Comptes rendus

Sous la direction de L. Martin Cloutier et Christian DeBresson (UQÀM), avec la collaboration de Erik Dietzenbacher (Université de Groningen) (2004), Changement climatique, flux technologiques, financiers et commerciaux – Nouvelles directions d’analyse d’entrée-sortie, Presses de l’Université du Québec, Montréal, 335 pages, 59 $.[Notice]

  • André Martens

…plus d’informations

  • André Martens
    Département de sciences économiques
    C.R.D.E.
    Université de Montréal

Cet ouvrage rassemble 15 communications faites à la 14e conférence des techniques d’analyse d’entrée-sortie (Input-Output) qui s’est tenue à Montréal en octobre 2002 avec en sus le texte d’une entrevue qu’accordèrent à Christian DeBresson, en 1977, le père de ce type d’analyse, Wassily Leontief (Saint-Pétersbourg 1906-New York 1999), Prix Nobel de sciences économiques, et son épouse, Estelle, écrivaine. Nous n’avons pu nous empêcher de commencer par la lecture de cet entretien qui constitue un chapitre largement inédit à la fois de l’histoire de la pensée économique et de l’histoire tout court. On y apprend qu’ayant quitté la Russie en 1925, Leontief, dans sa thèse de doctorat écrite à Berlin, posait déjà les jalons théoriques du système qui devait porter son nom. Léontief évoque qu’il était plus intéressé par la notion d’interdépendance que par celle d’équilibre et qu’il se souciait peu de savoir s’il était classique ou walrassien (« J’ai mon propre système »). Ce n’est toutefois que plus tard, à son arrivée aux États-Unis en 1931 après un séjour à Kiel, à l’Institut mondial d’économie, et à Nankin, comme conseiller du ministère chinois des Chemins de fer, qu’il construira ses premières matrices entrées-sorties à partir de données américaines. Il sera un des premiers scientifiques, sinon le premier, à utiliser le « gros » ordinateur de l’Université Harvard où il passa 44 ans de sa carrière. Leontief y rencontrera tous les économistes qui comptaient à l’époque, bien que plusieurs d’entre eux ne trouvèrent pas grâce à ses yeux : Keynes, « trop pragmatique… (ayant mis) au point sa théorie pour servir son projet politique », von Neumann, « Il avait publié un article dans lequel il proposait une méthode pour résoudre un système d’équations simultanées…c’était d’une confusion! », Schumpeter « anti-britannique, … en réalité pronazi… Il admirait le pouvoir. Typiquement autrichien d’admirer le pouvoir ». Par contre, il se sent plus d’affinité avec Ragnar Frish (« nos fonctions de production étaient très proches et complémentaires ») et nous apprenons, pour la petite histoire, que le couple Solow se lia d’amitié avec les Leontief. L’ouvrage est divisé en quatre parties avec comme dénominateur commun l’utilisation des techniques d’analyse entrée-sortie soit dans un format proche du modèle original de Leontief, où subsiste une dichotomie entre l’espace primal des quantités et l’espace dual des prix, soit sous la forme de modèles d’équilibre général calculable (MEGC) dans lesquels une telle dichotomie disparaît, les solutions des quantités et des prix étant obtenues simultanément. Les chapitres de la première partie portent sur les dimensions économiques des changements climatiques et de la protection de l’environnement en général, y compris, dans le cas du Japon, de l’étude de techniques alternatives de traitement des déchets. Les auteurs s’entendent pour dire que la résolution des problèmes environnementaux repose à la fois sur le fonctionnement des marchés et l’intervention de l’État. Sur une note plus originale, Faye Duchin, présidente de l’International Input-Output Association, suggère de caractériser dans les modèles les différents types de ménages et de styles de vie, l’hétérogénéité des ménages dans la population pouvant affecter significativement l’équilibre écologique, par le biais de la demande, et ce, comme le font les politiques axées sur l’offre et la production. Le titre de la deuxième partie est « Réponse au paradoxe de Solow, hausses de la productivité aux États-Unis, flux technologiques et financiers ». Bien que le paradoxe de Solow ne soit pas défini dans le texte avec précision, on devine qu’il s’agit de l’étonnement de Robert Solow lorsqu’il s’aperçut, suite à l’estimation de sa fonction agrégée de production, que la productivité totale des facteurs expliquait, autant sinon …