature publiées en lien avec les interventions en prévention/promotion de la santé mentale.

Méthodologie

Les études retenues étaient des méta-analyses et des revues d’écrits scientifiques publiées sous forme d’articles qui portaient spécifiquement sur des interventions en prévention et en promotion de la santé mentale ciblant des étudiants de collèges et d’universités. Aux fins de précision des analyses, les études qui portaient sur des aspects plus spécifiques comme la consommation de drogues, le suicide ou la promotion de la santé physique ont dû être exclues, bien qu’elles aient pu avoir un impact sur la santé mentale des étudiants. Les études employant des stratégies en ligne et les études qui mesuraient de jeunes adultes indépendamment du cadre scolaire ont été considérées dans la mesure où elles touchaient un fort pourcentage d’étudiants du postsecondaire. Les études retenues pour cette recension ont été identifiées par le biais d’une recherche systématique inspirée de Khan et coll.19. Elles ont été repérées à partir des méta-analyses et des revues des écrits scientifiques à partir des bases de données informatisées PsychArticles, Medline, Scopus et des références des études primaires retenues. Les mots clés utilisés sont : review ou meta-analysis, mental health, promotion ou prevention, college ou university ou higher education ou tertiary dans les titres, les résumés ou les mots clés. L’ensemble des 13 études retenues et leurs caractéristiques se trouvent dans le tableau 1.

Une intervention – ou une stratégie – se définit ici comme une action qui est mise en place par un chercheur, un membre du personnel d’un établissement scolaire, un décideur public ou les étudiants eux-mêmes, dans le but d’améliorer la santé mentale des jeunes. Un programme désigne un ensemble organisé d’interventions qui visent ce même objectif.

La prévention des troubles mentaux vise la réduction ou l’absence de symptômes en s’attaquant aux facteurs de risque et aux conditions susceptibles d’induire ces problèmes. La promotion de la santé mentale vise à accroître la capacité des individus et des collectivités à se prendre en main et à améliorer leur santé mentale en développant et en renforçant les facteurs de protection et les conditions favorables à la santé mentale.

Tableau 1

Caractéristiques des revues et méta-analyses répertoriées

Caractéristiques des revues et méta-analyses répertoriées

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S’il était parfois assez facile de distinguer entre les stratégies en prévention et les stratégies en promotion, dans d’autres situations les deux aspects semblaient être interreliés et complémentaires, comme ce fut souvent le cas pour les interventions en ligne ou les exercices de pleine conscience (mindfulness). Certains programmes recensés visaient à faire les deux, soit de la prévention et de la promotion, en ciblant les éléments pathogènes qui mettaient à risque la santé mentale de la personne (ou de la population), tout en renforçant les éléments qui favorisaient le développement optimal. Ces programmes préconisaient alors une approche promotrice de la santé à partir de laquelle s’inscrivaient des activités plus spécifiques de prévention.

Pour les besoins de nos analyses, les activités individuelles qui visaient l’amélioration de la santé mentale et du bien-être, comme les exercices de pleine conscience, ont été regroupées dans la catégorie des mesures en prévention plutôt qu’en promotion, puisque leur évaluation portait surtout sur la réduction des symptômes et des comportements indésirables2021. Du reste, un grand nombre des activités recensées dans les établissements d’enseignement postsecondaire pouvaient s’inscrire dans une optique générale de promotion, puisque la santé mentale est multifactorielle et peut être renforcée de nombreuses façons, mais peu d’entre elles ont bénéficié d’une évaluation. Conséquemment, il était plus facile de trouver dans la littérature des revues descriptives et méta-analyses relatives aux interventions en matière de prévention.

Résultats

Dans les études retenues, nous pouvions distinguer deux grandes tendances : les interventions axées sur la technologie (logiciels ou activités sur le Web) et les interventions en face à face. Ces interventions étaient surtout de nature préventive, mais comportaient néanmoins des éléments de promotion. Une dernière étude portait plus spécifiquement sur les interventions en promotion produites dans le cadre d’une approche globale adaptée aux contextes (setting-based approach), suivant un modèle socioécologique tel que décrit par Dooris22.

