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Depuis la publication en 2013 de l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, par le Pape François, la décentralisation est au coeur de nombreux travaux en théologie catholique. Le terme de décentralisation est cependant extérieur au discours théologique. Il appartient à l’horizon structurant de la science politique où il entre en résonance avec une certaine réalité sociale et politique, organisée et structurée autrement par rapport au centre (Alcaud et Bouvet 2004). Le terme de décentralisation s’entend comme le complément indissociable d’un processus de modernisation et de démocratisation volontariste (Baguenard 2004). Tout bien considéré, il constitue une constellation sémantique avec les termes d’autonomie, de régionalisation et de fédéralisme. Il s’ouvre aussi à d’autres horizons de signification, trouvant dès lors des applications dans des domaines aussi divers que l’administration, le droit, la géographie, les finances, les sciences de l’éducation. En théologie, le terme de décentralisation est opératoire dans plusieurs disciplines : liturgie, droit ecclésiastique, pastorale, catéchèse, ecclésiologie.

L’usage de ce terme en théologie n’est cependant pas nouveau. D’aucuns corrèlent sa compréhension à la centralisation romaine. Ce dernier terme renvoie à l’histoire, à « une histoire, toujours significative » (Chenu 1979). En effet, la dénomination reçue et le contenu déterminé du terme de centralisation en font un mot-événement (Moirand 2007). Son inscription dans le discours théologique ne va pas sans son association avec d’autres énoncés ou d’autres images stockées en mémoire, ni son lien avec des formulations antérieures, le déjà-dit, le déjà-énoncé dont témoigne la circulation de ce terme dans l’histoire. La centralisation romaine a une histoire complexe. Elle a traversé les siècles et les critiques les plus vives n’ont pas réussi à l’éradiquer de l’Église. C’est un phénomène qui s’accommode d’une exaltation de l’autorité du Pape et de l’érection des traditions disciplinaires et liturgiques de l’Église de Rome en un modèle pour les autres Églises. Elle est la résultante d’une évolution progressive qui s’est étalée sur plusieurs siècles, entraînant dans les faits l’uniformisation et la bureaucratisation de l’Église catholique, la centralisation des décisions, le renforcement et l’élargissement de l’administration, la surévaluation de la prééminence de l’évêque de Rome et du rôle de la papauté dans l’Église, et enfin, la réduction de l’unité de l’Église à l’uniformité (Schatz 1992). La centralisation n’a pas cessé de fluctuer au gré des événements politiques et ecclésiaux divers. Comme le reconnaît le théologien J. Ratzinger, elle a imprimé à l’Église catholique l’image d’un État centralisé, heureusement et pertinemment remise en cause par le concile Vatican II (Ratzinger 1971).

Cela noté, il convient de ne pas perdre de vue que les lieux institutionnels promus par le dernier concile n’ont pas entièrement résolu le centralisme doctrinal, disciplinaire et pastoral. C’est ce qu’attestent les synodes et les statuts des conférences épiscopales dont la compétence doctrinale a été contestée. L’involution vers la centralisation s’illustre aussi par une révision à la baisse des compétences du synode des évêques et des conférences épiscopales, avec en conséquence l’affirmation de la priorité unilatérale de l’Église universelle sur les Églises particulières, la réduction de l’exercice de la collaboration épiscopale au plan régional et la révision à la baisse du statut canonique des conférences épiscopales, la subordination du magistère reconnu aux conférences épiscopales au magistère de l’Église universelle (Legrand 1999 ; 2001).

L’on peut dès lors s’interroger à la suite de G.Thils : « Unité catholique ou centralisation à outrance ? » (Thils 1969). L’alternative postulée jadis par le théologien belge est au coeur du débat sur le fonctionnement institutionnel de l’Église catholique. S’y coltinant en son temps, K. Rahner avait plaidé pour une « décentralisation », dans l’Église, dénonçant au passage le péril d’une centralisation trop poussée (Rahner 1963). Ratzinger pour sa part, avait critiqué l’image d’un État centralisé que l’Église catholique offrit jusqu’au concile Vatican II, en soulignant que le droit ecclésial unitaire, la liturgie unitaire, l’attribution unitaire des sièges épiscopaux par le centre de Rome appelaient une nette distinction entre la fonction de successeur de Pierre et la fonction patriarcale (Ratzinger 1971). Il découle des travaux de ces deux éminents théologiens, une approche de l’Église aux antipodes d’un État centralisé surnaturel. Leurs élaborations font de l’épiscopat un ministère propre et de l’évêque, le principe d’unité, et non pas un fonctionnaire subalterne romain. Ce qui évite de réduire la communauté eucharistique à une circonscription administrative de l’Église universelle.

