Dossier - Vingt-cinq ans de bande dessinée québécoise au xxie siècle

Vingt-cinq ans de bande dessinée québécoise au xxie siècle[Notice]

  • Maël Rannou

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  • Maël Rannou
    Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines et Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines

La bande dessinée québécoise a connu plusieurs phases de (re)naissance : une première affirmation au début des années 1970 avec ce qui sera appelé le « printemps de la bande dessinée québécoise » (Carpentier, 1975; Lemay, 2016), le succès du magazine Croc (1979-1995), qui voit émerger des auteurs majeurs, comme Réal Godbout ou Jean-Paul Eid (Leduc et Viau, 2013), puis l’apparition dans les années 1980 d’une scène plus marginale, réellement influente représentée par Julie Doucet, Obom ou Henriette Valium (Rannou, 2022a). Les différents succès québécois restent cependant souvent des exceptions, à l’image de Guy Delisle qui, à partir du milieu des années 1990, obtient de grands succès avec Shenzhen et Pyongyang, mais vit en France et est alors publié par l’éditeur parisien l’Association. Le tournant des années 2000 permet l’émergence d’un écosystème de la bande dessinée québécoise plus solide, avec des éditeurs comme La Pastèque (Collectif, 2014) ou Mécanique générale ainsi que des festivals qui réussissent à s’ancrer dans le temps, mais la scène québécoise reste difficile de même que la professionnalisation tournée soit vers l’Europe, soit vers une édition reconnue mais relativement confidentielle. Ces vingt-quatre dernières années ont cependant vu cette structuration se maintenir et s’affirmer médiatiquement. Alors que depuis sa naissance la bande dessinée québécoise ne cessait de fêter régulièrement son émergence, elle semble désormais bien ancrée dans le paysage. S’il reste fragile, l’écosystème québécois est aujourd’hui pleinement reconnu, qu’il s’agisse de reconnaissances symboliques ou économiques. Ainsi, à partir de 2009 de nombreux auteurs québécois ont reçu des prix à Angoulême, dont le Grand Prix pour Julie Doucet en 2022. L’Association des critiques et des journalistes de bande dessinée (ACBD) a créé un prix uniquement pour le Québec. Des figures de la bande dessinée québécoises ont été largement redécouvertes et valorisées par Québec BD ou des historiens, qui ont consacré plusieurs ouvrages et thèses à ce sujet. Plusieurs maisons d’édition fondées au tournant ou après les années 2000 sont désormais bien installées. L’agent Jean d’Alex A., qui arrive en tête de chaque palmarès des ventes au Québec, est un succès incontournable. Il apparaît donc particulièrement intéressant, alors que l’histoire de la bande dessinée québécoise du xxe siècle est aujourd’hui étudiée, de se pencher sur la création la plus contemporaine et de fêter ainsi un quart de siècle de bande dessinée au xxie siècle. Dans la mesure où les études en bandes dessinées ne sont pas formellement constituées dans l’espace francophone, cela leur donne l’occasion d’être à la confluence d’approches multiples. Les ouvrages récents sur la bande dessinée québécoise empruntent ainsi aussi bien à l’histoire culturelle (Viau, 2021 et 2022) qu’à la linguistique (Giauffret, 2021) et à l’approche esthétique, médiatique, etc. Dans ce numéro, tout en restant fidèles au contenu littéraire de la revue @nalyses, nous avons voulu conserver cette approche plurielle, qui est une des richesses de l’étude de la bande dessinée. Les propositions d’articles ont été nombreuses, signe d’un enthousiasme réel, et représentaient bien cette diversité, répartie cependant en deux blocs : les études d’oeuvres ou d’auteurs et celles portant sur le travail de certains éditeurs, un volet qui était jusque-là assez rarement abordé dans la production contemporaine (Rannou, 2022b). François-Emmanuël Boucher étudie en détail Shenzhen, une oeuvre de Guy Delisle, qui est aussi la plus ancienne de notre corpus puisqu’elle est parue en 2000, en analysant le rapport entre représentation et géographie, alors que mon propre article s’intéresse aux oeuvres comparées de Julie Delporte et de Mirion Malle sous l’angle de la québécité plus ou moins affirmée de ces oeuvres d’émigrées françaises au Québec. De son côté, Rachel DeRoy-Ringuette effectue un …

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