L’économique en perspective

Valeur et impact économique du gaz de schiste au Québec[Notice]

  • Jean-Thomas Bernard

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  • Jean-Thomas Bernard
    GREEN, Département d’économique, Université Laval

Dans la foulée d’un développement technologique réalisé dans le sud des États-Unis au cours de la dernière décennie, une nouvelle industrie se manifeste au Québec depuis un peu plus de quatre ans, soit l’extraction du gaz naturel à partir des schistes présents surtout dans le sous-sol de la vallée du Saint-Laurent. Quelle est la valeur de cette ressource dont le gouvernement québécois est propriétaire et quel sera l’impact économique de son exploitation? L’analyse de ces deux questions doit prendre en compte l’intégration du marché de gaz naturel entre le Canada et les États-Unis. Je présente les implications de cette intégration dans la section 1 et je traite du sujet de la valeur de cette ressource dans la section 2 et de celui de l’impact économique de l’exploitation, dans la section 3. Quelques commentaires sur les possibilités de développement de l’industrie au Québec apparaissent en conclusion. Les conditions de demande et d’offre déterminent la valeur d’une ressource. Depuis l’entente de libre-échange signée entre le Canada et les États-Unis en 1989, il existe un marché intégré du gaz naturel pour ces deux pays. Tous les utilisateurs ont accès à ce grand marché concurrentiel composé de plusieurs noeuds régionaux. Les prix à ces noeuds sont reliés entre eux et les différences régionales de prix proviennent des coûts de transport. Ainsi la différence de prix entre le noeud d’AECO en Alberta et la zone est de TransCanada Pipelines (TCPL) qui englobe la partie sud du Québec provient du coût de transport entre ces deux noeuds, tout comme celle entre l’Ontario et le Québec provient du coût additionnel de transport entre Dawn, un important site d’entreposage situé au sud de l’Ontario, et la frontière du Québec. Plusieurs implications découlent de l’intégration du marché entre le Canada et les États-Unis. D’abord, il n’y a pas un prix québécois du gaz naturel mais un prix du gaz naturel au Québec qui reflète les conditions nord-américaines de ce marché. La production du gaz naturel issue du Québec s’ajouterait donc à celle du reste de l’Amérique du Nord et elle contribuerait ainsi à la baisse du prix à ce niveau, que ce soit en Ontario, à New York ou en Californie. Si nous prenons en considération le coût de transport, les consommateurs québécois continueront de payer le prix du gaz naturel à Dawn en Ontario plus le coût de transport jusqu’à la frontière québécoise tant et aussi longtemps que la production demeurera inférieure à la consommation au Québec. Le jour où la production excèdera la consommation, c’est-à-dire, le jour où le Québec deviendra un exportateur net de gaz naturel, le gaz provenant du Québec recevra à Dawn le même prix que le gaz provenant de l’Alberta puisque ces deux gaz seront en concurrence. Le prix au Québec deviendra donc le prix à Dawn moins le coût de transport du Québec vers l’Ontario. À cause de l’intégration nord-américaine du marché, les politiques de sécurité énergétique sur une base provinciale ou régionale n’ont plus de sens. Il n’est plus possible de diminuer les risques de changements abrupts de prix par la diversification des approvisionnements puisque les chocs se répercutent au même moment sur l’ensemble du marché. C’est la nature même de l’intégration. Ainsi les Albertains subissent présentement les mêmes variations du prix du gaz naturel que les Ontariens et les Québécois même si les premiers en produisent et non les seconds. Les analystes de politiques énergétiques utilisent fréquemment le coefficient d’indépendance énergétique; ce dernier est le rapport entre la production d’énergie primaire d’une province ou d’un pays et sa consommation. Sur la base de cette définition, la production de gaz de …

Parties annexes