On en convient certainement, la transcription dans le fonctionnement repérable de cette approche de l’Église achoppe aujourd’hui sur les rémanences de la centralisation. C’est ce que perçoivent avec justesse certains évêques réunis au synode extraordinaire de 1985. En effet, leurs interventions qui s’articulent autour de la décentralisation adoptent comme concept structurant, celui de la subsidiarité. La requête de la décentralisation réapparaît au synode de 2001, à travers l’appel à une correcte articulation de l’Église universelle avec les Églises locales. Elle n’a pas échappé au Pape François qui souligne l’urgence d’une saine articulation entre l’unité et la diversité, et donc, la nécessaire catholicité de l’Église.

S’inscrivant dans la ligne de cette dernière, le Pape François a introduit, dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, l’expression la « décentralisation salutaire », exprimant par-là la connotation qu’il accorde à la réforme du gouvernement de l’Église (François 2013). Convaincu qu’« il n’est pas opportun que le Pape remplace les Épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires » (Evangelii Gaudium, 17), l’évêque de Rome formule « la nécessité de progresser dans une « décentralisation « salutaire » (Evangelii Gaudium, 17). Tout en gardant les harmoniques du terme de « décentralisation », il le corrèle à la notion de salut. Cette interconnexion des termes constitue un réseau qui détache le terme de décentralisation de son horizon propre de signification. Le réseau constitué par l’ajout du qualificatif salutaire forme le contexte d’une interprétation nouvelle et lui attribue l’acceptation d’une heureuse initiative. Ce qui confère au terme de décentralisation une dynamique nouvelle, une extension et une portée théologique importante. L’approche de la décentralisation par le Pape François n’est pas une synthèse théologique exhaustive. N’ayant pas l’intention d’offrir un traité, elle se ressource dans l’observation attentive des pratiques ecclésiales relatives à la réception du dernier concile. À ce titre, elle entend montrer l’importante incidence pratique des thèmes qu’elle développe sur la mission actuelle de l’Église (Evangelii Gaudium, 18). Son dessein est de tendre vers une forme de papauté qui soit « plus fidèle à la signification que Jésus-Christ entend lui donner et aux nécessités actuelles de l’évangélisation » (Evangelii Gaudium, 32). L’horizon d’attente que le Pape François s’assigne inscrit la papauté et les structures centrales de l’Église universelle dans la ligne de la conversion pastorale (Evangelii Gaudium, 32). Plutôt que de s’aligner à une pratique d’une gouvernance centralisée accordant une place prépondérante à la Curie romaine, le Pape François entrevoit une décentralisation salutaire qui fait de l’Église une réelle et véritable communion. Dans cette ligne, il évoque une révision du statut de la Curie dans l’Église. Le Pape François entend aussi revaloriser la collégialité épiscopale et par ce biais, il compte renouveler la papauté en promouvant de nouvelles modalités de son exercice. Il pense à « des structures ecclésiales qui peuvent arriver à favoriser un dynamisme évangélisateur » (Evangelii Gaudium, 26) et sous-tendre un renouveau ecclésial qu’on ne peut différer. Il parle de « la réforme des structures qui exige la conversion pastorale » (Evangelii Gaudium, 27). Ce qui justifie une décentralisation qu’il qualifie de « salutaire ». La mise en oeuvre de la décentralisation par le Pape François procède par la mise en place du Conseil de cardinaux, chargé de l’aider à préparer la réforme de la Curie (Legrand 2014).

« Excessive centralisation » et « décentralisation salutaire » sont des expressions assorties d’une recherche programmatique qui entend « encourager et orienter dans toute l’Église une nouvelle étape évangélisatrice, pleine de ferveur et de dynamisme » (Evangelii Gaudium, 17). Elles forment une alternative à la réalisation de la catholicité de l’Église. Formules suggestives et pertinentes, formules innovantes et prescriptives, elles postulent les limites d’une « centralisation excessive, non assortie » et précisent les contours d’une saine « centralisation ».