Interventions axées sur la technologie (prévention principalement)

Quatre articles de revue et/ou méta-analyses ont été repérés spécifiquement (et exclusivement) par rapport aux interventions technologiques chez les étudiants du niveau postsecondaire20, 23, 24, 25. Les auteurs de ces travaux s’entendent pour indiquer un niveau élevé d’hétérogénéité parmi les études répertoriées selon les différents critères d’inclusion ou d’exclusion utilisés. Par exemple, les études pouvaient être complètement autoguidées à l’aide de modules ou semi-guidées avec rappel courriel/téléphonique à intervalles réguliers, ou bien avec la présence de chercheurs dans un site. D’autre part, les interventions pouvaient être de nature universelle (à tous), sélective (individus à risque) ou indiquée (démontrant une symptomatologie en lien avec la santé mentale). Le groupe de comparaison pouvait être actif (autre approche) ou inactif (liste d’attente ou référence à un site Web d’information). Enfin, l’intervention pratiquée pouvait être une thérapie cognitive-comportementale (TCC, majoritairement, bien adaptée pour les études en ligne), une technique de pleine conscience (mindfulness) ou une intervention d’une autre nature. Les mesures utilisées pour ces études de prévention portaient essentiellement sur les symptômes de l’anxiété et/ou de la dépression, la détresse psychologique et le stress.

Parmi les études portant sur la promotion de la santé mentale en ligne, soulignons le programme ePREP (Prevention and Relationship Enhancement Program)26 visant à améliorer les habiletés relationnelles (communication et résolution de problèmes) : même s’il s’agissait avant tout d’une stratégie en promotion, les auteurs ont observé dans un devis comparatif à trois bras (ePREP, le Cognitive Behavioral Analysis System of Psychotherapy ou CBASP et le groupe contrôle dans un schéma quasi expérimental) une baisse des symptômes anxieux et dépressifs de même qu’une réduction des agressions physiques et psychologiques chez les groupes qui en ont bénéficié. Dans une autre étude en promotion, Li et coll.27 ont mis en ligne un jeu de rôles dans lesquels les participants devaient compléter des missions, favorisant du même coup leur littératie en santé mentale. Quoique cette étude ait révélé une augmentation de celle-ci dans un schéma prépost, le taux d’abandon des sujets en cours de route était très élevé (67 %). En ce qui a trait au concept de soutien mutuel en ligne, Reavley et Jorm16 ont relevé une étude qui ne rapportait aucun avantage au bout de dix semaines chez des étudiants ciblés avec troubles psychologiques, en comparaison avec un groupe contrôle.

Les quatre études de revue ou méta-analyses mentionnées ont aussi repéré plusieurs interventions en prévention basées sur la TCC. Ces dernières, quoique jugée modérées au niveau de la qualité (biais de sélection)20, ont démontré des résultats positifs dans la réduction des symptômes anxieux et dépressifs chez les étudiants universitaires. Parmi celles-ci, l’étude de Lintvedt et coll.28 faisait état, après avoir utilisé MoodGYM, d’une baisse des pensées négatives et d’une amélioration de la littératie en lien avec la dépression chez des étudiants manifestant une détresse psychologique élevée. La méta-analyse de Davies et coll.24 a pour sa part observé des différences dans les mesures prises entre le groupe expérimental et le groupe contrôle pour les symptômes de l’anxiété (7 études, p <0,001) et de la dépression (9 études, p <0,001), en utilisant la TCC. Pour sa part, la méta-analyse de Conley et coll.23 confirme l’efficacité de la TCC pour les symptômes de dépression et d’anxiété en spécifiant l’importance de la pratique d’exercices. Leurs conclusions rejoignent donc celles des deux revues précédemment mentionnées20, 25 dans la reconnaissance de l’efficacité des interventions en ligne pour la réduction des symptômes avec cette approche.

Globalement, le faible nombre des interventions en promotion qui ont bénéficié d’une évaluation et leur grande disparité ne permettaient à peu près pas les comparaisons. Dans le cas des études en prévention, caractérisées par une moins grande hétérogénéité, les résultats étaient prometteurs, surtout pour les TCC.

Interventions en face à face (prévention principalement)

Les interventions en prévention et promotion non axées sur la technologie rapportées dans les écrits scientifiques démontraient un plus faible niveau d’hétérogénéité, ce qui les prêtait mieux aux méta-analyses. Regehr, Glancy et Pitts29 ont effectué une méta-analyse impliquant vingt-quatre études (randomisées et contrôlées) et 1 431 sujets avec des interventions psychologiques (psychoéducation, psychosociale) visant la réduction des signes d’un problème de santé mentale (stress, anxiété ou dépression). En se basant sur les données disponibles, trois méta-analyses ont pu être faites sur des sous-groupes par ces chercheurs. Pour les seize études utilisant les TCC, le niveau d’anxiété a été réduit de façon significative (taille d’effet = - 0,73, p <0,001) de même que le niveau de symptômes dépressifs (6 études, taille d’effet = - 0,81, p <0,05). Pour le groupe d’études d’interventions reliées à la pleine conscience (9 au total), on a également pu observer une réduction des symptômes de l’anxiété (taille d’effet = - 0,73, p <0,001). Une autre revue des écrits scientifiques touchant spécifiquement la prévention des symptômes dépressifs chez les étudiants de collèges américains30 faisait état d’un certain niveau d’hétérogénéité des études : seules deux études sur seize avaient pu être répliquées sur différentes populations et une minorité d’entre elles avaient effectué un suivi au terme de l’intervention.

