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À l’origine, la présente étude devait servir de préface à une édition critique regroupant les historiettes de Jacques Ferron qui n’avaient pas eu l’heur d’être publiées en volume. Il s’agissait d’un corpus restreint de cent huit historiettes parues dans L’Information médicale et paramédicale et Le Courrier médical entre 1960 et 1981. C’est au professeur et chercheur Robert Vigneault (1927-2014), de l’Université d’Ottawa, que fut confié l’honneur de préfacer ces inédits.

Les travaux remarquables de Robert Vigneault sur la théorie et la pratique de l’essai sont bien connus des chercheurs et des lecteurs qui s’intéressent à ce domaine. Dans L’écriture de l’essai[1], l’auteur propose une synthèse lumineuse du genre que vient illustrer une brillante analyse des oeuvres de deux essayistes québécois, Pierre Vadeboncoeur et André Belleau. Dans le Dialogue sur l’essai et la culture[2], la parole est donnée à deux voix contrastées qui débattent avec verve et sérieux de la nature de l’essai et de sa place en littérature. L’amélanchier de Ferron figure parmi les écrits cités. Robert Vigneault a aussi pratiqué l’oeuvre de Ferron, qu’il connaissait bien pour avoir donné des cours sur ses contes et romans. À son habitude, ce grand chercheur s’est acquitté de sa mission de manière approfondie et consciencieuse. S’il a pu mener à bonne fin cette préface avant son décès survenu le 1er janvier 2014, il n’a pourtant pu se réjouir de sa publication en volume.

Ce projet d’édition ayant été reporté sine die, l’épouse de l’auteur décédé, Alberte Vigneault, a souhaité que cette étude théorique novatrice puisse être utile aux lecteurs de Ferron. À sa demande, à titre de collègue de Robert Vigneault, j’ai effectué les légers remaniements nécessaires pour adapter la préface à son nouveau lieu de publication, notamment en ajustant les données référentielles des « Historiettes », en opérant quelques coupures destinées à réduire la longueur du texte et en précisant le contexte d’écriture. Il ne fait pas de doute que cette étude apporte un nouvel éclairage sur ce genre peu connu qu’est l’historiette, ainsi que sur l’esthétique de l’écrivain Jacques Ferron. Vigneault revisite les liens entretenus avec ses modèles et prédécesseurs, Tallemant des Réaux et Anthony Hamilton, ce qui lui permet de distinguer les véritables affinités de celles qui lui ont été faussement attribuées. Enfin, l’auteur de la préface s’emploie à mettre en lumière la forme littéraire des historiettes, l’hybridité formelle qui les caractérise, et surtout, l’esprit ironique qui en est la marque constitutive. Il s’agit d’une oeuvre posthume aux qualités savantes indéniables, qui bénéficiera à plus d’un lecteur.