L’intensification et la concrétisation du projet du Pape François ouvrent à la question des structures ecclésiales. Elles interrogent les structures de l’Église latine et suggèrent une configuration décentralisée de l’Église catholique au sens d’une Église synodale. Ceci ne va pas sans des réformes structurelles, la mise en évidence des questions ecclésiologiques liées à la décentralisation, notamment la configuration ecclésiale de l’Église catholique, la particularisation de la liturgie, de la discipline et de la pastorale, la création d’une autorité intermédiaire entre le Saint-Siège et les archevêques, l’adoption d’un droit particulier pour les Églises d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et d’Océanie, la restauration des conciles provinciaux ou pléniers, la fin du contrôle exercé par les nonces sur la vie interne des Églises locales, des dispositifs repensés pour les nominations épiscopales (Ndongala 1999 ; Ela 2003 ; Legrand 2015).

Ce numéro de la revue Théologiques sur la décentralisation salutaire mobilise les disciplines théologiques ainsi que les sciences humaines et sociales dans leur diversité disciplinaire et méthodologique afin d’alimenter les réflexions, d’une part, sur la pertinence théologique du terme de décentralisation, et, d’autre part, sur l’importante incidence pratique de ce thème sur la mission actuelle de l’Église. L’un des fils rouges des articles réunis dans ce numéro consiste à esquisser une alternative à la réalisation de la catholicité de l’Église à travers la dénonciation des limites d’une « centralisation excessive, non assortie » et le plaidoyer d’une saine et salutaire « décentralisation ».

La mise en discours de la décentralisation en théologie requiert de s’interroger sur l’application sic et simpliciter de ce terme dans l’espace dogmatique. Cette question préalablement fondamentale est abordée ex professo par les deux premiers auteurs. Partant de la signification déterminée du terme de décentralisation, les deux ecclésiologues s’intéressent au passage du terme de décentralisation de l’horizon de structuration politique et sociologique à celui ecclésiologique. L’« excédence du concept » de décentralisation, à savoir son détachement de son horizon propre de constitution ouvre à une nouvelle signifiance (Ladrière 1981). L’élargissement sémantique génère un nouveau sens à partir du sens établi, grâce à une opération de transgression (Ladrière 1984). L’intérêt des articles de J. Famerée et G. Routhier est d’interroger la portée ecclésiologique de cette transgression. Au-delà de l’exigence de clarification des termes à l’usage, leurs approches définissent l’ecclésiologie qui porte le discours sur la décentralisation.

Dans son article Décentralisation ou synodalité ? Enjeux ecclésiologiques, Famerée postule une alternative aux antipodes d’un centre primatial de la communion universelle qui accorderait des droits et des concessions à d’autres Églises. Il inscrit son discours dans la ligne de l’ecclésiologie de communion, en mettant l’emphase sur le statut de sujets à reconnaître aux Églises locales ou régionales, qui jouiraient d’une plus grande autonomie et collégialité. Dans cette ligne, il rappelle l’existence des « centres » primatiaux (patriarcaux, métropolitains, archiépiscopaux) de communion régionale. Ce travail de catégorisation des « centres » l’amène à insister sur la catholicité des Églises locales et la revalorisation de l’épiscopat. Redécouvrir le modèle de la communio ecclesiarum aiderait, selon lui, à élargir l’élément synodal en vue de la communion et de la synodalité des Églises locales. En prônant l’articulation de la communio episcoporum à la communio ecclesiarum, Famerée exprime des réserves sur la pertinence du terme de décentralisation. Il marque clairement sa préférence pour le terme de synodalité, terme qui jouit d’une grande faveur dans l’histoire de l’Église, en ecclésiologie et en oecuménisme.

