Notes de lecture

CHAOUCHE, Sabine (dir.), Le « Théâtral » de la France d’Ancien Régime : de la représentation de soi à la représentation scénique, Paris, Honoré Champion, 2010, 540 p.[Notice]

  • Geneviève Chevallier

…plus d’informations

  • Geneviève Chevallier
    Université de Nice - Sophia Antipolis

Ce bel ouvrage articulé en cinq chapitres réunit les communications présentées au colloque « Avatars du théâtral en France sous l’Ancien Régime » qui s’est tenu à la Maison française d’Oxford en juin 2008. La problématique posée est celle de la place de la théâtralité dans une société qui semble la développer dans toutes sortes de lieux. Ainsi Sabine Chaouche définit cette période de l’Ancien Régime qui combine présentation de soi et représentation comme étant à la fois Mundum Theatri et Theatrum Mundi. Ce sont les questions portant sur l’auto-représentation, l’utilisation du théâtral par le politique, la théâtralisation de la pensée et la reprise du schéma théâtral par différentes sphères professionnelles que les quatre premiers chapitres illustrent avec beaucoup de variété. Le dernier chapitre aborde les questions de définitions du théâtral qui découlent en quelque sorte de la diversité des présentations précédentes. Le premier chapitre envisage donc le théâtral tel qu’il est mis en oeuvre par l’individu. C’est ainsi le fait du galant (l’article de Sophie Tonolo), dont l’exacerbation des sentiments s’exprime dans les lettres où il joue à être un autre. C’est aussi le jeu de déguisement qui se tient dans les salons : Ionna Galleron décrit le salon de la duchesse de Maine, où tout a lieu autour du personnage central de la duchesse, théâtral sans intrigue où il s’agit simplement de copier la hiérarchie de la monarchie. Masano Yamashita montre à son tour comment la parole est mise en scène et la personne théâtralisée dans les Confessions de Rousseau, et conclut à l’artifice comme servant la vérité du sujet. Mickaël Bouffard-Veilleux étudie les positions du corps dans le ballet, insiste sur le rôle important que jouent les maîtres à danser pour une élite sociale qui tient les apparences pour un miroir des qualités de l’âme. Si Sabine Chaouche se rapproche du théâtre à proprement parler, c’est pour y étudier la place occupée par le spectateur. Elle montre que même là le théâtral est secondairement sur scène, et plutôt le fait des spectateurs qui ont trouvé dans le théâtre un lieu pour se montrer. Il est intéressant de voir comment acteurs et spectateurs en viennent à se disputer l’attention du public. Ce dernier chapitre se clôt sur un article d’Anastasia Sakhnovskaia-Pankeeva revisitant l’Hôtel de Bourgogne d’après les comptes rendus d’Evariste Gherardi, Arlequin de la troupe italienne du roi qui s’y donne en spectacle. C’est une excellente illustration de l’article précédent, qui décrit ce double lieu théâtral où les spectateurs montent sur scène et improvisent tandis que les acteurs en scène produisent un reflet de la salle. Le chapitre suivant, dans la continuité, a trait à l’utilisation du théâtral dans le politique. La naissance du Dauphin, dans l’article de Valérie Worth- Stylianou, est décrite avec un vrai talent de dramaturge par la sage-femme de Marie de Médicis qui dispose les personnages avec soin et plante le décor de la scène dont elle est aussi actrice – théâtralisation qui a pour fonction d’asseoir la légitimité de cette naissance. C’est avec une fonction semblable d’assise du pouvoir qu’est présenté le roi dans ses deux corps dans l’article de Klaas Tindemans. Reprenant la distinction faite par Kantorowicz, l’auteur montre comment le prince doit se faire personnage pour contrer l’instabilité sociale. Cette thèse est ensuite illustrée dans l’article de Marie-Claude Canova-Green avec l’exemple des cérémonies d’entrée en ville sous Louis XIII. C’est le corps royal qui est mis en scène, celui de sa dignité, qui trouve son écho dans le corps constitué des magistrats de la cité. Et dans ses effigies, le roi va à la rencontre de son corps imaginaire. Marine …