Dossier - Perspectives littéraires sur le rap québécoisEntretiens

« [E]xprimer les 360 degrés » : entretien avec KNLO (Akena Okoko)[Notice]

Faire de l’art : il n’y a pas de début. Je suis né dans une famille où j’avais déjà trois grands frères, j’ai suivi, sans forcer, ce qu’il y avait chez moi. Je ne sais pas si c’est possible de déterminer le début. Ça a commencé par la danse, le dessin, même avant de savoir écrire. Mon foyer, d’emblée, était très trempé dans la musique. Il y avait du James Brown qui jouait chez nous. Tous mes grands frères écoutaient du rap. Ma mère lit un livre par jour depuis que je suis né. Alors, l’écriture et la littérature ont toujours été là. Le pourquoi… On pourrait dire que c’est parce que mon père nous a appris à travailler. Il a grandi sous la colonisation belge quand il était jeune. Mon grand-père était agriculteur. J’ai vu cet aspect-là du travail, où on ne compte pas les heures. À certains endroits comme Rapolitik, vers l’âge de 35 ou 36 ans, je commence à être en mode tonton qui donne des conseils. C’est pour rappeler aux jeunes rappeurs qu’il y a tout un mirage qui existe à propos de l’image du rappeur, de la mode, etc. Quand je donne des ateliers en classe, je fais souvent de la visualisation, je demande aux jeunes qui sont leurs rappeurs préférés. Prenons Travis Scott, on l’imagine qui se lève le matin, on se demande s’il s’habille avant ou après avoir regardé son téléphone, etc. On se pose des questions sur la réalité de ce qu’est vraiment le mode de vie du rappeur. La réalité, c’est qu’il faut s’asseoir et écrire. Mais c’est difficile d’imaginer des rappeurs bien sapés comme Migos ou Drake assis avec un crayon. Drake avait déjà mis ça en image sur un de ses albums. C’est quand même une position humble, qui demeure le travail principal d’un rappeur et qui n’est pas facile à imaginer. Il est important de ne pas oublier, de ne pas négliger toutes les étapes qui permettent d’aboutir à quelque chose. D’autres métiers, comme la construction, peuvent nous aider à comprendre le concept des étapes, des matériaux. La construction demeure du travail créatif, même s’il y a un peu de technique, c’est presque du même ordre que la musique. Je suis menuisier aussi, je ne peux pas l’esquiver; j’ai travaillé dans la construction, ça a été mon gagne-pain avant que la musique paie un petit peu plus. J’ai eu une trentaine d’emplois – d’ailleurs, je suis en train d’écrire là-dessus – dont au moins une dizaine d’emplois dans la construction, durant ma vingtaine. L’esprit, c’est d’être travaillant, quoi. [Rires.] Je suis très peu superstitieux, je suis anti-superstition. Au point où le fait de toujours procéder de façon différente devient presque un rituel pour moi. J’avais commencé ça quand je jouais au basketball au secondaire. Pour vous expliquer, parfois je mettais des bas longs, parfois des bas courts. Parfois, je portais un bandeau, parfois non. J’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas que le travail en dépende. Donc, pour le rap, c’est un peu la même chose, il y a autant de façons de commencer que de chansons. Encore là, c’est su qu’il y a des choses qui reviennent plus souvent que d’autres, donc l’improvisation est là, toujours, quand même, dans le processus. C’est-à-dire que les mots, les phrases me viennent d’habitude en freestylant sur un beat. Mais pas tout le temps : ça peut être une phrase entendue à la radio. Je peux voir quelque chose qui me fait penser à quelque chose d’autre. C’est pour cette raison que, quand je parle aux jeunes, je leur …

Parties annexes