L’article intitulé Une décentralisation salutaire ou une révision en profondeur du gouvernement de l’Église catholique ? est de Routhier. Il éclaire la question de la valorisation des conférences épiscopales et celle de la conversion des structures centrales de l’Église. Le cadre de sa réflexion est également l’ecclésiologie de communion. Comme Famerée, Routhier récuse le terme de décentralisation du gouvernement de l’Église, car il suppose l’existence d’un centre autour duquel gravitent les autres Églises, centre qui concède certains de ses pouvoirs aux évêques locaux. En adoptant une autre perspective articulée autour de la communion entre les Églises, il explore la fécondité du principe de subsidiarité et aborde la question des compétences des conférences épiscopales à partir des ouvertures du Pape François. La portée ecclésiologique du concept de décentralisation ne lui paraît pas décisive. Routhier émet des réserves sur les aménagements postulés par le Pape François et opte en faveur d’une « conversion pastorale » des « structures centrales de l’Église universelle ». L’auteur nous entraîne au plus près d’une approche systémique de la gouvernance de l’Église, en illustrant ses affirmations d’une part, par le cas exemplatif de la réforme de la Curie, et, d’autre part, par celui de la Commission Justice et Paix. Cet article montre qu’au lieu de se contenter d’améliorer le gouvernement central de l’Église catholique, en y apportant quelques correctifs ou encore en ajoutant des organismes à ceux déjà en place, l’Église doit repenser son gouvernement. Routhier propose à cet effet de s’inspirer du fonctionnement en vigueur à la Banque mondiale ou d’instaurer une déconcentration qui repartirait les organes d’exercice de pouvoir sur l’ensemble de l’Église catholique. Il étaie ces deux propositions par des structures similaires observables dans l’Église catholique.

Le deuxième groupe d’articles de ce volume propose des lectures qui vérifient l’application de la décentralisation dans les organisations et les structures ecclésiales. Les trois articles de ce groupe illustrent en quoi la décentralisation est salutaire pour l’Église. L’article de Catherine Chevalier est intitulé La formation des agents pastoraux. Entre normes romaines, réflexion synodale et pratiques locales. Il répond essentiellement à la question « où et comment se pense la formation des agents pastoraux à l’ère de la décentralisation de l’Église ? ». S’appuyant sur des documents normatifs romains actuels, des normes et orientations en place et la réflexion en cours sur fond des données collectées en France, Belgique et Suisse francophone, l’auteure mobilise la Ratio fundamentalis et la Ratio nationalis de chaque pays à l’étude, comme sources pour la formation des prêtres. Elle retrace le parcours de la formation des diacres dans les trois pays à l’étude. L’auteure rend compte de la formation des « laïcs en mission ecclésiale ». Elle pose la question de l’interaction entre « centre romain » et « périphéries » diocésaines, en postulant des avancées théologiques et magistérielles sur les missions confiées aux laïcs.

P.-A. Giffard aborde la question de l’application du principe de décentralisation organisationnelle en paroisse. Son analyse met en évidence la décentralisation sur le plan organisationnel, administratif et bureaucratique. L’agencement de ces champs est éclairé par une approche de la notion de la décentralisation qui puise dans les travaux de divers auteurs. Cet article souligne la récurrence de la requête de la décentralisation dans l’Église catholique, en philosophie, dans l’Ancien Testament ainsi que dans la pratique de Jésus. L’évocation historique des divers recours à la décentralisation anticipe sur l’exemple d’Amplify Church, une Église évangélique de type paroissial engagée dans la décentralisation. L’expérience de cette Église de la nouvelle génération conduit l’auteur à des reconfigurations organisationnelles et structurelles qu’il applique aux paroisses. Il s’ensuit une marge de manoeuvre vis-à-vis d’un pouvoir central, une liberté constitutive de la créativité liturgique, la mise sur pied d’une équipe de direction, l’émergence de petits-groupes ecclésiaux, la formation, la supervision et la responsabilisation des laïcs. Dans ce contexte et comme le suggère le Pape François, la décentralisation devient salutaire en stimulant « plus de souplesse, d’adaptation à la culture des nouvelles générations, de créativité et de diversité dans les célébrations ».