S’inspirant d’une première étude de nature évaluative31, Conley et ses collègues32 ont produit une méta-analyse basée sur 103 études contrôlées portant sur les interventions liées à la promotion et la prévention de la santé mentale auprès d’étudiants de collèges et d’universités. Dans la méta-analyse, ils ont pu distinguer les interventions selon deux axes : le type d’étude et la présence ou non de supervision dans l’intervention. Les différents types d’études se répartissaient de la façon suivante : les interventions en TCC, la psychoéducation, la relaxation, la méditation, la pleine conscience, les habiletés sociales et 2 études non catégorisées. Différents facteurs étaient mesurés selon les études : symptômes de dépression et d’anxiété, stress, détresse psychologique, habiletés socioémotionnelles, perception de soi, relations interpersonnelles et réussite scolaire. Dans l’ensemble, la méta-analyse de toutes ces études démontrait un effet significatif pour la combinaison des interventions. Les auteurs soulignaient de façon particulière l’importance du rôle de la supervision dans les pratiques liées à l’acquisition d’habiletés (61 études, taille d’effet = 0,45, p <0,01, toutes mesures significatives), versus l’absence de supervision (17 études, taille d’effet = 0,11, non-significatif, significatif pour la mesure de l’anxiété seulement). Enfin, les études portant sur des interventions en psychoéducation se sont aussi avérées efficaces, mais à un degré moindre que les autres. Lors d’une analyse exploratoire comparative des d’interventions, et ce sans égard à la supervision, les auteurs ont pu établir que la relaxation était plus efficace que toute autre intervention. Par ailleurs, les interventions en TCC et de pleine conscience se révélaient supérieures à la méditation et la psychoéducation (voir tableau 2).

Conley33, dans le cadre d’une approche distincte basée sur 113 études visant à statuer sur l’efficacité des interventions utilisant une pratique supervisée, non supervisée ou de psychoéducation, a procédé à l’analyse des interventions en promotion et en prévention liées aux composantes socioémotionnelles. Une intervention était classée efficace si plus des deux tiers des études s’y rattachant obtenaient des résultats significatifs du point de vue statistique dans plus de la moitié de ses mesures. Suivant ce barème, les interventions reliées à la pleine conscience se sont révélées les plus efficaces dans 75 % des cas. D’autres stratégies qui se sont avérées prometteuses (33 % - 66 % d’efficacité) étaient les interventions cognitives-comportementales, la relaxation et le développement des habiletés sociales. Les interventions jugées comme inefficaces (inférieure à 33 %) dans ce contexte, au nombre de trois, étaient la méditation, les interventions non supervisées (quelle que soit l’intervention) et la psychoéducation (voir tableau 3). Plus récemment, Conley et ses collègues34 ont mené une méta-analyse comparant une intervention ciblée auprès d’étudiants montrant des symptômes de troubles mentaux à une intervention non ciblée. Les résultats font état d’une taille d’effet plus importante avec l’intervention ciblée qu’avec l’intervention non ciblée.

Tableau 2

Comparaison des interventions, basée sur la taille d’effet de l’ensemble des études en face-à-face (Conley, Durlak et Kirsch, 2015)

Comparaison des interventions, basée sur la taille d’effet de l’ensemble des études en face-à-face (Conley, Durlak et Kirsch, 2015)

a, b, c, d, e Les interventions ayant un indice (de lettre) différent se distinguent du point de vue statistique. Toutes les interventions sont statistiquement significatives (p <0,05). TCC : Thérapie cognitivo-comportementale.

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Tableau 3

Efficacité des interventions basée sur le statut de la supervision (Conley, 2015)

Efficacité des interventions basée sur le statut de la supervision (Conley, 2015)

*Efficace : 66 %+ ; Prometteuse 33 %-66 % ; Inefficace : moins de 33 %

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Interventions en promotion produites dans le cadre d’une approche globale adaptée aux contextes (setting-based approach)

L’approche globale adaptée aux contextes vise à créer des milieux propices à l’adoption de comportements visant la santé. Elle implique l’implantation d’un système holistique et multidisciplinaire qui intègre une série d’actions qui agit sur les déterminants de la santé22. Les études quantitatives qui fournissent des données sur l’efficacité de ces interventions sont peu nombreuses. Comme ces interventions sont variées, adaptées à un contexte spécifique et bien souvent combinées avec d’autres, leur impact devient difficilement mesurable et généralisable.

