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L’étude empirique du vote stratégique[Notice]

  • André Blais et
  • Arianna Degan

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Les élections sont des institutions essentielles des démocraties. La participation des citoyens et les choix électoraux déterminent directement qui est élu aux fonctions publiques et influent indirectement sur les politiques publiques mises en place. La compréhension du comportement de l’électeur est donc au centre de l’analyse des systèmes politiques démocratiques. Il est par conséquent naturel que le comportement électoral soit un objet d’étude central tant pour les politologues que pour les économistes politiques. Parmi les nombreux sujets associés à l’analyse du comportement électoral, savoir si le vote est sincère ou stratégique est une question inévitable. L’étude du vote stratégique en science politique a commencé avec Duverger (1951), mais c’est l’oeuvre pionnière de Cox (1997), Making Votes Count, qui en a réellement établi les fondements. Duverger (1951) est connu pour sa fameuse loi selon laquelle le système pluralitaire uninominal (SPU) engendre un système bipartite. Duverger fait la distinction entre deux effets du SPU qui réduisent la compétition politique : les effets mécaniques et psychologiques. L’effet mécanique est la sous-représentation systématique des petits partis sous le SPU puisqu’il est extrêmement difficile pour ceux-ci de gagner une pluralité des voix dans une circonscription. Duverger est le premier à souligner que les systèmes SPU engendrent de surcroît un effet psychologique sur les électeurs. Les supporters des petits partis dont les chances de victoire sont minces ou inexistantes désertent leur parti et votent pour l’un des deux principaux prétendants. C’est du vote stratégique sous un SPU. Cox (1997) étend, approfondit et formalise l’analyse du vote stratégique. Il détermine les conditions sous lesquelles le vote stratégique devrait survenir. Les électeurs doivent vouloir maximiser leurs bénéfices à court terme et avoir de l’information sur la force relative des différents partis ou candidats. Il souligne que le vote stratégique peut se produire dans tout système électoral et insiste sur le fait que les électeurs devraient se soucier de « faire en sorte que leur vote compte » d’abord et avant tout au niveau du district, bien qu’il considère par la suite la possibilité que les électeurs se soucient de quels partis participent au gouvernement (pages 194-198). Cox n’offre pas de définition précise de ce qu’est le vote stratégique, et ce, même si la majeure partie du livre porte sur le sujet et que le vote stratégique constitue lui-même la plus longue entrée de l’index des matières. Ceci n’est pas spécifique à Cox. La plupart des auteurs ayant étudié le vote stratégique n’ont pas jugé nécessaire de définir ce phénomène. Implicitement, un vote est considéré comme stratégique lorsque l’électeur est soucieux de faire en sorte que son vote compte et donc c’est un vote qui est influencé par les attentes de l’électeur quant au résultat possible de l’élection. La littérature théorique en économique estime que le vote stratégique est une application du comportement stratégique dans un contexte électoral. Le modèle standard de choix électoral considéré est caractérisé par un ensemble fini d’électeurs qui doivent voter sur un ensemble fini d’options (candidats ou partis). La règle électorale détermine comment les votes sont traduits en résultats électoraux (le gagnant de l’élection) en fonction desquels les préférences des électeurs sont définies. Par une approche de théorie des jeux, un électeur stratégique est un électeur qui vote de façon instrumentale, c’est-à-dire avec l’intention de maximiser son utilité attendue du résultat de l’élection, compte tenu de ses attentes quant au vote des autres électeurs. Les choix électoraux d’un électeur stratégique sont guidés par les préférences et les attentes quant à l’issue probable d’une élection. C’est donc un électeur qui agit en fonction de calculs rationnels ou sophistiqués et qui perçoit son vote comme …

Parties annexes