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Fig. 1

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Dans cette toute nouvelle et quatrième édition, Martin Mowforth et Ian Munt nous offrent une analyse critique du développement et de son impact sur la production touristique du Tiers Monde. Ce faisant, les auteurs brisent d’emblée les approches communément orientées vers l’étude des impacts du tourisme sur le développement d’une destination. En se concentrant sur le développement du Tiers Monde dans un contexte de mondialisation grandissant, les chercheurs étudient les circonstances de l’émergence de nouvelles formes touristiques – c’est-à-dire celles nées en rupture avec les codes classiques incarnés dans le tourisme de masse réprimé dans la postmodernité – et dans quelle mesure le discours de la durabilité construit et légitime la pratique de ces nouvelles formes de tourisme.

La réponse à ces questions est foncièrement critique quant au fondement de ces nouvelles productions censées porter en leur sein l’idéalisme de pratiques éthiques et vertueuses (p. 12). Ces pratiques et formes touristiques restent, selon eux, le prolongement d’un développement inégal soumis aux idéaux des pays du Nord. C’est pourquoi l’argument prééminent du texte présente le développement comme étant «  an inherently unequal and uneven process, symbolised arguably by the diasporic and increasingly thwarted movements of Third World migrants to the First World, starkly contrasted to the accelerating movements of relatively wealthy western tourists to the Third World and the ideology of freedom of movement that support this  » (p. 1).

Pour tenter d’y répondre, l’excellence de l’analyse critique de cet ouvrage réside à la fois dans la simplicité et la complexité de son approche. La réflexion s’appuie sur trois mots clés – durabilité, tourisme et Tiers Monde – insérés dans trois grands thèmes qui interagissent, se confrontent et se font écho par le biais d’une dialectique de l’interconnexion. Ces trois thèmes sont : « the uneven and unequal development between the Third and First World », « place relationships of power » et « globalisation » (p. 3). Ces différents thèmes, au regard des mots clés invoqués, permettent aux chercheurs d’exprimer les rapports de pouvoir et de domination, les disparités géographiques entre pays du Nord et pays du Sud, mais aussi et surtout les disparités sociales incarnées par la création et l’émergence d’élites et de nouvelles classes sociales qui participent à la croissance de ces formes touristiques dites durables (p. 3). La méthode d’analyse produite par Mowforth et Munt agit comme une centrifugeuse sur chaque mot clé et chaque thème. La confusion sémantique des termes choisis est ici une richesse à travers laquelle les auteurs prélèvent la moindre des interprétations implicitement inscrites dans leur patrimoine linguistique et social.

Décliné en treize chapitres, le livre suit un mouvement en trois parties, dont la première incarne le travail « centrifuge » des auteurs. C’est le temps de la mise à l’épreuve et de l’analyse sémantique des mots et des thèmes clés, de leur relation et leur rôle dans le développement du Tiers Monde. Cette partie permet notamment aux deux chercheurs de montrer comment les discours de la mondialisation, de la durabilité et du développement créent dans leur interconnexion l’imaginaire géographique des pays du Nord envers les pays du Sud (p. 48). Aussi vaste qu’il existe d’hommes sur terre, la construction socio-politique de ces imaginaires géographiques produits par les pays du Nord renforce les rapports de pouvoir inhérents au tourisme, car ce sont ces images qui déterminent l’attractivité d’une destination (p. 7). La seconde partie porte sur les relations entre « durabilité, développement et nouvelles formes touristiques » et les agents de leur application , c’est-à-dire les touristes, les communautés locales, l’industrie touristique, les organisations gouvernementales, nationales, etc. (p. 8). La troisième partie, quant à elle, s’intéresse aux problèmes modernes associés à ces nouvelles formes touristiques, par exemple le changement climatique. Un livre intéressant et complet pour qui souhaite réfléchir à la notion de durabilité, sa matérialisation touristique, aux rapports de domination et aux représentations hégémoniques des pays occidentaux envers le développement des pays du Sud.