Une seule revue des écrits scientifiques analysait de façon quantitative les interventions produites dans le cadre d’une approche globale adaptée aux contextes35. Les analyses portaient sur l’impact de stratégies relatives à différents aspects de l’environnement universitaire : le développement de politiques priorisant la santé mentale, la création d’espaces scolaires plus conviviaux, la diffusion de messages en promotion de la santé, des modifications apportées aux programmes académiques, etc. Les interventions individuelles étaient ici exclues. Les mesures portaient sur la santé mentale, le bien-être, les relations sociales et la qualité de vie. La validité interne s’avérait assez faible, alors que seules 2 des 19 études utilisaient un groupe contrôle. De plus, la majorité des études ne se centraient que sur une université et un programme (le plus souvent un programme relié aux études en santé), ce qui limitait grandement les possibilités de généralisation en d’autres contextes.

Les interventions qui avaient le plus d’impact se rapportaient aux stratégies mises de l’avant en classe : création de cours et d’exercices portant spécifiquement sur la santé mentale positive et la pleine conscience ou changements dans le programme lui-même au niveau de la charge de travail, l’organisation des cours ou l’évaluation. Peu d’impact a été noté suivant une campagne de marketing social en promotion de la santé mentale, alors que d’autres interventions telles que des améliorations dans l’architecture ou le développement de politiques n’ont pu être évaluées de façon satisfaisante.

Discussion

De façon globale, après l’examen de différentes revues des écrits scientifiques et méta-analyses, les interventions supervisées apparaissaient comme les plus prometteuses pour contrer le stress et les symptômes anxieux et dépressifs chez les étudiants de niveau postsecondaire. Du nombre des interventions supervisées qui ont été recensées, les exercices de pleine conscience et les TCC semblaient être les plus efficaces à ce niveau. Les TCC en ligne apparaissaient aussi contribuer à une baisse des symptômes anxieux et dépressifs chez les usagers. Par ailleurs, les stratégies en psychoéducation ne semblaient pas apporter à elles seules d’amélioration notable, bien qu’elles soient couramment utilisées dans les programmes de prévention et de promotion. Ces résultats militent pour l’utilisation en classe et en ligne de techniques qui vont plus loin que de simples stratégies psychoéducationnelles en santé mentale. Les résultats militent particulièrement en faveur de l’inclusion systématique d’exercices supervisés dans le curriculum d’un établissement pour prévenir des problèmes de santé mentale chez les étudiants.

Si les cibles visées apparaissaient généralement assez claires lorsqu’il s’agissait de stratégies en prévention, il en était tout autre lorsqu’on parlait de promotion. Le plus souvent, les interventions produites par les établissements postsecondaires et programmes en promotion de la santé mentale étaient évaluées de façon qualitative : évaluation de la démarche d’implantation, développement de politiques, réorganisation de programmes et de services, qualité de dissémination, etc. Les interventions individuelles recensées en promotion s’avéraient aussi plus hétérogènes et plusieurs étaient évaluées en fonction de leur valeur préventive. Il devenait alors difficile de faire une analyse groupée de ces interventions. Une revue des écrits scientifiques qui portait sur des interventions évaluées en promotion concluait à l’efficacité d’interventions reliées directement à la classe et aux programmes d’études pour accroître le bien-être et contribuer à optimiser la santé mentale des étudiants. Les interventions en classe, surtout lorsqu’elles sont supervisées, agiraient donc favorablement pour la promotion de la santé mentale, comme elles le font pour la prévention des troubles mentaux.

Par ailleurs, une absence de consensus semble persister en lien avec ce que devraient être des données probantes sur lesquelles s’appuieraient les meilleures interventions en promotion. Alors que bon nombre d’auteurs comme Durlak et coll.36 prônent l’usage de mesures plus ciblées pour maximiser la fidélité d’implantation, d’autres auteurs comme Barry17 trouvent plus juste d’évaluer l’ampleur des retombées en considérant la création et l’enrichissement des échanges entre les différents acteurs du système scolaire, et de l’approche promotrice de la santé qui en résulte dans la collectivité. Or, puisque les données recueillies servent directement à éclairer et à établir des politiques publiques, une évaluation qui se veut rigoureuse ne pourrait se limiter à des données empiriques sans considérer les particularités d’une population, de même que le contexte politique, social et culturel.

Devoir départager entre la fidélité d’un programme et l’adaptation à son contexte n’est pas simple. À trop vouloir favoriser des interventions qui peuvent être répliquées, nous risquons de ne pas réellement répondre aux besoins d’une population. Conséquemment, l’approche à privilégier dans l’implantation d’un programme de prévention/promotion de la santé mentale serait possiblement de développer une méthodologie qui respecte les réalités du contexte de l’établissement, tout en mettant de l’avant des interventions plus ciblées, mesurables et qui peuvent être répliquées. De nouvelles études devraient porter sur l’identification de mécanismes d’adaptation qui permettraient de maximiser l’efficacité des interventions dans tous les contextes.