Comptes rendus

Recension du Manifeste pour une social-démocratie concurrentielle par Marcel Boyer ou comment faire aboyer les chats ?Marcel BOYER, Manifeste pour une social-démocratie concurrentielle, http://www2.cirano.qc.ca/​~boyerm/20090414_MBOYER_Manifeste_fr.pdf, 2009, 170 p.[Notice]

  • Gérard Bélanger et
  • Jean-Luc Migué

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  • Gérard Bélanger
    Département d’économique, Université Laval

  • Jean-Luc Migué
    Professeur émérite, E.N.A.P.

Marcel Boyer a récemment publié un long ouvrage intitulé Manifeste pour une social-démocratie concurrentielle (SDC). De l’avis même de l’auteur, ce projet de « révolution organisationnelle » dans la façon de produire, de distribuer et d’allouer les biens et services publics et sociaux est ambitieux : Les prétentions du manifeste nous justifient de tenter une évaluation de sa pertinence et de son réalisme. Une critique risque toujours de fausser la pensée de l’auteur, de construire un homme de paille pour le mieux démolir. Pour éviter ce piège, nous laisserons à l’auteur le soin de définir son modèle et d’en faire le résumé d’une application. Il s’avère utile, pour bien saisir le sens de la thèse, d’en exposer une application de l’auteur au domaine des corporations municipales. Dans le modèle SDC, les biens et services peuvent rester « publics » dans le sens où leur production et leur fourniture peuvent continuer parfois à être financées par l’État. Ce qui les distinguera, c’est qu’ils seront désormais produits et fournis par le secteur concurrentiel dans le cadre d’un partenariat ou d’un contrat avec le secteur gouvernemental. Le manifeste n’est pas un document libertarien. Il prône un rôle étendu à l’État, d’où le recours a l’expression de social-démocratie concurrentielle : Pour ce faire En résumé, Prétention ou objectivité? Nous aborderons la question en la situant dans la dynamique du processus politique, dont en particulier la possibilité de décentraliser la centralisation. Nous soulignerons en conclusion le caractère formaliste du modèle proposé. Le manifeste prescrit une façon de faire au secteur gouvernemental. Avant de l’évaluer, il est utile de noter la présence de deux approches distinctes dans l’analyse économique des activités du secteur public. Ces deux orientations reflètent des conceptions différentes de la relation entre la vie politique et l’économie. La première, qualifiée d’approche anglo-saxonne, conceptualise la politique comme indépendante de l’économie ou autonome. C’est une relation unidirectionnelle de l’impact du gouvernement sur l’économie, telle l’étude de l’incidence de l’augmentation d’une taxe. Dans cet univers, le despote bienveillant (le central) vient corriger les défaillances de la décentralisation ou des marchés. La deuxième approche brise cette relation à sens unique pour favoriser une relation réciproque entre le politique et l’économie. L’économie publique devient l’étude de la participation des citoyens, à l’intérieur des institutions politiques et fiscales, à la réalisation de résultats fiscaux. Parce que cette approche succède à des travaux pionniers d’économistes suédois, allemands et italiens, elle est qualifiée de continentale. Dans la seconde partie du vingtième siècle, cette approche a poursuivi son développement mais changé de nom pour devenir le public choice. Comme l’affirme James Buchanan, c’est ici la volonté de regarder la politique without romance. Il n’y a aucun doute que le manifeste s’inscrit dans la première approche : il conseille le gouvernement sur la meilleure façon de produire les services financés par le secteur public. Le manifeste ne veut pas expliquer les phénomènes; il prescrit ou moralise. De la fiction, non de la réalité. Le manifeste ignore la dynamique des processus politiques : l’objectif de réélection, l’importance du votant médian, les groupes d’intérêt inégaux, les problèmes d’information entre les électeurs, les élus et les bureaucrates… Il en résulte ce que l’économiste Karl Brunner affirmait avec raison que « l’essence de la politique est la redistribution et que les conflits politiques sont centrés sur des questions de redistribution ». En se situant hors du politique, le manifeste risque de prescrire à vide, en somme de n’être qu’un exercice formel. Le texte ne contient aucune analyse de la politique. L’auteur affirme que « La première condition (que les biens et services doivent satisfaire aux besoins …

Parties annexes