L. Martinez-Saavedra cherche à comprendre la naissance d’une nouvelle conscience d’Église, l’identité et le visage propres de l’Église de l’Amérique latine à l’aune de la réception du concile Vatican II. Aux prises avec la quête d’intelligence de l’option pour les pauvres, du dynamisme des Communautés ecclésiales de base et de la théologie de la libération, l’auteur montre les pesanteurs de la politique romaine de recadrage et déploie les virtualités de la décentralisation salutaire. Il voit celle-ci à l’oeuvre au synode sur l’Amazonie. C’est à dessein qu’il intitule son article L’Église des pauvres en Amérique latine. Une décentralisation salutaire mise à l’épreuve. En effet, Martinez illustre justement l’émergence dans ce continent d’une conscience pastorale et missionnaire adossée sur la collégialité dans une perspective synodale. Prélude à une Église des pauvres par les pauvres, l’option pour les pauvres qui émaille les travaux de Medellín est omniprésente tant à Puebla qu’à Aparecida. Elle est au coeur de la théologie de la libération. L’auteur discute la résurgence du contrôle de Rome à la IVe Conférence générale de l’épiscopat latino-américain à Saint-Domingue avec l’intervention directe des membres de la Curie. Il relève aussi la réception partisane et sélective par Rome du document final d’Aparecida. Ces intrusions romaines qui vont de la nomination des évêques conservateurs réfractaires aux choix pastoraux de Medellín et Puebla, en passant par le recadrage pastoral axé sur la défense de la doctrine traditionnelle, sans oublier le discrédit jeté à la théologie de la libération, illustrent les limites du centralisme romain. Elles appellent à la consolidation de la tradition ecclésiale latino-américaine de la collégialité. L’auteur voit dans le pontificat de François une dynamique de coresponsabilité portée par une ecclésiologie synodale. Il balise le chemin d’une « décentralisation salutaire », gage d’une reviviscence de la collégialité souhaitée par Vatican II.

Les deux derniers articles de ce numéro de Théologiques déplacent le curseur en s’intéressant à l’inscription de la décentralisation respectivement dans la pratique pastorale et dans celle liturgique. F.-X. Amherdt explore les bases théologiques et les avenues d’une « décentralisation salutaire ». Dans sa contribution, F. Kabasele étudie les hymnes africains au Christ et à Dieu.

Articulé essentiellement autour du numéro 16 d’Evangelium gaudium, l’article intitulé Pour des initiatives continentales ou régionales s’intéresse à la concrétisation du voeu du Pape François. Pour Amherdt, les Facultés de théologie pourraient servir de « laboratoires culturels providentiels » à cet effet. C’est ce qu’illustrent avec clarté les quatre principes guidant l’évolution des études théologiques. Dans le contexte d’une prééminence de l’ecclésiologie de communion, l’auteur montre que la décentralisation s’accommode d’une salutaire inculturation. Il s’appuie sur la décentralisation de la prédication évangélique et illustre la fécondité des formes de piété populaire. En appliquant la décentralisation aux conférences épiscopales et aux synodes continentaux, Amherdt développe des aménagements possibles de la discipline sur l’accès au ministère de présidence eucharistique ainsi que l’élargissement des compétences théologiques et canoniques des synodes régionaux ou continentaux. Il plonge au coeur des questiones disputatae qui requièrent un traitement spécifique et différencié par continent. Il s’agit à ses yeux, d’une pratique effective de la synodalité ecclésiale prévue par certains documents du Magistère. L’auteur propose alors une réflexion sur les retombées oecuméniques de la décentralisation salutaire.

Kabasele Lumbala nous mène sur le terrain de la liturgie, par l’analyse contextuelle des hymnes africains au Christ et à Dieu. L’article L’univers des hymnes africains au Christ et à Dieu étudie les images qui émaillent les hymnes chantés dans les liturgies d’Afrique à partir de trois documents : le premier provenant du Burkina Faso et les deux autres de la RD Congo. L’auteur retient des Psaumes de la savane, l’usage des images du milieu vital africain. Du choix des termes, en passant par celui des images, l’auteur relève que les Psaumes de la savane ne furent pas utilisés dans la liturgie des heures au Burkina Faso. Ils le furent dans la région des Grands lacs. L’auteur nous amène à réfléchir sur les images qui louent Dieu et son Fils au Kàsaayi. Dans ce sens précis, son analyse rend compte des premières tentatives d’inculturation dans la prière et le chant, notamment à travers l’usage d’instruments africains. Cette approche pleinement analytique permet à l’auteur de regrouper les images et attributs de Dieu en catégories. Pour l’auteur, une Église décentralisée devra intégrer et accompagner les échos de la liturgie africaine.

Le lecteur l’aura constaté, le transfert du concept de décentralisation dans l’horizon structurant du discours théologique n’est pas simple. Bien qu’il n’épuise pas la thématique, ce numéro de Théologiques fournit un aperçu de la question susceptible d’engager un débat de fond sur la pertinence théologique de ce terme de décentralisation.